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Dans l'actualité, le 50e anniversaire d'Internet,
l'éthique, l'enseignement de l'informatique
et la réforme du lycée
 

   Internet a eu 50 ans le 29 octobre 2019. À 22 heures 30 minutes, le 29 octobre 1969 donc, fut envoyé le premier message sur le réseau ARPANET, réseau précurseur de l'Internet actuel. Un bref message entre deux universités californiennes, « lo », initialement constitué du mot « login », mais seuls le « l » et le « o » furent transmis avant que le système ne se crashe !

   Bizarrement, compte tenu de la place d'Internet dans le monde d'aujourd'hui, 4,5 milliards d'internautes inégalement répartis à la surface du globe, cet anniversaire a été peu médiatisé. Mais la SIF, à l'initiative de Gilles Dowek, le président de son conseil scientifique, a organisé un événement spécial le mardi 29 octobre 2019, de 17h à 19h30, au CNAM pour fêter cet anniversaire hors du commun : une rencontre passionnante, de haute tenue [1].

Le comité d'éthique pour les données d'éducation

   Jean-Michel Blanquer a procédé le lundi 21 octobre à l'installation du comité d'éthique et d'expertise en matière de données d'éducation [2]. Présidé par Claudie Haigneré, il comprend 11 membres dont Christine Froidevaux, professeure d'informatique, chercheuse en bio-informatique, vice-présidente de la Société Informatique de France ; Catherine Morin-Desailly, sénatrice, présidente de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat ; Bruno Studer, député, président de la commission de la culture, de l'éducation de l'Assemblée nationale [3].

   Il s'agit là d'une question importante. Rappelons qu'en mai 2017, un courrier du directeur de la DNE (Direction du numérique pour l'éducation, Ministère de l'Éducation nationale) autorisait, incitait même à l'utilisation par les établissements scolaires des outils et services des grandes multinationales du numérique [4]. Les protestations n'avaient pas manqué. Le 25 mai, l'EPI avait publié un communiqué [5]. Le 7 juillet, plusieurs associations (CREIS-Terminal, Enseignement Public et Informatique (EPI), la Fédération des Conseils de Parents d'Élèves (FCPE), la Fédération des Parents d'Élèves de l'Enseignement Public (PEEP), la Ligue des Droits de l'Homme (LDH), la Ligue de l'Enseignement et la Société Informatique de France (SIF) s'étaient adressées à Jean-Michel Blanquer, Ministre de l'Éducation nationale, et à Mounir Mahjoubi, Secrétaire d'État chargé du Numérique [6]. Le 27 novembre, elles avaient rencontré la Mission sur Les données numériques à caractère personnel au sein de l'Éducation nationale [7]... Si les choses ont avancé, la question reste entière. En effet, les grandes entreprises contrôlent les données. Les GAFAM refusent toute obligation de localisation du stockage des informations personnelles, par exemple implanter en Europe les serveurs abritant les données des Européens. Ils veulent être libres de capturer les milliards de données que les êtres humains produisent chaque jour, de les transférer et de les stocker où bon leur semble, c'est-à-dire principalement aux États-Unis d'Amérique. Il est pourtant parfaitement possible de faire autrement [8].

La pédagogie de l'enseignement de l'informatique des deux côtés de l'Atlantique

   La première session du séminaire franco-argentin sur l'enseignement de l'informatique a eu lieu le 16 octobre à l'ENS de Cachan dans le cadre de la 31ème réunion du groupe ITIC-EPI-SIF [9]. Nos amis argentins ont présenté plusieurs travaux de didactique de l'enseignement de l'informatique. La partie française, quant à elle, a informé sur les créations d'enseignements de l'informatique intervenues depuis 2012, suite aux nombreuses et persévérantes actions de l'EPI, de la SIF et de personnalités. Voir notamment le rapport de l'Académie des Sciences de 2013 « L'enseignement de l'informatique en France - Il est urgent de ne plus attendre » [10].

NSI et SNT

   Et l'actualité, bien sûr, c'est aussi les créations de NSI et de SNT, après celle d'ISN en 2012, créations bienvenues mais qui suscitent de réelles inquiétudes comme la réforme du lycée dans le cadre de laquelle elles interviennent [11].

   Cela étant, la formation des enseignants étant primordiale, des bonnes nouvelles du « front ». Pourquoi tant de professeurs de lycée retournent-ils sur les bancs de l'université d'Orléans ? Dans la République du Centre du 17 octobre 2019 [12], on peut lire : « À l'IUT d'Orléans est actuellement formé un bataillon de quarante-huit professeurs de lycées. Auxquels on apprend à apprendre le numérique et les sciences informatiques, la nouvelle spécialité de classe de première. Forcément, il y avait urgence... (...) Vingt-six universités françaises, dont celle de Tours, forment aujourd'hui les bataillons d'enseignants à la transmission de la spécialité NSI au lycée, en attendant l'avènement d'un Capes dédié à l'informatique, en 2020. (...) La discipline étant nouvelle, personne ne s'attendait à tant d'élèves, ajoute Bruno Cailhol, IPR de mathématiques. Sur les 50 lycées publics de l'académie, 38 ont ouvert la spécialité à la rentrée. Chaque élève de première (ayant choisi la spécialité) bénéficie de quatre heures hebdomadaires « d'un enseignement véritablement scientifique ». (...) ».

   Mais les inquiétudes concernant la formation (de fait sa quasi absence) des professeurs assurant SNT, discipline pour tous les élèves de seconde, demeurent [11]. Et si un Capes Informatique (NSI) a enfin été créé, création pour laquelle l'EPI a beaucoup œuvré depuis des décennies, sa première session en 2020 ne devrait proposer que quelques dizaines de postes, chiffre notoirement insuffisant par rapport aux besoins, SNT concernant tous les élèves de seconde de tous les lycées de France. Et il y a la spécialité NSI en première et en terminale dont il faudra assurer une montée en charge. Et l'on demande toujours la création d'une agrégation d'informatique.

La réforme du lycée

   Les programmes des enseignements des spécialités se confirment être trop ambitieux, certains élèves sont au bord de la rupture. Et puis, on continue à lire dans la presse ce genre d'informations : « Mon fils, en 1re, a cours 5 jours sur 5 de 8h à 18h15. Et il commence tous les matins à 8h. Avec 11h de trous dans la semaine. » « Tu avais une option cinéma qui marchait du tonnerre ? Eh bien, on va la fermer, et si tu veux une spécialité cinéma, tu feras tous les jours 55 km ».

   Dans l'Humanité du 16 octobre 2019, Olivier Chartrain pose la question de « la réforme qui pourrait faire exploser le lycée » [13]. « Des classes éclatées, la classe devenant un collectif éparpillé façon puzzle. Des emplois du temps infernaux transformant le quotidien des élèves en course à l'échalote. Un contrôle continu avec ombres et brouillard, des évaluations déstabilisantes ». Les craintes sont confirmées : « les deux premiers mois de mise en œuvre de la réforme du bac mettent à rude épreuve enseignants et élèves, au moral comme au physique ».

   Enfin, dans cet éditorial, signalons un aspect essentiel de la réforme du lycée dont on ne parle pas suffisamment. D'une manière générale, malgré les créations de NSI et SNT, les sciences sont maltraitées, ce qui est paradoxal dans la société d'aujourd'hui. Dans le tronc commun en première, 16h, il y a 12h de matières littéraires et de sciences humaines, 2h d'EPS et... 2h d'enseignement scientifique, les mathématiques ayant quasiment disparu. On se référera à l'article de Gilles Dowek publié dans ce numéro d'EpiNet [14]. Dans une interview au Café pédagogique, Sébastien Planchenault, président de l'APMEP (Association des professeurs de mathématiques de l'enseignement public), s'interroge : « Veut-on dégoûter les élèves de faire des maths ? » [15].

   Grave pour l'avenir du pays...

15 novembre 2019

Jean-Pierre Archambault
Président de l'EPI

NOTES

[1] https://www.societe-informatique-de-france.fr/50-ans-internet/

Après l'introduction de Pierre Paradinas, président de la SIF, sont intervenus :
- Valérie Schafer, historienne, Université de Luxembourg : 1969, regard en amont (les réseaux avant Arpanet, les racines du temps partagé, etc.) et en aval (filiation et valeurs d'Internet qui sont célébrées à travers Arpanet).
- Louis Pouzin, informaticien : « grand-père d'Internet », concepteur du réseau Cyclades et co-inventeur du protocole TCP/IP, Louis Pouzin est à l'origine d'Open Root, une solution alternative à celle de l'Icann qui pourrait bien révolutionner la gouvernance de l'Internet ; RINA, une nouvelle architecture pour Internet.
- Gérard Le Lann, informaticien, pionnier d'Internet, directeur de recherche émérite, INRIA : une mise en perspective ? Qu'avons-nous appris de l'aventure Arpanet-Internet qui puisse servir aujourd'hui ? Trois jalons. Années 70, mes contributions à Arpanet-Internet : le protocole TCP. Années 80/90, Ethernet et la Marine nationale française. Aujourd'hui, les réseaux de véhicules entièrement automatisés.
- Jean François Abramatic : informaticien, pionnier du Web : d'Internet au web, succès planétaire.
Gilles Dowek est intervenu en conclusion.

[2] https://www.education.gouv.fr/cid146196/installation-par-jean-michel-blanquer-du-comite-d-ethique-pour-les-donnees-d-education.html

[3] Voir les auditions sur l'informatique dont l'audition de l'EPI par Bruno Studer le 27 juin 2019 :
http://www.epi.asso.fr/revue/articles/a1809a.htm
http://www.epi.asso.fr/revue/articles/a1810a.htm

[4] Jean-Pierre Archambault
« Les données des élèves livrées aux GAFAM »
https://www.epi.asso.fr/revue/articles/a1706a.htm
« Le Ministère de l'Éducation nationale et les GAFAM »
https://www.epi.asso.fr/revue/articles/a1706g.htm

[5] http://www.enseignerlinformatique.org/2017/05/25/communique-de-lassociation-enseignement-public-et-informatique-epi/

[6] « Pour un écosystème numérique indépendant des GAFAM »
https://www.epi.asso.fr/revue/articles/a1709a.htm

[7] https://www.epi.asso.fr/revue/articles/a1801a.htm
https://www.epi.asso.fr/revue/docu/d1801b.htm

[8] Jean-Pierre Archambault, « Colonisations numérique et linguistique »
http://www.epi.asso.fr/revue/articles/a1910c.htm

[9] https://www.epi.asso.fr/revue/editic/epi-sif-itic-cr_1119.htm

[10] https://www.academie-sciences.fr/pdf/rapport/rads_0513.pdf

[11] Voir les précédents éditoriaux d'Epinet, notamment celui d'octobre 2019 : « Pénurie d'informaticiens, enseignements d'informatique et réforme du lycée ».
http://www.epi.asso.fr/revue/articles/a1910a.htm

[12] https://www.larep.fr/orleans-45000/actualites/pourquoi-un-vrai-bataillon-de-profs-de-lycee-retourne-t-il-sur-les-bancs-de-l-universite-d-orleans_13663346/

[13] https://www.humanite.fr/education-la-reforme-qui-pourrait-faire-exploser-le-lycee-678741

[14] « Des pistes pour sortir de la crise de l'enseignement des sciences » Gilles Dowek
http://www.epi.asso.fr/revue/articles/a1911e.htm
https://afdm.apmep.fr/rubriques/opinions/des-pistes-pour-sortir-de-la-crise-de-lenseignement-des-sciences/

[15] http://www.cafepedagogique.net/lexpresso/Pages/2019/10/08102019 Article637061167464314850.aspx

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Novembre 2019

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