Ressources, Instruments, Ouverture
Des formations nécessairement diversifiées
Jean-Pierre Archambault
L'informatique et les TIC ont des statuts éducatifs distincts auxquels correspondent nécessairement des besoins de formation des enseignants différents. Les TIC sont outil pédagogique, transversal et spécifique, qui enrichissent la panoplie des instruments de l'enseignant avec la question essentielle de leur bonne insertion dans les démarches et scénarios d'apprentissage. L'informatique s'immisce dans les objets, les méthodes et les outils des savoirs constitués, transformant leur « essence » ; leur enseignement doit évidemment en tenir compte. L'ordinateur et les réseaux sont également outil de travail personnel et collectif des enseignants, des élèves et de la communauté éducative. Et l'informatique (re)devient une discipline scolaire de l'enseignement général. L'on sait qu'il existe une complémentarité entre l'objet d'enseignement et l'outil pour enseigner qui se renforcent mutuellement.
On peut donc distinguer les profils de formation suivants :
L'ensemble des enseignants pour qui c'est une formation à l'exercice de leur métier ; avec deux niveaux, les enseignants et les formateurs.
Les enseignants d'une discipline donnée (peu ou prou, toutes les disciplines, d'une manière spécifique).
Les professeurs de la discipline scientifique et technique informatique.
On signalera le cas des gestionnaires de parcs informatiques des établissements scolaires. Les problématiques de la formation des élèves rejoignent celles des (futurs) enseignants. En effet, pour tous les professeurs, un enseignement de l'informatique, au lycée, au collège et à l'école primaire [1], donnant les fondamentaux de culture générale de la discipline, serait le bienvenu et ferait gagner du temps ultérieurement.
L'évolution des disciplines enseignées
Les disciplines enseignées évoluent dans leurs objets, méthodes et outils, pour une part sous l'influence de l'informatique. De manières différenciées, elles sont toutes concernées. Quelques exemples pour illustrer cet état de fait.
Écoutons ce que nous dit Laurent Bloch, à propos d'une formation mise en place à l'Institut Pasteur il y a quelques années : « Le paradigme de la biologie moléculaire postule que l'information génétique est formulée par un texte, le génome, écrit dans un alphabet de quatre lettres, A, T, G, C, et que la connaissance de ce texte permet de connaître les fonctions de l'organisme considéré, sans avoir à entrer dans des considérations supplémentaires d'ordre physico-chimique. Avec l'entrée en vigueur du paradigme de la biologie moléculaire, l'informatique était appelée inéluctablement à prendre un rôle crucial dans la recherche en biologie, puisque la recherche se fondait désormais sur l'analyse d'un texte. C'est aujourd'hui une évidence. Le séquençage du génome, c'est-à-dire l'obtention de son texte au moyen d'appareils nommés séquenceurs, est accessible depuis plusieurs années pour tous les organismes, ainsi pour les 3,4 milliards de nucléotides et les quelques 25 000 gènes du génome humain, et ces données ont bouleversé de fond en comble le métier de biologiste. La connaissance du génome, complétée par la robotisation des manipulations "en phase humide", déplace le chercheur de la paillasse, des boîtes de Pétri et du Pipetman vers l'ordinateur, lui fait retirer sa blouse blanche, et lui donne accès à des méthodes scientifiques entièrement nouvelles pour étudier la génétique, la structure des protéines, le métabolisme, etc. Des investigations qui demandaient des mois de travail répétitif et entaché d'erreurs à la paillasse sont désormais résolues en quelques heures par des méthodes informatiques. La consultation des banques de données qui archivent les résultats exhaustifs du séquençage et des calculs de structure des protéines donne en quelques minutes la réponse à des questions dont la solution directe aurait constitué un thème de recherche à part entière. Ce qui signifie que l'on peut désormais se poser des questions inenvisageables auparavant. Il y a encore, bien sûr, de la biologie "en phase humide", mais la biologie moléculaire informatique a pris une place prépondérante dans les avancées de la recherche. » [2]
La conséquence était que, pour contribuer à cet essor de la biologie moléculaire il fallait créer des logiciels, ce qui suppose de savoir programmer. Si l'on ne voulait pas se contenter de former des techniciens qui utiliseraient des logiciels sans être capables d'en comprendre le fonctionnement, de le critiquer et d'en réaliser (ou d'en proposer) des modifications qui correspondent à des innovations dans le domaine de la science, il fallait mettre en place un cours qui soit une formation informatique sérieuse et systématique, c'est-à-dire fondée sur l'apprentissage de la programmation. Ce fut fait à l'Institut Pasteur dans un cursus qui ne pouvait faire l'économie d'un volet consacré à un véritable enseignement initial des bases de l'informatique.
Un professeur de SVT de l'enseignement scolaire n'est certes pas un chercheur de l'Institut Pasteur. Cela étant sa formation à sa discipline doit intégrer ces évolutions, ce qui lui donne le recul nécessaire dans son enseignement. Il ne peut pas ignorer ce que devient la discipline dont il est le spécialiste au collège et au lycée.
L'informatique a provoqué les mutations majeures que l'on sait dans l'appareil de production, les entreprises. Elle est la forme contemporaine de l'industrialisation. Conséquence, les métiers et les qualifications ont évolué d'une manière substantielle. Conséquence éducative, les enseignements techniques et professionnels se sont profondément transformés et les ordinateurs s'y sont banalisés depuis 25 ans déjà : le traitement de texte a supplanté la machine à écrire, le gestionnaire de bases de données le fichier carton, le logiciel de DAO la planche à dessin, la machine à commandes numériques l'étau-limeur, etc.
Les mathématiques ne sont pas devenues une science expérimentale, mais l'ordinateur fait éclore des démarches plus expérimentales (des idées de théorèmes à établir en visualisant des courbes). Après le formalisme des « années Bourbaki », les mathématiques font une plus grande place aux nombres. La démonstration par ordinateur a provoqué une rupture épistémologique.
Dans les sciences physiques et du vivant, il a fallu que la simulation s'impose et se positionne relativement à l'expérimentation.
Michel Vovelle, historien de la Révolution française, a compilé il y a quelques années une quantité considérable de données puisées dans des documents d'époque (les cahiers de doléances notamment), chez des historiens anciens ou actuels, et avec l'ordinateur, a cartographié l'immense documentation accumulée. Dans cette étude informatisée, on ne trouve pratiquement plus trace du cliché qui faisait de l'opposition entre Paris et les provinces le moteur du dynamisme révolutionnaire : 1789 a transpercé tout le royaume. Par contre, il se confirme que l'affrontement avec le catholicisme fut bien constitutif de notre espace politique. Les régions dessinent une pluralité nationale très nette, les racines des tempéraments politiques modernes sont bien à rechercher au coeur de l'événement fondateur ou structurant. L'enseignement de l'histoire est amené à montrer cette « intrusion » de l'outil statistique automatisé. Idem pour la géographie et ses systèmes d'information (SIG), ses logiciels de cartographie et de traitement statistique de données.
Pour ne pas faire commettre des espèces de « faute professionnelle » en n'enseignant pas les disciplines telles qu'elles ont évolué de par l'influence de l'informatique, les programmes scolaires se doivent d'intégrer ces transformations, progressivement et pour une part. Il s'agit là de l'« obligation » pas franchement nouvelle de didactisation actualisée des savoirs savants. Sont d'évidence posées les questions de la formation disciplinaire des enseignants et de leur culture générale scientifique et technique informatique. Celle que l'on acquiert de l'école primaire au lycée en passant par le collège (français, mathématiques, histoire-géographie, langues vivantes, philosophie, sciences expérimentales, éducation musicale... mais aussi informatique !). Rappelons que la mission fondamentale du système éducatif est de donner à tous la culture générale de l'époque pour bien former l'homme, le travailleur et le citoyen. Et, bien entendu, cette formation générale aux fondamentaux donne lieu ensuite à des approfondissements spécifiques correspondant aux filières et aux métiers.
L'enseignement de l'informatique et la formation des professeurs d'informatique
Un enseignement optionnel de spécialité « Informatique et Sciences du numérique » a été créé pour la rentrée 2012 en Terminale scientifique. Il s'agit là d'un premier pas qui en appelle d'autres, en fait d'une recréation puisqu'en 1992 l'option informatique des lycées d'enseignement général avait été supprimée. Rétablie à la rentrée 1995, elle avait été à nouveau supprimée à la rentrée 1998. Prend ainsi fin un paradoxe qui voyait une composante majeure de la science contemporaine (1/3 de la Recherche et Développement de par le monde, mais 18 % seulement en Europe), omniprésente dans la société, être absente de l'enseignement scolaire [3]. Vincent Peillon a annoncé l'extension de cet enseignement aux Terminales ES et L.
Le programme d'ISN porte sur les quatre grands domaines de la science informatique : algorithmique, programmation, théorie de l'information, architecture et machines dont les réseaux. Un manuel « Informatique et sciences du numérique » est paru [4].
Parmi les enseignants de demain, il y a des lycéens d'aujourd'hui. Nul doute que pour eux, avoir acquis une culture générale scientifique et technique informatique lors de leur scolarité constituera une contribution importante à la dimension informatique et numérique de leur formation professionnelle.
Discipline à part entière de l'enseignement scolaire, l'informatique ne doit pas subir un sort particulier concernant la formation des professeurs qui l'enseignent. Dans un terme à préciser, l'objectif ne peut être que, à l'instar de ce qui se fait pour les autres disciplines, un Capes et une Agrégation. Suite à une audience avec Érick Roser, Conseiller du ministre de l'Éducation nationale pour les affaires pédagogiques et Benoît Labrousse, Conseiller technique (nouvelles technologies, éditeurs, multimédia), le 22 mars 2010, au nom de l'EPI et du groupe ITIC de l'ASTI (Association Française des Sciences et Technologies de l'Information et de la Communication) : Jean-Pierre Archambault, Gérard Berry, Gilles Dowek et Maurice Nivat ont élaboré une proposition de programme pour la formation des professeurs d'informatique. Ce texte a été discuté avec les groupes ITIC de l'ASTI et de l'EPI, avec l'association SPECIF qui fédère la communauté des enseignants en informatique à l'Université, ainsi qu'avec plusieurs autres collègues enseignants et/ou chercheurs [5]. Correspondant à cette proposition de programme, un manuel « Introduction à la science informatique » a été publié [6]. Actuellement des stages de formation d'enseignants de la spécialité sont organisés dans toutes les académies. On constate des différences significatives d'une académie à l'autre. Le ministère de l'Éducation nationale a pour le moment fait le choix d'une procédure d'« habilitation » [7].
Un outil pédagogique et la formation de tous les enseignants
Autre enjeu de formation, celui qui correspond à l'objectif d'amener les professeurs à enseigner avec les TICE, pour une part bien sûr et dans le cadre de leur liberté pédagogique. Il s'agit de maîtriser des outils complexes pour les utiliser avec discernement, pour faire mieux, autrement ou simplement faire ce que l'on ne pouvait pas faire avant le numérique. Il faut savoir ce que l'on peut raisonnablement attendre de ces outils. Il faut connaître leurs potentialités et leurs limites. Et il y a les évolutions du système éducatif qui, comme les autres administrations, intègre l'informatique dans son fonctionnement quotidien.
Le nouveau contexte pédagogico-éducatif suppose donc lui aussi, à l'image de l'enseignement des disciplines que nous venons d'examiner, des connaissances, des savoirs, des représentations mentales opérationnelles en matière d'informatique et de numérique. C'est indispensable pour pouvoir se faire une opinion sur ce qui est nouveau, d'une manière autonome et dans le dialogue avec les collègues et les spécialistes. En un mot, il faut savoir « ce qu'il en retourne ». Comme le citoyen qui participe aux débats sur le nucléaire en s'appuyant sur les connaissances scientifiques qu'il a acquises en sciences physiques lors de sa scolarité, et à ceux sur les OGM en se rapportant à ses cours de SVT, l'enseignant doit pouvoir réfléchir aux problématiques pédagogiques et éducatives en s'appuyant sur une bonne culture générale informatique qui est de fait au 21e siècle l'une des conditions nécessaires à l'exercice du métier d'enseignant. Elle conditionne sa formation professionnelle. La difficulté au quotidien de la pédagogie et de la didactique réside notamment dans la variété et la multiplicité des problématiques, nouvelles et/ou revisitées. Il y a ce qui doit changer et ce qui, pour l'essentiel, ne bouge pas, le temps de la pédagogie étant le temps long. Dans les lignes qui suivent, nous donnerons quelques illustrations de la diversité des problématiques pédagogiques dans le contexte du numérique. Elle implique à la fois formation scientifique informatique culturelle initiale et formation professionnalisante intégrant en particulier maîtrise technique et pédagogique des outils informatiques.
De nombreuses facettes
L'ordinateur est un outil pédagogique à nombreuses facettes, d'un apport significatif pour améliorer la qualité de l'enseignement. Tout cela est bien connu, et pour l'essentiel depuis déjà longtemps [8]. Ses apports peuvent être spécifiques à une discipline. Ainsi un logiciel qui grossit à volonté l'allure d'une courbe en un point donné aide-t-il l'enseignant de mathématiques à mettre en évidence la notion de platitude locale contenue dans la structure profonde de la dérivation. Mais il y a des apports transversaux, dont l'un, favoriser l'activité intellectuelle en proposant d'écrire des programmes est paradoxalement quelque peu ignoré. On constate en effet avec l'ordinateur une transposition des comportements classiques que l'on observe dans le domaine de la fabrication des objets matériels. À la manière d'un artisan qui prolonge ses efforts tant que son ouvrage n'est pas effectivement terminé, un lycéen, qui par ailleurs se contentera d'avoir résolu neuf questions sur dix de son problème de mathématiques (ce qui n'est déjà pas si mal !), s'acharnera jusqu'à ce que fonctionne le programme de résolution de l'équation du second degré que son professeur lui a demandé d'écrire, pour qu'il cerne mieux les notions d'inconnue, de coefficient et de paramètre. Ce surcroît d'activité suscité par l'outil se révèle être très précieux pour des apprentissages solides. Ce qui vaut pour l'équation du second degré en mathématiques vaut pour l'ensemble des disciplines.
Des questions anciennes revisitées
De nombreuses et anciennes questions sont revisitées dans le contexte du développement des TICE. Nous nous contenterons d'en signaler quelques-unes. Sont en jeu des potentialités réelles et des écueils, des attentes fondées et des illusions.
L'autonomie des élèves
Les TICE sont une bonne propédeutique au travail coopératif que les élèves rencontreront dans leur vie professionnelle, permettant des démarches fondées sur l'autonomie. L'élève a potentiellement à sa disposition une multitude de ressources. Supposé autonome, il peut être censé se fabriquer ses parcours. L'enseignant perd-il pour autant sa raison d'être ? Non, bien sûr. Médiation et autonomie ne sont nullement antinomiques. Développer l'autonomie chez les élèves requiert beaucoup de médiation humaine. On ne peut, sauf à confondre l'objectif final (former une personne autonome) et les moyens d'y parvenir, laisser l'élève seul avec ses outils, en se reposant sur une autonomie que justement il n'a pas encore et qu'il est en train d'acquérir. Il est complètement illusoire de penser s'en remettre à la seule machine. Les nouveaux outils permettent d'enrichir le rôle de l'enseignant en le diversifiant, non de s'en passer.
La dimension humaine des apprentissages
Les apprentissages ont des composantes cognitives, physiologiques, psychologiques, affectives, sociales et bien sûr pédagogiques et didactiques. La dimension humaine est ô combien importante ! L'école est un endroit privilégié de la socialisation des enfants et des adolescents. Le rôle du groupe est essentiel, le groupe classe en premier lieu. On sait la place qu'occupent le sentiment d'appartenance et la vie de groupe, le plaisir de retrouver les copains et les copines. De ce point de vue, les élèves ne sont pas des adultes en entreprise avec des recompositions fréquentes en groupes-projets. Il faut veiller à la stabilité de l'entourage et de l'environnement, à un bon équilibre dans le temps avec bien sûr des moments de « rupture » qui aident à lutter contre une monotonie qui peut s'installer. Le numérique ne saurait signifier moins de présence humaine adulte. Il faut veiller à bien placer le curseur entre les potentialités d'individualisation des apprentissages du numérique et la place irremplaçable du groupe humain.
Le rôle du maître dans l'appropriation des connaissances
Avec internet, tous les savoirs (ou presque !) accumulés par l'humanité, son patrimoine culturel, sont à portée d'un clic. L'on sait les fabuleuses potentialités que cela recèle pour le travail intellectuel en général, les enseignants et les élèves en particulier. Mais encore faut-il connaître les domaines sur lesquels on recherche. Cette proximité d'informations accessibles, infiniment plus que dans le CDI de l'établissement ou dans le manuel scolaire, si elle offre des possibilités nouvelles, riches et multiples en termes de démarches pédagogiques change-t-elle pour autant fondamentalement l'acte d'apprendre et son environnement institutionnel ? Étant entendu qu'il n'est pas question de penser que l'élève refasse lui-même le parcours que l'humanité a emprunté sur des millénaires.
Le monde est complexe, mais il l'a toujours été. Le savoir des autres n'est pas le sien propre. En être « informé » ne suffit pas. Il faut se l'approprier. C'est la mission du système éducatif. Pour cela, l'élève doit être guidé, accompagné. C'est le rôle immémorial de l'enseignant qui met en place (implicitement pour les élèves) des situations d'apprentissages fondées sur les didactiques des disciplines, dans des démarches pédagogiques s'appuyant sur l'environnement et l'expérience des élèves. Qui aide à mettre en évidence le simple dans le compliqué, dans des cadres disciplinaires qu'il faut construire pour les élèves. La réalité est toujours d'un abord assez impénétrable quand on essaye de la comprendre un peu mieux. À chaque fois l'on se doit d'y mettre un peu d'ordre, dans un premier temps en identifiant et en isolant des pans fondamentaux de la connaissance. Il faut se garder d'une entrée précipitée dans le complexe qui négligerait de s'appuyer sur la « simplicité » de fondamentaux éprouvés ou d'une mise en relation prématurée des contenus. En mettant l'élève en contact avec une multitude de savoirs, en fait, internet renforce la mission traditionnelle de l'enseignant dans un contexte où l'élève est sollicité (« parasité » ?) par une pléthore d'informations qu'il faut transformer en connaissances maîtrisées.
Du chemin à parcourir
L'entreprise est donc « colossale ». Il lui faut une volonté politique forte. Il reste du chemin à parcourir.
Un parallèle éclairant. Concernant l'enseignement de l'informatique, le rapport Stratégie nationale de recherche et d'innovation, SNRI, faisait en 2009 le constat que, d'une façon générale, « le système éducatif ne lui avait pas donné une place suffisante en regard des enjeux futurs, industriels et d'innovation pour l'ensemble de l'économie nationale, et de participation à la vie sociale et politique de la part des citoyens. Absent aux niveaux primaire et secondaire, il est inexistant ou trop limité dans les classes préparatoires aux grandes écoles. La majorité des ingénieurs et chercheurs non informaticiens n'acquièrent pendant leur cursus qu'un bagage limité au regard de ce que l'on observe dans les autres disciplines. Pourtant, ils utiliseront ou pourront avoir à décider de l'utilisation d'outils informatiques sophistiqués. Il est à craindre qu'ils ne le feront pas avec un rendement optimal ou que, en position de responsabilité, ils sous-estimeront l'importance du secteur » [9].
La situation est analogue pour les enseignants dans leur ensemble, qui ne sont pas des spécialistes de l'informatique, mais en sont des utilisateurs dans le cadre de l'exercice de leur métier
Outil de travail
L'informatique et les TIC sont outil de travail personnel et collectif des enseignants, des élèves et de la communauté scolaire. Cet aspect est entré dans les moeurs, notamment la bureautique pour préparer un cours ou un exposé d'autant plus que fabriquer tranquillement chez soi un document de cours est nettement plus aisé que de l'utiliser ensuite en classe. Les uns et les autres naviguent sur internet. Ils y récupèrent des documents divers réalisés avec un traitement de texte, un tableur, un grapheur... Leurs recherches sont bien sûr facilitées par des moteurs. Des formes nouvelles de travail coopératif, de production et de mutualisation des ressources, de circulation de l'information émergent. Et se mettent en place les ENT, avec des difficultés.
Les formations des enseignants dans le nouveau contexte éducatif
Le numérique entraîne des mutations pour le système éducatif, comme il le fait dans tous les secteurs de la société. Ces mutations ont un caractère de nécessité. L'informatique et les TIC offrent des possibilités, immenses et nouvelles, à l'institution pour son « métier », à savoir la pédagogie, et pour son fonctionnement, les deux au service de ses missions fondamentales, former l'homme, le travailleur et le citoyen en lui donnant la culture générale de son époque.
Bien intégrer le numérique dans l'école suppose que les enseignants connaissent les concepts scientifiques et techniques qui sous-tendent les instruments qu'ils utilisent, leur formation professionnelle pouvant alors en bénéficier, ce qui est incontournable. Et l'informatique est une composante de la culture générale du 21e siècle. En définitive deux bonnes raisons pour qu'elle soit discipline scolaire en tant que telle de l'école primaire à l'université.
Jean-Pierre Archambault
Président de l'EPI
(association Enseignement Public et Informatique)
Paru dans la revue frantice.net n° 6 de janvier 2013, pages 119-124.
http://www.frantice.net/sommaire.php?id=636
http://www.frantice.net/document.php?id=721
Comme l'ensemble la revue frantice.net, ce texte est sous licence Creative Common LY-NC-NA.
http://creativecommons.org/licenses/by-nc-sa/2.0/fr/
NOTES
[1] L'Académie des Sciences a créé une commission sur l'enseignement de l'informatique à l'horizon 2020, coprésidée par les académiciens Gérard Berry et Maurice Nivat, Gilles Dowek en étant le secrétaire. Son l'objectif est de donner une vision d'ensemble de l'enseignement de l'informatique de la maternelle à l'université.
Voir l'éditorial d'EpiNet de juin 2012, « Des nouvelles de l'enseignement de l'informatique » :
http://www.epi.asso.fr/revue/articles/a1206a.htm
[2] « Enseigner l'informatique aux biologistes », Laurent Bloch, juillet 2012 :
http://www.laurentbloch.org/MySpip3/spip.php?article244
[3] « L'informatique à l'École : il ne suffit pas de savoir cliquer sur une souris », Rue89, Jean-Pierre Archambault, Gérard Berry et Maurice Nivat :
http://www.rue89.com/2012/06/28/linformatique-lecole-il-ne-suffit-pas-de-savoir-cliquer-sur-unesouris-233389.
[4] Informatique et sciences du numérique Spécialité ISN en terminale S - Avec des exercices corrigés et des idées de projets, Gilles Dowek, Jean-Pierre Archambault, Emmanuel Baccelli, Claudio Cimelli, Albert Cohen, Christine Eisenbeis, Thierry Viéville, Benjamin Wack, août 2012, édition Eyrolles, collection Noire, 280 pages.
http://www.editions-eyrolles.com/Livre/9782212135435/informatique-et-sciences-du-numerique
[5] « Proposition de programme de formation pour les enseignants chargés de la spécialité Informatique et sciences du numérique en terminale S », par le groupe ITIC de l'Asti dans EpiNet de mai 2010.
http://www.epi.asso.fr/revue/editic/asti-itic-prog-prof_1004.htm
[6] Sortie du manuel Introduction à la science informatique.
http://www.framablog.org/index.php/post/2011/09/06/manuel-informatique-sciences-numeriques
[7] Voir Nous avons lu : Enseignement de spécialité d'informatique et sciences du numérique, trois BOEN en octobre 2011
http://www.epi.asso.fr/revue/lu/l1110k.htm
[8] Il se prête à la création de situations de communication « réelles » ayant du sens pour des élèves en difficulté. Il aide à leur motivation. Le document occupe une place centrale dans certaines disciplines comme l'histoire et la géographie. Internet constitue un contexte favorable en ce sens qu'il facilite le repérage, la mise à disposition et le travail effectif sur des documents variés. L'ordinateur aide à atteindre des objectifs d'autonomie, de travail individuel ou en groupe. Il est aussi encyclopédie active, créateur de situations de recherche, affiche évolutive, tableau électronique, outil de calcul et de traitement de données et d'images, instrument de simulation, évaluateur neutre et instantané, répétiteur inlassable, instructeur interactif...
[9] Nous avons lu le rapport : Stratégie nationale de recherche et d'innovation 2009.
http://www.epi.asso.fr/revue/lu/l1005o.htm
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