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Analyse des besoins de formation
en technologies éducatives
chez les enseignants du secondaire au Maroc

Abdelaaziz Courr, Ahmed Belmoudene
 

Résumé
L'installation de tout plan de formation des enseignants en TIC nécessite l'identification des besoins de formation. Par une enquête, via un questionnaire auprès de 240 enseignants du secondaire, nous avons pu dégager leurs perceptions et leurs niveaux de maîtrise de quatorze outils technologiques susceptibles d'être utilisés en éducation. Cela nous a permis de classer ces outils par ordre de priorité comme des besoins de formation. Ainsi, les résultats montrent que les logiciels éducatifs spécialisés constituent le premier besoin avec un IPB qui dépasse 6 points.

Mots clés : Formation des enseignants, analyse des besoins, TIC, compétences techno-pédagogiques, enseignement secondaire.

Introduction

   L'utilisation des TIC (Technologies de l'Information et de la Communication) est devenue une pratique sociale qui évolue à très grande vitesse, en intégrant tous les secteurs d'activités, spécialement celui de l'éducation.

   L'augmentation considérable d'informations et le développement de connaissances font que l'intégration des TIC dans l'enseignement et l'apprentissage est devenue aujourd'hui un enjeu incontournable dans le monde éducatif de toute société. Plusieurs études et recherches ont été menées à propos de l'intégration des TIC dans l'éducation, et les résultats de ces travaux ne sont pas toujours congruents (AFD, 2010 ; Alj et Benjelloun, 2016). L'une des raisons majeures de ces divergences semble être les caractéristiques intrinsèques au système éducatif lui-même, ainsi que les spécificités du système d'enseignement (Rasmy et Fiévez, 2015).

   Convaincu du rôle primordial que peut jouer l'intégration des TIC dans son système éducatif, en matière d'amélioration de la qualité de l'enseignement et de l'apprentissage, le Maroc a adopté une stratégie, depuis 2005, pour généraliser les TIC et les intégrer dans le système éducatif. Cette stratégie vise, spécialement, l'équipement de tous les établissements scolaires en matériel informatique, la formation des enseignants, directeurs, cadres administratifs et corps d'encadrement pédagogiques, l'acquisition et la production de ressources éducatives numériques de qualité et adaptées au contexte éducatif marocain (DPG, 2009).

   Beaucoup d'efforts ont été déployés par les responsables du secteur éducatif marocain pour donner aux enseignants la possibilité d'acquérir de nouvelles connaissances et compétences en matière des TIC et les motiver à les intégrer dans leurs pratiques pédagogiques. Dans ce sens, les autorités pédagogiques marocaines ont accordé une attention particulière aux programmes de formation des enseignants. Le présent article porte sur l'impact de la formation continue des enseignants du cycle secondaire sur l'intégration des TIC dans les pratiques enseignantes. Il vise à explorer la perception des enseignants quant à la maîtrise de ces outils et le besoin de formation qui peut les démotiver à améliorer l'intégration des TIC dans leurs pratiques professionnelles.

   Pour développer ce sujet, nous allons, tout d'abord, présenter le contexte de cette étude en mettant l'accent sur le concept de TIC en éducation, son évolution historique et ses enjeux pédagogiques, puis nous parlerons de la situation marocaine, en exposant les principaux programmes d'intégration des TIC en éducation à l'échelle nationale. Ensuite, et après présentation de notre problématique, nos objectifs et notre méthodologie de recherche, nous exposerons nos résultats, en présentant les perceptions des enseignants quant à la pertinence de l'utilisation des TIC et quant à leur maîtrise actuelle de ces outils. Nous conclurons avec l'identification des besoins en formation qui ralentissent l'intégration des TIC dans le système éducatif marocain.

Cadrage théorique et contexte de l'étude

   Le terme TIC est utilisé, comme abréviation de Technologies de l'information et de la communication ; il correspond à l'ensemble des outils et des ressources technologiques permettant de transmettre, enregistrer, créer, partager ou échanger des informations (UNESCO, 2010). Ce sont des outils à usage très fréquent. Ils renvoient à un phénomène à la fois économique et social qui caractérise la société contemporaine (OCDE, 2003).

   La notion de TIC a beaucoup évolué durant les trente dernières années. Ainsi, pour Pichault et Biérin (1991), les TIC constituent un dispositif de communication issu du développement de la micro-informatique, lequel a permis la combinaison des données alphanumériques, du son, du texte et des images fixes ou animées.

   Basque (2005) donne aux TIC une définition plus large, et propose que ces outils renvoient à un ensemble de technologies fondées sur l'informatique, la microélectronique, les télécommunications, le multimédia et l'audiovisuel. La combinaison et l'interconnexion de ces outils permettent de rechercher, de stocker, de traiter et de transmettre des informations sous forme de données de divers types (texte, son, images fixes, images vidéos, etc.) et permettent l'interactivité entre des personnes, et entre des personnes et des machines.

   Ces définitions montrent que nous sommes devant une notion qui évolue dans le temps, suite à l'évolution de ses usages. Ainsi, les TIC sont devenues depuis quelques années, non seulement un phénomène social, mais aussi un enjeu de développement. Elles sont présentes aujourd'hui dans le quotidien de chaque être humain. Et, parallèlement, aucun secteur d'activité n'échappe à leur emprise. Il en va ainsi de l'industrie, comme de l'éducation, secteurs clés du développement durable.

   Dans le champ de l'éducation, on évoque plutôt les TICE (ou Technologies de l'Information et de la Communication pour l'Éducation). Ainsi, Tardif (1998) les considère comme des moyens au service de l'apprentissage. Pour cet auteur, les TIC désignent l'ensemble des produits et des outils pédagogiques numériques, y compris les médias, utilisés dans l'enseignement dans le but de transmettre des connaissances aux apprenants par une aide à la compréhension et à l'assimilation.

   À l'instar de Karsenti (2019), nous croyons que l'intégration pédagogique des TIC est considérée comme l'usage des TIC par l'enseignant ou les apprenants dans le but de développer des compétences ou de favoriser des apprentissages. Cette intégration des TIC doit être prise en main par les enseignants, principaux acteurs de l'éducation, afin d'éviter notamment que d'autres ne s'en occupent, avec des motivations sans doute bien différentes (Karsenti, 2019).

   D'ailleurs, les TIC ne se présentent pas simplement comme un levier de modernisation des systèmes éducatifs ; elles s'inscrivent également dans un véritable changement du paradigme d'apprentissage. En effet, aujourd'hui, elles sont porteuses d'une dynamique de mobilisation des savoirs, des savoir-faire et des savoir-être, pouvant permettre aux apprenants de s'adapter à leur environnement et de dépasser des crises pouvant entraver le processus d'apprentissage classique, comme c'est le cas du Covid-19.

   Dans le contexte marocain, la stratégie de promotion de l'intégration des TIC dans l'enseignement est soulignée dans le levier 10 de la charte nationale de l'éducation et de la formation, qui insiste sur l'importance de l'utilisation des Nouvelles Technologies de l'Information et de la Communication (NTIC), comme elle recommande d'intégrer ces technologies dans la réalité de l'école. De ce fait, en mars 2005, le programme GENIE (Généralisation des technologies de l'information et de la communication dans l'enseignement) a été adopté par le gouvernement (http://www.taalimtice.ma).

   L'intégration des TIC dans le système éducatif marocain a aussi figuré parmi les mesures et les projets prioritaires de la mise en œuvre de la réforme éducative de la vision stratégique 2015/2030, suite aux recommandations faites par le Conseil Supérieur de l'Éducation, de la Formation et de la Recherche Scientifique (CSEFRS), qui visent le renforcement de l'intégration des technologies éducatives (CSEFRS, 2015).

   Dans le domaine de la formation continue, et à l'instar de plusieurs pays qui investissent dans les TIC, souhaitant des apports positifs dans l'éducation, le Maroc a lancé plusieurs programmes à fin de former et d'encourager les enseignants à l'usage des TIC et surtout pour des fins pédagogiques. GENIE est considéré comme le programme le plus important dans ce domaine. Ce programme a considéré la formation continue en TIC comme un de ses piliers, il a proposé de retenir un modèle de formation en cascade, afin d'atteindre les objectifs fixés pour cette formation. Selon les dernières statistiques de la Direction centrale du Programme GENIE (DPG), la période entre 2006 et 2016 est marquée par plusieurs réalisations concernant la formation en TIC. On peut citer la formation de 100% du corps pédagogique sur plusieurs modules spécifiques, la création de 148 centres de formation et la mise en place d'un MOOC « Genie TICE » et de plusieurs plates-formes de formation à distance (DPG, 2009).

   Malgré tous ces programmes, le Maroc n'a pas encore bien profité du potentiel éducatif des TIC. Ceci est mis en évidence par plusieurs études, comme celle réalisée par Omar Alj et Nadia Benjelloun en 2016. Cette étude comparative des résultats de recherches, qui s'intéressent à l'intégration des TIC dans l'enseignement des disciplines scientifiques au sein du programme GENIE, a dévoilé que l'usage des TIC dans le système éducatif marocain reste encore très limité dans la pratique de la plupart des enseignants dans les différentes disciplines scientifiques, surtout lorsqu'il s'agit de l'intégration pédagogique des TIC en classe (Alj et Benjelloun, 2016). De même, la recherche de Rasmy et Fiévez en 2015, sur les usages et les obstacles liés à l'intégration des technologies par les enseignants du secondaire au Maroc, indique une faible intégration des technologies dans les milieux scolaires interrogés. En effet, les résultats de cette étude montrent que ces outils sont moyennement maîtrisés et que la réflexivité de l'enseignant vis-à-vis des technologies est peu présente (Rasmy et Fiévez, 2015).

   Ces études, comme d'autres, montrent que l'intégration des TIC dans l'enseignement et l'apprentissage dans les écoles marocaines est encore à son ébauche et que cette intégration rencontre plusieurs défis.

Problématique

   De nos jours, l'intégration des technologies dans l'éducation est une question incontournable. Leur rôle pour assurer la continuité pédagogique, durant la crise de la pandémie Covid-19, est un bon exemple pour comprendre leur utilité dans l'enseignement et l'apprentissage, constituant ainsi un véritable atout pour résoudre des problèmes dans un pareil contexte de crise (Luiz, 2020).

   Face à une telle situation, on est plus que jamais devant l'obligation de s'interroger sur les perceptions que les enseignants ont de ces technologies ; et jusqu'à quel point ils maîtrisent leur utilisation dans l'éducation ? Cela va nous permettre d'identifier les nouveaux besoins de formation continue pour aider les enseignants à intégrer davantage les TIC dans leurs pratiques pédagogiques.

   Pour répondre à nos questions nous avons réalisé une étude sur le terrain. À cet effet, nous avons administré un questionnaire constitué de deux volets ; le premier volet concernait les perceptions des enseignants relatives à la pertinence de l'utilisation des TIC dans leurs pratiques pédagogiques. Le deuxième volet était consacré à l'évaluation du degré de maîtrise actuelle des TIC dans l'exercice de leur fonction. Les données collectées ont été traitées en quatre étapes.

   La première étape a porté sur la perception des enseignants quant à la pertinence de l'utilisation des TIC et à leur degré d'importance. La deuxième étape a permis de mesurer le degré de maîtrise actuel des TIC par les enseignants. Lors de la troisième étape nous avons confronté le degré de maîtrise et le degré d'importance ce qui nous a permis de dégager les besoins en compétences des enseignants dans le domaine des TIC. La quatrième étape a été consacrée à la mise en priorité de ces besoins et à leur transformation en besoins de formation comme l'indique les résultats ci-dessous.

Méthodologie

1. L'échantillon de notre étude

   Cette étude a été menée au niveau des lycées et des collèges de la délégation d'Ifran, Académies régionales de l'éducation et de la formation de Fès-Meknès, durant le mois de Mars 2020. La population ciblée était formée de 753 enseignants. Ainsi nous avons collecté 207 questionnaires sur 240 distribués. Avec un taux de réponse de 86 %. Cet échantillon constitue à peu près 30 % de notre population ciblée, ce qui constitue un pourcentage qu'on peut accepter comme représentatif (marge d'erreur de 6 % avec niveau de confiance de 95 %) (Desabie, 1963) (https://fr.surveymonkey.com).

   En vue de réduire l'erreur de l'échantillonnage, nous avons eu recours à la méthode de la stratification. De ce fait notre échantillon est stratifié par genre (34,8 % de femmes et 65,2 % d'hommes), par cycle d'enseignement (47,3 % d'enseignants en lycée et 52,7 % d'enseignants en collège) et par type d'enseignement (90,8 % public et 9,2 % privé). Concernant la matière enseignée on a respecté les pourcentages des enseignants de chaque matière, en se référant aux statistiques du ministère de l'Éducation nationale. Quant à l'âge des répondants, notre échantillon est étalé sur tous les âges des enseignants de 26 ans jusqu'à 62ans. Aussi pour l'expérience professionnelle, qui varie entre une année et 42 ans.

2. Outil de collecte des données

   L'examen de quelques recherches semblables à la nôtre nous a permis de choisir le questionnaire anonyme comme outil de collecte des données, et aussi nous a donné une idée sur les axes et les items de ce questionnaire. En fait, nous avons adopté un type de questionnaire qui présente plusieurs avantages, comme la facilitation du dépouillement statistique, de la compréhension et des réponses sur les items, ainsi que l'économie du temps et surtout de bien situer les propositions de la situation actuelle (S.A) et de la situation désirée (S.D).

3. Validation du questionnaire et analyse des données

   Pour confirmer la fiabilité de notre questionnaire nous avons eu recours à une étape de validation auprès de soixante enseignants de différentes disciplines. Ainsi l'analyse de la cohérence interne avec l'alpha de Cronbach a-t-elle donné un coefficient de 0,817 pour la dimension « Attitudes envers l'usage et l'utilité des TIC » et de 0,919 pour celle du « Niveau de maîtrise des outils TIC ». Ces coefficients sont tous au-delà du seuil acceptable de 0,70.

   Le traitement statistique des données issues des questionnaires a été fait à l'aide des logiciels SPSS 21 et Microsoft Office Excel 2010. Les différentes variables sont représentées sous forme de statistiques descriptives de fréquences. En ce qui concerne la méthodologie de l'analyse des besoins, nous avons fait appel à deux approches :

  • l'approche graphique normative : suivant cette approche le plan cartésien est divisé en quatre zones (ou catégories de besoins) par deux axes critiques .Un axe vertical passant par la moyenne globale de la situation désirée (ou moyenne globale d'importance : MGI) et un axe horizontal qui passe par la moyenne globale de la situation actuelle (ou moyenne globale de réalisation : MGR) (Lapointe J.J. 1992). Ainsi a-t-on représenté sur ce plan chaque outil techno-éducatif étudié par un point, identifié par deux coordonnées (SD ; SA).

  • L'indice de priorité des besoins (IPB) : cet indice est égal au produit de la valeur de l'écart absolu par la valeur de la situation désirée : IPB = SD × (SD – SA).

   C'est un indicateur bidimensionnel prenant en compte le degré d'importance de la situation désirée (SD) et de l'écart absolu (SD – SA).

Présentation et analyse des principaux résultats

1. Attitudes envers l'usage et l'utilité des TIC

   Afin d'identifier les attitudes des enseignants envers quatorze outils technologiques susceptibles d'être utilisés en éducation, on a eu recours à une échelle de Likert à cinq choix ou réponses, allant de « Pas du tout important » à « Extrêmement important ». Ainsi l'organisation des quatorze items dans cinq catégories formant des indicateurs de l'utilisation éducative des TIC nous a-t-elle facilité la lecture et l'interprétation des résultats. Ces catégories sont : la suite bureautique, les logiciels éducatifs spécialisés, le web, la communication techno-pédagogique et les appareils techno-éducatifs.

   Les résultats illustrés par le graphique1 montrent que les enseignants questionnés considèrent l'usage pédagogique de la plupart des outils technologiques étudiés entre « important » et « très important ». Ainsi la suite bureautique et les logiciels éducatifs sont-ils classés comme outils pédagogiques « très importants », alors que le potentiel éducatif de la communication techno-pédagogique est estimé presque comme « important ». En revanche, les catégories du web et des appareils techno-éducatifs ont une faible importance chez les enseignants questionnés.

2. Niveau de maîtrise des outils TIC

   Cette partie vise l'évaluation du niveau de maîtrise des enseignants des mêmes cinq catégories des outils TIC citées au-dessus. Ainsi, à l'aide des mêmes indicateurs utilisés auparavant nous avons pu auto-évaluer le niveau des enseignants vis-à-vis des outils technologiques étudiés.

   Les résultats obtenus sont représentés sur le graphique 2. D'après ces résultats on remarque que, sauf la communication techno-pédagogique et la suite bureautique, le niveau de maîtrise des enseignants questionnés vis-à-vis de tous les outils technologiques étudiés est au voisinage d'une « Faible maîtrise ».

3. Analyse des besoins

Ce paragraphe expose les résultats relatifs à l'identification et l'analyse des besoins en compétences des enseignants questionnés dans le domaine des TIC. Et ce, en utilisant l'indice de priorité des besoins (IPB) et l'approche graphique normative. 

3.1. L'indice de priorité des besoins

   Le tableau 1 donne les valeurs de l'IPB, les écarts absolus, les moyennes des situations désirées (SD) qui reflètent les perceptions des enseignants et les moyennes des situations actuelles (SA) représentant le niveau de maîtrise de ces enseignants, pour chaque outil techno-éducatif étudié.

   La lecture des résultats représentés sur ce tableau nous permet de donner une classification de ces outils technologiques selon leurs indices de priorité des besoins.

  • Classe1 : Les outils qui ont un fort IPB (Les vidéos éducatives, les simulations et animations et les images numériques).
  • Classe2 : Outils avec un IPB moyen (Word, Excel et Powerpoint).
  • Classe3 : Les outils à faible IPB Tableau Blanc Interactif (TBI), smart phones, navigation internet, E-portfolios, Environnements Numériques d'apprentissage (ENA) et Ipad).
  • Classe4 : Les outils qui ont un IPB négatif (le courriel électronique et les réseaux sociaux).

 

Catégories

Outils techno-éducatif

Moyennes

Ecart absolu

IPB

 

SD

SA

   

Suite bureautique

Word

4,00

3,25

0,75

3,00

Excel

3,80

2,80

1,00

3,80

PowerPoint

4,00

3,10

0,90

3,60

Logiciels éducatifs spécialisés

Vidéos éducatives

4,20

2,50

1,70

7,14

Images numériques

4,10

2,40

1,70

6,97

Simulations -animations

4,00

2,30

1,70

6,80

Web

Navigation internet

2,30

1,94

0,36

0,83

ENA

2,40

2,30

0,10

0,24

E portfolio

2,00

1,73

0,27

0,54

Communication techno-pédagogique

courriel électronique

2.61

3,52

-0,91

-2,38

Réseaux sociaux

3,18

3,75

-0,57

-1,81

Appareils techno-éducatifs

TBI

3,50

3,02

0,48

1,68

Smart phones

2,00

1,52

0,48

0,96

I pad

2,14

1,80

0,34

0,73

Tableau 1 : Calcul des écarts absolus et des IPB
à partir des situations actuelles (SA) et des situations désirées (SD).

   D'après ces résultats on note que les outils ayant les IPB les plus élevés appartiennent à la catégorie des logiciels éducatifs spécialisés. Ceci s'explique par la grande importance que les enseignants accordent à ces TIC, et on peut justifier cette explication par la moyenne de la situation désirée (SD) qui est élevée pour ces outils.

   Pour les classes 2 et 3 qui ont des IPB respectivement moyen et faible, on peut justifier ces résultats par les valeurs des écarts absolus de ces outils. Ainsi remarque-t-on que les intervalles entre les moyennes des situations désirées (SD) et des situations actuelles (SA) sont moyens ou petits. Ce qui signifie que les perceptions des enseignants et leur niveau de ces outils techno-éducatifs sont assez proches pour Excel, Word et Powerpoint, et très proches pour le TBI, les smartphones, la navigation internet, les Ipad, les E portfolios et les ENA.

   Cependant, pour la quatrième classe, on remarque que ces outils ont des IPB négatifs, du fait que les moyennes des situations actuelles sont supérieures à celles des situations désirées. En d'autre termes, le niveau des enseignants pour les outils de cette classe est élevé et supérieur par rapport à leurs perceptions de l'utilité éducative de ces outils.

3.2. Résultats de l'approche normative (graphique)

   Le graphique 3 représente les résultats de cette approche, selon lesquels on peut classer les outils techno-éducatifs étudiés en quatre groupes ou catégories de besoins et ce, en comparant leurs moyennes SD à la Moyenne Globale d'Importance (MGI), et leurs moyennes SA à la Moyenne Globale de Réalisation (MGR).

Groupe1 : Les vidéos éducatives, les images numériques et les simulations et les animations.
Groupe 2 :
Excel, Powerpoint, Word et le TBI.
Groupe 3 :
Les E portfolios, les ENA, la navigation internet, les smartphones et les Ipad.
Groupe 4 :
Le courriel électronique, les réseaux sociaux.

   Ces quatre groupes renvoient aux quatre catégories de besoins identifiées par Hershkowitz (Lapointe, 1992) dans son approche normative selon laquelle le premier groupe (la zone 4 du graphique) correspond à la catégorie des besoins qualifiés comme critiques ou prioritaires sur le plan de l'installation de chaque programme de formation. Pour le deuxième groupe (la zone 3 du graphique) c'est la catégorie des besoins à priorité secondaire pour des programmes de formation. Alors que le troisième groupe (la zone 2 du graphique) représente la catégorie de faible priorité (ou absence de besoins). Cependant le quatrième groupe (la zone1 du graphique) se rapporte à la catégorie des besoins négatifs (compétences secondaires maîtrisées avec succès).

Discussion

   Cette étude nous a permis de constater que les enseignants ont généralement des perceptions positives de l'utilisation éducative des TIC. En revanche, on a remarqué que leur niveau de maîtrise de ces outils reste encore faible et n'atteint pas le niveau requis.

   En fait, ces constatations corroborent celles enregistrées par des recherches antérieures, comme celle menée par Alej en 2013, auprès de 125 enseignants de sciences physiques dans trois académies marocaines (Fès-Boulmane, Rabat-Salé et Tétouan-Tanger), dont les résultats obtenus montrent que 94,4 % des enseignants interrogés expriment un grand intérêt pour l'utilisation des TIC dans leurs pratiques pédagogiques. Alors que seulement 8 % d'entre eux intègrent les TIC de façon régulière en classe. L'étude faite par Nafidy en 2018, menée auprès de 181 enseignants des sciences de la vie et de la terre répartis sur un nombre important des établissements scolaires au Maroc, a montré que l'utilisation des TIC dans l'enseignement des SVT, en classe et hors classe, est limitée, bien que la majorité des enseignants interrogés sont très convaincus de la richesse des opportunités pédagogiques offertes par l'intégration des TIC dans les pratiques pédagogiques.

   Cependant notre recherche, s'appuie sur la triangulation de deux méthodes d'analyse des besoins, afin d'exploiter les résultats obtenus pour identifier les besoins en compétences techno-pédagogiques indispensables pour toute formation des enseignants dans ce domaine.

   Plus précisément, nos résultats montrent que les logiciels éducatifs spécialisés (les simulations, les animations, les vidéos et les images éducatives), sont considérés comme outils techno-pédagogiques « très importants », bien que les enseignants questionnés déclarent qu'ils ont une maîtrise sous la moyenne pour ces technologies. Ce qui leur a donné un très fort IPB, qui dépasse 6 points. Aussi ces outils sont placés dans la catégorie des besoins qualifiés comme critiques ou prioritaires, donc des besoins de premier ordre.

   Pour la suite bureautique (Word, Excel et PowerPoint), nos résultats montrent que les enseignants questionnés maîtrisent ces outils et les considèrent comme outils pédagogiques « très importants ». Ceci, leur a donné un IPB au voisinage de 3 points, et les a classés au niveau de la catégorie des besoins à priorité secondaire. À ces outils on peut ajouter le TBI, qui a un IPB au voisinage de 2 points et qui est aussi placé dans la catégorie des besoins à priorité secondaire.

   Concernant les deux catégories du Web et des appareils techno-éducatifs, on remarque que les enseignants questionnés accordent à l'usage pédagogique de ces outils une position qui n'atteignent pas le degré « important », aussi ils estiment qu'ils ont une « faible maîtrise » pour ces outils. Ainsi l'IPB de ces TIC est-il faible ; entre 0,24 et 0,96 points, et la méthode graphique les place dans la catégorie des besoins à faible priorité.

   Finalement, pour la catégorie de la communication techno-pédagogique, on remarque que les enseignants questionnés déclarent une « bonne maîtrise » pour ces TIC. En revanche, leurs perceptions de l'utilisation pédagogique de ces outils n'atteignent pas le degré « important ». Il en résulte un IPB négatif, aussi la méthode graphique place-t-elle ces TIC dans la zone des besoins de formation négatifs. Ce sont les seuls outils parmi ceux qu'on a étudié qui sont placés à gauche (ou au-dessus) de l'axe Z (Voir graphique 3). Cet axe qui sépare la zone gauche du graphique où les besoins sont négatifs, c'est-à-dire qui ont un SA supérieur à SD, et la zone droite où les besoins sont positifs, c'est-à-dire qui ont un SD supérieur à SA (Lapointe, 1992). En d'autres termes, cela signifie que les enseignants questionnés ne sont pas motivés par une formation concernant l'utilisation pédagogique du courriel électronique et des réseaux sociaux puisqu'ils déclarent qu'ils les maîtrisent bien et qu'ils n'ont pas d'importance comme outils pédagogiques.

   L'exploitation des résultats précédents nous permet de distribuer les outils techno-éducatifs étudiés en ordre de priorité comme des besoins de formation. Le tableau suivant, présente cette classification :

Rang

outils

Zone (approche normative)

L'IPB

1

Vidéos éducatives

Z4

7,14

2

Images numériques

Z4

6,97

3

Simulations -animations

Z4

6,80

4

Excel

Z3

3,80

5

PowerPoint

Z3

3,60

6

Word

Z3

3,00

7

TBI

Z3

1,68

8

Smartphones

Z2

0,96

9

Navigation internet

Z2

0,83

10

Ipad

Z2

0,73

11

E portfolio

Z2

0,54

12

ENA

Z2

0,24

13

Réseaux sociaux

Z1

-1,81

14

Courriel électronique

B>Z1

-2,38

Conclusion

   À la lumière des résultats obtenus, on peut dire que, malgré les programmes de formation continue, les compétences des enseignants marocains en technologies éducatives restent au-dessous du niveau requis. En fait, selon ces résultats, nous pouvons conclure que la formation continue peut être parmi les facteurs qui ont amélioré les attitudes des enseignants envers les technologies éducatives. Mais, ce n'est pas le cas pour leurs compétences techno-pédagogiques qui nécessitent plus de travail.

   Aussi ces résultats nous permettent-ils de classer les besoins de formation techno-pédagogique, chez les enseignants du secondaire, en quatre catégories. La première concerne les besoins critiques de premier ordre et qui doivent être intégrés dans des programmes de formation, Ce sont essentiellement les logiciels éducatifs spécialisés comme les simulations, les animations, les vidéos et les images éducatives. La deuxième catégorie constitue le groupe des besoins secondaires de deuxième ordre, et qui doivent être inclus dans les programmes de formation en visant l'excellence pour ces outils. Dans ce groupe on cite la suite bureautique Powerpoint, Excel et Word en plus du TBI (Tableau Blanc Interactif). La troisième classe est formée des besoins à faible priorité, qui ne doivent être intégrés que dans des programmes qui visent des compétences spécifiques, dont les ENA (Environnement Numériques d'Apprentissage), la navigation internet, les E portfolios, les Smartphones et les Ipad. La quatrième catégorie s'adresse aux besoins négatifs, c'est-à-dire les TIC dont la valeur ajoutée dans les programmes de formations est peu ou pas importante. Ce sont le courriel électronique et les réseaux sociaux.

   En guise de conclusion, nous pouvons dire que la formation continue a beaucoup aidé à améliorer les perceptions des enseignants marocains envers les technologies éducatives. Mais, elle n'a pas encore pu qualifier leurs compétences techno-pédagogiques. Ce qui dévoile la nécessité de produire des plans ou des stratégies numériques avec l'installation d'une ingénierie pédagogique qui se base sur des référentiels prenant en considération les besoins réels en technologies éducatives chez ces enseignants.

Abdelaaziz Courr
Doctorant, équipe de recherche :
Apprentissage, Cognition et Technologie Éducative.
Faculté des Sciences de l'Education.
Université Mohammed V, Rabat-Maroc.
c_abdelaaziz@hotmail.com

Ahmed Belmoudene
Professeur de l'enseignement supérieur.
Institution : Faculté des Sciences de l'Éducation,
Département Technologie de l'Éducation,
Université Mohammed V Rabat- Maroc.
belmoudene.a@gmail.com

Cet article est sous licence Creative Commons (selon la juridiction française = Paternité - Pas de Modification). http://creativecommons.org/licenses/by-nd/2.0/fr/

Références

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Alj, O. et Benjelloun, N. (2016). Étude comparative de quelques recherches sur l'intégration des TIC dans l'enseignement des disciplines scientifiques au sein du programme GENIE marocain. EpiNet, 180.
Repéré le : 20 /03/2020 à https://www.epi.asso.fr/revue/articles/a1601c.htm.

AFD, (2010). Agence française de développement. Bilan critique en matière d'utilisation pédagogique des NTIC dans le secteur de l'éducation, 2010.
Repéré le : 10/12/2020 à https://www.france-education-international.fr/sites/default/files/ migration/expert_educ/general/docs/rapport-final-ntic-en-education.pdf.

Basque, J. (2005). Une réflexion sur les fonctions attribuées aux TIC en enseignement universitaire. Revue Internationale des Technologies en Pédagogie Universitaire, 2(1), 30-41.
Repéré le : 20/03/2020 à https://edutice.archives-ouvertes.fr/edutice-00086399.

CSEFRS, (2015). Conseil Supérieur de l'Éducation, de la Formation et de la Recherche Scientifique (2015). Vision stratégique de la réforme 2015-2030.
Repéré le : 14/03/2020 à https://www.csefrs.ma/publications/vision-strategique-de-la-reforme/? lang=fr.

Desabie, J. (1963). Méthodes empiriques d'échantillonnage. Revue de statistique appliquée, tome 11, n° 1, 5-24, 1963.
http://www.numdam.org/item?id=RSA_1963__11_1_5_0

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Mai 2021

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