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Mise en place de la spécialité NSI :
une note de la Société Informatique de France
 

   En décembre 2019, la SIF a publié une note sur la mise en place de la spécialité NSI en classe de Première [1]. Elle a été faite notamment à partir de la publication par la DEPP (Direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance du MEN) des premiers résultats statistiques sur le choix des spécialités par les élèves entrés en classe de Première générale en 2019 [2].

La répartition filles-garçons

   Le choix entre filles et garçons au sujet de la spécialité NSI est très « clivé » : 2,6 % des filles contre 15,2 % des garçons. On peut estimer à près de 17 % de filles dans les « classes » de NSI (à titre de comparaison, il y avait environ 28 % de filles inscrites dans l'enseignement de spécialité ISN de Terminale S). De leur côté, les choix les plus courants des « triplettes » de spécialités donnent des taux de féminisation très poussés sur certaines combinaisons (comme « Humanités Littérature et Philosophie, Langues Littérature, SES » avec 85 % de filles) et très faibles sur d'autres (comme « Mathématiques, Numérique & Sciences informatiques, Physique-Chimie » avec 13,4 %).

   Pour la SIF, « il est indispensable de s'interroger sur ce déséquilibre flagrant au moment même où ce nouvel enseignement démarre. Tout semble se passer comme si, dans le processus d'orientation, les choix des élèves étaient généralement déterminés par leur sexe, manifestant un défaut d'ouverture préjudiciable tant à la société qu'aux intéressés, captifs de logiques de décision qui les dépassent. L'absence de mobilisation de l'institution sur cette question fondamentale est profondément regrettable ».

La répartition géographique

   La spécialité NSI étant le plus souvent « couplée » avec Mathématiques et Physique-Chimie, on peut se faire une idée générale quant à la répartition géographique. Le premier constat est celui d'une disparité assez forte sur ce choix, allant de 7,1 % (académie de Versailles) à 1,9 % (académies de Dijon, Limoges et Mayotte). Concernant la triplette (Mathématiques, Physique-Chimie, Sciences industrielles), « voisine » de la précédente et choisie très majoritairement par des garçons, les écarts sont également très importants d'une académie à l'autre, par exemple 3,7 % à Versailles et 6,0 % à Dijon, mais dans l'autre sens.

   La SIF considère qu'« une telle disparité n'est pas raisonnable ». Et elle pose la question de savoir « quelle particularité pourrait donc avoir la Bourgogne, par rapport à l'Île-de-France, pour que les élèves choisissent de faire des sciences industrielles plutôt que de l'informatique, et vice-versa ? » On retrouve cette disparité avec deux groupes d'académies numériquement importants. Pour la SIF, « une action forte, au niveau du ministère, paraît ici encore nécessaire pour que les choix des élèves s'appuient sur leurs appétences et sur les réalités socio-économiques des territoires ».

La répartition public-privé et l'évaluation des enseignements-enseignants

   Il y un équilibre quasi parfait dans les stratégies de choix des élèves vis-à-vis de NSI entre les lycées publics et les lycées privés. Ce constat amène la SIF à poser une question : « D'où viennent les enseignants de NSI exerçant dans l'enseignement privé, comment ont-ils été formés, ont-ils été bénéficiaires des diplômes de formation inter-universitaires (DIU), ou non ? »

   La question de l'évaluation des enseignements et des enseignants de NSI est importante. En effet, « une partie de l'évaluation des élèves dans la perspective du baccalauréat se fait désormais au sein des établissements dans le cadre d'un contrôle continu ».

Le positionnement de NSI dans les stratégies d'orientation

   Le panorama est clivant, et pas nouveau, avec des spécialités « scientifiques », largement choisies par les élèves « d'origine sociale très favorisée ou favorisée », et des spécialités « littéraires », largement choisies par les élèves « d'origine sociale moyenne ou d'origine sociale défavorisée ». La SIF formule l'hypothèse suivante : « Les élèves (ou leurs parents), au moment de choisir leur spécialité, pourraient avoir jugé que NSI était surtout destiné aux élèves "brillants", munis de bulletins élogieux. » Et elle demande que des efforts soient faits « dans le but de susciter une meilleure perception des enjeux et davantage d'adhésion ».

Hypothèses et réflexions sur ces constats

   Les deux constats faits, sur le nombre de filles très bas qui suivent NSI et la disparité territoriale entre les régions, ainsi que des informations recueillies sur le terrain amènent la SIF à formuler des hypothèses et des réflexions :

  • NSI est une nouvelle spécialité : « on n'aime pas essuyer les plâtres ».

  • Un programme NSI, perçu comme (trop) dense par les élèves et leurs parents. a conduit à penser que la spécialité est réservée aux « bons élèves ».

  • Les élèves et leurs parents ont pu avoir l'impression, au moment du choix, d'une absence de corps enseignant formé ou d'une formation précipitée, même si la mise en place d'un DIU a permis de former de nombreux professeurs de façon coordonnée sur tout le territoire. À noter que la création du CAPES est un gage de respectabilité pour cette spécialité et devrait faire disparaître cette crainte, même si une fois encore le nombre de postes proposés semble faible par rapport au nombre de professeurs nécessaires.

  • Un système d'accompagnement (conseiller d'orientation, professeur, salon étudiant, communication institutionnelle sur la discipline...) qui n'est pas familier des contenus de NSI et des débouchés du numérique.

  • La spécialité NSI n'est peut-être pas proposée suffisamment dans certains territoires.

  • Pour les élèves qui visent une classe préparatoire (CPGE), l'absence d'une voie mathématiques-physique-informatique (MPI) au moment de leur choix peut les avoir influencés à ne pas prendre NSI dès la Première.

  • Le fait qu'en Terminale seules deux spécialités sont conservées par les élèves est en défaveur de nouvelles spécialités comme NSI [3].

   Un mot pour terminer. Une meilleure connaissance de l'informatique et de ses enjeux sociétaux est de nature à favoriser le choix de NSI. De ce point de vue, SNT, enseignement d'informatique pour tous les élèves de Seconde, peut jouer un rôle important. Rappelons que l'EPI a alerté plusieurs fois lors de la dernière année scolaire sur l'inquiétude née de la quasi absence de formation informatique des professeurs appelés à enseigner SNT [4]. Un chantier à mettre en oeuvre sans tarder.

15 janvier 2020

Jean-Pierre Archambault
Président de l'EPI

NOTES

[1] https://www.societe-informatique-de-france.fr/2019/12/note-sur-la-mise-en-place-de-la-specialite-nsi-decembre-2019/

[2] Rappelons que les créations de la spécialité NSI et de SNT pour les élèves de Seconde constituent des avancées, résultats des actions menées depuis des décennies. Mais l'EPI a souligné les inquiétudes que suscite le contexte dans lequel elles interviennent, à savoir la réforme du lycée, tant dans sa philosophie générale que dans sa mise en œuvre. On pourra se reporter aux éditoriaux d'EpiNet de l'année passée, notamment celui de décembre.
https://www.epi.asso.fr/revue/articles/a1912a.htm

[3] La mission flash de l'Assemblée nationale demande le maintien de trois spécialités en Terminale.
« Rendre possible le maintien de 3 spécialités en Terminale.
Les rapporteurs plaident en faveur de la possibilité de maintenir, en Terminale, 3 spécialités, afin d'apaiser les inquiétudes des élèves, qui craignent que l'abandon d'une spécialité limite leurs choix dans l'enseignement supérieur, et de compenser la réduction de l'offre d'options par les établissements, qui découle de leur choix d'offrir une palette large de spécialités. »

http://www2.assemblee-nationale.fr/content/download/183772/1842254/version/1/file/Synthèse +de+la+mission+flash+sur+la+carte+des+spécialiés+au+lycée.pdf

[4] « Enseignement de l'informatique : avancées réelles et problèmes qui le sont tout autant »
https://www.epi.asso.fr/revue/articles/a1902a.htm

« Quels professeurs pour SNT en 2019 ? »
https://www.epi.asso.fr/revue/articles/a1903a.htm

« Un point sur la formation des professeurs pour les enseignements d'informatique créés et de tous les professeurs »
https://www.epi.asso.fr/revue/articles/a1906a.htm

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Janvier 2020

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