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« Jules Ferry 3.0 » : récit d'une convergence

Par Daniel Kaplan, le 13/10/14 (extrait).

   Je faisais partie de ce groupe piloté par Sophie Pène. Il s'y est passé quelque chose que je vois assez rarement arriver dans les débats sur l'éducation : entrés dans ce travail collectif avec des positions parfois très divergentes, nous en sommes sortis avec des convictions communes.
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   Comme beaucoup d'acteurs du « numérique éducatif », y compris ceux qui ne se retrouvent pas dans nos propositions, je considère que « le numérique doit être l'affaire de toutes les disciplines » et participer au « décloisonnement disciplinaire ». Je crois d'ailleurs que chacun des auteurs du rapport pourrait signer cette phrase. Nous n'ignorons pas non plus que des milliers d'enseignants, des dizaines d'établissements, de nombreux cadres des rectorats ou de l'administration centrale, etc., y travaillent. Au contraire, nous en avons rencontré beaucoup et ils nous inspirent encore. Nous demandons explicitement qu'on reconnaisse, valorise et utilise leur travail à sa juste valeur.

   Mais force est de constater que tous ces efforts, ainsi qu'une multitude de « plans numériques » nationaux et territoriaux, n'ont pas produit d'effets significatifs à l'échelle de notre système éducatif. Certes, les choses bougent, mais trop lentement. Les innovateurs innovent, mais chacun connaît l'isolement dans lequel ils le font, qui les épuise les uns après les autres. Personne n'est coupable, mais il faut changer d'approche.

   Je crois désormais à la nécessité de proposer des « points d'application » précis pour faire levier, pour engager une vraie dynamique de changement à l'échelle, non plus d'expériences individuelles (aussi excellentes soient-elles), mais de l'ensemble du système.

Il faut commencer quelque part

   L'enseignement de l'informatique est l'un de ces points d'application. Au démarrage de notre travail, j'étais plutôt opposé à l'idée d'en recommander l'introduction systématique et volontariste. Certes, je crois profondément que l'« honnête homme » (ou femme) de demain devra comprendre comment fonctionnent les machines qui produiront la majorité de nos informations, de nos connaissances et de nos décisions. Je crois aussi que cette compréhension doit être pratique, ce qui signifie qu'elle passe par une forme ou une autre de programmation. Je crois enfin, comme Serge Pouts-Lajus , que « la programmation d'un automate est, à tout âge, une expérience d'apprentissage d'une très grande richesse » – au point qu'elle constitue pour beaucoup d'élèves (ou ex-élèves) un moyen de « raccrocher », de retrouver le plaisir et la fierté d'apprendre.

   Fallait-il pour autant souhaiter que tous les enfants apprennent des éléments d'informatique ? J'en doutais pour deux raisons. D'une part, je considère qu'au coeur de la transformation numérique, il y a tout autant la « science informatique » qu'un ensemble de pratiques sociales, de travail et d'expression, toutes aussi importantes à maîtriser : je ne voulais donc pas que l'Éducation nationale privilégie la première dimension, plus facile à cerner, pour éviter de faire face à l'autre, plus diffuse. D'autre part, j'estimais que les disciplines étouffent suffisamment notre système pour ne pas vouloir en ajouter une.

   Mais alors, que faire ? La réponse « utilisons le numérique pour changer de l'intérieur toutes les disciplines et brouiller leurs frontières » est évidemment excellente, mais elle présente plusieurs faiblesses. Lorsqu'elle se traduit par l'usage de logiciels disciplinaires tout faits ou de ressources numériques, même de qualité, elle ne change au fond pas grand-chose à l'expérience d'apprentissage et n'apporte aucune compréhension de cette « mécanique cognitive » qu'est l'informatique. Surtout, elle peut servir de paravent à l'immobilisme de l'institution : car c'est en effet ce que l'on fait (ou prétend faire ?) depuis 20 ans. On a bel et bien fait entrer un peu de numérique dans toutes les disciplines, les inspecteurs pédagogiques régionaux et les Délégués académiques au numérique (DAN) sont mobilisés depuis longtemps là-dessus. On a laissé se développer une multitude d'« expériences » formidables (mais sans reconnaissance, sans lendemain ou en tout cas, sans modalité en permettant l'extension, la reproduction, etc.) Des appels à projets ont financé toutes sortes de produits numériques éducatifs. A-t-on pour autant le sentiment d'en être arrivés beaucoup plus loin aujourd'hui qu'il y a 20 ans ? Dans l'immense majorité des établissements et des classes, la réponse est non. À nouveau, les personnes ne sont pas en cause : l'effort est tout simplement trop diffus pour une organisation de cette taille et de cette complexité.
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http://www.internetactu.net/2014/10/13/jules-ferry-3-0-recit-dune-convergence/

NDLR-EPI : comment ne pas se réjouir que le délégué général de la Fondation internet nouvelle génération (Fing) se rallie à la complémentarité des approches que l'EPI prône depuis des décennies. Nous recommandons vivement la lecture de ce « récit d'une convergence ».

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Association EPI
novembre 2014

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