Un point sur la formation des professeurs
pour les enseignements d'informatique créés
et de tous les professeurs
Xavier Leroy est professeur au Collège de France, titulaire depuis 2018 de la chaire de Sciences du logiciel. Dans une interview donnée à La Recherche, n° 548 de juin 2019, à la question « Peut-on dire que l'informatique est devenue une science respectable ? », il répond notamment : « Disons que c'est le début de la respectabilité. Cela a mis un peu de temps mais l'informatique est une discipline toute jeune. (...) Le Collège de France s'est ouvert à l'informatique, d'abord avec les chaires annuelles - notamment la chaire Informatique et sciences du numérique -, ensuite avec la chaire de Gérard Berry (en 2012, NDLR), puis la mienne. Il reste encore des étapes à franchir, comme la création d'une agrégation d'informatique, encore absente du paysage de l'Éducation nationale. (...) »
Effectivement, il faut franchir cette étape d'une agrégation d'informatique. Si les créations de NSI et de SNT à la rentrée 2019, suite à celle d'ISN en 2012, fruits des actions menées depuis des années par l'EPI, la SIF et d'autres acteurs, constituent de réelles avancées, subsistent des obstacles à la réussite de leur mise en œuvre, en premier lieu la formation des enseignants [1]. De ce point de vue, la non-existence d'une agrégation d'informatique a aussi un caractère symbolique.
Concernant SNT, qui s'adresse à tous les élèves de Seconde, la situation est inquiétante. Des formations de deux, trois jours sont organisées dans les académies. Deux, trois jours c'est pour le moins très peu pour enseigner une discipline, surtout quand on ne la connaît pas (essayez par exemple avec le chinois si c'est votre cas...). Les collègues sont volontaires, ou non (pour compléter un service ou éviter une mutation). Certes ils s'investissent. Une mailing-liste est active. Le Mooc de Class'Code propose des ressources. Mais il ne saurait se substituer à une réelle formation. Des manuels scolaires sont parus [2]. Rappelons que SNT c'est de l'informatique et qu'il ne faudrait pas qu'il se réduise aux usages. Et, truisme, pour enseigner de l'informatique il faut des professeurs d'informatique. Cette vérité d'évidence ne serait-elle pas unanimement partagée ?
Pour la spécialité NSI, ouverte en Première à la rentrée, les choses se présentent mieux. En effet, il y a le terreau des professeurs en poste qui actuellement enseignent ISN. Des DIU d'informatique (diplômes inter-universitaires) se mettent en place à leur intention, dans toutes les académies. Au départ était prévue une seule session. Émerge l'idée d'une deuxième session pour les professeurs « non habilités ISN », qui n'ont pas une expérience d'enseignement de l'informatique [3]. À suivre car ce n'est pas le trop-plein qui menace.
En Classes préparatoires aux grandes écoles, au sein de la filière Mathématiques-Physique, va être créée à la rentrée 2021 une voie informatique dans une filière MPI. Un DIU classes préparatoires va être organisé à l'intention des professeurs des autres disciplines qui enseignent l'informatique. Et l'agrégation d'informatique est annoncée pour 2022, 2023.
Des préparations au Capes « Numérique et sciences informatiques » [4] (pourquoi ce pluriel ? On aurait préféré qu'il s'appelle « Capes Informatique », tout simplement !) se mettent en place, par exemple à Rennes, prises en charge par l'université, les INSPÉ devant assurer la relève après 2020 et 2021. On attend le programme du Capes, la nomination de sa présidente ou de son président. Pour le nombre de postes mis au concours en 2020, des chiffres circulent, quelques dizaines. C'est bien peu relativement aux enjeux [5].
Un Inspecteur général « mathématiques : spécialité numérique et sciences informatiques »
Le ministère de l'Éducation nationale et de la Jeunesse recrute un inspecteur général de l'Éducation nationale pour le profil « mathématiques : spécialité numérique et sciences informatiques » [6]. À quand un groupe informatique de l'Inspection générale avec plusieurs IG d'informatique ? Et un conseiller spécial auprès du ministre chargé de l'informatique serait le bienvenu.
Programme et évaluation de NSI en Terminale
Les programmes de l'option de spécialité NSI en Terminale ont été publiés [7]. Des propositions relatives aux épreuves d'examen en numérique et sciences informatiques, enseignement de spécialité, classe terminale, voie générale ont été faites par le groupe d'experts. Présentées aux membres du Conseil supérieur des programmes, elles n'auraient pas fait l'objet d'un vote en séance. La démarche de projet est au cœur de l'enseignement de la spécialité NSI mais ne se prête pas à une évaluation à l'écrit ou sur machine en temps limité. L'épreuve obligatoire terminale orale permet à l'élève de présenter son projet et de valoriser le travail qu'il a conduit durant sa formation. L'épreuve terminale obligatoire de spécialité est composée de deux sous-épreuves : une épreuve écrite de 3 h 30 (sur 12 points) ; et une épreuve pratique sur machine de 1 heure (sur 8 points) [8].
Il y a la formation des professeurs qui enseignent l'informatique mais aussi celle de tous les professeurs. En effet, l'informatique transforme peu ou prou l'« essence » de l'ensemble des disciplines, leurs objets, méthodes et outils. Et elle est « outil pédagogique » suscitant de multiples usages. Ce que l'EPI appelle depuis toujours la « complémentarité des approches ». Le Sénat vient de s'intéresser à cette problématique générale [9]. Les enjeux et défis sociétaux sont considérables. Pour les relever, il faut donner une bonne culture générale informatique scientifique et technique à tous les élèves. Alors...
15 juin 2019
Jean-Pierre Archambault
Président de l'EPI
NOTES
[1] Il y a également les conditions de la mise en œuvre de ces nouveaux enseignements dans le cadre de la discutable et discutée réforme du lycée. Voir éditorial d'EpiNet 215 du 15 mai 2019 : https://www.epi.asso.fr/revue/articles/a1905a.htm
Voir aussi l'enquête du SNES-FSU :
« 50% des élèves sortent du carcan des séries »... Ou pas ?
Une enquête du SNES-FSU sur le choix des spécialités (6 pages pdf) :
« La diversité des choix est artificielle ; la plupart des "triplettes" ne pourront pas être mises en œuvre par les lycées » :
https://www.snes.edu/IMG/pdf/reforme_blanquer_note_snes_no2_diversite_des_triplettes.pdf
(cette enquête repose sur les choix de spécialités de plus de 3 800 élèves de 2nde GT dans 18 lycées de 11 académies).
[2] http://www.epi.asso.fr/revue/lu/l1906n.htm
[3] http://www.epi.asso.fr/revue/articles/a1906d.htm
[4] Création d'un Capes Numérique et sciences informatiques à partir de la session 2020. Publication : 16 janvier 2019.
http://www.devenirenseignant.gouv.fr/cid137910/creation-d-un-capes-numerique-et-sciences-informatiques.html
[5] Voir par exemple, illustrant les enjeux de l'époque : Guerre économique sino-américaine : L'affaire Huawei est gravissime, de Laurent Bloch :
https://laurentbloch.net/MySpip3/L-affaire-Huawei-est-gravissime
[6] https://www.education.gouv.fr/pid285/bulletin_officiel.html?cid_bo=141410
[7] https://cache.media.education.gouv.fr/file/CSP/61/4/Tle_NSI_Specialite_Voie_G_1126614.pdf
[8] https://cache.media.education.gouv.fr/file/CSP/61/6/Projet_Epreuves_examen_NSI_Tle_Voie_G_1126616.pdf
[9] http://www.senat.fr/amendements/2018-2019/474/Amdt_217.html
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