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Congrès national SNES-FSU 2014
Enseignement de l'informatique

Contribution de Jean-François Clair au Thème 1 : « Du collège au lycée, un tremplin vers la réussite »,
pour le Congrès national SNES-FSU 2014 à Marseille, dans le Supplément à l'US n° 738 du 8 février 2014, p. 11.
Suivi d'une contribution au débat d'Alain Kapur.
 

Contribution de Jean-François Clair

Et l'informatique dans tout ça ?

   Surfant sur la vague « numérique », certains groupes de pressions font campagne pour la création d'une discipline « informatique » dans le secondaire, se basant sur un rapport de l'Académie des sciences, et arguant du retard, par ailleurs justifié, de la France en matière de formation d'informaticiens (voire de programmeurs).

   En la matière, on peut considérer que les ministres successifs bottent en touche depuis des années : création d'une évaluation sans enseignement (B2i), disparition de l'informatique enseignée en technologie au collège, création d'une option Informatique et Sciences du Numérique (ISN) en Terminale S, annonce de sa généralisation... Il est indéniable que l'École doit préparer les élèves, futurs citoyens, à savoir se positionner dans la société numérisée qui se met en place. Cela ne pourra se faire que s'ils acquièrent un minimum de connaissances techniques et théoriques en informatique, mais aussi juridiques, économiques...

   Alors que notre système éducatif est en pleine mutation (statuts, évaluations, programmes, créations de nouveaux enseignements tels l'histoire des arts, ISN, DGEMC, enseignement moral et civique), le SNES doit s'interroger sur la place de l'informatique dans le secondaire et dans la culture commune, les questions ne manquant pas : un tel enseignement spécifique est-il nécessaire ? Si oui, sous quelle forme ? Avec quels contenus ? Un « enseignement de découverte » pour tous serait-il une solution ? Et si oui à quel niveau d'enseignement ? L'enseignement de l'ISN au lycée est-il une piste intéressante ? Faut-il rendre cette option accessible dans toutes les séries du lycée général et technologique ? Ou bien doit-on se contenter du B2i ? 

J.-F. Clair,
responsable du groupe TICE du SNES,
Secteur contenus.

https://www.snes.edu/IMG/pdf/c-th1-Et_l_informatique_dans_tout_ca_.pdf

NDLR-EPI : Il fut une époque où le SNES lui-même faisait partie de ces « certains groupes de pression [qui] font campagne pour la création d'une discipline “informatique” dans le secondaire ». Rappelons pour mémoire le rôle qu'il a joué dans le développement de l'option informatique dès les années 80 et son intervention efficace auprès de François Bayrou, en 1995, pour obtenir le rétablissement de cette option après qu'elle ait été supprimée une première fois par Lionel Jospin, ministre de l'Éducation nationale. Malheureusement, nous sommes obligés de constater qu'il est absent sur le sujet depuis de longues années !

 
Contribution d'Alain Kapur au débat

À propos de l'informatique
(courriel envoyé au SNES et à Jean-François Clair le 26 février 2014)

   Tout à fait d'accord avec J.-F. Clair, responsable du groupe TICE, quand il dénonce, dans le supplément à l'US n° 738 du 8 février, le B2i qui évalue sans enseignement, ou la diminution de la part de l'informatique dans la Technologie au Collège, nous pourrions ajouter l'incertitude sur la généralisation annoncée de l'enseignement de spécialité ISN et surtout l'absence de toute formation véritable des enseignants à la science et technologie informatique.

   Mais est-il bien nécessaire de s'interroger, en 2014, sur la nécessité d'enseigner cette science-technologie dès le Collège ? Il nous semblait que dès 1993 – il y a 20 ans – le Congrès national du SNES à Bourg-en-Bresse avait pris clairement position : « ... dans les contextes économique, industriel, scientifique, social actuels dans un monde où l'informatique est omniprésente, il est normal que tout élève puisse disposer au collège, puis au lycée, d'un enseignement de culture générale en informatique... » Cette position sans ambiguïté fut reprise par les Congrès nationaux successifs.
Ainsi le Congrès 2001 de Strasbourg (US n° 545 p. 37-38), déclarait : « La culture commune se transforme avec les évolutions sociales. Aujourd'hui l'ordinateur est partout. Il est essentiellement une machine conceptuelle, abstraite. Les élèves doivent se faire une représentation mentale opérationnelle des machines et des systèmes, et pour cela doivent étudier l'informatique en tant que telle, pour elle-même, dans le cadre d'un enseignement spécifique. »
Et le Congrès de 2003 de Toulouse : « Mais le risque de fracture numérique réside d'abord dans le refus, récurrent depuis une dizaine d'années, de faire des TIC et de l'informatique une discipline scolaire à part entière, malgré leur présence croissante dans l'entreprise et la société. Quand une discipline scientifique et technique est “partout” dans les autres matières enseignées, elle doit être quelque part en particulier avec des contenus, cursus, progressions... identifiés et cohérents. (...) Avec des enseignants correctement formés. (...) La “réponse B2i” n'est pas satisfaisante pour différentes raisons. »

   On peut se demander pourquoi reposer éternellement les mêmes questions. Pour quelles raisons, alors que nous sommes entrés de plain-pied dans le siècle de l'informatique, le Congrès de 2014 reviendrait sur des positions prises aussi clairement depuis deux décennies.

   L'approche exclusive de l'informatique par les différentes disciplines aurait-elle des vertus particulières ? Le pays disposerait-il de suffisamment d'informaticiens correctement formés ? Peut-on décemment parler de relance et d'innovation sans une culture informatique du plus grand nombre ? La culture informatique du citoyen serait-elle satisfaisante ? Évidemment non. Alors le système éducatif se doit d'être à la hauteur des enjeux. Ce qui, pour l'instant n'est pas le cas.

http://www.snes.edu/IMG/pdf/contribution_th1_a_propos_de_l_informatique_kapur-adherent_snes_.pdf

Alain Kapur,
Adhérent au SNES depuis 1970,
Militant actif de 1971 à 2002 (départ en retraite).

 
Annexe

L'informatique et les Congrès SNES de 1993 à 2003
 

Dans l'US n° 293 du 18 septembre 1992, pages 21, 22, 23.
Dans un 3 pages Outil et objet, au chapitre « L'informatique objet d'enseignement » on peut lire : « Dans le cadre de la Technologie au Collège il faut donner des connaissances de base sur l'information et son traitement, notamment en proposant des activités simples de programmation, ... » Au lycée : « ... dans les contextes économique, industriel, social, actuels dans un monde où l'informatique est omniprésente, il semble normal que tout élève puisse disposer au collège, puis au lycée, d'un enseignement de culture générale informatique... »

1993. Au Congrès national de Bourg-en-Bresse (avril) ce texte sera repris dans les mêmes termes au chapitre 12 : « Les technologies nouvelles » Annexe au Thème 1.
http://epi.asso.fr/revue/histo/h93_snes-congres.htm

1995. Au Congrès national à Reims (3-7 avril 1995) un texte « L'informatique et les technologies nouvelles » qui « complète et précise le texte voté par le Congrès de Bourg-en-Bresse US n° 31 p. 15-16 » déclare : « Nous considérons qu'une initiation à l'audiovisuel, à l'informatique et aux technologies associées, à l'école et au collège, est indispensable comme élément de culture générale. Il s'agit d'élargir la culture générale du futur citoyen.

Celle-ci ne saurait se concevoir sans une dimension technique et sa composante informatique. Ainsi, dès l'école, il faut se donner les moyens d'assurer partout et pour tous un niveau raisonnable de savoirs et de savoir-faire. Il faut établir des liens et une progression entre l'école, le collège et le lycée et cela pour l'ensemble des disciplines.

Au lycée, le SNES suit avec attention l'expérimentation d'un enseignement de l'informatique en Seconde ; il déplore néanmoins qu'on en soit encore dans une phase d'expérimentation après plus de dix années de pratique de l'option informatique ! Un tel enseignement, progressif, diversifié, structuré et cohérent, est de nature à favoriser les multiples usages pédagogiques dans les autres disciplines : ExAO, simulation, traitement de texte, banques de données, cartographie, solveurs, grapheurs... Il constitue également un socle solide pour les enseignements techniques et professionnels rénovés. Il doit être suivi d'options diversifiées en première et en terminale. Un tel enseignement est un acquis important sous réserve de moyens, matériels et humains, disponibles au cours d'une montée en charge progressive... Le SNES veillera à se que soient réunies les conditions d'une mise en oeuvre rigoureuse de cet enseignement. Un calendrier pour sa généralisation à tous les lycées doit être établi sans tarder. »
http://epi.asso.fr/revue/histo/h95_snes-congres.htm

1997. Les textes adoptés par le Congrès national à Nice (US n° 433 du 10 mai 1997, Thème 1, p. 10) : « Nous serons attentifs ... que l'option informatique soit développée en seconde pour se transformer rapidement en enseignement obligatoire de SIC pour tous les élèves, que les programmes des options de première et terminale soient différenciés entre L, ES et S pour tenir compte des dominantes, que les horaires de première et terminale soient de 1h + 1h30 de TD dédoublés à 16 maximum ... » et de développer les conditions de mise en oeuvre.
http://epi.asso.fr/revue/histo/h97_snes-congres.htm

1999. Les textes adoptés au Congrès national à Lille (1999) Annexe : « Informatique et TIC dans le système éducatif » US n° 497 p. 15-16 : « Le SNES est résolument pour le développement des TICE dans le système éducatif comme en témoignent notamment les motions des différents congrès nationaux depuis plusieurs années. Les raisons en sont multiples. Il convient : d'intégrer l'informatique et les Technologies de l'Information et de la Communication à la culture générale du futur citoyen, (...) Au collège : L'enseignement de la technologie et son important volet informatique doit faire l'objet de toutes les attentions : formation des enseignants, matériels et logiciels en nombre et en qualité, personnes-ressources, maintenance.
...
AU LYCEE : 1 - l'option informatique.
Le Congrès dénonce avec force la suppression (une fois de plus) de l'Option Informatique des lycées d'enseignement général. Cette mesure participe de l'attaque contre les savoirs et les contenus. Elle augure mal de l'entrée dans une société dans laquelle tout le monde s'accorde à dire que l'information joue un rôle de premier plan. Elle éclaire sous son vrai jour l'accusation de conservatisme que le ministre lance à l'encontre de ceux qui s'opposent à sa réforme des lycées. Où sont les modernes ?!
Rappelons que cet enseignement d'informatique :
- assure la complémentarité des approches,
- est le lieu où sont traitées les notions et concepts indispensables aux autres disciplines,
- est un pôle de compétences des enseignants et des élèves utile à tous (vie des salles, informatique administrative, informatique dans les disciplines, collègues ...),
- participe aux activités transdisciplinaires, au travail en équipes, sur projet, avec des moyens de notre temps et répond à ce titre aux attentes clairement exprimées d'un grand nombre d'élèves.
...
Le Congrès exige le rétablissement de cet enseignement de culture générale dès la rentrée prochaine, parallèlement aux autres options comportant de l'informatique (informatique de gestion, systèmes automatisés, productique, IESP) et avec des moyens horaires comparables.
Le Congrès rappelle que, lors du CSE du 4 mars, un amendement demandant le maintien de l'option informatique a recueilli 30 voix « pour » et une seule voix « contre ». Cet amendement n'a pas été retenu par le ministre !
Le Congrès rappelle également que l'option informatique a vocation à se généraliser à l'ensemble des élèves. »

http://epi.asso.fr/revue/histo/h99_snes-congres.htm

2001. Textes adoptés au Congrès national de Strasbourg US n° 545 p. 37-38. TICE :
« L'enseignement de l'informatique : La culture commune se transforme avec les évolutions sociales. Aujourd'hui l'ordinateur est partout. Il est essentiellement une machine conceptuelle, abstraite. Les élèves doivent se faire une représentation mentale opérationnelle des machines et des systèmes, et pour cela doivent étudier l'informatique en tant que telle, pour elle-même, dans le cadre d'un enseignement spécifique.
Un enseignement de l'informatique et des technologies de l'information et de la communication doit être mis en place en classe de Seconde. Ce qui ne retire rien à la nécessité pour les différentes disciplines d'intégrer des savoirs et des savoir-faire dans ces domaines. En Première et Terminale, tous les élèves qui le souhaitent doivent pouvoir bénéficier d'un enseignement “Informatique et TICE”, à travers des options diversifiées selon les séries. »

http://epi.asso.fr/revue/histo/h01_snes-congres.htm

2003. Au Congrès de Toulouse : « Mais le risque de fracture numérique réside d'abord dans le refus, récurrent depuis une dizaine d'années, de faire des TIC et de l'informatique une discipline scolaire à part entière, malgré leur présence croissante dans l'entreprise et la société. Quand une discipline scientifique et technique est “partout” dans les autres matières enseignées, elle doit être quelque part en particulier avec des contenus, cursus, progressions... identifiés et cohérents. Avec des enseignants correctement formés.
Après une montée en charge de 1981 à 1992, l'option informatique dans les lycées d'enseignement général a été supprimée : un comble dans la période où l'on entrait de plain-pied dans la société de l'information ! L'informatique subsiste dans le cours de technologie au collège, mais plus comme un outil que comme un objet d'étude.
La “réponse B2i” n'est pas satisfaisante pour différentes raisons. Elle est irréaliste sur les plans concrets de l'organisation et de la coordination dans le temps et l'espace scolaires (cette remarque ne vaut pas pour l'école primaire avec son maître unique). Elle crée un précédent dangereux : à quand un permis de conduire pour le français ou l'histoire ? Se substituant à des apprentissages spécifiques, elle prétend s'appuyer sur les usages des TIC dans les disciplines et la pédagogie : elle les handicape au contraire car les enseignants ne peuvent s'appuyer ni sur leurs propres connaissances conceptuelles, le plus souvent bien fragiles sinon inexistantes, ni sur celles de leurs élèves. Nous n'insisterons pas sur le paradoxe qui consiste à faire valider les compétences des élèves par des enseignants aux compétences non validées. Ce qui pourrait être acceptable dans une période de transition ou d'expérimentation, ne l'est plus en 2003.
Le B2i ne peut que se réduire à des compétences presse-boutons. »

http://epi.asso.fr/revue/histo/h03_snes-congres.htm

Voir les congrès du SNES de 1993 à 2003 dans la rubrique « Historique des TICE ».

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Association EPI
Mars 2014

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