NOUS AVONS LU L'école primaire et les technologies informatisées Édité par François Villemonteix, Jacques Béziat (Dir.), Georges-Louis Baron. Éditeur Presses Universitaires du Septentrion, éducation et didactiques, livre broché de 172 pages, 21 euros. Les directeurs de l'ouvrage François Vïllemonteix est maître de conférences HDR en Sciences de l'éducation à 1 ' Université de Cergy-Pontoîse. Ses travaux portent sur les technologies informatisées et leurs pratiques en milieu éducatif, en présence et à distance. Georges-Louis Baron est professeur de Sciences de l'éducation à l'Université Paris Descartes. Ses thèmes de recherche actuels concernent les enjeux didactiques des instruments informatiques et les modes d'appropriation de ces instruments par les apprenants et les enseignants. Jacques Béziat est enseignant-chercheur en Sciences de l'éducation à I ' Université de Limoges, KA 6311 FRED. Il mène des recherches sur les technologies informatisées à l'école et dans les pratiques de formation. Les contributeurs Le présent ouvrage collectif s'intéresse à la manière dont notre système scolaire propose des réponses à ces défis. Écrit par des chercheurs de différentes spécialités en vue d'un large public, il offre un panorama de la situation, en s'intéressant aussi bien à l'utilisation en classe d'instruments mobiles qu'à la pensée informatique et à la formation des enseignants, ainsi qu'à l'enseignement à tous d'une culture numérique. Comment interroger les pratiques des élèves, et des enseignants, compte tenu de l'évolution des modèles de diffusion des ressources numériques, de l'ergonomie des interfaces des environnements mis à disposition ? Comment traiter la question des curricula, des principes de certification et de leurs modalités de mise en œuvre alors que les pratiques sociales des élèves et des maîtres explosent et que les pratiques scolaires stagnent ? Comment penser un enseignement de l'informatique à l'école primaire, quasiment déniée dans l'approche orientée « usage » que les institutions éducatives soutiennent depuis près de vingt ans, en repensant les autres domaines disciplinaires ? C'est à ce faisceau d'interrogations que cet ouvrage tente d'apporter quelques éléments de réponse. Il appartient au genre de l'ouvrage collectif coordonné. Une de ses originalités provient de ce qu'il est le fruit d'une élaboration en 3 temps : d'abord des chercheurs et des praticiens ont soumis des contributions au colloque. Dans un deuxième temps, le comité scientifique de la conférence a retenu des axes qui lui semblaient justifier de la construction d'une synthèse et a procédé à une seconde sélection parmi les propositions initiales. Lors de la troisième phase, les auteurs pressentis ont soumis un texte fondé sur le premier, parfois une synthèse nouvelle, et un processus de sélection s'est alors de nouveau exercé. En résulte un livre qui a pour ambition de faire une synthèse sur la situation telle qu'elle est et, aussi, de présenter un panorama des méthodes de recherche qui se déploient autour de cet objet d'étude très volumineux qu'est l'école face aux technologies numériques. L'exposé est structuré autour de trois grands thèmes, critiques dans la situation actuelle. La première partie s'intéresse à l'enseignement de l'informatique. Au cours du premier chapitre, Anastasia Missirli et Vassilis Komis font état de résultats d'une recherche longitudinale menée en classe maternelle. Elle porte sur l'utilisation de jouets programmables (BeeBot) par de très jeunes élèves et analyse le passage de l'action concrète dans l'environnement réel vers des activités plus abstraites et leur influence sur la construction de compétences d'orientation et de direction. Éric Bruillard puis Jean-Luc Rinaudo, au cours des deux chapitres suivants, apportent à la question posée par les éditeurs de cet ouvrage « qu'y aurait-il à enseigner de l'informatique à l'école primaire ? » un éclairage sur deux versants différents, mais complémentaires. Éric Bruillard propose une réflexion autour de l'introduction d'un enseignement de l'informatique à l'école primaire jouant sur la complémentarité entre le champ scientifique constitué et la culture technique. L'objectif social et citoyen est recherché pour l'école : qu'elle donne l'opportunité et les moyens intellectuels de développer des capacités d'agir sur le monde qui nous entoure. Jean-Luc Rinaudo discute les discours courants sur les natifs du numérique, exonérant l'école de toute responsabilité sur l'émergence de compétences reliées à l'utilisation des technologies et accentuant les effets de classe et de genre. La deuxième partie s'intéresse aux pratiques des technologies et à leurs processus d'appropriation. Tout d'abord, une recherche exploratoire sur des pratiques de lecture partagée en classe de CP nous est présentée par Isabelle Bastide et Cédric Fluckiger dans le premier chapitre. Sous un angle didactique, les auteurs caractérisent le rôle particulier des ressources numériques mobilisées lors d'utilisation avec le TNI et notent certains changements, comme l'apparition de « jeux didactiques » entre ces ressources et les objets d'apprentissage. Le cinquième chapitre initie le lecteur aux méthodes issues de la psychologie ergonomique. Sandra Nogry, Carine Sort et Françoise Decortis s'appuient sur une analyse longitudinale de plus d'un an et demi, portant sur l'implantation d'une classe mobile à l'école primaire. Les auteures mobilisent la théorie instrumentale afin d'analyser l'activité des élèves et des enseignants, en focalisant notamment sur le processus d'appropriation des technologies considérées. Dans le sixième chapitre et dernier de ce thème, Koffi Dogbe-Semanou nous propose d'ouvrir le propos à l'international et à la francophonie en présentant le contexte d'informatisation d'écoles de pays d'Afrique subsaharienne et se focalise sur le cas des écoles privées du Togo. Une recherche exploratoire montre la place particulière qu'occupé l'informatisation des écoles dans les stratégies des établissements concernés. La troisième partie de l'ouvrage s'intéresse à la formation et aux régimes de certification en vigueur en France. Au cours du septième chapitre, Bruno Devauchelle et Stéphanie Netto s'intéressent aux principes de certifications de compétences des élèves (B2I) et des enseignants (C2I2E) plus ou moins reliées à l'informatique et à la pédagogie. Les auteurs soulignent la nécessité d'un temps long d'acculturation, attesté par les évolutions lentes de leurs représentations des technologies et de leurs pratiques. Le huitième chapitre reste centré sur la formation professionnelle des enseignants du premier degré. Emmanuelle Voulgre et Georges-Louis Baron analysent des scénarios pédagogiques mobilisant les TIC, élaborés par des étudiants de master z. Ils notent l'inventivité, la richesse de leurs productions ainsi que la qualité de la réflexion pédagogique. Us soulignent aussi la tension entre la démarche et J'attente institutionnelle, telle qu'elle est cadrée par les programmes et par la certification déjà évoquée plus haut. Le denier chapitre présente un dispositif de formation à distance des futurs enseignants de l'école primaire. Au-delà du modèle de formation mis en œuvre, basé sur la mise à distance complète de la formation et des aspects purement logistiques et organisationnels problématiques qu'elle pose, les auteurs, François Villemonteix et Jean-Michel Gélis proposent de faire un lien entre les processus d'institutionnalisation d'une innovation technologique dans une organisation telle qu'un institut de formation des maîtres et la professionnalité des enseignants formateurs, confrontés à la mise à distance de leur action. Pour clore cet ouvrage, Georges-Louis Baron mobilise la métaphore du balancier pour revenir sur l'histoire contrariée de l'informatique dans l'enseignement scolaire au cours des 30 dernières années. Les limites d'une métaphore ! Le balancier oscille longuement grâce à une intervention humaine volontariste et cohérente. Ce n'est pas le cas du développement erratique de l'informatique dans le système éducatif où les responsables du MEN se sont succédé sans vision claire et prospective. Il était pourtant facile de prévoir que l'obstacle majeur qu'il convenait de lever était celui de la formation initiale et continue des enseignants ! Las, nous attendons toujours des décisions à la hauteur des enjeux. On ne peut enseigner correctement ce qu'on ne connaît pas ou ce qu'on connaît mal. Excusez du truisme. En comptables, les responsables ont choisi la solution « économique » : l'utilisation des « outils » qui dispenserait de former. Mauvaise pioche. Cette pratique exclusive n'en finit pas de stagner malgré les réalisations spectaculaires d'une minorité, celle que l'on rencontre dans les salons de l'éducation. Décidément, nous ne pouvons nous montrer indulgents pour une politique bien peu cohérente menée par le MEN au cours des dernières décennies ! Dès les années 80, les archives de l'EPI témoignent de pratiques qui auraient pu être généralisées. Nous n'en serions pas là aujourd'hui où l'on redécouvre la programmation sous le nom de « codage » comme si Logo n'avait jamais existé. Nous recommandons la lecture de cet ouvrage tout en regrettant qu'il ne fasse pas suffisamment référence aux nombreux articles en ligne sur le site de l'EPI. Rappelons, juste pour mémoire, le dossier n° 6 Informatique à l'école de septembre... 1984 : http://www.epi.asso.fr/revue/dossiers/d06p005.htm La réflexion, l'expérimentation, les pratiques novatrices ne datent pas d'hier ! ___________________ |