Écoles Internet : histoire d'une expérience... Serge Merle À l'origine... C'est en juin 2010 que je découvris dans la boîte aux lettres de la messagerie de notre école la proposition de nous inscrire au label école-internet. En quoi consiste ce label ? Et bien pour tout vous dire il se définit en quatre axes définis dans l'article 1 du label [1] :
Nous ne sommes pas, à l'origine, une école qui possède une grande dynamique liée aux usages d'Internet. Ce fut donc l'occasion de se mettre à la tâche en ce sens. Début juin, je profitai de l'occasion de quelques jours de transition alors que je terminais la soutenance de mon mémoire de Master 2 en Sciences Humaines et Sociales à l'Université de Corse pour développer les premières pages du site de l'école. J'informai l'ensemble de mes collègues de la possibilité de mutualiser les initiatives produites au sein de l'école et ce, en direction des autres écoles. Pour un bon nombre l'idée leur parut intéressante mais souvent l'argument comme quoi il fallait être un spécialiste en informatique était mis en avant pour ne pas se lancer. D'autres, au contraire, se saisirent de l'occasion pour proposer des articles de fond sur leur pratique pédagogique au sein de la classe [2]. Nous rejoignons, à travers ce type d'articles le troisième axe du label. Afin d'orienter notre démarche dans le sens du quatrième axe, je demandai un entretien auprès d'un responsable de la mairie de Bastia [3] et notre rencontre, fructueuse, fut l'occasion d'un échange approfondi dans le sens d'une réflexion future quant à l'aménagement des écoles en matière informatique et usages d'Internet. Nous ne sommes qu'au début d'une réflexion qui, je l'espère, intégrera un certain nombre d'acteurs, dont les enseignants pour rendre compte au mieux des attentes en matière d'Internet. C'est le deuxième axe qui va développer toute mon attention et ma réflexion. En effet, comment permettre cette incitation sinon par l'entrée en jeu de ceux qui sont au coeur du système éducatif, à savoir les élèves. Cette entrée en jeu répond à un double constat :
Quels écrits, pour qui, par qui ? À partir de là, il m'est apparu évident, dans le souci de donner aux élèves les meilleures chances de relever le défi de la production d'écrits, de leur donner l'occasion de s'approprier un outil tel qu'écoles-internet le propose. L'idée de leur donner la possibilité de créer des publications qui seront mises en réseau à partir du réseau écoles-internet me semble une manière tout à fait appropriée d'inciter et valoriser les productions d'élèves. Au début, celles-ci furent assez conventionnelles et proches d'une activité de copier-coller. De plus les élèves ont eu tendance à oublier de citer les sources de leurs articles, même s'il était très fréquent que ceux-ci provenaient pour une majeure partie de l'encyclopédie libre Wikipédia. À mesure que les productions s'inscrivaient sur le site, un changement s'opérait. Les élèves commençaient à produire des textes individuels et, dans le cas d'une écriture à partir d'une source telle que Wikipédia, ils indiquaient la provenance des informations citées. Ensuite, le contenu des textes s'est fait beaucoup plus proche de ce qui était contenu dans les matières d'enseignement. Ce qui a donné lieu à une forme de réécriture des notions abordées en classe. Cela me paraît extrêmement positif dans la mesure où cela montre l'intérêt que peuvent porter un ensemble d'élèves pour différents sujets abordés dans un cadre scolaire et ensuite, re-traités au niveau personnel dans le cadre d'une utilisation d'Internet. Je sais qu'en laissant la place pour les élèves dans la possibilité de créer des publications, celles-ci ne seront pas orientées dans le cadre pédagogique tel qu'il est défini par les principaux partenaires d'écoles-internet mais dans un certain sens, les destinataires institutionnels peuvent d'une certaine façon se rendre compte de ce que peuvent produire des élèves en utilisant Internet. L'autre satisfaction qui me paraît suffisante à elle seule pour montrer le formidable engouement des élèves et qu'ils ont le sentiment d'être valorisés. J'en veux pour preuve que, leur article produit et publié, ils sont heureux à chaque fois qu'un enseignant adulte délivre un message d'encouragements, voire de félicitations. Qui plus est, la relation enseignant-élève se trouve transformée et ne s'établit pas systématiquement dans un rapport d'évaluation. Nous sommes ici dans un nouveau mode de relation avec les élèves. Ils ne sont plus dans ce rapport qui les met en situation de produire un écrit parce que c'est obligé mais plutôt parce qu'ils souhaitent faire de leur écrit un élément de communication à destination d'autres personnes, qu'elles soient proches ou bien plus éloignées dans la communauté. Le fait que cet acte d'écrire passe par un décentrement spatial n'est pas sans favoriser la désinhibition qu'ils peuvent ressentir lorsque écrire devient un acte imposé dans un cadre artificiel qu'est celui de la rédaction au sein de la classe. Cela ne veut pas dire pour autant qu'il n'est pas nécessaire d'aborder en classe les différentes manières de produire un écrit, cela reste tout à fait d'actualité. Et bien souvent, c'est parce qu'ils ont abordé les constituants de ce que représente par exemple un récit, qu'ils sont capables ensuite de réinvestir cet apprentissage. À l'heure actuelle, les élèves sont de plus en plus nombreux à utiliser chez eux un langage proche de celui qu'ils utilisent avec leur téléphone portable, c'est-à-dire un langage SMS. Les communications entre élèves à partir d'outils tels que Messenger ou autre sont caractéristiques de ce type d'écrit : il faut aller vite et l'immédiateté de la réponse prédomine et ne permet pas un écrit véritablement structuré. Certes nous sommes, dans ces derniers cas, sur un registre différent de celui qui consiste à prendre du recul et à préparer son texte. Facebook dans sa partie qui ne prend pas en compte la communication instantanée est tout aussi révélatrice du manque de structuration textuelle. Les échanges se limitent à des publications sur des murs composés de phrases simples dont le nombre n'excède pas celui des doigts d'une main. Du réseau social au réseau socio-éducatif Mais le principe du réseau social tel que se définit Facebook ne laisse pas les élèves indifférents. Ils sont de plus en plus nombreux et de plus en plus jeunes à se constituer un profil sur le réseau. Cela correspond-t-il à un besoin ou est-ce un effet de l'illustration, telle que la définit le philosophe Luis de Miranda, de « notre boulimie d'amis » qui, selon lui, « n'est-elle pas la meilleure façon de se sentir tout seul avec tout le monde » [5]. L'acte d'écrire est un acte où, comme celui de lire, l'individu est profondément seul. Seul avec ses pensées, ses documents. De plus, c'est un acte qui prend du temps. La temporalité de l'écriture est une temporalité longue qui demande une latitude souvent difficile à mettre en place au sein d'une classe. Ce n'est pas un hasard si une grande majorité d'enseignants se refusent à l'idée d'une pratique « fréquente » de la production d'écrits avec leurs élèves. Cela demande, comme chacun sait beaucoup de temps et plusieurs étapes avant d'arriver à un produit textuel fini. Et pourtant, à quoi servent toutes ces acquisitions qui passent par les leçons de grammaire, vocabulaire, orthographe et conjugaison si ces notions, ces compétences acquises ne sont pas réinvesties dans une production textuelle personnelle. N'est-ce pas le premier pas vers l'autonomie que celui qui consiste à passer par cette phase nécessaire de production d'écrit ? Combien de fois ai-je entendu des enseignants dire : « Ils (les élèves) ne savent même pas écrire. Nous avons vu des tas de notions et aucune ne se trouve réinvestie dans leur production d'écrit. Je n'y arrive pas. » L'acte d'écrire demande, outre ce que j'ai indiqué plus haut, une mise en synergie de toutes les compétences d'ordre grammaticales, orthographiques... Et ceci ne peut pas se faire en une seule épreuve. Il est donc absolument nécessaire de passer par des étapes qui s'attacheront plus particulièrement à la syntaxe et d'autres à la morphologie des mots utilisés. Le fait pour un élève de se dire qu'il va produire un texte dans un but précis (à destination d'une communauté par exemple) peut lui permettre de faire attention aux différentes étapes qui le conduiront à l'élaboration d'un texte fini. C'est ici que prend tout le sens de notre participation au label écoles-internet. C'est dans la mesure où les élèves savent qu'ils sont lus et plus précisément dans une communauté qu'ils ont le sentiment d'être acteur et de donner du sens à ce qu'ils font. Ce n'est du reste pas un hasard si la communauté écoles-internet s'approche du concept de Facebook où chacun des membres peut définir un profil et se créer des amis. Un aspect significatif de cette dernière remarque est le fait que bon nombre d'élèves demandent à être amis avec leur enseignant. J'y vois là l'illustration d'un besoin de faire partie de cette communauté. S'ajoute à cela le fait que beaucoup de parents, voyant le travail produit par leur enfant motive sa curiosité par une demande d'adhésion à la communauté. Tout ceci m'amène à conclure que les élèves se doivent de faire partie de ce type de réseau qu'est celui proposé par écoles-internet. Peut-être certaines améliorations peuvent être apportées comme cela est indiqué dans la charte du label écoles-internet. Une amélioration au niveau ergonomique semble souhaitable pour permettre de favoriser les passerelles entre les différentes écoles membres de la communauté et peut-être par là même entre les différents membres qu'ils soient enseignants, IEN, parents ou élèves. Mais cela demande peut-être une refonte de l'aspect général de la communauté et j'indique ceci, bien entendu, sous toutes réserves. Les TICE à l'oeuvre J'entends beaucoup de remarques qui expriment des doutes voire des certitudes négatives à l'égard des TICE. Pour ma part je pense qu'il est nécessaire de s'approprier les TICE et, comme l'indique un médiateur des Cahiers Pédagogiques : « Tout est en effet possible si l'enseignant prend la peine, non seulement d'utiliser, mais aussi de "détourner", voire de contourner les fonctionnalités des "technologies" ambiantes... pour les plier à son intention pédagogique. » [6]. Probablement avons-nous [7] détourné la fonctionnalité du site écoles-internet mais nous avons essayé de mettre à profit cet outil qui nous semble, au risque de nous répéter un formidable outil pour tous ceux qui souhaitent se l'approprier. Les élèves se sont inscrits et ils sont allés dans le sens de notre intention pédagogique essentielle : les faire écrire. Aujourd'hui d'anciens élèves qui ont quitté l'école primaire souhaitent garder un lien avec ce qui fut pour eux l'univers de nombreux apprentissages et souhaitent faire partager aux futurs élèves de collège leur expérience. Cette expérience communiquée de manière écrite sur un support numérique traduit le profond bouleversement que subit notre société et nous devons, tous, en tenir compte afin de contribuer à cette ré-appropriation de l'écrit par le plus grand nombre. Serge Merle NOTES [1] http://ecoles-internet.net/portal/le-reglement-du-label/ [2] « Atelier de philosophie » à l'École de Toga avec la Rééducatrice, Mme Pellegri : [3] M. François Tatti, maire Adjoint de la ville de Bastia. [4] http://www.epi.asso.fr/revue/articles/a1010c.htm [5] Article intitulé : « Bienvenue dans l'ultra moderne solitude », Télé Obs. du 16 au 22 octobre 2010. [6] À propos de l'article d'André Tricot : « Grâce aux Tice, une école plus efficace ? À voir... », Cahiers Pédagogiques n° 483 de septembre-octobre 2010. [7] Les administrateurs de l'espace http://ecoles-internet.net/space/ecole-de-toga ___________________ |
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