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Le numérique, si vous ne pratiquez pas, vous ne comprenez pas
Prévient Benoît Thieulin usine-digitale.fr, 18 mai 2016 (extrait).
Comment expliquez-vous qu'il n'y ait rien du rapport du CNNum sur le travail dans le projet de loi de Myriam EL Khomri, ni même l'idée d'une consultation citoyenne, comme en a bénéficié la loi numérique d'Axelle Lemaire ?
Je ne pense pas que ce soit une question de timing. Le CNNum a travaillé une bonne année sur ce rapport. On l'a remis début janvier 2016, pas forcément trop tard. Je ne pense pas que la loi Travail était bouclée. En revanche, j'imagine trois raisons au fait que nos propositions n'aient pas été reprises. La première, c'est qu'il y a un problème de prise de conscience de cette transformation. Certes nous n'en sommes plus au début. Le point de bascule a eu lieu. Mais d'abord dans le champ économique avec la compréhension que le numérique n'est pas un secteur, mais une transformation profonde. Même le dirigeant d'une centrale nucléaire aujourd'hui se dit que le numérique va peut-être venir l'emmerder. Mais cette idée n'a pas encore germé dans la tête de nos politiques. Il y a un problème de maturité.
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Mais comment fait-on entrer ces sujets dans le débat présidentiel ?
... Peu d'hommes politiques, déclaré ou non [à la présidentielle], comprennent les enjeux et dépassent l'effet de mode sur la transformation numérique. Le numérique si vous ne pratiquez pas, vous ne comprenez pas. On ne peut pas avoir une approche théorique de la transformation numérique.
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Comment les politiques peuvent-il s'emparer du sujet ?
... Nous sommes à la Renaissance, au moment où il se passe un truc étrange, où Gutenberg invente l'imprimerie et tout d'un coup le savoir, la connaissance vont se diffuser sur un autre mode. Aujourd'hui, ce que l'on vit, c'est l'émergence de pouvoirs latéraux. Le numérique est l'émergence d'une énorme vague latérale.
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... nos dirigeants ont des outils, de débat démocratique notamment, qui ne sont pas forcément adaptés.
Et le deuxième plan ?
... Le numérique est un outillage des individus. L'un des pouvoir qu'il leur donne c'est la capacité d'auto-organisation. Les grandes organisations, économiques ou politiques, ne vont plus avoir seules le monopole des organisations collectives. Il faut donc avoir une pensée double : accompagner les institutions traditionnelles, françaises ou européennes, car la transition pourrait être très brutale, et réfléchir au système qui est en train d'émerger.
Vous réfléchissez à une école numérique à Science Po. Comment forme-t-on à ces transformations ?
C'est la question de la littératie numérique. Elle passe d'abord par la compréhension des fondamentaux technologiques de cette transformation. Et pour tout le monde. Sinon, vous allez avoir un décalage entre les élites et la population. Et quand il y a décalage, à un moment il y a rattrapage. Et plus le fossé est grand, plus c'est violent. En France cela s'est appelé la Révolution de 1789. Et puis on doit faire réfléchir les gens sur la science des machines, le code... Il faut aussi qu'ils pratiquent et surtout qu'ils comprennent ce qu'ils pratiquent.
Propos recueillis par Aurélie Barbaux et Emmanuelle Delsol
http://www.usine-digitale.fr/editorial/le-numerique-si-vous-ne-pratiquez-pas-vous-ne-comprenez-pas-previent-benoit-thieulin.N391972
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juin 2016
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