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Souvenirs d'un ancien président de l'EPI
Jean-Bernard Viaud
Un ancien président de l'EPI revient sur le passé et notamment sur les logiciels diffusés à prix coûtant par l'EPI pendant des années. Et notamment la célèbre bourse d'échanges et de diffusion de logiciels proposés par leurs auteurs en libre utilisation (freeware), libre essai (shareware) ou en démonstration.
En 1971 pour la première fois des enseignants suivirent chez les principaux constructeurs d'ordinateurs une formation informatique avec des méthodes et des outils jugés inadaptés au système éducatif. Ces « pionniers » décident alors de fonder l'EPI [1]. Parmi les objectifs il y avait la nécessaire mise à disposition de matériels et de logiciels correspondants aux besoins spécifiques. C'est ainsi qu'à travers des décennies l'EPI et ses adhérents ont activement œuvré à leur développement. Dès les années soixante-dix grâce au LSE (Langage Symbolique Enseignement) de nombreux logiciels ont été diffusés
En 1976 une crise économique amène le Ministère de l'Éducation nationale à supprimer les formations et suspendre les équipements. En 1979, suite au rapport sur l'Informatisation de la société de Simon Nora et Alain Minc, une nouvelle politique se traduit par une reprise des équipements. Le LSE est alors adapté aux micro-ordinateurs et l'EPI rédige le manuel LSE pour tous facilitant la transcription de la logithèque existante aux nouvelles machines. Il connaîtra plusieurs coéditions CNDP-EPI.
À partir de 1981, la création à Paris du « Centre Mondial de l'informatique » donne une nouvelle impulsion et sera notamment l'occasion d'une bataille très médiatique entre partisans du Mac Intosh d'Appel et ceux des machines des constructeurs français qui remportèrent finalement le marché ce qui, concernant les logiciels, ne sera pas sans conséquences... L'accroissement des formations et des équipements concernera d'abord les lycées techniques et professionnels et sera suivi pour les écoles et les collèges de dotations de micro-ordinateurs. Une transcription des logiciels spécifiques et gratuits du CNDP est alors lancée mais tardera à être finalisée.
En 1985 le plan IPT « Informatique Pour Tous » vise à fournir à tous les établissements des équipements qui seraient par ailleurs accessibles à tous les citoyens. L'EPI met à disposition de l'opération plusieurs logiciels. Si ce plan élaboré à la hâte avait des défauts, choix de machines mal adaptées et bricolées, dotations insuffisantes aboutissant à un saupoudrage, il eut cependant des effets positifs non négligeables. Environ 110 000 enseignants recevront une initiation à l'informatique, des centaines de logiciels pédagogiques sont créés ou adaptés et diffusés. De nombreux adhérents de l'EPI en furent les acteurs en tant que formateurs, animateurs ou auteurs. Il est amusant de constater que souvent les critiques de ce plan émanent de personnes n'y ayant pas participé ou étant encore en culottes courtes à l'époque !
En 1991 apparaît Linux un système d'exploitation gratuit et libre sous licence GPL qui connaîtra rapidement un important déploiement surtout dans les administrations et les entreprises. Concernant l'École c'est en particulier avec Ubuntu que sont développés par des « Epiens » des logiciels en accès libre [2].
Si on assiste au développement de logiciels pédagogiques pour le lycée et le collège l'école primaire reste le parent pauvre par manque de moyens et souvent d'équipements. Les logiciels proposés par les éditeurs, encore rares, privilégiaient souvent une interface alléchante, les pompons et les guirlandes masquant la pauvreté pédagogique du contenu. Vendus sous licence en fonction du nombre de postes ils étaient chers et protégés contre la copie. En 1995, face à cette situation, l'EPI décide alors, à partir de jeux créés par un de ses adhérents, de développer une série de 80 programmes pour l'école maternelle et le CP fonctionnant sur TO7, MO, Nanoréseau et PC. Ils furent ensuite adaptés à l'évolution des matériels et des langages de programmation. Cet ensemble intitulé « Jeux EPI pour la maternelle et cycles des apprentissages », distribué quasiment à prix coûtant et copiable, est rapidement devenu une référence à l'école pour ses qualités pédagogiques. Pendant de nombreuses années il a permis aux d'élèves de milliers de classes de s'initier à l'outil informatique tout en suivant les programmes des différents niveaux [3].
Dès 1974 Bertrand Ott, conçoit, en LSE sur mini-ordinateur Mitra 15, le logiciel d'entraînement à la lecture rapide LIRA d'abord diffusé dans les « 58 lycées » [4]. Sa vie sera longue. Au fur et à mesure de l'évolution du matériel, l'EPI prendra en charge son adaptation et sa diffusion, disquette EPI-4. D'abord porté sur micro-ordinateurs (R2E-Micral, Sil'Z, Logabax...) avec un corpus adapté aux collèges, puis sur compatible PC et enfin, augmenté d'un corpus école, sur MO5-MO6-TO7-TO9 pour une utilisation en nanoréseaux (ou autonome avec la cartouche LSE). Longtemps seul en son genre, des milliers d'exemplaires de LIRA furent diffusés par l'EPI à un prix dérisoire. Ce fut probablement le logiciel le plus diffusé par l'association.
L'EPI s'est aussi intéressée à l'utilisation culturelle de l'outil informatique à l'École et au-delà. En 1995 elle participe au développement d'un cédérom publié dans le cadre de la collection « Mémoire du Monde » de l'Unesco intitulé « Les trésors de Saint Sophia » (basilique Sainte Sophie) et portant sur la langue, la littérature et la civilisation bulgares. Toujours en partenariat avec l'Unesco et dans le cadre d'une enquête mondiale menée dans les bibliothèques afin d'inventorier les œuvres sur support papier, numérique, audio ou vidéo, en danger de disparition, l'EPI a traduit et mis en forme la partie concernant l'Amérique Latine.
En 1996, à partir du programme « 1 000 mots pour apprendre à lire », diffusé par un adhérent, l'EPI va réaliser un cd-rom avec des versions en anglais et en allemand destinées à l'approche de ces langues en primaire où souvent faute de personnel ces initiations n'étaient pas assurées. Parallèlement, toujours créé par un adhérent, l'EPI a distribué sur cédérom une série de « Microjeux » pour développer de façon ludique réflexion, raisonnement et habiletés chez les jeunes apprenants.
À la rentrée de 1996 l'EPI met en place une bourse d'échanges et de diffusion de logiciels proposés par leurs auteurs en libre utilisation (freeware), libre essai (shareware) ou en démonstration. Cette opération connaît rapidement un grand succès. L'EPI se charge de la duplication et de l'envoi à prix coûtant. Un catalogue avec descriptif est disponible dans la revue de l'EPI et sur son site Internet. Il s'enrichit rapidement de plus de 150 productions pour tous les niveaux de la maternelle au lycée ainsi que d'outils pour l'enseignant.
Le cas de l'option informatique des lycées va encore illustrer une fois, de plus l'incapacité du Ministère de l'Éducation nationale, à mener une politique suivie et cohérente concernant l'informatique. Cet enseignement a tour à tour été mis en place puis supprimé et encore rétabli parfois sous d'autres formes comme les éphémères APTIC (Ateliers de Pratiques des Technologies de l'Information et de la Communication). Comme un indice, en 1990, on a pu voir lors d'une interview dans un magazine une photo du ministre concerné brandissant un stylo et déclarant : « Vous ne me ferez jamais écrire avec autre chose qu'un stylo ». En 1992 il supprimera l'Option Informatique des Lycées. Quelques années plus tard revenu aux affaires, à la faveur d'une dissolution improbable, ayant pris du galon et avec toujours de la suite dans les idées : son gouvernement supprimera en 1998 cette option rétablie deux ans auparavant ! En 1996, suite à une « expérimentation » menée dans un certain nombre de lycées, l'option informatique avait été rétablie en seconde et en première. Le problème est qu'il n'existait pas encore de manuel à l'usage des enseignants. Pour leur fournir de la matière d'œuvre, l'EPI, avec l'accord des enseignants concernés, publie deux dossiers Matériaux pour l'option informatique 1 et 2 rassemblant des exemples variés de progressions pédagogiques et des fiches de travail conçues lors de l'expérimentation et couvrant de larges parties des programmes. Cet ensemble est accompagné de supports numériques comprenant des fiches élèves adaptables et des outils pédagogiques.
Tout au long de ces années, l'EPI reconnue pour son expertise, a pu plaider, entre autres, pour le développement du logiciel pédagogique non seulement lors d'audience auprès des responsables du Ministère de l'Éducation nationale, mais également au Sénat, au Conseil National des Programmes et devant la commission européenne au Luxembourg, entre autres.
Avec le développement d'internet la production de logiciels sur supports physiques cédera peu à peu le pas à des usages en ligne, notamment avec les ENT (Espace Numérique de Travail) espaces virtuels fournissant outils et ressources.
Pour terminer ce rapide survol de quelques années de productions au service de l'École, je voudrais avoir une pensée amicale et de la gratitude, pour leur engagement et leur action, aux collègues qui ont fait vivre l'EPI et aux suivants qui ont pris la relève.
Jean-Bernard Viaud
Président de l'EPI de 1996 à 2007
Cet article est sous licence Creative Commons (selon la juridiction française = Paternité - Pas de Modification).
https://creativecommons.org/licenses/by-nd/2.0/fr/
NOTES
[1] https://www.epi.asso.fr/revue/histo/h11epi_jb.htm
[2] Voir la rubrique consacrée à Linux et au libre sur le site EPI :
https://www.epi.asso.fr/linux0.htm
[3] https://www.epi.asso.fr/association/command.htm
[4] https://www.epi.asso.fr/revue/dossiers/k04_lira-doc.htm
« La pédagogie de LIRA » de B. Ott, A. Kapur et al., dans Informatique et pédagogie. Des outils pour tous, numéro spécial EPI de juin 1986.
https://www.epi.asso.fr/revue/dossiers/s86p157.htm
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