NOUS AVONS LU L'âme de la méduse Jorge Wagensberg, Professeur à l'Université de Barcelone, auteur de nombreux travaux en physique et en biophysique, Directeur du musée de la science de la Fondation « La Caixa » à Barcelone. Tusquets Editores, Barcelone, 1985. Édition du Seuil, Paris, 1997. (Extraits concernant la simulation) Un plaidoyer pour la simulation datant de 1985. Un discours peu fréquent à cette époque sous la plume d'un physicien. On pourra lire également avec profit « modélisation-simulation » in L'intégration de l'informatique dans l'enseignement et la formation des enseignants, Coédition EPI-INRP éditée par Georges-Louis Baron et Jacques Baudé. « La biologie cellulaire et le microscope, ou encore l'astrophysique et le télescope, sont de beaux exemples de mariages heureux et durables entre le progrès de la connaissance et celui d'un instrument. Mais il y a aussi des limitations. D'abord, bien sûr, au niveau de l'expérimentation : certains objets se prêtent à l'observation mais non à l'expérimentation. Un exemple évident est celui des étoiles. Mais aussi au niveau de l'observation : certains objets, en raison de leur position et de leur taille, ne peuvent pas même être observés ; ou encore, en raison de leur complexité. Comment observer, par exemple, l'inextricable écheveau que forme le devenir simultané de millions d'individus partageant un certain volume de forêt ou d'océan ? Face à cette complexité, l'expérimentation déclare immédiatement forfait, et l'information que peut grappiller l'observation reste bien pauvre. Alors, est-il possible de tourner les limitations du progrès scientifique imposées par celles de l'observation et de l'expérimentation, qui apparaissent de plus en plus définitives ? Une autre façon de poser la question serait : pouvons-nous construire de la connaissance en nous passant de l'information apportée par le monde réel ? En fait, nous ne pouvons pas sacrifier le flux d'information, mais celle-ci n'a pas nécessairement à se rapporter au monde réel. Car nous pouvons inventer un autre monde, et reporter à plus tard la question de savoir dans quelle mesure il ressemble au monde réel. Pour le dire autrement, même si la complexité du monde réel nous interdit l'observation et l'expérimentation, nous pouvons observer un monde simulé et expérimenter sur lui. Nous disposons pour cela aussi d'un appui exosomatique, que nous voyons actuellement se développer avec vigueur : les machines capables de traiter l'information rapidement et en grande quantité, c'est-à-dire les ordinateurs. Il s'agit là sans nul doute d'une nouvelle sorte d'information, qui selon toute vraisemblance est bien loin de toucher à ses limites. (Chaque jour les ordinateurs battent toutes sortes de records.) Aussi la simulation par ordinateur ouvre-t-elle une ère nouvelle dans l'effort pour connaître le monde. SIMULER : c'est obtenir l'information produite par des expérimentations imaginées. Comment inventer de telles expériences ? Le point de départ se trouve précisément là où l'observation et l'expérimentation reconnaissent leur impuissance. C'est le cas des systèmes pour lesquels nous sommes parvenus à obtenir des lois partielles (particules, molécules, individus) mais dont l'aspect global nous échappe par sa complexité (tel type de cristal, tel écosystème, tel marché économique). Ce projet ne saurait être plus cartésien. Il s'agit en effet d'obtenir des données sur un tout composé de nombreuses parties, sur la base du comportement de chacune d'elles. Cette tâche naguère inimaginable, nous pouvons maintenant la confier à un ordinateur. Des conditions initiales étant fixées, la machine ira chercher toutes les parties une par une et examinera toutes leurs influences mutuelles possibles (ce qui constitue un travail impressionnant) pour déterminer la configuration du système à l'instant suivant. Et ainsi de proche en proche. La mémoire de l'ordinateur conservera ces précieuses données, prête à nous les fournir à la demande. Dans ce monde simulé, nous pourrons renouveler à notre guise l'observation et l'expérimentation. Ainsi les limites du monde réel ont-elles été contournées. Et, avec l'information ainsi obtenue, nous pouvons construire des connaissances nouvelles et les soumettre à critique. La simulation représente le plus haut degré d'initiative dont dispose la perception du penseur. Son incontestable nouveauté en tant que catégorie de perception (nouveauté qu'étrangement les épistémologues antérieurs à la cybernétique n'avaient pas prévue) est apparue lors d'un congrès de physique – The Gordon Conférence of Liquids – où fut soulevé le problème de savoir si cette nouvelle race, les scientifiques simulateurs, étaient des théoriciens (des créateurs) ou des expérimentateurs (des applicateurs) ; quelqu'un qui à coup sûr n'était pas poète suggéra sans succès un terme nouveau : les machinistes. Les résultats de ceux-ci, en tant que nouveaux producteurs de connaissance, sont variables selon les disciplines. Ils sont bons en physique, malgré la distance qui sépare ici monde réel et monde inventé. Dans le monde physique réel, la population moléculaire est généralement de l'ordre de 1023 (!), avec des temps entre les collisions de l'ordre de 10-15 seconde (!), alors que les systèmes informatiques actuels (NDLR-EPI : texte écrit en 1985) ne savent manier que des systèmes de quelques milliers de molécules pour obtenir, après de nombreuses heures de travail, leur évolution sur une durée d'un milliardième de seconde en temps réel. Il est vrai que chaque nouvelle génération de machines réduit cette distance. Les résultats des « machinistes » sont moins bons dans des sciences comme l'économie, où la simulation paraît aujourd'hui discréditée – comme il était à prévoir, du fait que la difficulté affecte déjà les étapes de l'observation et de l'expérimentation. C'est en biologie, l'exemple même de la complexité, que règnent les plus grands espoirs, cela pour deux raisons : parce que c'est en biologie que les systèmes sont le plus complexes, et que par ailleurs les ordres de grandeur des populations et des durées correspondent le mieux aux possibilités des ordinateurs. On me pardonnera de ne pas résister au plaisir de citer l'exemple du Barcelonagrama (20, 50), un macroprogramme d'ordinateur capable de simuler le comportement de 100 000 individus, appartenant à dix espèces différentes, et soumis par leur milieu à certaines conditions énergétiques. Le simulateur suit un par un les avatars de chacun des individus (naissance, mouvement, alimentation, interactions et mort) et prend des décisions selon des règles du jeu individuelles dans lesquelles intervient une part de hasard (!) (méthode de Montecarlo) ainsi que selon une technique devenue prestigieuse dans certains domaines de la physique comme la simulation des liquides ou la dynamique moléculaire. Le Barcelonagrama est l'exemple d'une voie nouvelle face à un problème où l'observation et l'expérimentation sont absolument impossibles. Il a fourni un ensemble de résultats qui ont déjà permis de remettre en question certaines lois logistiques consacrées de la dynamique des populations et d'en proposer de nouvelles. La simulation est en fait le plus grand espoir que nous ayons de pénétrer dans la complexité du monde. Voici un exercice de réflexion pour le lecteur : quelle est l'attitude scientifique d'un chercheur qui n'est ni créateur, ni applicateur, mais simulateur ? Ce n'est pas du tout une question triviale, comme le démontre le type de discussions qui constamment accompagnent les résultats obtenus par cette nouvelle manière de connaître la complexité. Il existe, en principe, diverses conceptions de la simulation. Mais la pratique scientifique, la quotidienneté du faire de la science, tend à en consacrer une plus particulièrement. Il convient de s'y arrêter un peu, car je suis convaincu que son importance pour l'avenir dépasse de beaucoup ce qu'on pourrait en dire aujourd'hui à première vue, ou à première réflexion. Je crois, par exemple, que cette forme de simulation est davantage que l'extension d'un outil ancien (le calcul), davantage aussi qu'un nouvel organe d'observation exosomatique (comme le microscope ou le télescope). Peut-être s'agit-il de toute une nouvelle manière d'approcher la réalité, dont l'importance pourrait affecter la méthode scientifique elle-même. Peut-être va-t-elle ouvrir des profondeurs nouvelles, s'agissant de l'élaboration de la connaissance, même si elle n'a pas encore éveillé l'intérêt des scientifiques ou des épistémologues. Le panorama de la recherche scientifique d'avant-garde a été bouleversé par les scientifiques simulateurs. On connaissait bien la valeur d'un résultat expérimental ou d'un résultat théorique, mais que vaut un résultat simulé ? Deux points méritent ici d'être commentés. Le premier concerne les théories qui ont peu de chances d'être confrontées à la réalité. C'est là l'objet des scientifiques ultra-théoriciens, qu'on désigne parfois, non sans ironie, comme scientifiques-poètes. Le drame est ici celui d'une théorie sans expérience. C'est par exemple le cas de certaines spéculations en cosmologie. La simulation vient en aide à ces scientifiques-poètes, elle peut permettre de légitimer des théories. Certes, pour l'instant du moins, elle est moins utile que ne serait une expérience, mais c'est tout de même mieux que rien : il n'est pas équivalent d'avoir un modèle théorique que rien ne vient étayer, ou un modèle illustré par certains résultats simulés. En ce cas, la simulation n'est pas l'expérience mais elle en tient lieu, elle la remplace dans son rapport à la théorie. Le second point concerne les observations ou expériences qui nous apparaissent incompréhensibles en elles-mêmes, parce qu'on ne peut trouver aucune théorie qui soit plus compacte que l'observation elle-même. Aux yeux de beaucoup de scientifiques, de telles expériences n'apportent rien à l'intelligibilité de la réalité, elles ne dépassent pas le cadre de la réalité elle-même, autrement dit ce ne sont que « de la bonne cuisine ». Au scientifique-poète s'oppose alors, avec un problème analogue, le scientifique-cuisinier. Le drame est ici celui d'une expérience sans théorie. Or une expérience convergeant avec une certaine simulation a plus de valeur scientifique qu'une expérience ne convergeant avec rien du tout. Ici, la simulation n'est pas la théorie, mais elle en tient lieu, elle la remplace en ce sens qu'elle confère une certaine intelligibilité à une certaine réalité. Où en sommes-nous ? La simulation est-elle une sorte d'expérience ou une sorte de théorie ? Peut-on sérieusement penser qu'elle fonctionne parfois d'une façon et parfois de l'autre ? Nos soupçons commencent à se confirmer : la simulation n'est ni théorie, ni expérience, ni simple outil de calcul, c'est véritablement un nouveau mode d'approche de la réalité, qui est peut-être en train de révolutionner la méthode scientifique elle-même. Une première piste nous est fournie par l'idée même d'intelligibilité. Il existe plusieurs formes d'intelligibilité scientifique, mais l'une d'entre elles, celle qui intéresse le plus l'aspect complexe de la matière, celle qui se fraye la voie la plus large dans la science moderne, s'appuie justement sur l'idée de partition et compte sur l'aide des ordinateurs. Il n'en a pas toujours été ainsi. Ce qu'on appelle la science dure tend à n'accorder qu'un seul sens honorable à l'intelligibilité scientifique. C'est ce que nous avons appelé la compréhension par compression, c'est-à-dire la réduction d'un vaste volume d'observations à des équations mathématiques compactes et peu nombreuses. La causalité (à laquelle recourent fréquemment la biologie, la psychologie, l'économie, etc.) et la simple classification (caractéristique de la médecine, de la biologie et d'une bonne part des mathématiques) ont aussi écrit de glorieuses pages de l'histoire des sciences, bien qu'elles jouissent de moins de prestige – cela tout à fait à tort. Non moins d'ancienneté a la forme d'intelligibilité qui nous occupe ici, intelligibilité que nous pourrions appeler de structure, c'est-à-dire qui rapporte un tout à des parties choisies de façon plus ou moins arbitraire (comme il est courant en chimie, en sociologie, en urbanisme ou en architecture). On parle d'analyse quand on part du tout pour en arriver aux parties, de synthèse quand le processus est inverse. Le physicien théoricien a toujours considéré les utilisateurs de cette forme d'intelligibilité avec une légère compassion. C'est que la physique (jusqu'à très récemment, et parce qu'elle ne s'occupait que de systèmes extrêmement simples) s'est montrée capable d'appliquer la méthode scientifique dans toute sa puissance. Aucune discipline n'est allée si profond dans ses schémas conceptuels, si haut dans ses méthodes d'observation et d'expérimentation, si loin dans la formulation de lois et de théories pour le monde dans lequel nous vivons. Mais ce succès et ce lustre sont dus, j'y insiste, au fait d'avoir fermé les yeux sur la complexité. La physique a su pénétrer dans le monde de l'invisible parce que très petit et de l'invisible parce que très grand. Pourquoi, avec un tel bagage, ne pas s'aventurer maintenant dans le monde du complexe ? Tel est précisément le courant que l'on devine dans l'avant-garde de la physique de ces dernières années, et ce sera certainement la tendance de l'avenir immédiat. La complexité attire fortement, aujourd'hui, tant les physiciens que les mathématiciens prêts à faire des concessions au monde réel. Et en voici l'explication : la méthode fondée sur le binôme théorie-expérience (modèle mental et résultat observé) doit être élargie et l'idée d'intelligibilité scientifique renouvelée. À cette fin, plus d'une tentative s'est élancée avec jubilation, armée de la méthode traditionnelle de la physique théorie du chaos, thermodynamique des processus irréversibles, théorie des fractales, synergétique, théorie des systèmes, logique des ensembles flous, etc. Aucun de ces schémas conceptuels, pourtant beaux et ambitieux, n'a apporté quelque chose de vraiment fondamental ; mais l'enthousiasme et l'attente sont grands. Comment expliquer pareille espérance ? C'est que quelque chose, dans l'air du temps, nous dit que le moment est venu d'un traitement « dur », rigoureux, de la complexité et de ses paradigmes : la matière vivante, la matière intelligente, etc. Certains vont jusqu'à rêver de ce qu'on pourrait appeler une Théorie générale de la complexité. Derrière cette idée solennelle, derrière cette nouvelle intelligibilité dite structurelle, derrière cette nouvelle approche de la réalité qui s'appelle simulation, se trouve aussi une grandeur qui jouit d'un récent prestige aussi bien technique que culturel : l'information. Prenons un morceau de matière vivante comme exemple d'un système complexe. Personne ne conteste que, pour que ce système conserve sa condition de matière vivante, il faut une constante interaction entre trois grandeurs fondamentales : la matière, l'énergie et l'information. Les deux premières sont bien connues de la physique, la troisième ne l'est encore que de la mathématique. C'est là une autre piste importante. Il faut que l'information atteigne, en tant que grandeur, au prestige et à l'efficacité des deux autres (par exemple, en intervenant dans la formulation des lois de la nature, en obtenant que ces lois parlent d'elle), pour fonder un puissant triumvirat de base capable d'aborder la complexité. Un objet des plus récents tel que l'ordinateur, ou un cerveau, ou un système immunologique, traite d'énormes quantités d'information sans que cela implique d'importants transferts de masse ou d'énergie. Un seul bien modeste bit d'information peut s'avérer décisif, au moment de traverser une rue, pour assurer la continuité de cette propriété qu'on appelle la vie. Nombre de physiciens jugent que le concept d'information est appelé à entrer dans leur discipline avec tous les honneurs. Certains vont plus loin et assurent que dans un avenir assez proche, tout sera information : les physiciens ne chercheront plus à écrire des lois selon des formules mathématiques élégantes et compactes, mais exploreront différents algorithmes et simulations à l'aide d'ordinateurs d'une puissance incroyable, d'une rapidité vertigineuse, d'une mémoire insondable. Personne ne croit que la stabilité d'un écosystème à 20 000 variables puisse être prédite par une formule mathématique, même longue de dix mètres. En réalité, un tel système ne peut pas même être observé. Non qu'il soit trop petit ou trop grand, mais parce qu'il est trop complexe. On ne peut ni l'observer ni le modéliser. On peut en revanche (attention, ici encore) le simuler. Et peut-être un puissant ordinateur pourra-t-il le voir. Mais il n'y a pas que cela. L'ordinateur permet aussi de s'attaquer à l'expérimentation (examiner les conséquences de différentes contraintes) et à la théorie (examiner différents algorithmes et programmes). C'est là la véritable simulation, c'est là la nouveauté. La simulation n'est possible que depuis que les ordinateurs ont atteint un certain niveau, c'est-à-dire depuis hier seulement. Il faut y voir la clé d'une ère nouvelle. L'ordinateur, et avec lui la capacité de simulation, a bouleversé la physique jusqu'à égratigner le ciment même de la méthode de recherche scientifique. Ouvrons maintenant une piste dans cette direction. Simuler, c'est avant tout calculer. Mais toute la science est calcul. Un calcul, même secret et caché, a assisté à la naissance de toutes les théories, si grandioses et harmonieuses soient-elles. La seule différence, avec l'apparition de la simulation, c'est que le calcul est rendu public de façon délibérée et sans vergogne. Comment la simulation calcule-t-elle ? Une machine puissante peut explorer à grande vitesse la compatibilité entre le comportement d'un grand nombre de parties (leurs interactions mutuelles : potentiels intermoléculaires des molécules dans un bout de matière, règles de comportement d'un individu dans une colonie, etc.) et le comportement du tout que ces parties constituent. Toujours la simulation introduit des particularités pour obtenir des résultats globaux, mais attention, le calcul peut fonctionner dans les deux sens. On peut connaître le tout et examiner différents modèles de parties compatibles avec ce tout, ou au contraire connaître les parties et scruter les possibilités du tout qu'elles forment ensemble. Les théories mathématiques de l'information, anciennes ou récentes (Shannon, Chaitin, Kolmogorov, etc.) possèdent déjà un banc d'essai. Ce processus, déjà courant dans de nombreux domaines scientifiques (dynamique moléculaire en physique, réseaux trophiques en écologie, réseaux du système nerveux et du système immunitaire, urbanisme, gestion de la circulation, génie civil, architecture, dessin industriel, économie, etc.), indique que la simulation est en passe d'atteindre – c'est l'affirmation principale de ce chapitre – au rang des deux grandes voies traditionnelles d'approche de la réalité, à savoir la voie théorique et la voie expérimentale. En effet, la simulation peut se nourrir indifféremment de la théorie ou de l'expérience (l'interaction entre deux éléments d'un tout peut venir aussi bien d'un modèle théorique que d'une observation expérimentale). Dans le premier cas, le résultat peut indiquer une incompatibilité avec la théorie, autrement dit sonner l'alarme et mettre en cause un modèle théorique donné. La simulation joue alors le rôle historique de l'expérience. Dans le second cas, lorsque la simulation s'alimente de données expérimentales, le résultat propose des prédictions au niveau global ou confirme la viabilité des éléments individuels, et cela peut déboucher sur la proposition de nouvelles expériences, voire directement sur la prédiction d'une situation jusque-là inconnue. La simulation joue ici le rôle historique de la théorie. Ce curieux phénomène se produit depuis des années, au désespoir de nombre de colloques scientifiques sur les systèmes complexes. Les uns présentent leurs simulations comme un succédané théorique pour traiter des données expérimentales impossibles à traiter autrement (et se défendre de l'accusation de « cuisine »). D'autres, comme un support pseudo-expérimental pour illustrer des théories qui sans cela ne pourraient être reliées à la réalité (et se défendre de l'accusation de « littérature »). L'horizon ne s'éclaircit que si l'on admet que la simulation est en réalité une troisième manière d'approcher la réalité ; ni théorie, ni expérience, elle peut jouer le cas échéant le rôle de l'une ou de l'autre. [Mais] une simulation ne peut réfuter une expérience, ni l'expérience décrire une simulation. Cette asymétrie logique vient au fond étayer une garantie réconfortante, à savoir la prépondérance de l'expérience. C'est là une exigence non négociable : le questionnement direct de la nature sera toujours, pour la science, l'heure de vérité. » NDLR-EPI : les caractères en gras sont de la rédaction de l'EPI. On ne saurait trop recommander la lecture de cet ouvrage passionnant à plusieurs titres. ___________________ |