La pandémie :
sécurité sanitaire dans les établissements scolaires,
retour du distanciel, bac 2021
Le président de la République a décidé la fermeture des établissements scolaires et le passage à l'école à distance pour deux semaines, avant et après les vacances de printemps : un constat d'échec de la politique de Jean-Michel Blanquer, qui, pendant des mois, a nié la réalité de la circulation du virus en milieu scolaire. Il a refusé des mesures visant à articuler protection immédiate et prévention afin d'éviter la fermeture des établissements scolaires, réduisant le débat à l'opposition fermeture contre ouverture. Pour faire face à l'explosion des contaminations en milieu scolaire, il faut la priorité donnée à la vaccination des enseignants, le déploiement massif des tests salivaires pendant plusieurs semaines pour surveiller la circulation du virus, des demi-groupes, des équipements pour l'aération, des mesures strictes pour la cantine, l'embauche de personnels remplaçants, l'annulation des suppressions de postes prévues pour 2021-2022 [1]. Le passage de trois à une contamination pour la fermeture d'une classe, mesure nécessaire, suppose un accompagnement renforcé.
Un an après, retour du distanciel à l'identique !
L'engagement des enseignants avait été salué lors des premiers confinements en 2020. Mais les enseignants ne peuvent pas tout.
Aucune leçon n'a été tirée de la séquence de l'an dernier. Entre le manque d'équipement informatique dans les familles et le manque de préparation des professeurs par le ministère de l'Éducation nationale en terme de formation notamment, c'est souvent le système D qui l'emporte. Les outils numériques sont toujours aussi faillibles comme le montrent les dysfonctionnements subis par les enseignants et les élèves. Les difficultés pour se connecter aux ENT, voire l'impossibilité, les ralentissements, les serveurs saturés, les bogues, alors que la charge est prévisible, ont à nouveau montré les limites de la capacité des réseaux en terme de volume.
OVH a démenti les accusations de Jean-Michel Blanquer sur le plantage des services d'école à distance. Et, indique Médiapart, contrairement aux affirmations du ministre, aucune attaque « venue de l'étranger » et dirigée contre les serveurs du CNED n'avait été identifiée le mardi 6 avril, d'après des sources internes au Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale. Il s'agirait donc d'une fable de J.-M. Blanquer.
Conséquence aussi, le non respect du RGPD et la sécurité des données non assurée, une question importante, rappelons-le : « Où sont hébergées et traitées nos données ? ». La réponse, 92 % des données occidentales sont hébergées aux États-Unis. Il s'agit d'un enjeu politique, économique et sociétal critique [2].
Les premiers jours de l'école à la maison version 2021 ont été la copie conforme des premiers jours de l'école à la maison version 2020. Le constat est implacable : les personnels, les élèves et les familles payent une nouvelle fois le prix fort d'un choix politique : celui de ne rien anticiper, de ne rien préparer.
Retour des aggravations des inégalités scolaires
Les confinements de 2020 et l'enseignement à distance qui s'en est suivi se sont traduits par une aggravation des inégalités scolaires qui sont des inégalités sociales [3]. Tous les parents ne sont pas en mesure de « remplacer » les enseignants. Il existe en effet de grandes inégalités dans ce domaine de l'aide scolaire parentale aux enfants. Et la disponibilité des parents a ses limites de par leur travail ou télétravail. Sans compter l'exiguïté d'une partie des logements qui complique singulièrement la tâche.
L'enjeu de l'enseignement à distance est d'abord de garder un lien pédagogique avec les élèves. Du temps doit être dégagé pour les équipes afin de s'organiser et d'organiser, comme elles le souhaitent, le suivi des élèves.
Une préparation chaotique du bac 2021
La période qui s'ouvre rend encore plus complexe la tenue des examens de fin d'année. Ainsi la préparation chaotique du bac 2021 suscite-t-elle colère et inquiétude des élèves, des parents et des enseignants.
Des notes de service au BOEN circulent, imprécises, et qui varient sur la partie pratique de l'épreuve de spécialité NSI session 2021.
Et des problèmes informatiques ont été constatés, s'étendant même sur la plate-forme Parcours'Sup. Quels éventuels impacts sur l'orientation des élèves demande le SNES-FSU [4] ? Jean-Michel Blanquer, « a calibré un bac très compliqué, avec à la fois des notes en contrôle terminal et d'autres en contrôle continu ». Cela implique la fusion de deux bases de données : celle servant à nourrir les bulletins trimestriels des élèves et la base de données des épreuves terminales. C'est de cette fusion que proviendraient d'innombrables problèmes techniques, réservant de mauvaises surprises aux élèves. De nombreux candidats au baccalauréat auraient aussi disparu des bases de données. Environ 200 pour l'académie de Besançon. Et d'autres problèmes... Une fusion de deux bases de données qui est donc à réussir.
Et des consignes circulent pour avoir des moyennes de classe élevées...
Une édition 2021 du bac placée donc elle aussi sous le signe de l'aggravation des inégalités
Certes, l'organisation et la réussite scolaire ne sont pas faciles à organiser en période de pandémie.
Mais rien n'a été mis en place pour rattraper le retard de l'année 2019-2020. Les moyens n'existent pas pour remplacer les professeurs absents, malades ou cas contact sans parler des suppressions de postes prévues pour 2021-2022 mentionnées ci-avant [1].
L'on sait que déjà, par exemple, les moyens accordés en temps normal aux lycées parisiens sont plus importants que ceux accordés à ceux de Seine-Saint-Denis. Il n'y a pas de cadrage national et l'on constate des situations très différentes d'un lycée à l'autre : classes entières ou 1/2 groupes, présentiel privilégié pour les terminales ou non. Le respect des gestes barrières ne va pas de soi dans des classes à 35 élèves.
Le contrôle continu occupe une grande place. Quid de la réputation des lycées au moment de l'orientation ?
Pourquoi pas adapter les programmes, les alléger, ainsi que les épreuves, à l'aune de la pandémie, en français par exemple ? Pourquoi pas supprimer le « grand oral », trouvaille inégalitaire, surtout sans préparation, de par les pesanteurs socioculturelles ?
Gestion de la pandémie
Elle est difficile mais une condition nécessaire est de prendre les mesures incontournables le plus tôt possible pour espérer pouvoir maîtriser la situation : détecter, tracer, isoler. On savait dès janvier 2020 que la pandémie était là et le premier confinement, première mesure, n'a été mis en œuvre qu'à la mi-mars... Il y a eu et il y a les pénuries de masques, de tests et de vaccins. D'une manière générale, nous payons les politiques d'attaques contre le système public de santé menées depuis des décennies, ainsi que les déficiences graves en matière de recherche (part du PIB consacrée et rémunérations des chercheurs notoirement insuffisantes à l'origine de la fuite des cerveaux), tout cela au nom de la sacro-sainte rentabilité financière.
Une certaine absence de mémoire
Les déclarations du ministre au fil du temps se caractérisent par une certaine absence de mémoire qui a de quoi inquiéter quelque peu sur la rigueur et le sérieux de la politique mise en œuvre, au plan éducatif et, plus généralement, pour l'ensemble du pays (voir les déclarations présidentielle et gouvernementales).
Quelques exemples [5].
La vaccination des professeurs qui tarde à venir ? « Ce serait souhaitable au mois de mars au plus tard, si on arrive à le faire avant ce serait bien », déclarait Jean-Michel Blanquer le 3 janvier sur BFMTV.
Le ministre prend quelques « libertés » avec le taux d'incidence, qui a participé au choix d'un troisième confinement, étant de 400/100 000. Le ministre nous apprend dans un interview que « les résultats des tests dans les écoles font état d'une positivité de 0,5 % ». Le journaliste lui fait alors remarquer que « 0,5/100 c'est 5/1 000 donc 500/100 000 soit plus que le taux d'incidence »... ah les mathématiques.
Qu'en est-il de l'informatique, tellement indispensable pour la continuité pédagogique ? Qui a le souvenir de la déclaration de J.-M. Blanquer qui assurait : « Le fait que nous allons vers un équipement systématique de chaque élève et chaque professeur est notre objectif » ? C'était sur France Inter, le... 27 juillet 2020.
Qui a encore en tête le vœu de J.-M. Blanquer quant aux futures rémunérations des enseignants ? « Faire du prof français le professeur le mieux payé d'Europe, en mettant le paquet ». C'était le 26 février... 2020 ! Nous sommes toujours en 27e position. Quant au point d'indice du traitement des fonctionnaires, il n'a pratiquement pas bougé depuis 11 ans (gel depuis le 1er juillet 2010),
Pour le ministre, tout va passer par la continuité pédagogique qui « se prépare depuis longtemps ». Ainsi sur LCI le 13 mars 2020, il répond à la journaliste qui suspecte une légère impréparation : « Alors si, nous sommes prêts ».
Sans parler de ses déclarations au journal Le Monde sur Emmanuel Macron, de fait « président épidémiologiste », qui en ont laissé beaucoup quelque peu pantois : « Le président a acquis une vraie expertise sur les sujets sanitaires. Ce n'est pas un sujet inaccessible pour une intelligence comme la sienne et au regard du temps important qu'il y consacre. » [6].
Au lycée Delacroix en Seine-Saint-Denis
Fin mars, au lycée Delacroix de Drancy en Seine-Saint-Denis, le taux d'incidence parmi les professeurs atteignait 7 500 sur 100 000. Une vingtaine d'élèves ont perdu un parent depuis le début de la pandémie il y a un an. Les enseignants réclamaient « la fermeture urgente et temporaire de l'établissement, avec un basculement total en enseignement à distance pour assurer la continuité pédagogique ». Et précisaient : « Les mesures sanitaires sont inapplicables en raison du manque de moyens matériels et humains. » [7].
En ce début de vacances scolaires de printemps
Insécurité sanitaire, fiasco technique, scolarité déficiente, encore heureux que les enseignants soient là pour malgré tout faire tourner la maison Éducation nationale. Sans eux...
Concernant les bogues de l'enseignement à distance de la semaine du 6 avril, le ministère de l'Éducation nationale les justifie ainsi : « Le jour où 20% de la population bascule en distanciel, c'est une charge très importante » [8], Et qui plus est parfaitement prévisible : une situation que le ministère et des professionnels de l'informatique, si on le leur demande, doivent savoir anticiper.
ll y a urgence à utiliser avec profit les 15 jours de vacances scolaires pour reparamétrer, dimensionner correctement, et sécuriser complètement ces outils essentiels de la continuité pédagogique dans le contexte actuel. Et ceci, afin de leur donner l'efficacité promise, tout en restaurant une confiance générale aujourd'hui perdue de par la contradiction entre la situation réelle constatée et les engagements très optimistes pris et affichés lors des multiples annonces ministérielles. Le 26 avril ne saurait ressembler au 6 avril.
Après cette semaine de dysfonctionnement des espaces numériques de travail et du site du CNED, Édouard Geffray, directeur général de l'enseignement scolaire, promet que les quinze jours de vacances seront consacrés à « lever définitivement toutes les difficultés » [8]. Dont acte.
Jean-Pierre Archambault
Président de l'EPI
NOTES
[1] https://www.epi.asso.fr/revue/articles/a2103a.htm
[2] https://cursus.edu/actualites/43615/souverainete-numerique-quel-role-pour-la-recherche
« L'Europe est confrontée à une problématique de taille : sa dépendance à des services et outils non européens pour une grande majorité de ses activités numériques. Ainsi, 92 % des données occidentales sont hébergées aux États-Unis. L'identité numérique de nombreux citoyens européens dépend ainsi en grande partie des États-Unis. Et plus le volume de données produites augmente, plus les entreprises et les citoyens s'enferment, malgré eux, dans cette dépendance. »
[3] Continuité pédagogique au temps du confinement.
https://www.epi.asso.fr/revue/articles/a2004a.htm
[4] http://pleinair.net/actualites/item/90013-bac-2021-des-anomalies-menacent-les-lyceens-selon-le-snes-fsu
[5] https://blogs.mediapart.fr/sylvain-grandserre/blog/220321/blanquer-un-betisier-pleurer-de-rage
[6] Le Monde du 30 mars 2021. On s'interroge, s'agit-il d'une forme de culte de la personnalité selon lequel, en un an, le président aurait donc acquis autant sinon plus de connaissances sur ce domaine que des spécialistes qui en sont à bac+10 ?
[7] https://www.sudouest.fr/sante/coronavirus/une-vingtaine-de-parents-morts-du-covid-ce-lycee-de-drancy-ou-l-epidemie-semble-hors-de-controle-1826201.php
[8] https://www.francetvinfo.fr/societe/education/bugs-de-l-enseignement-a-distance-le-jour-ou-20-de-la-population-bascule-en-distanciel-c-est-une-charge-tres-importante-justifie-le-ministere-de-leducation-nationale_4366123.html
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