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Une audience au Ministère de l'Éducation nationale
sur l'enseignement de l'informatique
 

   Le 17 octobre 2014, au cabinet de la ministre Madame Najat Vallaud Belkacem, Raphaël Keller, conseiller en charge du numérique éducatif et Alain Séré, IGEN, conseiller en charge de l'orientation, de la formation professionnelle initiale et continue et des certifications, ont reçu en audience Jean-Pierre Archambault, président de l'EPI (association Enseignement Public et Informatique), Gilles Dowek, directeur de recherche à l'INRIA (Institut National de Recherche en Informatique et Automatique) et président du conseil scientifique de la SIF (Société Informatique de France), et Maurice Nivat, membre de l'Académie des sciences [1]. La rencontre s'est déroulée dans un climat de dialogue et a donné lieu à des échanges approfondis.

   Raphaël Keller et Alain Séré ont rappelé le processus en cours. Nous sommes dans une phase où le CSP (Conseil supérieur des programmes) doit transcrire en termes de programmes scolaires ce que contient son rapport sur le « Socle commun de connaissances, de compétences et de culture » remis en juin dernier. On peut notamment y lire (Domaine 1) : « L'élève sait que les équipements informatiques utilisent une information codée et il est initié au fonctionnement, au processus et aux règles des langages informatiques ; il est capable de réaliser de petites applications utilisant des algorithmes simples. » Ainsi que : « Ce domaine (Domaine 4) comprend un vaste pan de la culture regroupant les mathématiques, l'informatique, les sciences de la vie et de la Terre, la physique, la chimie, la technologie. (...) En abordant les sciences dès le début de l'école primaire et en les pratiquant de façon active jusqu'à la fin du collège, l'élève se familiarise avec la démarche scientifique. Il est initié à la démarche d'investigation grâce à des pédagogies adaptées ou en étant confronté à des problèmes ouverts. » [2]. Nous avons fait part de notre demande d'être associés à ce processus en participant aux groupes de travail qui vont être mis en place et ainsi contribuer à l'élaboration des programmes. Ce fut déjà notre démarche avec les textes sur l'école primaire et le collège que nous avons adressés au CSP [3].

   Nos interlocuteurs ont évoqué les annonces de la ministre concernant l'école primaire : dans un premier temps, des initiatives dans le cadre du périscolaire, transitoires et, dans un deuxième temps, plutôt à la rentrée 2016 qu'à celle de 2015, début de la mise en oeuvre d'éléments d'informatique dans le cadre scolaire, avec des enseignants formés ; ceci dans le cadre du socle commun de connaissances, de compétences et de culture au cycle 3. Nous avons indiqué qu'il était souhaitable d'engager dès cette années des formations continues et initiales pérennes dans les ESPE. En effet, aujourd'hui, dans leur cursus, les professeurs des écoles n'ont rien en matière d'informatique sur quoi s'appuyer.

   Concernant l'école primaire et le collège, nos interlocuteurs nous ont fait part du projet d'intégrer des éléments d'algorithmique dans les enseignements, par exemple en géométrie. Cela nous semble une bonne chose de se tourner vers les évolutions des autres disciplines dont l'«essence » (objets, méthodes, outils), se transforme pour une part sous l'influence de l'informatique, à la condition de former les enseignants. C'est déjà le cas en particulier des enseignements techniques et professionnels qui ont connu des mutations considérables depuis 25 ans. Mais cela nous semble être une problématique distincte de celle d'une discipline informatique pour tous les élèves, rendue nécessaire par le fait que l'École doit leur donner la culture générale correspondant aux exigences de notre temps. Le français et les mathématiques sont partout chez leurs « consoeurs », pourtant, justement, il existe des cours de français et de mathématiques en tant que tels.

   D'une manière générale, nous avons dit à nos interlocuteurs que nous sommes bien conscients qu'une montée en charge est d'évidence incontournable (réaliste mais rapide). Mais toutes les mesures transitoires ne prennent leur véritable sens que quand le cap est fixé. À savoir une discipline informatique pour tous les élèves et des professeurs d'informatique avec un Capes et une agrégation d'informatique (comme c'est le cas pour les autres disciplines). Et des certifications pour les professeurs des écoles dans les ESPE. D'autres mesures ont leur place : des Capes et agrégations bivalents, externes et internes, des listes d'aptitude, des habilitations du type de celles prévues pour les enseignants d'ISN et un renforcement de la formation continue.

   L'enseignement de spécialité ISN n'a pas été étendu aux séries ES et L à la rentrée 2014 comme prévu. Nos interlocuteurs nous ont indiqué qu'une mission avait été confiée à Laurent Chéno et Michel Reverchon-Billot, IGEN, afin de préciser la place du « codage » dans la scolarité et l'extension d'ISN à soumettre à l'expertise de l'Inspection générale, étant entendu qu'ISN en S n'est pas transférable, tel qu'il existe, dans les autres bacs. Là aussi, nous avons proposé de contribuer à la réflexion.

   Nous avons proposé d'organiser un séminaire international de réflexion sur les contenus informatiques à enseigner, à l'instar de celui qui s'est déroulé le mois dernier aux Pays-Bas.

   Le ministère n'a pas encore pris de décision concernant un Capes et une agrégation d'informatique. Au bout de deux ans seulement, le vivier des professeurs susceptibles d'assurer la montée en charge d'ISN en Terminale S est déjà sérieusement tari. La perspective d'un enseignement pour tous les élèves signifie une « surface » impliquant de recruter en nombre des professeurs. Pas de risque donc d'oisiveté. Et il y a des candidats potentiels chez les étudiants de master informatique qui actuellement ne peuvent pas espérer devenir enseignants d'informatique.

   Enfin, nous sommes tombés d'accord sur la nécessité de développer et de montrer des travaux sur l'apport didactique de l'informatique dans les autres enseignements, et sur la pédagogie de l'informatique.

Jean-Pierre Archambault
Gilles Dowek
Maurice Nivat

NOTES

[1] Demande d'audience auprès de Madame Najat Vallaud-Belkacem, Ministre de l'Éducation nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche.
http://www.epi.asso.fr/revue/docu/d1410a.htm

[2] Socle commun de connaissances, de compétences et de culture.
http://cache.media.education.gouv.fr/file/06_Juin/38/8/CSP_Socle_commun_de_connaissances_competences_culture_328388.pdf
Socle commun de connaissances, de compétences et de culture.
http://www.epi.asso.fr/revue/docu/d1406b.htm

[3] « Proposition d'orientations générales pour un programme d'informatique à l'école primaire », Serge Abiteboul, Jean-Pierre Archambault, Gérard Berry, Colin de la Higuera, Gilles Dowek, Maurice Nivat.
http://www.epi.asso.fr/revue/editic/itic-ecole-prog_2013-12.htm

« Esquisse d'un programme d'informatique pour le collège », Serge Abiteboul, Jean-Pierre Archambault, Gérard Berry, Colin de La Higuera, Gilles Dowek, Maurice Nivat.
http://www.epi.asso.fr/revue/docu/d1402a.htm

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Novembre 2014

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