Pourquoi la lecture rapide ? Bertrand Ott Dans les deux précédents numéros du bulletin, nous avons publié le début de l'article de B. Ott, professeur de français à Savigny sur Orge, auteur d'un logiciel d'apprentissage de la lecture rapide LIRA. Après avoir exposé le point de vue théorique, puis montré le déroulement pratique d'une séance à l'ordinateur, B. Ott explique ici comment doit être construit un cycle d'exercices et déterminé une stratégie. III - Un cycle d'exercices La lecture visuelle a été systématiquement observée et analysée par des hommes de science, qui y ont fait apparaître plusieurs facteurs ; ce sont autant de points d'attaque pour un entraînement suivi :
Les exercices proposés se font par moitié à l'ordinateur et par moitié sur papier. Tout n'est pas possible à l'ordinateur à cause de certaines limitations imposées par les configurations actuelles : il n'est pas commode de traiter des textes longs et il n'existe pas de minuscules sur les configurations du types Mitra 15 et T 1600. Ce partage du travail s'adapte heureusement à la nécessité de prendre seulement des demi-classes.
Après une demi-heure, les deux groupes intervertissent leurs activités. Un cycle d'exercices s'étend, à raison d'une heure par semaine, sur 1 ou 2 trimestres, selon le besoin. L'entraînement intensif une fois terminé, le professeur de français (et les autres aussi, s'ils savent le faire) trouve mille occasions dans les travaux scolaires pour entretenir et développer le savoir-faire ainsi acquis. 1) Prise de conscience : mesure de la vitesse de lecture au départ Un cycle d'exercices commence par la lecture de la vitesse de lecture au départ, et par l'évaluation du degré de compréhension et de mémorisation. L'ordinateur chiffre ces mesures, mais après un travail de préparation non négligeable. Il est donc sage de faire au début des mesures aussi précises que possible : cette expérience est très motivante pour les élèves. Mais par la suite des procédés plus légers sont généralement suffisants, comme on le verra à la fin de ce chapitre. Les mesures se font à chaque fois sur deux textes et on fait la moyenne des résultats. Les textes retenus doivent être compréhensibles à la simple lecture par les élèves concernés. Ils doivent aussi comporter une certaine richesse d'information, de façon à donner matière à la vérification. Ce sera par exemple un article de journal, une page de roman, etc. Le texte comportera de 1 000 à 1 500 mots. Étant donné la longueur de ces textes, il n'est pas question de les mettre sur ordinateur. Par contre l'ordinateur calcule le nombre de mots du texte, en fonction de quoi il établit un barème de la vitesse de lecture pour le texte donné. Il reçoit, par 1' intermédiaire du programme LIRA1 les tests pour la vérification de la compréhension et de la mémorisation. Le matériel nécessaire se compose de : Ci-après un barème établi pour un article de journal sur la réduction de la durée des cours à 45 minutes. Un élève qui lirait les 1 573 mots en 1 minute 20 secondes atteindrait la vitesse de 1 180 mots/minute, ce qui serait un record. Inversement, en dessous de 200 mots/minute, il y aurait un retard à rattraper. La performance de début de la plupart des élèves de 2nde s'échelonne entre 250 et 300 mots/minute. L'objectif est pour chacun de doubler au moins la vitesse du début, et, si possible, d'atteindre 800 mots/minute, ce qui' est le niveau qu'un lecteur moyennement doué peut espérer atteindre. BAREME POUR LA MESURE DE LA VITESSE DE LECTURE TITRE : COURS EN 45 MINUTES
Déroulement de l'exercice, mesures Les élèves sont invités à commencer la lecture au top du professeur et à lever la main au moment où ils ont terminé. Le professeur, ayant un oeil sur la montre et l'autre sur le barème, note au tableau, de 5 en 5 secondes, les résultats obtenus. Les premiers effets de l'expérience se font sentir au cours de cette mesure, car elle révèle des différences parfois considérables et inattendues entre les performances. Mais il faut se garder de conclure trop vite, les premiers pouvant passer au dernier rang au cours de la vérification. Pour la vérification de la compréhension et de la mémorisation, les élèves travaillent sur ordinateur (programme LIRA, entrée en 300 pour les micros ; programme LIAR sur M 15). Ils fournissent à la machine la référence de la vérification, puis se laissent guider. Ci-après un test portant sur la lecture rapide. REFERENCE DU TEXTE = LR EN ADMETTANT QUE LA COMPREHENSION REPONDRE EN CHIFFRES PARMI LES AFFIRMATIONS SUIVANTES, DESIGNEZ REPONSE : 1 ET 4 EVALUATION DE LA COMPREHENSION LU TEXTE (EN %) : 100 Après les mesures initiales, les élèves se trouvent dans des dispositions favorables pour recevoir des explications théoriques sur la LR, en particulier sur les possibilités qu'elle leur offre, sur la nécessité d'envisager un entraînement régulier et de longue durée. Cette phase du travail produit une prise de conscience et contribue à créer une motivation. 2) Prise de conscience : découverte de la fixation Il y a une expérience facile à monter pour faire prendre conscience du phénomène de la fixation. Au départ on demande aux élèves comment ils imaginent le déplacement du regard sur la ligne ; de leur bras tendu, ils figurent la direction et le mouvement du regard pour la lecture d'un texte qui serait écrit en gros caractères sur un mur de la classe. Or jusqu'à présent ce test s'est toujours révélé négatif. Dans un deuxième temps, on prend une page de journal ou de revue. On y découpe au centre une fenêtre de trois centimètres de côté. Un élève tient la page verticalement devant lui, le trou étant à la hauteur de ses yeux. Pendant qu'il lit une colonne, un camarade de l'autre côté observe les mouvements des yeux du lecteur. Les expérimentateurs intervertissent ensuite leurs rôles. Il est convenu qu'on attend la fin de toutes les expériences individuelles pour faire connaître ses observations. Eh bien ! quelle découverte fait-on ? 3) Suppression de la vocalisation et de la subvocalisation Il n'est pas possible d'accéder à la LR, c'est-à-dire à une lecture purement visuelle, sans déconnecter la lecture de la vocalisation. On s'entraîne sur des textes ou des expressions qui sont fondés sur un jeu de sonorités ou qui sont destinés à être prononcés : des slogans publicitaires, des titres, des prénoms, des proverbes.
L'élève lit les textes, c'est-à-dire cherche à les comprendre et à les retenir, tout en veillant à ne pas vocaliser ni subvocaliser : les organes vocaux ne doivent pas être en action, pas même à « voix basse ». Des moyens pour s'en assurer :on met le bout des doigts sur la gorge pour en déceler les mouvements ; on met un crayon entre les dents pour déceler les mouvements de la bouche. Pour échapper à la subvocalisation, on fait passer une musique douce. On laisse la musique accaparer l'oreille tout en percevant le sens du tex te. Il se crée ainsi une espèce de cinéma muet où le texte représenterait le film. Le professeur peut orienter l'attention sur des éléments du texte qui soient indépendants du jeu des sonorités. Il demande par exemple à l'avance de compter les occurrences d'un ou deux mots donnés. Le lecteur est occupé par le décompte des occurrences ; il vocalise éventuellement le comptage, mais non les mots en question, ni les autres mots, qu'il suffit de reconnaître visuellement, ce qui est un progrès. 4) Reconnaissance des silhouettés On a vu que pour supprimer la vocalisation et la subvocalisation, on attire fortement l'attention sur la silhouette des mots. Le but visé est d'abandonner le canal auditif au bénéfice du seul canal visuel. D'une façon générale, tous les exercices qui tendent à se familiariser avec le canal visuel tendent par un effet secondaire à faire abandonner le canal auditif. Car, au fur et à mesure des progrès, les opérations dans le canal auditif sont beaucoup trop lentes pour pouvoir doubler celles du canal visuel. Mais les exercices visuels ont leur fonction propre : assurer et affiner la reconnaissance des silhouettes est la base de la LR. C'est la gymnastique, c'est l'étude au sens où l'entendent les musiciens, qui doit être pratiquée régulièrement et avec ténacité, mais qui dans l'ambiance du travail collectif se fait sans douleur. Il existe un jeu d'observation, le jeu de Kim, selon le nom d'un héros de Kipling, qui consiste à faire apparaître des objets hétéroclites pendant un court laps de temps, puis à les cacher. Le joueur doit alors les citer de mémoire. Il y a un exercice d'observation de ce genre qu'on peut faire sur un texte : en un temps donné, par exemple 15 secondes, on barre un lettre désignée à l'avance. On retient toutes les formes possibles de cette lettre, par exemple pour e : e, é, è, ë, ê, E. Au décompte, on enlève un point par lettre oubliée, et deux points par lettre barrée à tort. Il y a un autre jeu qui fait concurrence aux mots croisés : les mots masqués. Sur une grille entièrement remplie de lettres qui semblent apparemment disposées au hasard, on doit reconnaître certains mots qui sont annoncés à l'avance. Ce sont d'excellents entraînements à la lecture visuelle, et il est possible de les pratiquer, sous une forme adaptée, à l'ordinateur. Ce sont les silhouettes purement formelles et les mots masqués annoncés dans le catalogue.
NB : ici également, à l'écran chaque ligne efface la précédente. Sous sa forme la plus simple, la reconnaissance des silhouettes consiste à compter l'apparition d'un ou de plusieurs mots. C'est le cas d'un exemple cité précédemment. Mais à un degré supérieur, on associe des opérations complexes de compréhension à l'observation brute. Le champ lexical est de cet ordre : il s'agit de repérer tous les éléments qui concernent une notion donnée. Par exemple, une liste de proverbes offre le champ lexical du métier " I1 n'y a pas de sot métier. L'occasion fait le larron. Point d'argent, point de suisse... " Le champ lexical est une technique d'analyse pour les textes techniques comme pour les textes littéraires. En documentation, il permet de fixer les mots clés ; en littérature, il permet de définir nettement certaines nuances. Ci-après est présenté un extrait d'un conte de Maupassant intitulé « Amour ». Il se caractérise par la superposition de deux champs lexicaux, celui de l'amour et celui du paysage aquatique. X Il est apparu à l'expérience que les questions portant sur un champ lexical doivent être très explicites, sinon elles donnent une impression de flou et de subjectivité. Nous avons essayé de préciser ce que nous attendons en donnant systématiquement un exemple : MAUPASSANT EXPLIQUE POURQUOI IL EST FASCINE PAR L'EAU. 5) Élargissement du champ de vision Pour élargir le champ de vision, ou plus exactement le champ d'interprétation, autour du point de fixation, on pratique assidûment ce que j'appellerais volontiers l'écarquillement : il s'agit de lire une liste de mots ou d'expressions dont les premiers sont courts et les suivants de plus en plus larges. L'ordinateur place le curseur, dans le cas des micros, ou un « X » dans le cas des minis, à l'endroit où doit se centrer le regard et où il doit rester immobile. Le texte lui aussi, tranche après tranche, se centre sur ce point. La vérification consiste à proposer des mots à reconnaître, à relever des champs lexicaux, ou à répondre à des questions précises sur le fond, dans le cas de textes suivis.
6) Variation du point de fixation Dans l'exercice précédent, le point de fixation était immobile, l'effort se portant sur l'élargissement du champ de vision. Reste à con trôler le regard dans son déplacement sur la ligne. Le rendement optimal est atteint lorsque les champs de deux fixations successives se joignent à leur frontière sans se chevaucher. Une série d'exercices a pour but d'éduquer la mobilité du regard. D'abord un exercice élémentaire sur papier et avec un texte quelconque : on lit le premier et le dernier mot d'une colonne. L'utilité de cet exercice est limitée à la mise en train, mais dans cette fonction il est excellent. on s'en rend compte à la fatigue des muscles oculaires, qui se manifeste assez vite. Aussi convient-il de ne pas le prolonger au-delà de l'apparition de la fatigue, mais de le répéter assez souvent. Le programme LIRA demande à l'utilisateur de choisir entre trois types de dispositions la colonne, la ligne et la disposition en forme de K. Le même texte peut ainsi se présenter sous trois dispositions, au choix. La disposition en colonne a été présentée dans les pages précédentes : elle est particulièrement appropriée aux exercices d'« élargissement ». Dans la disposition en ligne, le regard fait des bonds plus longs que dans une lecture de lecteur non entraîné. Ce type d'exercice est complémentaire de l'élargissement : pour que le champ d'interprétation élargi puisse être exploité, il faut que le mouvement de l'oeil se règle sur un réflexe nouveau, celui de se fixer à des intervalles plus larges.
La disposition en forme de K a pour rôle d'assouplir le mouvement du regard. Il le force à se fixer à des endroits variables. Le premier point de fixation est à la vérité immobile et correspond au début d'une colonne de journal ou de page de livre. Mais le deuxième point se déplace régulièrement, d'abord à gauche, ensuite à droite. Ci-après un poème d'Eluard disposé en ligne ; il s'agit d'y reconnaître le champ lexical du commencement. Dans la disposition en K, qui suit, l'exercice consiste à compter les prénoms masculins.
Il y a une autre forme d'affichage à écart variable, en forme de Z. Elle est réalisable sur micro-ordinateur et non sur mini, car elle demande une vitesse d'affichage élevée.
7) Textes longs Les exercices précédents remplissent chacun une fonction spécifique et limitée. Les textes utilisés, qui pouvaient avoir un intérêt intrinsèque, servaient avant tout d'instrument à cet entraînement. Mais bien entendu on en vient le plus tôt possible à des textes réels et d'une utilité pratique. Les différentes difficultés, abordées jusque-là séparément, se trouvent réunies. Comme la LR, par définition, consomme les textes en vitesse et en grand nombre, il n'est pas question de les taper pour les mettre sur ordinateur. La sagesse conseille de prendre des textes tout faits : un journal ou une revue, s'il est possible de faire acheter le même numéro à tout le monde ; des notices de l'ONISEP, de la SNCF ou d'autres organismes publics ; des textes publicitaires, à condition de faire aussi une analyse des moyens de persuasion rencontrés pour éviter que les élèves n'en soient, pas la victime avec notre complicité ; ou bien le roman dont l'étude est en cours. a) lecture intégrale Le retour aux textes longs commence par la lecture intégrale, qui vise à percevoir tous les éléments du texte. C'est le genre de lecture qui a servi pour la mesure de la vitesse initiale. Des mesures périodiques de cette vitesse permettent de se rendre compte des progrès accomplis. Mais la lecture intégrale, à ce niveau de la progression, est un exercice d'entraînement. Dans cette fonction, la plus grande souplesse est possible. On peut la pratiquer dans les dix ou quinze dernières minutes d'un cours. Elle peut servir d'intermède à d'autres activités plus contraignantes, elle peut servir à mettre une classe en train. Ces différentes utilisations de la LR tiennent à sa nature : elle est relativement facile, car les textes choisis doivent être accessibles à la simple lecture ; elle demande un effort spécifique ; elle fait travailler tout le monde. La mesure de la vitesse de lecture peut se faire au moyen d'un barème établi à l'avance par l'ordinateur. Mais il est possible de procéder plus simplement, si toutefois une compétition ouverte ne risque pas de décourager les plus faibles. On trace au tableau un histogramme des résultats, à mesure qu'ils se produisent. Les résultats sont notés de façon anonyme, par des croix, mais chacun voit d'un coup d'oeil sa situation dans la courbe de Gauss qui se dessine. La vérification peut encore se faire oralement et dans le même esprit de compétition, s'il est possible d'y recourir. On demande à un élève, qu'on en juge capable, de reconstituer le texte aussi complètement et exactement que possible. On peut choisir avec quelque malice un élève qui a terminé sa lecture un des premiers ou un des derniers, car, au début au moins, la valeur de la reconstitution est quelquefois l'inverse de la vitesse de lecture. Cet élève est chargé de faire le travail tout seul, les autres n'intervenant. qu'à la fin, où ils apportent compléments et corrections. L'avantage de ce procédé est de créer une vive animation, de solliciter, quoique d'une façon inégale, l'activité de tout le monde. b) Écrémage L'écrémage représente la lecture efficace, celle qui convient au cadre dans sa profession, celle de l'homme cultivé, celle de l'élève et de l'étudiant. La lecture exhaustive n'a pas de valeur absolue ; elle a sa raison d'être lorsqu'elle est justifiée par son utilité, lorsqu'il s'agit d'assimiler, comme étant nouveau, tout le contenu d'un texte. L'écrémage se rapproche de l'analyse, du condensé de texte qui se pratiquent au baccalauréat : l'écrémage en est la forme cursive. L'écrémage et l'analyse utilisent des techniques identiques ou voisines : les exercices faits ici serviront là. Il ressort de cette observation qu'un des moments favorables, entre autres, pour l'apprentissage de LR est celui de l'apprentissage de l'analyse écrite, soit la classe de seconde. Il y a une méthode que les élèves méconnaissent souvent parce que dans leurs épreuves scolaires ils ont le sentiment de devoir faire vite et de ne pas prendre de temps en musant en dehors des limites strictes de la question. C'est l'exploitation du contexte : l'origine du texte, la situation réelle où il apparaît, les titres et les sous-titres, la table des matières, les avertissements, notices et résumés, etc. On peut dire que le texte offre des portes tout ouvertes, qu'il serait absurde de mépriser pour prendre un accès plus difficile. Il y a des points d'attaque privilégiés et qui sont communément enseignés dans l'apprentissage de l'analyse la recherche de l'idée principale au début et à la fin du texte ou aux changements de paragraphe. Ces passages sont lus intégralement, même dans le cas d'un écrémage. Matériellement l'écrémage consiste en un parcours particulier à travers le texte, non plus linéaire, mais « en diagonale », selon l'expression familière que vérifie l'observation scientifique ou en « Z ». Le regard se fixe à des endroits assez espacés, les points de fixation correspondant aux angles d'un parcours en ligne brisée. Sur les figures 1 et 2 ont été représentés schématiquement les deux parcours. Un parcours réel ne s'en approche qu'approximativement et mélange volontiers les deux figures. Les points représentent des fixations, et les lignes pleines les déplacements de l'oeil. La lecture se fait sur les points ; elle est impossible sur les lignes de déplacement. Les fixations sont plus denses dans certaines zones du texte, qui d'ailleurs sont en général désignées par le texte lui-même : titres, sous-titres, débuts et fins de paragraphes. Ces passages sont lus intégralement, aussi longtemps qu'ils apportent une information essentielle. Après un bout de lecture intégrale, le regard reprend son allure à grandes enjambées.
V - Évaluation des réponses par l'ordinateur Pour tous les exercices de la LR, qu'il s'agisse de textes suivis ou de listes de mots, la machine offre le moyen de faire une vérification individuelle de la compréhension et de la mémorisation, avec évaluation chiffrée. Ella met en oeuvre tous les types de tests qui se prêtent au contrôle d'un acquis de connaissances ou de la compréhension : la question à réponse libre, la question à choix multiple, la question à réponse VRAI-FAUX, la question à appariement. Sauf indication contraire, les exemples cités se rapportent au texte présenté dans le chapitre Déroulement d'un exercice à l'ordinateur. La question à réponse libre C'est la question classique. Exemple : à quel niveau du secondaire convient-il de pratiquer la LR ? L'ordinateur prévoit les réponses suivantes : « le premier » ET « le second cycle » OU « les deux cycles » OU « toutes les classes ». Pour la commodité, non de l'ordinateur, mais de celui qui donne le questionnaire à la machine, à l'aide du programme LIQUE, on tourne la question de façon que la réponse soit aussi courte et simple que possible. Car, sans parler du programme d'analyse de réponse libre, qui est constitué une fois pour toutes, l'entrée sur ordinateur des réponses attendues demande des précautions. Les réponses sont définies avec des opérateurs logiques ET, OU et NEGATION. Les synonymes et les variantes orthographiques sont introduites avec l'opérateur OU ; dans l'exemple ci-dessus, il convient d'ajouter OU « les deux cycles ». Comme toutes les possibilités ne peuvent être envisagées à l'avance, l'expérience entraînera éventuellement une révision du questionnaire. Il y a aussi des précautions à prendre au moment de la création d'un questionnaire portant sur un champ lexical. L'exploration d'un champ lexical permet de faire jouer la compréhension, même dans le cas d'une liste de mots. Cette liste n'est pas composée au hasard, mais résulte de la « mise à plat » d'un texte réel ou bien elle a été délibérément constituée sur un ou plusieurs champs lexicaux. Ci-après un exemple :
Cette liste a été volontairement constituée avec des mots empruntés au champ lexical de la peinture mélangés à d'autres mots. Mais pour qu'ils puissent être reconnus sans malentendu par un tiers, il faut les faire précéder par une question soigneusement explicitée. COMBIEN DE TERMES SE RAPPORTENT A L'ART DE LA La réponse prévue sera un chiffre. Un traitement particulier est réservé aux réponses chiffrées. C'est le cas d'un exemple déjà cité : « combien de termes désignent l'eau ? » La réponse attendue est 5. Mais les réponses 4 et 6, sans être parfaites, seraient encore satisfaisantes. Le traitement arithmétique consiste à prendre les valeurs des réponses dans les proportions suivantes : question à choix multiple = QCM Toutes les réponses chiffrées ne peuvent pas être acceptées en valeur approchée, par exemple les dates. Dans ce cas, on demande au programme de vérifier non un simple nombre, par exemple 1 900, mais « 1 900 ou mille neuf cent » : seules les réponses strictement exactes sont alors acceptées. S'il y a un nombre à vérifier, le programme demande expressément de « RÉPONDRE EN CHIFFRES » et applique le traitement arithmétique. Exemple de question : Cocher la réponse juste. La lecture rapide est fonction de :
Seule la réponse b est correcte, car les phénomènes cités en a et en c n'ont pas d'influence significative sur la lecture rapide. Une réponse donnée au hasard aurait 1 chance sur 3 de tomber juste (dans le cas où le questionnaire demande de cocher une seule réponse). L'incidence du hasard est donc trop importante. Mais à la machine, il est facile de la neutraliser comme on le verra plus loin (paragraphe 6). Le OCM offre un vaste champ à l'exploration du sens d'un texte. Dans l'exemple ci-dessus, il porte sur des informations ponctuelles. Il peut aussi porter sur l'idée directrice. « l'intention de l'auteur est de :
Question à réponse VRAI/FAUX Exemple : question se rapportant à un texte cité précédemment Le même type de question peut vérifier la compréhension à un niveau plus profond : « la fonction des sondages d'opinion se distingue autant de celle du journalisme que de celle de la propagande électorale, vrai ou faux ? ». Ou bien : « les campagnes électorales sont, d'après le texte lu, le champ d'application principal des sondages d'opinion, vrai ou faux ? ». Cette dernière affirmation est considérée comme fausse, car la projection d'idées toutes faites sur un texte lu n'est pas une lecture satisfaisante. On peut tourner la question de manière à obtenir une réponse rapidement : « Parmi les mots suivants, combien ont figuré dans la lecture : conscience, rigoureux, erreur, orienté, impartiaux ? » Il suffit pour la réponse de taper le chiffre 2. Une autre tournure force l'utilisateur à fixer son attention : « Parmi mes mots suivants, recopiez celui ou ceux qui ont figuré dans la lecture : convaincre, persuader, expliquer, éclairer. » Question à appariement Se reporter pour cet exemple au texte en Z (III, 6) ; attention, les réponses doivent rendre compte du sens de ce texte ! Chaque terme d'une première liste doit être apparié à un terme d'une deuxième liste. « Appariez terme à terme les deux listes suivantes : La deuxième liste comporte un terme de plus que la première pour que le dernier appariement ne soit pas déterminé après exclusion des autres. Neutralisation de L'effet du hasard Dans les questions à choix (question à choix multiple, question à réponse VRAI/FAUX, question à appariement), des réponses données au hasard ont des chances non négligeables de tomber juste. L'ordinateur permet, avec facilité, d'appliquer un correctif auquel on renonce généralement dans les corrections manuelles ; au résultat brut est appliqué la formule V = F/(n-1) dans laquelle V représente le nombre de réponses justes, F le nombre de réponses fausses et n le nombre de choix possibles dans chaque question. Si le nombre de choix est élevé ou s'il y a plusieurs réponses justes dans les choix proposés, ce correctif est peu utile. Se reporter aux instructions du programme LIOUE (création du questionnaire). Moyennes Le résultat d'un seul exercice ne permet pas de juger valablement d'une évolution. Cela est d'autant plus vrai que les exercices ont été volontaire ment réduits en dimension, tant en ce qui concerne le texte qu'en ce qui concerne le nombre de questions. L'ordinateur calcule donc une moyenne des évaluations. La moyenne permet en fin de séance de juger valablement de l'évolution des performances. EVOLUTION DES MOYENNES : Il est important évidemment que les moyennes augmentent, mais il est plus important peut-être que les deux moyennes, celle de la vitesse et celle de la compréhension et de la mémorisation, tendent à s'équilibrer. Il n'est pas question de développer ici la pratique des tests. Si besoin est, il est facile de trouver une initiation dans des ouvrages comme celui ci : L'évaluation des élèves dans la pratique de la classe, Lowell A. Schoer, collection SUP, PUF. Cet ouvrage est destiné aux enseignants, leur apporte l'information nécessaire et envisage les problèmes pratiques qui se posent à eux. Il peut être déroutant de prime abord, car il est présenté sous forme de cours programmé. En tant que tel, il offre aussi une initiation pratique à l'enseignement programmé. Conclusion L'ordinateur, un outil individuel La lecture rapide peut se faire sans ordinateur. Mais les consoles de visualisation, du fait de leur nature et comme leur nom l'indique, semblent être prédestinées à cette fonction. En effet, sur papier, il n'est pas possible à un moniteur de guider le regard du lecteur. Par contre l'ordinateur fait une inscription à un endroit de l'écran, puis à un autre et oblige ainsi le regard à se porter là. Il est l'instrument adapté à la nature du problème. L'ordinateur ne permet pas seulement de faire varier l'emplacement de l'inscription, il permet aussi de faire varier le rythme de déroulement du texte, et cela de la façon la plus adaptée possible, car c'est l'utilisateur qui fixe lui-même ce rythme, selon son ambition ou selon ses possibilités, révélées par les résultats précédents. L'ordinateur est ainsi par excellence un instrument d'entraînement individuel. Et la lecture demande précisément des leçons individualisées. Néanmoins la lecture à l'ordinateur se heurte à certaines difficultés et à certaines limites. Une première limite est l'absence de caractères minuscules sur la configuration du Mitra et du T 1600. Les micro-ordinateurs offrent dorénavant non seulement les minuscules, mais aussi les accents nécessaires à l'orthographe et à là lecture du français. Sur les mini-ordinateurs, il existe une autre difficulté : le système de temps partagé brise le rythme de la lecture, à un point tel que celle-ci perd l'essentiel de sa valeur. À cela, un palliatif : dès qu'une console a commencé une lecture, le programme lui donne l'exclusivité de la machine et met les autres consoles en pause pendant la durée de cette lecture. Il y a ainsi des temps d'attente de 1 à 15 secondes. Mais ces pauses se fondent souvent avec des arrêts naturels, dans le cas où l'élève cherche une réponse dans sa tête, ou pendant le temps qu'il tape sa réponse sur le clavier. Ainsi aménagé, le système est satisfaisant. Mais si on veut des conditions idéales, le micro-ordinateur offre incontestablement de meilleures conditions (individualisation et accents). La deuxième limite tient à la charge trop lourde que constitue l'entrée de textes longs. Il est vrai que la plupart des exercices d'entraînement doivent être courts. C'est une précaution qui permet de limiter la fatigue, laquelle n'est pas négligeable dans une situation d'apprentissage. Elle évite ainsi le découragement lorsque la difficulté affrontée s'avère à l'épreuve au-dessus des moyens de l'élève. Néanmoins arrive un moment où l'entraînement porte sur des textes longs. Ainsi les exercices sur ordinateur doivent être complétés par des exercices sur papier. En ce qui concerne la deuxième face de la lecture rapide, à savoir la vérification de la compréhension et de la mémorisation, l'ordinateur est un outil de très grande valeur. Il évalue avec précision tous les résultats, ceux de la vitesse de lecture comme ceux de la vérification. Il mesure pour chacun et à chaque fois les progrès accomplis et suscite une émulation à l'égard de soi-même. Il donne sans passion, mais avec la fermeté des chiffres et avec la ténacité de la machine, une image de la performance. Il chiffre sans délai tous les résultats et évite les frais d'une illusions, qu'elle soit optimiste ou pessimiste. Motivations La compétition a certes sa place dans la vie sociale et scolaire, et, en ce qui nous concerne, dans la lecture rapide, mais ne doit pas devenir la seule règle, ni la plus importante. Les meilleurs en profitent au détriment des plus faibles : chez ceux-ci les difficultés de lecture peuvent réactiver de vieux sentiments d'échec. Si cet écueil est évité, la lecture rapide peut offrir à ceux-ci une chance de retrouver leur confiance en eux-mêmes. L'ordinateur met chaque élève en compétition avec lui-même, ou plus exactement avec la machine. L'expérience montre l'existence de cette compétition les élèves se font un point d'honneur de battre la machine, à preuve l'acharnement qu'ils manifestent et la difficulté qu'a le professeur de les en arracher. Cette compétition est toujours victorieuse, car, d'unE fois à l'autre, on constate ses progrès, qui sont reconnus et chiffrés par l'adversaire. Néanmoins cette réflexion n'explique pas tout l'acharnement mis par les élèves à battre la machine. Peut-être faut-il recourir au mythe, plus vivant que jamais, du monstre, qui de nos jours est volontiers imaginé sous la forme du robot. Or l'ordinateur de l'Éducation nationale est un monstre enchaîné, ce qui procure à la fois un sentiment de sécurité et l'excitation de la lutte. Et cette lutte doit être éternellement recommencée. Ainsi il n'y a pas de découragement ni de déshonneur à être provisoirement battu par la machine, mais un nouvel appel à des forces profondes. La science-fiction nous a montré des robots surhumains et inhumains, mais aussi des robots au service de l'homme. Dans les brumes du symbolisme mythique que l'ordinateur active en nous, se dessinent aussi des figures de bons génies, de fées ou de magiciens bienveillants. Bertrand Ott, Paru dans le Bulletin de l'EPI n° 24 de décembre 1981, pages 55-85. Bibliographie - Alain, Propos sur l'éducation, PUF, 1932. - A. Conquet, Lisez mieux et plus vite, Le Centurion, 1967. - Jean Foucambert, De la manière d'être lecteur, éditions SERMAP, diffusion Hatier, 1976. - François Richaudeau, La lisibilité, Denoël, 1968, Retz-CEPL, 1969, 1976. - François Richaudeau, Michel et François Gauquelin, Méthode de lecture rapide, Retz-CEPL, 1977. - Lowell A. Schoer, L'évaluation des élèves dans la pratique de la classe, colletion SUP, PUF. ___________________ |
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