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Quels professeurs pour SNT en 2019 ?
 

   L'enseignement Sciences numériques et technologie (SNT) va démarrer à la rentrée 2019 pour tous les élèves de Seconde, à raison d'1h1/2 hebdomadaire.

Le programme de SNT

   Le programme consiste en 7 thématiques : internet, le web, les réseaux sociaux, les données structurées et leur traitement, localisation, cartographie et mobilité, informatique embarquée et objets connectés, la photographie numérique [1]. Programme quelque peu ambitieux pour des élèves n'ayant pas déjà rencontré pour l'essentiel les notions scientifiques et techniques informatiques qui le sous-tendent. Et sans qu'une progression didactique ne soit explicitement proposée. On préférerait un programme dont la logique et la progression soient structurées par les notions scientifiques et techniques que les élèves doivent s'approprier, ces notions s'appuyant sur des aspects de thématiques qui les justifient et les illustrent. Et ces thématiques sont sources de motivation pour les élèves car elles renvoient à leur vécu d'usagers de l'informatique [2].

   Mais, dans tous les cas, SNT requiert des professeurs solidement formés en informatique (pas en deux jours), à terme des professeurs d'informatique titulaires du Capes ou d'une agrégation d'informatique. Or...

L'organisation de la rentrée 2019

   La question urgente est donc posée de savoir quels professeurs pour SNT en 2019. Qu'en dit une note du ministère adressée aux proviseurs [3] ? Le cadre général est celui de la réforme du lycée qui « propose à la fois des enseignements communs et des enseignements de spécialité, dans une modalité nouvelle d'enseignement pluridisciplinaire ». « Les programmes du lycée apportent des indications sur le type d'enseignants devant intervenir dans le cadre de ces enseignements ».

   La responsabilité est reportée au niveau des lycées : « une souplesse d'organisation interne à l'établissement est maintenue, de manière à tenir compte des ressources humaines de l'établissement et des effets attendus du plan national de formation dans les nouveaux enseignements. L'établissement a la responsabilité de la construction des services des professeurs pour garantir la délivrance des enseignements dans le respect des programmes. Il a aussi la responsabilité de l'organisation pédagogique de leur intervention dans le cadre du projet de l'établissement. Quand l'établissement choisit que plusieurs professeurs interviennent dans le cadre d'un même programme d'enseignement, il s'assure de la cohésion de l'équipe pédagogique. En effet, les enseignements faisant appel à des enseignants relevant de disciplines différentes supposent qu'ils construisent ensemble, en fonction du partage horaire qui aura été préalablement défini, leurs modalités de travail et de progression dans le programme qu'ils dispensent. Cette concertation régulière doit en particulier permettre de retenir les modalités d'évaluation des élèves. Les enseignants bénéficient, dans leur réflexion commune, de l'appui collectif des corps d'inspection concernés. »

   À cette lecture, on conçoit que la mise en œuvre des enseignements semble pour le moins quelque peu problématique, la modernité pédagogique, même pluridisciplinaire, ne pouvant pas tout.

La formation des professeurs pour SNT

   Concernant SNT, la note du ministère précise bien que « son organisation relève de l'établissement ». Une formation de formateurs est prévue au plan national de formation ainsi qu'une formation pour les enseignants dans le cadre des plans académiques de formation (combien de jours pour SNT ?). Peuvent y intervenir des enseignants dispensant actuellement l'option d'ICN (mais pas ISN d'une manière explicite) et/ou de différentes disciplines (mathématiques, physique-chimie, SVT, en charge de certains enseignements technologiques, histoire-géographie, sciences économiques et sociales, philosophie, en charge de certains enseignements artistiques (par ex. pour le thème du programme : « La photographie numérique »)) [3].

   Pour les enseignants de philosophie, l'argument avancé est que le programme indique : « L'enseignement de sciences numériques et technologie aide à mieux comprendre les enjeux scientifiques et sociétaux de la science informatique et de ses applications, à adopter un usage réfléchi et raisonné des technologies numériques dans la vie quotidienne et à se préparer aux mutations présentes et à venir de tous les métiers ». Effectivement l'informatique est omniprésente dans la société. Pour autant cela ne suffit pas à l'enseigner à ses collègues et aux élèves comme par enchantement. Pas de science infuse. Pour cela il faut avoir été formé en informatique. Pas en deux jours mais en plusieurs années comme pour les autres disciplines. Ce qui est très loin d'être le cas actuellement. Des mesures transitoires, imposées par la précipitation et la non-anticipation qui caractérisent la réforme du lycée, qui plus est dans un contexte de baisse des moyens, sont donc nécessaires. Mais pas n'importe lesquelles. Et il ne faudrait pas que, le risque est réel, SNT serve de variable d'ajustement des services.

La formation des enseignants à l'informatique

   D'une manière générale, concernant la formation de tous les enseignants à l'informatique, rappelons qu'il faut distinguer les cas sachant que l'informatique a différents statuts dans le système éducatif. Elle est objet d'enseignement devant être assuré par des professeurs spécialistes, des professeurs de la science et technique et informatique. Elle transforme plus ou moins l'essence des autres disciplines (leurs objets, méthodes et outils). Cela se traduit, doit se traduire, dans les formations disciplinaires de tous les enseignants. Elle est aussi instrument pédagogique et outil de travail personnel et collectif de tous les professeurs. Cela se traduit, doit se traduire, dans les formations générales de tous les enseignants. Notons que, pour les générations futures, la discipline informatique « rencontrée » par tous les élèves dans leur scolarité sera un bienvenu point d'appui.

Réussir l'enseignement de l'informatique

   Dans l'éditorial de février, nous écrivions que, si la création d'un Capes d'informatique constituait un changement qualitatif dont nous nous félicitons, l'heure était au quantitatif [4]. Plus que jamais. Car il ne faudrait pas que les conditions de la mise en œuvre du nécessaire enseignement de l'informatique dans la société du 21e siècle soient un obstacle à sa réussite.

Jean-Pierre Archambault
Président de l'EPI

NOTES

[1] Voir : http://www.enseignerlinformatique.org/2019/03/03/mooc-snt-une-serie-de-conferences-des-le-5-mars/
https://blogs.mediapart.fr/jean-jacques-birge/blog/110319/1-geolocalisation-comment-sy-retrouver

[2] « Des situations de communication pour donner du sens », Jean-Pierre Archambault, Bulletin de l'EPI n° 62 de juin 1991.
https://www.epi.asso.fr/revue/62/b62p063.htm

[3] L'US Magazine, supplément au n° 785 du 19 janvier 2019 y fait référence.

[4] https://www.epi.asso.fr/revue/articles/a1902a.htm

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Mars 2019

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