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Histoire personnelle,
carrière professionnelle et
militantisme technologique informatique

Ignace Rak
 

   Pour celles et ceux qui ne me connaissent pas, j'ai successivement été :

  • mécanicien-ajusteur chez Citroën de 1956 à 1963 (entrecoupé de 28 mois de Guerre d'Algérie comme mécanicien volant sur hélicoptère),

  • professeur de mécanique en lycée professionnel d'application à l'ENNA de Paris, puis à l'ENNA de St-Denis, de 1963 à 1969,

  • IEN en Sciences et Techniques Industrielles de 1969 à 1994,

  • IA IPR en Sciences et Techniques Industrielles de 1994 à 1999.

   Retraité en janvier 2000.

   Pour les détails des travaux, ouvrages, missions et autres, voir mon site professionnel personnel Technologie Hier Aujourd'hui Demain Futur (Techno Hadf) [1].

   Ce que je vous décris ci-dessous n'est pas un article scientifique mais une rapide description du monde « Informatique », avec quelques repères des grandes phases du monde les lycées professionnels et collèges tel que je l'ai vécu et ressenti.

   La programmation et différents types de codage informatique sont depuis longtemps présents dans les lycées d'enseignement professionnel, puis dans la discipline technologie au collège.

   Ci-dessous quelques points de repères pour contribuer-compléter la connaissance de ce qui s'est notamment fait en lycée d'enseignement professionnel, et dans la discipline technologie au collège.

Histoire personnelle et familiale (1970-1980)

   Mes tout premiers débuts en informatique se situent dans les années 1970 à l'ENNA de St-Denis. En qualité d'IEN STI, je collabore avec un ami professeur de mathématiques de lycée professionnel (LP) qui s'est lancé dans une grande expérimentation d'apprentissage de la programmation avec les professeurs stagiaires de l'ENNA, ainsi qu'avec ses propres élèves préparant un BEP. Texas Instruments fournissait gratuitement une valise de 24 calculatrices programmables et rechargeables pour apprendre à résoudre des problèmes de mathématiques en langage Basic.

   C'est ainsi que j'ai créé de mon côté, et avec son aide, une expérimentation en formation continue financée par le rectorat de Versailles, avec des professeurs de dessin industriel qui s'y inscrivaient volontairement. À titre d'exemple, j'ai développé un programme d'apprentissage de formation de leurs élèves du système normalisé ISO d'ajustement des pièces mécaniques, le « Système H ».

   À peu près en même temps, début des années 1980, mon fils a un professeur de sciences physiques passionné d'informatique qui apprend la programmation à ses élèves. D'où l'achat d'un TO7 et écriture au domicile de programmes en langage Basic avec mon fils. Ce dernier s'oriente vers un bac E, étant donné que le bac H informatique n'existait pas dans les lycées du département. Il persiste dans sa passion insufflée par son professeur de collège en allant jusqu'à un DESS téléinformatique. Il est actuellement chef de projet d'installation de réseaux informatiques pour les entreprises.

   L'histoire de l'enseignement à l'utilisation à grande échelle de l'ordinateur, des machines et des systèmes automatisés et informatisés avec leurs logiciels industriels, commence dès les années 1980 dans l'enseignement professionnel.

Carrière dans l'enseignement professionnel (1980-1999)

   Les années 1980-1990 ont été selon moi très marquantes pour le développement de la programmation et du codage dans les lycées d'enseignement professionnel, ainsi que dans les collèges.

   Les changements politiques de 1981 entraînent un essor sans précédent dans la rénovation de tous les programmes des diplômes de l'enseignement professionnel (CAP, BEP, Brevet Professionnel, mentions complémentaires), avec la création d'un nouveau diplôme, le Baccalauréat Professionnel en 1985. Dans tous les diplômes professionnels du secteur industriel, est introduite la formation aux machines-outils à commande numérique (MOCN) dans un langage ISO international avec des logiciels adaptés, avec l'arrivée en force des ordinateurs et simulateurs dédiés pour préparer-simuler les programmes et le codage, transférés ensuite sur ces machines qui ont un langage « machine » spécifique prêt à l'emploi.

   Dans ce secteur industriel des lycées, toutes les machines à commande « manuelle » (des dizaines de milliers), sont remplacées par des MOCN neuves, et les anciennes machines à commande manuelle sont équipées d'un pupitre à commande numérique (technique du rétrofitage) par plusieurs petites entreprises françaises. Ce sont l'État et les régions qui financent ce plan d'achats pendant plus de 10 ans.

   Parallèlement, plusieurs dizaines de professeurs sont détachés-envoyés en « stage long d'un an » dans les entreprises en pointe pour devenir des professeurs formateurs. Avec, en 1981, la création des structures académiques d'organisation de stages « obligatoires à public désigné », tous les professeurs de France sans aucune exception sont remplacés-formés avec des stages de durée variable d'environ 200 heures. Ce plan a également duré plus de 10 ans.

   De 1981 à 1995, dans le secteur tertiaire de l'enseignement professionnel, nommé aussi économie et gestion, tous les diplômes et programmes sont également refondus. À cette occasion dans la quasi-totalité de ceux-ci, toutes les machines à écrire et autres moyens de sténographie, photocopieuses, sont remplacés par des ordinateurs et imprimantes. Sont ainsi systématiquement introduits les logiciels de traitement de texte, tableur, etc.

   Les mêmes plans d'équipement et de formation professionnelle continue ont été de même ampleur et volonté que dans le secteur industriel.

   Avec le recul, ces vastes plans d'équipement et de formation techniques « obligatoires » et massifs sont si importants et de grande durée que les responsables pédagogiques ont souhaité aller vite et ne pas former aux langages informatiques. S'est ainsi installée sur ces logiciels de « bureau » dans les secteurs tertiaire et industriel le cas échéant, selon moi, une approche privilégiée de type « outil », et non de langage(s) « informatique(s)». Ceci me semble avoir au moins deux origines. D'une part les « pratiques sociales de références » [2] du monde des entreprises, qui inspirent les contenus des savoirs et savoir-faire pour cette catégorie de diplômes, privilégient aussi une logique « outil ». D'autre part, les plus grands groupes concepteurs de logiciels dominant le marché ont conçu des logiciels « fermés », et non « ouverts », comme les logiciels « sources ».

   Ce qui m'amène à passer à une autre approche de mon parcours professionnel dans ma relation avec l'« Informatique », l'informatique enseignée comme élément de culture générale.

Carrière dans l'éducation technologique « générale » (1985-1999)

   Avant 1985, au collège il y avait une discipline éducation manuelle et technique [3] qui faisait suite à la création d'une « Initiation technologique » instituée en 1962 par Jean Capelle et d'abord dispensée à l'essai dans les classes de quatrième : « L'initiation technologique a pour objet de faire connaître à l'enfant le monde des machines dans lequel il vit et de tirer enseignement de la somme des savoirs et d'efforts dont le monde est l'aboutissement ».

   En 1985 est créée la discipline technologie obligatoire qui la remplace, à la suite de deux années de travail d'une commission ministérielle, la COPRET [4].

   Des universités avec leurs laboratoires de recherche et leurs professeurs comme l'ENS de Cachan, Paris, Marseille et Bordeaux notamment, ont été à l'origine de ces programmes, ainsi que de la formation universitaire de nombreux formateurs avec DEA et thèse de doctorat.

   Fondamentalement différente de l'EMT, la technologie a un programme original où elle transpose didactiquement et pédagogiquement avec des petits scénarios [5], les pratiques sociales de référence du monde des entreprises, en particulier la démarche de projet technique selon le principe du cycle de vie complet d'un produit [6] avec ses savoirs, savoir-faire et savoir-être. Elle permet de former tous les élèves de collège à une idée globale et systémique pour créer, produire et commercialiser et recycler un produit matériel d'usage utilisé dans la vie courante selon une organisation scolaire à l'image des activités d'entreprise.

   Elle s'appuie néanmoins sur le corps de professeurs qui enseignait l'EMT avec la création d'un CAPET spécifique avec deux options : sciences et techniques industrielles et économie et gestion. Ce sont ces deux corps d'inspection, ainsi qu'un Centre national de formation à Montlignon (95) avec un internat, relayé par des centres académiques de formation qui prennent en charge la responsabilité technique et pédagogique de la formation.

   Et bien entendu, à toutes les étapes par lesquelles passent tous les collégiens, c'est-à-dire de l'analyse du besoin au recyclage du produit, l'ordinateur est utilisé pour effectuer les activités techniques, commerciales et d'information « Informatiques ».

   Dans ce programme il y a également l'apprentissage de la programmation de systèmes automatisés commandés et pilotés, ou non, par ordinateur.

   À l'occasion de cette rénovation de la discipline, il y a eu entre 1985 et 1995 une formation à la maîtrise et à l'usage des moyens matériels informatiques et aux ordinateurs avec au début un essai de formation au langage informatique Basic, vite abandonné au profit du seul usage « outil » des logiciels, sauf dans la partie industrielle pour les langages spécifiques de pilotage de MOCN et des systèmes automatisés [7]. Et cela est accompagné par un vaste plan national, c'est-à-dire :

  • la création de milliers de postes CAPET technologie pour atteindre le chiffre de 18 000,
  • des formations de 3 mois au minimum à 1 an à temps complet des 12 000 professeurs d'EMT en poste,
  • une formation spécifique d'un an pour les nouveaux professeurs recrutés avec le CAPET technologie dans les Instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM).

   En 2005, on pouvait dire que tout le corps professoral de cette discipline avait été formé à l'usage des techniques numériques, certains ayant un diplôme de la discipline universitaire informatique. C'est en 2005 également que les contenus des programmes sont revus, abandonnant une grande partie des contenus de la démarche de projet, en renforçant en informatique la simulation assistée par ordinateur.

   Je rappelle que de 1985 à 2005, deux disciplines, les sciences et techniques industrielles et l'économie et gestion, avaient la responsabilité pédagogique et des contenus, avec les deux corps d'inspection de cette discipline technologie au collège IGEN et IA IPR.

   En 2005, cesse ce travail interdisciplinaire exceptionnel et rare autour et sur la généralisation de l'utilisation de l'ordinateur avec l'utilisation de logiciels informatiques différents. Et seule la discipline des corps d'inspection des sciences et techniques industrielles reste responsable des programmes et du recrutement des professeurs. Elle adopte la démarche d'enseignement des physiciens dite « d'investigation », abandonnant celle de démarche de réalisation sur et par projet technique qui s'appuyait sur une matrice curriculaire différente d'une matrice disciplinaire classique des programmes [8] [9].

   Dans le même temps, entre 1995 et 2020, différentes décisions ministérielles conduisent à augmenter l'effectif élèves en classe de laboratoire de technologie, ce qui aboutit à la suppression d'environ 6 000 postes [10].

   Cet engagement professionnel ne peut être séparé d'un engagement militant pour une éducation technologique et informatique durant toute cette période, et qui s'est poursuivi au-delà de la date de départ à la retraite pour une éducation technologique et informatique au lycée [11].

Militantisme pour une éducation technologique et informatique (1985-2020)

   En ce qui me concerne, j'ai toujours pensé qu'aussi bien dans la vie active que dans les loisirs, il faut s'engager pour vivre pleinement et sereinement pour défendre les valeurs éducatives, ainsi que ses propres valeurs.

   Pour ce qui a été décrit ci-dessus, je me suis toujours intéressé et engagé dans des associations pour y puiser mes positions au travers de la richesse des échanges pluriels.

   En parallèle à cette vie professionnelle, j'ai milité, et je continue à militer dans des associations [12], et notamment au sein de l'EPI [13] pour une intégration d'un enseignement de l'Informatique comme contenu-sujet-objet dans les programmes de l'enseignement général, participant à la construction d'une culture technologique obligatoire et générale pour tous, ceci de l'école primaire au lycée.

   Je n'ai pas recherché la date exacte d'entrée dans le groupe de travail ITIC de l'association EPI, avec une présence assidue. Cela a commencé dans les années 2000.

   C'est grâce à cette association, qui a fédéré des acteurs de différents niveaux avec des actes concrets vers le ministère de l'Éducation nationale, que son principal objectif, une formation « générale » et obligatoire, est enfin acté avec, par ailleurs, deux disciplines responsables au collège les mathématiques et la technologie [14].

   D'un point de vue didactique et pédagogique, la théorie doit s'accompagner d'applications sur des cas concrets pratiques de la vie active de chacun à l'extérieur de l'École, dont la technologie, les sciences et techniques industrielles et d'économie et gestion sont représentatives.

   L'informatique se vit et m'aide d'ailleurs bien dans mes activités de loisirs autour de la musique au sein d'un site Internet [15] et pour préparer-enregistrer des émissions de radio [16].

Ignace Rak,
A-IPR Honoraire en Sciences et Techniques Industrielles,
Docteur en Sciences et Technologie, ENS Cachan (2001).

Cet article est sous licence Creative Commons (selon la juridiction française = Paternité - Pas de Modification). http://creativecommons.org/licenses/by-nd/2.0/fr/

Bibliographie

[1] Rak, I. Curriculum vitae bibliographie.
https://techno-hadf.pagesperso-orange.fr/index.html

[2] Martinand, J.-L (1986). Connaître et transformer la matière. Berne. Peter Lang.

[3] Lebeaume J. (1997). Trente ans de technologie en France, 1960-1990. Une discipline à la recherche d'elle-même. Aster n° 23 (L'éducation technologique). Paris : INRP. p. 3-36.

[4] Levrat, R. (1992). Technologie. Textes de référence COPRET I et II. CIEP Sèvres.

[5] Martinand, J.-L. (1998). Réalisation sur projet : à quoi servent les scénarios ? Éducation technologique n° 1, juin 1998. Paris : CNDP Versailles -Delagrave p. 8.

[6] Rak, I, Teixido, C, Favier, J. et al. (1990-1992). La démarche de projet industriel, technologie et pédagogie. Paris : Foucher.

[7] Lebeaume, J, Martinand J.-L. (1998). Enseigner la technologie au collège. Paris Hachette.

[8] Martinand, J.-L. (2000). Matrices disciplinaires et matrices curriculaires : le cas de l'éducation technologique en France. Actes du colloque d'Amiens de janvier 2000.

[9] Lebeaume, J. (1999). L'éducation technologique. Paris ESF.

[10] Consultation sur les programmes de technologie actuels et futurs. (2014). Association des professeurs de technologie PAGESTEC : https://www.pagestec.org/article257.html

[11] Rak, I. (2001). Les activités de préparation et de réalisation dans une éducation technologique. Conceptions et modélisation de la démarche de projet industriel par les élèves de 1ère de Lycée. Proposition pour une matrice curriculaire au Lycée. Thèse de doctorat en sciences de l'éducation : didactique des sciences et de la technologie. ENS Cachan.

[12] Amicale des professeurs de mécanique, PAGESTEC : https://www.pagestec.org/

[13] Association enseignement public et informatique : https://www.epi.asso.fr/

[14] https://www.epi.asso.fr/revue/lu/l1512j.htm

[15] Chansons Accordéon Ignace : http://www.ignace-rak.com/

[16] Émissions DCA vendredi 10 h 30-11 h 30, dimanche CAA 9-10 h, ATV 12-12 h 30 et CFH 20-21 h Webradio RDICI (Nantes) : http://www.rdici.fr/

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