Formation de l'informatique scolaire en Russie

Yuri Abramoviych Pervin
 

   Les premières expérimentations pédagogiques sur l'utilisation de l'ordinateur par des écoliers russes remontent à la fin des années 50 et au début des années 60 du XXe siècle. Il fut un temps où les Français avaient commencé à introduire dans le lexique scientifique et technique un nouveau terme exact : « ordinateur » (plus précis que le mot anglais « computer »), au lieu de « calculateur », le terme étant inexact de par sa fonctionnalité, tandis qu'en Union soviétique prévalait encore l'expression difficile « machine électronique à calculer », dans laquelle deux des trois mots n'étaient pas d'origine russe. Ces machines de première et deuxième générations ne fonctionnaient qu'avec des perfocartes ou des bandes perforées. Dans de telles conditions, il était impossible de parler d'ordinateurs à l'école (et encore plus d'ordinateurs utilisés dans un processus éducatif), et l'éducation basée sur les possibilités des nouvelles technologies était organisée uniquement dans le strict cadre des visites des écoliers aux centres de calcul des établissements scientifiques. Les enfants découvraient alors la programmation en code machine des premiers ordinateurs soviétiques.

   Néanmoins, tous ces essais d'informatisation des écoles, qui étaient encore très lointains du sens actuel de ce terme, n'ont été qu'une étape d'apprentissage de la programmation. D'autres villes ont fait leurs premiers pas dans ce domaine en suivant Moscou, telles que Gorki (Nijni Novgorod), Kharkov, Sverdlovsk (Ekaterinebourg), etc. Les premiers résultats méthodologiques probants datent de la création des langages de programmation destinés à l'éducation. Ainsi, le langage de programmation « Shkolnik » (« Ecolier »), orienté vers des élèves de la cinquième année d'études (10-11 ans) a été le premier ; puis, plus tard, le système « Shkolnitza » (« Ecolière »), composé de deux éléments : « Robik » (« Petit robot ») – langage de gestion des exécuteurs – et son développement « Rapira » (« La rapière ») – le système de programmation pour des élèves et des professionnels (1).

   Ces expériences pédagogiques ont été menées par des programmeurs professionnels qui venaient volontairement dans les écoles pour transmettre des connaissances de cette nouvelle discipline appliquée à la génération suivante. Pourtant, du fait de l'absence de préparatifs didactiques nécessaires de ces personnes, l'informatisation de l'éducation s'est développée non d'une manière intensive (sans la production des nouvelles idées fondamentales pédagogiques), mais plutôt extensive (en élargissant le terrain de l'expérimentation).

   La situation a commencé à changer de façon significative lorsqu'une nouvelle école scientifique a été créée dans le plus grand centre scientifique de la Sibérie, Academgorodok, près de Novossibirsk, qui est devenu plus tard le centre d'un vaste programme national d'informatisation des écoles du pays. Andreï Petrovitch Erchov (1931-1988), savant soviétique mondialement connu, a été l'un des fondateurs de ce centre (2). Ce fut un grand savant et un excellent praticien, créateur de plusieurs grands systèmes de programmation, mais aussi un brillant théoricien notamment en charge de la théorie de translation et d'optimisation des compilateurs et de la théorie des processus parallèles et des calculs mixtes. Il a représenté dignement l'informatique soviétique dans le monde dans de nombreux congrès de la Fédération internationale de traitement de l'information (IFIP) en participant à ses comités et commissions.

   L'académicien A. P. Erchov a été un organisateur talentueux des sciences. Il est devenu le créateur d'une nouvelle branche pédagogique appliquée – l'informatique scolaire. Ce terme d'« informatique scolaire » est né dans son bureau au Centre de Calcul de la section sibérienne de l'Académie des sciences de Russie (ASR) (aujourd'hui l'Institut des systèmes informatique académicien A. P. Erchov de l'ASR). Il a activement soutenu et développé les recherches pédagogiques des jeunes chercheurs et professeurs, en créant dans sa section un groupe scientifique d'informatique scolaire. Ce groupe enseignait l'informatique dans des écoles de Novossibirsk et Barnaul. Il a également élaboré un ensemble de programmes pédagogiques originaux. Les chercheurs du groupe ont été les initiateurs de la création du séminaire national « L'ordinateur et le processus scolaire » sous la direction scientifique de l'académicien A. P. Ershov, ouvert à un large public de toute l'Union soviétique. C'est dans ce séminaire que nait la remarquable idée des écoles d'été des jeunes programmeurs, qui est toujours d'actualité, et qui s'est répandue dans tout le pays. Un des résultats notables des premières généralisations du travail du groupe de l'informatique scolaire a consisté en un petit livre, édité à Novossibirsk, sur le concept et les perspectives de l'informatique scolaire (3).

   Ce livre précise la nature du cours d'informatique à l'école. Cet enseignement est présenté sous forme d'une solution au problème qu'A. P. Ershov a exposé à son groupe de l'informatique scolaire. Ce problème consiste à construire un modèle type d'un élève sortant de l'école secondaire. Ce modèle représente l'ensemble des connaissances et des compétences que devrait avoir un homme entrant dans la vie active à l'ère contemporaine de la société informatique (au temps d'Ershov le problème était formulé un peu différemment : « ... au cours de la prochaine ère de la société informatique... »).

   A. P. Erchov a conçu ce modèle sur la base d'un profil particulier : le programmeur qui, en raison de sa profession a toujours été en ligne de front du progrès scientifique et technique, et qui maîtrise les connaissances et les compétences, la totalité de ce qu'Erchov a appelé le style « opérationnel » de pensée : « Le programmeur est obligé d'avoir la capacité à l'abstraction d'un mathématicien de qualité supérieure, à l'abstraction et la pensée logique combinées avec le talent d'Edisson, permettant de tout construire à partir de zéro ; il doit allier l'exactitude du comptable avec l'intelligence d'un explorateur, l'imagination de l'auteur d'un roman policier avec l'esprit pratique du businessman et, en plus avoir un goût pour le travail collectif, et être loyal organisateur des travaux... Le programmeur est un soldat de la seconde révolution industrielle et, en tant que tel, devrait avoir une pensée révolutionnaire et du courage » (4).

   Ce n'est pas par hasard que cette façon de penser a été appelée « programmiste ». Le terme « style de pensée programmiste » (ce style était observé empiriquement par des psychologues qui étudiaient le comportement des personnes liées à la programmation), reflète toute l'importance du rôle des programmeurs dans la formation d'une nouvelle génération, capable de vivre dans les conditions optimales d'une société informatique moderne.

   Plus tard, A. P. Ershov a proposé de modifier ce terme par les mots « style de pensée opérationnelle », en soulignant le constructivisme et la capacité à structurer la description d'une tâche difficile par des opérations. Autrement dit, cette nouvelle approche d'une réflexion opérationnelle contenait deux caractéristiques importantes, sa composante algorithmique du processus informatique et la technologie comme une succession d'opérations. Plus tard encore, un terme plus exact voit le jour, « une compétence informatique », grâce à laquelle l'approche au système d'enseignement change. Si l'on parlait auparavant « d'approche des connaissances » où la qualité de l'enseignement est mesurée par la quantité des connaissances acquises par un élève durant sa scolarité, avec « l'approche des compétences », le fait de mettre en application ces connaissances est mis en avant. D'ailleurs, en étudiant attentivement la liste des connaissances, des capacités (comme des savoir-faire) et des acquis qui forment le style opérationnel de pensée (voir infra), on peut facilement remarquer que le terme « style opérationnel de pensée » d'A. P. Ershov est plus large que le terme « style algorithmique de pensée » et que la notion de « compétence informatique » utilisée de nos jours dans la littérature didactique [1].

   Notons les principaux capacités et acquis composantes du style opérationnel de pensée :

1) Capacité de planification de la structure des actions pour atteindre le but avec des moyens donnés

   Le programmeur, en décrivant l'algorithme d'un problème, se projette déjà vers sa solution en construisant son programme, c'est-à-dire le plan des actions représentant une série d'opérations standards séparées.

2) Acquis de construction des modèles informatiques pour décrire des objets et des systèmes

   Bien que les systèmes modernes d'information et les logiciels actuels proposent à l'utilisateur beaucoup de commodités pour décrire les données, il est toujours très important de connaître les classes des objets, ainsi que leurs relations dans le problème à résoudre. Grâce à ces représentations, l'utilisateur peut trouver des solutions de mise en oeuvre plus efficaces. L'acquis de la description formelle des objets et des relations entre eux est important pour la construction des modèles. Tout aussi importante est la possibilité de systématiser l'information en général et les modèles d'information en particulier.

   La valeur de cet acquis est de plus en plus importante dans les applications informatiques (bases de données, tableurs, éditeurs...) qui forment la base des modèles informatiques. Le modèle tient compte de toutes les propriétés significatives des objets pour le problème à résoudre, relativement à leur interaction.

3) Capacité de recherche des informations nécessaires au problème à résoudre

   La solution d'un problème devient plus efficace lorsque l'ensemble des informations nécessaires à sa solution est bien déterminé et sa recherche bien organisée. Les savoir-faire de l'utilisation des différents mécanismes de recherche d'informations se situent au-delà de la programmation proprement dite. Des fonds d'information énormes disponibles existent dans les réseaux mondiaux, de telle sorte qu'il est important de bien déterminer quelles informations sont indispensables et les indices à partir desquels leur recherche peut être organisée.

4) Capacité de structuration de la langue de communication

   Les capacités importantes de la pensée et de la conduite humaine signifient qu'un homme doit articuler clairement et sans ambiguïté ses idées pour que son interlocuteur puisse bien comprendre son message. L'absence de cette discipline dans la communication est compensée par la capacité d'un homme qui aide à comprendre une idée exprimée inexactement. L'ordinateur, en général, ne possède pas cette capacité, et toute inexactitude dans la formulation du problème entraîne une distorsion du sens et suscite ainsi l'erreur.

   Le programmeur doit travailler avec un ordinateur, en tenant compte du niveau de sa compétence :

  • avec les systèmes de faible niveau (avec un logiciel de faible niveau), on peut communiquer au niveau de la description de « micro-actions », en code machine ;

  • avec les machines qui permettent exploiter les opérations les plus développées du système de communication, on peut organiser le travail à l'aide de « grandes opérations » (fonctions et procédures) ;

  • dans les systèmes richement équipés de logiciels, le programmeur peut concevoir son programme de plusieurs modules tels que des programmes pré-écrits, peut-être en différents langages. Cependant, même les utilisateurs qui ne sont pas professionnels dans la programmation doivent savoir comment il faut organiser les procédures de construction fréquemment utilisées dans le programme, afin de continuer à l'utiliser comme des commandes de base.

5) Acquis à promouvoir l'utilisation systématique d'un ordinateur pour résoudre des problèmes dans divers domaines

   Si cette compétence n'est pas développée, même les personnes conscientes de l'importance de ces compétences peuvent ne pas utiliser systématiquement un ordinateur si une telle mission n'est pas définie explicitement. Ainsi, on peut observer une situation où l'utilisateur est assis devant un écran d'ordinateur mais utilise son crayon et des feuilles de papier (au mieux, la calculatrice) pour faire un calcul.

6) Acquis d'interaction avec l'ordinateur et ses dispositifs périphériques (clavier, souris, scanner, l'entrée numérique d'un appareil photo...)

   Aux fins de formation de tous ceux qui entrent en contact avec les ordinateurs, c'est-à-dire pratiquement l'écrasante majorité des habitants de la planète, il est nécessaire d'assurer une utilisation efficace de la société de l'information.

   Les particularités du style opérationnel de pensée étaient d'abord liées aux capacités et acquis nécessaires pour des programmeurs professionnels qui permettaient à tous les représentants d'une profession (ainsi que les utilisateurs profanes) d'utiliser un instrument puissant, l'ordinateur. Du fait de leurs liens avec une profession déterminée, ces compétences semblent étroites, techniques. Mais, bien que l'idée de la nécessité d'étudier l'informatique à l'école d'enseignement général soit correcte (voir ci-dessous), cet argument est sans rapport avec les problématiques de formation des programmeurs. En effet, ces compétences sont beaucoup plus importantes que les capacités dites « technologiques » qui peuvent augmenter la productivité des dispositifs électroniques et l'efficacité de l'utilisation de l'ordinateur.

   Cette méthode de pensée s'applique également aux aspects philosophiques, sociaux et éducatifs.

   Ainsi, la capacité de planifier la structure des actions ciblées est nécessaire dans chaque activité de recherche et dans toute procédure à l'armée, dans la vie publique, à la maison. L'enseignant doit particulièrement être capable de planifier ses activités : le plan est ainsi un document définissant ses activités.

   La capacité de construire des modèles informatiques n'est qu'un cas particulier de l'esprit pour construire un modèle en général. Cette compétence est nécessaire à toute recherche, de conception ou de développement technologique, où, avant de créer un nouvel objet (qui peut être très coûteux ou dangereux), il faut d'abord passer par l'étape de la simulation. Le modèle est comme un système d'apprentissage des élèves, des aptitudes et des compétences, c'est un objet didactique en somme.

   La capacité de recherche d'informations nécessaire à toute production scientifique, artistique, technique, indépendamment de la problématique de l'endroit et de la manière dont les informations sont stockées dans les archives de la bibliothèque ou dans la mémoire de l'ordinateur, est également importante. La pertinence de savoir rechercher des informations nécessaires dans n'importe quelle situation est liée à l'impossibilité de transmettre l'ensemble des connaissances accumulées par l'humanité au cours des millénaires. Dans ces circonstances, un homme doit apprendre à apprendre. Cette thèse devient la raison de proclamer le principe didactique de la continuité de l'éducation.

   La capacité de permettre la communication entre les personnes est aussi importante que la communication d'ordinateur à ordinateur ou la communication homme-machine. L'absence de cette capacité empêche sensiblement le dialogue de personnes. Généralement, dans une société on apprécie beaucoup ceux qui savent aisément trouver un terrain d'entente avec chaque interlocuteur. Il est particulièrement important pour le professeur de construire son discours en termes compréhensibles par tous les étudiants : le même fait peut être enseigné à des écoliers de 10 ans, à des étudiants diplômés ou des professeurs d'université. Toutefois, dans chaque cas, l'information sera transférée avec parcimonie en fonction du niveau de connaissance du récipiendaire.

   L'acquis d'automatiser ses activités, c'est-à-dire de trouver un instrument convenable dans toutes les situations appropriées pour une tâche déterminée, est important indépendamment des outils disponibles (cahier, règle à calcul, calculatrice).

   Les parallèles entre les compétences « technologiques » qui, d'une part, décrivent le style de pensée « programmiste » et, d'autre part, les compétences plus larges du style opérationnel de pensée ne sont pas faits par hasard. Les compétences de style opérationnel de pensée, bien qu'elles donnent l'impression de prolongation des savoir-faire et acquis « technologiques » de communication avec les ordinateurs, ont néanmoins la valeur de culture générale humaine et sont nécessaires à toute personne dans la société informatique. C'est pourquoi la formation de ces compétences doit être faite dans le cadre de l'école publique de l'éducation générale.

   Ainsi, la conclusion la plus importante est qu'auparavant on pensait que les compétences du style opérationnel étaient trop spécifiques et devaient uniquement être enseignées dans un but scientifique, informatique. Cependant, on a observé ensuite que ces compétences sont également utilisées pour l'enseignement général et culturel. A. P. Erchov, non seulement le savait en comprenant et appréciant les idées de Jean Piaget, mais l'a aussi observé dans la formation d'un membre de la société informatique. A. P. Erchov a ainsi identifié l'objectif principal du cours scolaire d'informatique comme la réponse à une demande sociale de la société : la création d'un style de pensée adéquat aux exigences des nouvelles générations.

   La date de décision de la question sociale et politique de l'établissement du cours d'informatique à l'école secondaire soviétique remonte à 1985, année de la réforme générale de l'éducation soviétique, dont l'un des chapitres est devenu l'informatisation de l'éducation.

   Un tel problème social (la formation de générations avec un nouveau style de pensée) ne pouvait pas être élaboré plus tôt, parce qu'il n'y avait pas de fondement scientifique des méthodes, des recommandations, des programmes, ou des ressources techniques et humaines. En outre, un tel problème ne pouvait pas être résolu dans le cadre des disciplines traditionnelles, car aucune des disciplines scientifiques n'avait de potentiel suffisamment développé pour accomplir des activités correspondantes. Ni les sciences humaines ou biologiques ou physiques, l'astronomie ou la chimie, ou même les mathématiques, ne disposent d'un tel système de concepts, qui pourraient former le style opérationnel de pensée.

   Il n'existe qu'une seule science qui peut offrir à la société un ensemble d'instruments didactiques si indispensables. C'est l'informatique.

   En fait, la planification des actions en informatique peut induire un vaste ensemble des structures de contrôles : une séquence, des branchements, des cycles, des algorithmes auxiliaires (sous-programmes), des récursions...

   Pour la modélisation informatique des objets, des processus et des systèmes, on applique efficacement une variété de structures de données, à partir de structures simples, utilisées dans la gestion des exécuteurs et des langages de programmation, jusqu'aux systèmes développés des structures hiérarchiques, relationnelles et déductives.

   Pour la structuration de la communication on utilise largement un appareil de sous-programmes (procédures et fonctions) et de macros.

   Dans les tâches de recherche d'information des mécanismes différents de recherche sont indispensables, des tris les plus simples aux outils complexes dans des systèmes de recherche et ceux de gestion des bases des données.

   Pour l'automatisation instrumentale de l'activité mentale, c'est-à-dire pour augmenter l'efficacité du travail (en premier lieu du travail intellectuel), l'utilisation des systèmes des programmes appliqués est très importante dans la mesure où l'utilisateur peut construire les outils pour son domaine professionnel.

   Ainsi, le cheminement entre la base conceptuelle de l'informatique et les futurs défis de la société informatique (dont la formation du style moderne de la pensée de toute une génération de la jeunesse) peut être schématisé par la logique de l'argumentation de la place d'informatique à l'école (voir schéma ci-après).

   On peut déduire du rôle essentiel de l'informatique à l'École :

  • l'intérêt de l'éducation informatique continue ;

  • les configurations requises en termes de logiciels et didacticiels ainsi qu'un appui technique pour l'École ;

  • la nécessité d'une infrastructure d'éducation informatisée, etc.

   Ces problèmes publics et sociaux importants ne sont pas examinés ici en détail. Néanmoins, deux conséquences importantes, en rapport avec les particularités et les traditions de la Russie et de son système éducatif, méritent une attention particulière :

  • la structure du contenu de l'enseignement de l'informatique à l'école secondaire ;

  • l'intérêt du cours propédeutique de l'informatique, y compris le rôle de l'enseignant menant ce cours à l'école primaire.

Pour le lecteur français, il convient de rappeler la structure russe globale de la scolarité, classée par l'âge des élèves et les classes à partir de la première année (dite « 1re » à 7 ans, la première année d'enseignement dans les écoles russes) jusqu'à la 11e.

Les quatre premières années de l'enseignement (classes de la 1re à la 4e incluse) forment l'école primaire (enseignement élémentaire général), dans laquelle un enseignant assure toutes les leçons dans les différentes matières.

L'étape suivante, appelée école essentielle (ou de base), débute en 5e et se termine en 9e (école secondaire). À cette étape, l'éducation est multidisciplinaire et un enseignant-spécialiste enseigne dans sa discipline.

Ces deux premières phases de la formation sont obligatoires.

Après avoir obtenu son document de l'éducation de base un élève :

  • soit va dans la vie activité (ou fait des études à l'école technique professionnelle de préparation des ouvriers qualifiés) ;

  • soit continue ses études dans la troisième (et dernière) phase d'enseignement secondaire en 10e et 11e ; l'objectif principal de cette phase de formation étant le choix de la spécialité et la préparation aux études universitaires.

   Le contenu général du cours d'informatique scolaire se compose de quatre parties relativement indépendantes :

  • La première partie est un ensemble de connaissances fondamentales, les concepts et les notions, qui sont nécessaires pour former le style opérationnel de pensée ;

Les compétences de base du premier groupe peuvent et doivent être enseignées à l'école primaire au cours propédeutique informatique.

De manière générale, le commencement du cours propédeutique peut être fixé assez précisément : c'est le premier jour de la première année. En appréhendant l'ordinateur comme un instrument universel didactique, outil d'enseignement efficace, il est très important de commencer à utiliser cet outil au seuil de la vie d'un enfant à l'école, juste au moment où le jeu qui prévalait aux étapes préscolaires commence à être remplacé par les études. Aujourd'hui, un tel raisonnement est particulièrement pertinent compte tenu du fait que, dans certains pays ou régions, la notion d'une école imprégnée par la technique informatique et communicative (TIC) n'est plus étonnante : le mode typique d'utilisation des ordinateurs dans de telles écoles est « 1 :1 » (un ordinateur pour un élève).

  • La deuxième partie du cours est constituée d'un ensemble de compétences appliquées et des connaissances nécessaires pour appliquer les idées et les méthodes de la science dans d'autres domaines de l'activité humaine ;

Les acquis du second groupe devraient être appliqués, principalement dans les liens intersectoriels [2], aux leçons des autres matières à mesure que des notions fondamentales sont bien assimilées dans les matières adjacentes à l'informatique.

  • La troisième partie est un système de base de l'informatique comme une science, conformément à sa place dans le système moderne de la connaissance scientifique ;

  • La quatrième partie est un ensemble de connaissances nécessaires à l'orientation générale des possibilités actuelles et futures des technologies informatiques, des logiciels et des systèmes de communication et de réseaux.

   Les modules du cours continu d'informatique sont énumérés ci-après dans l'ordre chronologique. Néanmoins, leur intersection sur l'axe du temps est inévitable. Cela concerne surtout les deux premiers modules qui couvrent l'école primaire. En outre, le développement de concepts du premier module (fondements théoriques) et certaines sections du second module (des acquis pratiques de communication avec l'ordinateur) ont lieu simultanément. Cela n'empêche pas toutefois l'enseignant d'informatique de compléter l'arsenal de concepts et d'augmenter le potentiel des instruments technologiques de l'informatique dans le cadre des autres matières tout au long de l'école secondaire.

   La généralisation et la systématisation des principales connaissances théoriques et pratiques, ainsi que la formation des idées sur les outils de la société informatique moderne, devraient être effectuées à la fin de l'enseignement à l'école secondaire. Compte tenu de la cadence de renouvellement du matériel existant et des outils logiciels, un enseignant ne pourra pas appeler élèves sortant de l'école les machines et des logiciels avec lesquels ils faisaient connaissances il y a cinq ans – en 5e ou 6e – pour travailler avec le matériel et les logiciels modernes. Les deux derniers modules du cours scolaire forment les deux parties des standards nationaux de l'éducation secondaire des deux derniers nivaux – de « base » et de « profil » (voir ci-dessous).

   Ainsi, l'on peut globalement proposer le schéma suivant de l'éducation scolaire générale continue informatique (tableau 1) :

Ensemble des compétences fondamentales nécessaires pour la formation du style opérationnel de pensée

Ensemble des compétences nécessaires pour l'application des idées et des méthodes de l'informatique dans d'autres branches de l'activité humaine

Système des conceptions fondamentales de l'informatique en tant qu'une science, conformément à sa place dans le système moderne des connaissances scientifiques

Complexe des connaissances nécessaires pour l'orientation générale en possibilités des technologies modernes et perspectives, ainsi que des systèmes informatiques appliqués

1re-5e classes

5e-8e classes

9e classe

10e-11e classes

   L'argumentation du cours d'informatique à l'école, formulée à l'école scientifique d'Erchov, est devenue la base pour l'élaboration d'un programme national d'informatisation de l'éducation lancée en 1985. La réforme a été en effet très pertinente : le retard dans l'informatisation de l'éducation pouvait avoir de graves conséquences économiques et politiques, en transformant le pays en une semi-colonie. L'envergure de la réforme était compatible avec les traditions d'un système d'État soviétique centralisé. La centralisation était telle que, le même jour dans toutes les écoles du pays, devaient être enseignées les mêmes leçons du même programme d'études. Dans un pays immense, un vaste ensemble de problèmes, de ressources humaines (principalement), de didactique, de techniques et finances, a été si complexe que certaines procédures ont été mises en oeuvre comme des solutions palliatives.

   Une de ces décisions a été l'introduction obligatoire du cours d'informatique dans toutes les écoles secondaires, à commencer par les deux classes supérieures. Il faut reconnaître que ce fut une décision forcée parce que, d'une part, l'argumentation didactique du cours propédeutique exigeait clairement et nécessairement d'engager la réforme de l'informatisation de l'éducation à partir des niveaux inférieurs mais, d'autre part, pour un grand pays comme la Russie, il aurait été impossible de doter toutes les écoles d'ordinateurs et leurs périphériques. Cette limitation sévère était particulièrement difficile pour les écoles primaires. On manquait d'ordinateurs ; ainsi pendant deux ans, dans la plupart des écoles, l'enseignement a été mené sans ordinateur. Il est important de noter que les écoles primaires ont besoin d'un ordinateur avec des spécifications techniques plus importantes que pour les élèves de classes supérieures qui sont déjà capables de développer des projets logiciels. C'est dans ces années-là qu'est né un risque important d'un stéréotype social : le seuil de développement des compétences informatiques a été considéré comme la marque de l'accès aux classes sociales supérieures.

   Les premières années après le lancement de la réforme ont été une époque de rejaillissement de l'intérêt pour l'enseignement de l'informatique à l'École. La matière scolaire « Principes de l'informatique et technique de calcul » est devenue, dans l'histoire de l'école soviétique, la première discipline pluraliste en raison de la diversité des manuels scolaires : pour la première fois dans le pays, les enseignants, habitués à un système centralisé, à une méthode unique, ont eu la possibilité de choisir la ligne méthodique du cours et, par conséquent, le manuel approprié. Cela a conduit inévitablement à la prise de conscience de la nécessité de la normalisation de l'enseignement scolaire public et, en particulier, de standards nationaux d'enseignement de l'informatique.

   La modification de la structure sociale dans le pays à la fin du XXe siècle a entraîné d'importants changements dans la gestion de l'éducation complémentaire. L'éducation complémentaire remonte à l'activité sociale des pédagogues progressistes russes de la fin du XIXe et du début du XXe siècle (L. Tolstoï, K. Ouchinsky, E. Medyntzev, P. Lesgaft...). E. Medyntzev disait que la caractéristique principale de l'éducation hors scolaire et son avantage principal par rapport aux autres types d'éducation résidait dans la bonne volonté, l'indépendance spirituelle et la large activité de la part de la population, des élèves et des professeurs. Ses idées étaient en symbiose avec les transformations révolutionnaires de la société de l'époque : les premières années après la Grande Révolution d'Octobre étaient celles de l'épanouissement de l'éducation hors scolaire.

   Les évènements de la fin du XXe siècle ont porté un rude coup au système social russe, y compris au système de l'éducation complémentaire qui était financé par les pouvoirs municipaux, par les ressources des académies, par les corporations scientifiques et industrielles.

   Néanmoins, le système de l'éducation extrascolaire continue de fonctionner. Au début de XXIe siècle, dans les établissements d'enseignement complémentaire et les « maisons de la créativité de la jeunesse », dans de nombreux clubs et sections des écoliers, on comptait plus de 8 millions enfants. Plus souple que l'enseignement scolaire, le système d'enseignement complémentaire répond mieux aux exigences de la société. Sans surprise, l'environnement d'apprentissage où les enfants sont d'abord enclins à communiquer avec des ordinateurs sont les sections dans les camps des pionniers, les clubs scolaires, les camps d'informatiques d'été.

   L'application des méthodes de l'informatique et des technologies informatiques dans les institutions complémentaires de l'éducation est aussi une réponse à la demande sociale de la société informatique moderne. Le ratio de ces deux sphères de l'activité humaine (l'informatisation de la société et la pédagogie de l'éducation complémentaire) se caractérise par leurs interactions : d'une part, l'éducation complémentaire a reçu avec les nouvelles technologies informatiques efficaces et modernes, des outils pédagogiques pour les enfants ; d'autre part, dans le domaine de l'enseignement complémentaire sont nées et ont été testées de nombreuses nouvelles méthodes qui ont enrichi la pédagogie de l'école de base. En outre, l'idée du cours propédeutique d'informatique est née expérimentalement pour les premières fois dans le cadre de cours d'éducation complémentaire, dispensés dans tout le pays (Moscou, Nijni-Novgorod, Kiev, Novossibirsk, Sourgout...).

   Les disciplines scientifiques telles que la cybernétique (processus de gestion de l'information et de la robotique), les logiciels (structures de contrôle et des structures de données dans les langages de programmation), l'informatique (la formalisation de la description de l'activité intellectuelle), les technologies informatiques (réseaux de communication et de construction des sites) se sont trouvées en première ligne du progrès scientifique et technologique au cours des dernières décennies.

   L'environnement informatique de la société moderne et l'environnement de l'éducation complémentaire ont une série de qualités communes :

  • tout d'abord, il s'agit d'un régime volontaire dans lequel les enfants agissent de leur propre initiative, impliquant une motivation personnelle. Il s'agit de la base pour que le développement des enfants satisfasse aux besoins éducatifs informatiques ;

  • ces deux environnements sont des systèmes ouverts où les enfants peuvent se déplacer à l'intérieur d'une forme d'éducation, ainsi qu'en changeant de formes avec la progression de leur niveau professionnel. Des cercles, des écoles, des camps sont ouverts pour l'enfant, pour la famille et pour l'école ;

  • l'éducation complémentaire et les moyens de l'informatisation de la société sont en mesure d'égaliser l'accès aux ressources informatiques éducatives, en nivelant de fait les positions de l'éducation ;

  • l'éducation complémentaire et les moyens de l'informatisation se stimulent de la même manière que les talents créatifs des individus ;

  • dans les deux systèmes des possibilités d'autodétermination des élèves sont posées. Cela est important dans les premières étapes de l'école (comme propédeutique), et dans la partie supérieure du profil de l'enseignement secondaire (en réalisation) ;

  • les deux systèmes avec la même séquence, développent des moyens de communication et, en particulier, l'apprentissage à distance.

   L'affinité des deux systèmes d'éducation est devenue importante surtout les derniers temps (après les changements des conditions d'entrée dans les universités) : les vainqueurs des Olympiades (compétitions disciplinaires pour les écoliers, organisées comme une forme de l'éducation complémentaire) ont bénéficié de plus d'avantages.

   Les domaines actuels de recherche, couplés aux possibilités et à la liberté offertes par l'éducation complémentaire, ont séduit la jeunesse sous toutes leurs formes. Aujourd'hui, les formes informatiques et informatisées de l'éducation complémentaire composent principalement les activités éducatives des élèves hors de l'école.

   Il est également intéressant de noter comment les professeurs et pédagogues viennent dans l'univers de cette éducation complémentaire. Il n'existe toujours pas dans l'éducation complémentaire de préparation spécifique pour les pédagogues de l'éducation secondaire spéciale (de profil) et de l'éducation supérieure. Néanmoins et depuis longtemps, des professionnels énergiques et dynamiques de haut niveau se proposent comme enseignants dans le cadre de la mise en place de formations complémentaires (et souvent les créent) : Giglavy A. V., Gorvits Y. M., Zvenigorodsky G. A., Mitrofanov S. P., Plaksin M. A., etc. On peut citer parmi ces défendeurs de l'éducation non formelle des étrangers remarquables et éminents dont S. Papert (États-Unis), M. Vivet (France), E. et B. Sendovs (Bulgarie) et bien d'autres. Ces gens viennent pour les enfants en raison de leur amour pédagogique : éduquer les enfants à la position sociale du citoyen et du professionnel en informatique. L'enseignant qui travaille dans le système d'éducation complémentaire est soumis à des exigences qui surpassent les exigences réglementaires des enseignants scolaires : parmi elles, l'ouverture d'esprit scientifique et l'initiative dans la prise de décision, l'optimisme, l'énergie, le dévouement à la tâche et, bien sûr, l'amour pour les enfants.

   On distingue différentes formes d'éducation complémentaire :

  • La forme la plus simple de l'organisation de l'éducation complémentaire est composée d'un cercle d'élèves d'une même école avec un professeur d'informatique à sa tête. Il est fréquent que les enfants viennent au cercle d'une même classe, mais la formation de cercle d'écoliers de différentes classes n'est pas interdite. Les enfants d'un cercle ont parfois un âge différent. Le champ d'activité de ces groupes est devenu une composante de l'enseignement scolaire, dans lequel la responsabilité de la technique, la méthodologie et l'efficacité de cette éducation revient à l'administrateur de l'école. Les cercles scolaires sont aujourd'hui populaires à l'école primaire. Cette situation a permis aux directeurs d'école d'encadrer leurs propres compétences et de prendre la responsabilité de combler les lacunes du cours propédeutique conformément aux standards éducatifs fédéraux.

  • Une grande partie de l'éducation extrascolaire revient aux établissements dénommés « complexes interscolaires éducatifs » (CIE). En plus des spécialisations de la formation pré-professionnelle des écoliers existant depuis longtemps, existaient des groupes d'élèves des classes supérieures où les enseignants pouvaient procéder à un enseignement extrascolaire en conformité avec les exigences du niveau de l'éducation professionnelle formulées par les standards éducatifs. Ces groupes sont des « CIE ». Le système des complexes interscolaires éducatifs, avec des spécialités des profils informatiques et technologiques, fonctionne avec succès dans de nombreux centres de la Russie : Moscou, Saint-Pétersbourg, Tver', Nijni-Novgorod, Tyumen', Pereslavl-Zalessky...

  • Un immense vivier pédagogique basé sur les établissements d'éducation à branches extrascolaires (les « maisons et palais des jeunes pionniers », les « stations », les « cercles » et les « clubs de jeunes techniciens ») qui ont été mis en place du temps de l'Union soviétique et détruits à la fin du XXe siècle, renaissent aujourd'hui peu à peu. Ce processus de reconstruction de ces établissements est important car il conforte des établissements éducatifs par les techniques modernes, logiciels et autres TIC. Les statistiques confirment que jusqu'à 40 % des écoliers des « maisons et des palais des jeunes techniciens » s'investissent dans des groupes de créateurs, liées d'une façon ou d'une autre aux problématiques de la société informatique. Les enfants reçoivent la formation préparatoire dispensée par des programmeurs ou des professionnels de tous domaines des technologies informatiques (la construction des sites, le dessin technique, le traitement de l'information musicale...). Les participants et les lauréats de nombreux concours en informatique sont des membres des cercles des jeunes informaticiens. Les questions de méthodes de l'utilisation pédagogique des technologies informatiques sont de la responsabilité des départements des technologies informatiques dans les centres et maisons de la jeunesse.

  • Les établissements d'éducation extrascolaire, traditionnellement pluridisciplinaires, partageaient des bâtiments, des ressources et du personnel avec l'enseignement informatique et d'autres disciplines appliquées. Récemment, des établissements d'éducation complémentaire spécialisés dans l'enseignement des technologies informatiques prennent de plus en plus d'importance. Voici quelques-unes des institutions qui ont réussi à faire parler d'elles dans toute la Russie : le Centre éducatif « Les technologies de l'éducation » (Moscou), le Centre de l'éducation à distance « Eidos » (Moscou), le Centre d'enseignement à distance pour des enfants (Yaroslavl), l'école informatique de Sourgout (Sibérie Occidentale), l'école des jeunes programmeurs à Mytishchi (banlieue de Moscou), de nombreux terrains expérimentaux informatiques dans les centres régionaux.

  • Certaines écoles proposent également aux enfants un travail extrascolaire informatique sur une saison (pour la plupart d'entre eux, des écoles d'été). La première de ces écoles dans le pays a été ouverte en été 1975, 10 ans avant la réforme de l'éducation (1985), à Novossibirsk, Akademgorodok. Toutes les écoles d'été sibériennes fonctionnaient au cours de la décennie 1975-1986 sous la direction scientifique d'A. P. Erchov (jusqu'à sa mort). L'école d'été des jeunes programmeurs d'Akademgorodok s'est assez vite transformée en école internationale.

   Les cours aux écoles d'été étaient dispensés par les savants des Instituts d'Akademgorodok. A. P. Ershov, lui-même, a été l'hôte de presque toutes les écoles d'été de Novossibirsk. Les cours des écoles d'été pour les jeunes programmeurs ont été organisés par les départements spécialisés (les chaires) dont chacun avait en son sein un programmeur expérimenté et/ou un enseignant. La variété des chaires, classées en langages de programmation, systèmes d'exploitation, domaines d'application permettait aux enfants de recevoir les connaissances précises conformes à leurs choix et à leurs niveaux de développement (5).

   Aujourd'hui, c'est l'Institut des systèmes informatiques A. P. Erchov de la Section sibérienne de l'ASR qui est devenu organisateur de l'école d'été. L'institut Erchov supervise ce travail avec l'Université d'État de Novossibirsk et le Collège supérieur d'informatique de Novossibirsk. Tout en maintenant de nombreuses traditions des années 70-80, l'école a changé l'intitulé des unités qui se dénomment désormais « ateliers ».

   Les idées scientifiques, pédagogiques et administratives de l'école d'Erchov ont été reprises plus tard dans différentes régions du pays. Un des héritages de l'école d'Erchov est l'école d'été de Pereslavl-Zalessky, créée en 1986 par l'Institut de systèmes de programmes d'ASR et qui a été associée à l'UNESCO.

Académicien Erchov à la chaire de Logo de l'École d'été des jeunes programmeurs
1986, Akademgorodok, Novossibirsk, Russie

   Le nombre des écoles d'été de programmation dans le pays augmentait d'année en année. Leur position géographique était vaste : de Krasnoïarsk à Samara, du territoire de l'Altaï à Saint-Pétersbourg, de l'Extrême-Orient au camp d'été russe YUNIO-R en Bulgarie, sur la côte de la Mer Noire. Chaque camp reposait sur la même recette : différents organisateurs, différents spécialistes, mais toujours la même concentration de jeunes informaticiens autour de projets, intéressants et pertinents, le même soutien des centres scientifiques et d'enseignement, le même niveau de travail, le même système central, les mêmes conférences scientifiques et la même nature démocratique et ouverte de la société informatique.

   Le système des Olympiades scolaires en informatique et programmation régulièrement organisées à différents niveaux (de la ville et du district à l'international) et pour tous les âges (des élèves de l'école primaire aux étudiants universitaires) est un complément direct de l'éducation hors scolaire. Les préparations pour les Olympiades professionnelles ont une grande valeur éducative, en favorisant de manière constructive la recherche de jeunes talents, bien que celles-ci diffèrent des autres formes d'éducation complémentaire, avec en plus une absence de continuité en termes professionnels.

   Les succès dans les compétitions internationales sont indirectement considérés comme une mesure de la réussite de l'enseignement informatique dans le pays. Si lors des premières Olympiades internationales (en 1989 à Pravets, en Bulgarie) les médailles d'or des écoliers russes ont été considérées comme fortuites, à partir de 1993, elles sont devenues systématiques. La preuve en est que la Coupe du monde a été remportée cinq fois par la Russie et que jusqu'en 2005 la Russie n'avait pas d'égal. Le record de l'équipe russe, qui a remporté quatre médailles d'or et la première place dans le classement par équipes non officielles en 2000 à Pékin, tient toujours. Au total, les étudiants russes ne revenaient pas chez eux sans médailles depuis 1991. Par le nombre total de médailles l'équipe russe est la deuxième derrière l'équipe chinoise. Les jeunes Chinois ont mieux réussi l'Olympiade de 2008 en Égypte.

   Une des répercussions importantes de la réforme de 1985 (apparue avec retard dans le temps) a été la création des chaires de théorie et des méthodes de l'enseignement de l'informatique au sein des universités pédagogiques. De telles chaires existent maintenant dans la grande majorité des universités pédagogiques ; des universités pilotes comprenant même des facultés informatiques (6). En préparation de la réforme de l'éducation en 1984, l'Académie des Sciences pédagogiques (aujourd'hui, l'Académie russe de l'Éducation – ARE) a créé un laboratoire d'informatique et de technique du calcul à Moscou dans le cadre d'un de ses instituts de recherche. Ce laboratoire est devenu la base de la création en 1996, par la décision du Présidium d'ARE, de l'Institut de l'informatisation de l'éducation (un établissement d'État de recherche pour la réalisation de recherches dans le domaine du développement de la théorie et la pratique de l'application des technologies informatiques et de communication dans l'éducation). L'Institut a le statut d'établissement pilote de l'ARE : il est le coordinateur des recherches dans ce domaine et unit les forces de plus d'une trentaine de groupes de recherche en Russie. En 1985, à Novossibirsk, avec la participation d'A. P. Erchov, l'Institut de recherche de la section sibérienne d'ARE – Institut d'informatique et de la technique du calcul – a été mis en place. Actuellement, un certain nombre d'instituts de recherche d'ARE planchent sur des sujets liés à l'informatisation de l'éducation. Parmi eux, l'une des plus jeunes institutions de l'Académie, l'Institut d'études stratégiques en éducation.

   Au début de 1992, à Moscou et à Pereslavl-Zalessky, l'Ambassade de France en Russie, en collaboration avec l'Institut pereslavlois des systèmes de programmes de l'ASR et la compagnie « Robotlandiya » ont organisé le premier séminaire franco-russe SYNTHESE sur les méthodes du cours propédeutique de l'informatique aux écoles. Une grande délégation française menée par le professeur M. Vivet a participé à ce séminaire.

   Au cours de la dernière décennie, ont été proposés et mis en oeuvre plusieurs projets nationaux visant à améliorer l'éducation dans la société informatique. L'un des plus réussis est le principal projet « Informatisation du système de l'éducation » (ISE) (2005-2008), élaboré dans le cadre de la Fondation nationale de formation du personnel pédagogique. Les résultats de ce projet sont le développement de trois catégories de logiciels et de produits d'apprentissage :

  • une importante collection de programmes (près de 100 000 titres) (8), qui sont des ressources pédagogiques numériques (RPN), produits multimédias et interactifs), de différents formats (images, animations, sites...), intégrés dans l'enseignement (chacun des programmes de la collection est directement lié à la leçon, ou à un fragment de la leçon pour les cours ou les manuels scolaires mis en place), la collection, qui réuni les RPN, est en libre accès (8) ;

  • une collection de sources d'information autonomes de structure complexe (SIASC) : une collection de logiciels sur 8 disques CD pour les cours sur une variété de sujets ;

  • les complexes informatiques méthodiques et éducatifs (CIME) : des solutions innovantes [3], visant des changements fondamentaux du processus d'enseignement.

   Depuis le début de 2008, dans le cadre du système fédéral, le Ministère de l'Éducation et de la Science a lancé un programme gratuit (d'État) de transfert à la plupart des écoles de Russie (y compris les zones rurales) d'ordinateurs (voire des salles informatiques), des programmes ISE et des paquets de disques de 50 cédéroms avec logiciels sous licence et programmes d'application pour chaque école. Ces salles de classes sont équipées d'accès à l'Internet, payés par l'État pour les trois prochaines années. 2008 a été (comme 1985) l'année du « saut » vers l'informatisation des écoles russes. Toutefois, il existe des problèmes d'organisation pour ce projet : à la fin de la période de 3 ans, l'État transmettra la charge du paiement de l'entretien de ce vaste parc informatique aux autorités municipales, qui ne pourront pas assurer ce service supplémentaire. En fait, la Russie répète aujourd'hui une erreur que les pouvoirs français ont commis dans leur système éducatif avec le programme national bien connu « L'informatique pour tous ». Après avoir fourni les machines aux écoles, l'État avait transmis la charge de l'entretien et du financement aux municipalités. C'est justement à ce moment précis que les municipalités ont montré leurs capacités à gérer l'enseignement : les ordinateurs en grande quantité ont été reçus dans les municipalités, mais leur efficacité pédagogique s'est trouvée insuffisante quand il s'est avéré que les prix de l'entretien surpassaient les possibilités modestes des municipalités. Une telle erreur coûteuse dans la mise en oeuvre des ressources du projet russe pourrait être évitée par l'examen attentif de l'expérience de la France.

   La pertinence de la standardisation de l'éducation informatique en Russie a été mentionnée ci-dessus. Le Ministère de l'éducation et des sciences de Russie et dans les institutions de recherche d'ARE a élaboré les trois niveaux de standards éducatifs, fédéral, régionale et celui de l'école.

   La composante fédérale du standard est la base pour élaborer le plan d'études de base, des programmes fédéraux des matières et des évaluations objectives des niveaux de formation des élèves sortant de l'école, des activités des établissements scolaires et de calcul des standards fédéraux des dépenses financières des prestations de services dans les domaines de l'enseignement général.

   La composante fédérale ne conteste pas la pertinence des composantes régionales du standard d'État de l'éducation générale et des plans d'étude de base pour les établissements d'enseignement. La composante scolaire comprend un ensemble de documents régissant les activités internes d'un établissement scolaire, sur la base des demandes de la population du quartier ou du village.

   Les composantes fédérales comprennent deux niveaux : celui de base et celui de profil. Ces deux niveaux sont de nature générale, mais ils mettent l'accent sur la priorité de résoudre différents types de problèmes.

  • Le niveau « de base » du standard porte sur le développement d'une culture générale. De plus, il est lié aux problèmes de développement, d'éducation et des conceptions du monde, aux problèmes de société.

  • Le niveau « profil » du standard d'une matière est choisi sur la base des dispositions personnelles et des besoins de l'élève et met l'accent sur sa préparation à l'éducation suivante professionnelle ou l'activité professionnelle.

   Des documents qui définissent le contenu de l'éducation se basent sur les standards d'enseignement. Le principal d'entre eux est le curriculum et les programmes des études.

   Le plan d'étude de base joue un rôle clé dans l'enseignement secondaire et présente un système de normes destinées à élaborer des plans typiques d'études.

L'informatique dans un plan d'étude de base

10e – 11e Cours électifs
Cours généraux

Autres

profils

Niveau de base
(70 heures)
Niveau de profil
(280 heures)
Sociales et économiques Industriels et technologiques Universels Physiques et mathématiques Informatiques et technologiques
8e – 9e Cours de base (35 + 70 heures)

   Depuis 2004, la composante fédérale est devenue la base pour le développement des compétences des enseignants, des activités du Conseil fédéral d'expertise sur les manuels du Ministère de l'Éducation nationale, des groupes de préparation pour l'examen uni national (EUN) et des auteurs des programmes d'études et des manuels scolaires. Ce standard, à côté des améliorations de la gestion et la planification du processus d'étude, a eu une conséquence inattendue en termes de désavantages sociaux du système éducatif : la séparation du standard éducatif en trois composantes a donné lieu à des différences de niveaux de ressources pour les écoles des capitales, des grandes villes et des petites écoles rurales qui ont mis en doute la réalité de l'une des plus importantes finalités du standard, à savoir l'accessibilité de tous à l'éducation générale.

   Dans la mesure où le système d'éducation russe se prépare à une nouvelle génération de standard éducatif, il convient de revenir au stéréotype social de la position du départ du cours d'informatique scolaire. Briser les stéréotypes qui entravent la réalisation des buts véritables de l'informatisation de l'école est une réelle tâche que la Russie et la communauté éducative de l'époque ont affronté lorsqu'elles ont élaboré de nouveaux standards éducatifs. L'histoire de l'éducation nationale et de la science comprend des étapes tellement importantes. À la seconde moitié des années 50 du siècle dernier, la lutte (et non pas seulement scientifique mais aussi politique) est entrée dans une phase décisive, pour la reconnaissance de la cybernétique comme discipline scientifique moderne et perspective. La lutte a été difficile et dans un certain sens inégale. L'un des bastions de cette lutte était localisé au Grand Séminaire cybernétique à l'Université de Moscou Lomonossov. Le célèbre savant soviétique A. A. Lyapounov était à la tête de l'organisation et du travail régulier de ce séminaire. Ce séminaire et le recueil de ses oeuvres « Les problèmes de la cybernétique », édité au cours d'une décennie par A. A. Lyapounov, ont permis de gagner cette guerre.

   Lorsqu'un quart de siècle plus tard, en Sibérie, la formation de la base scientifique d'une nouvelle réforme du système de l'éducation nationale en 1985 a commencé, un élève de A. A. Lyapunov, l'académicien A. P. Erchov, a dû organiser et consolider les forces progressistes de l'enseignement dans la communauté de la prochaine formation d'informatisation de l'éducation. Il a organisé au Centre de Calcul de la section sibérienne de l'ASR et de l'Université d'État de Novossibirsk, un séminaire « L'ordinateur et le processus scolaire », qui a permis à un bon nombre d'excellents scientifiques et de pédagogues-praticiens de se découvrir. Le séminaire d'A. P. Erchov éditait, pour chacune de ses réunions mensuelles, une brochure avec les informations du séminaire.

   Les défis auxquels ont été confrontés les organisateurs du Grand Séminaire, ont été complexes. Parmi leurs objectifs, « la formation de l'opinion moderne et didactiquement argumentée dans une communauté pédagogique et tout d'abord parmi les enseignants et les étudiants, les administrateurs et les chercheurs, les politiciens et les parents » était importante (9).

   Mais les fondateurs de ce séminaire n'ont pas eu seulement des difficultés mais aussi de l'inspiration, de l'expérience et des résultats remarquables de deux forums interdisciplinaires, ceux d'A. A. Lyapunov et d'A. P. Erchov.

   Le contingent des fondateurs du séminaire comprend un certain nombre de scientifiques de Moscou et les représentants des établissements d'enseignement connus pour leurs activités dans le domaine des méthodes et de la méthodologie de l'éducation informatique ainsi que des co-dirigeants du séminaire. On invite pour les manifestations à ce séminaire interdisciplinaire des grands savants et des enseignants-praticiens « doués ».

   Le site du séminaire (9) avec ses rubriques permanentes permet d'organiser le travail du séminaire.

   Les réunions du séminaire sont agrémentées d'équipement multimédia – ordinateur portable, écran, projecteur multimédia. Certaines des manifestations sont documentées sur le site. Plusieurs sessions consacrées à l'application spécifique de projets à l'aide de moyens audiovisuels et des laboratoires virtuels pour l'informatique à l'école primaire ont eu lieu sous la forme des travaux en classe. L'année scolaire prochaine, la plupart des réunions auront lieu par vidéoconférence. Le Grand séminaire de Moscou sur les méthodes d'apprentissage précoce de l'informatique édite ses comptes-rendus (7).

Yuri A. Pervin
Université des sciences sociales d'État, Moscou, Russie

Bibliographie

(1) Zvenigirodsky, G. A. Les premiers pas en programmation. Moscou, éd. « Science », bibliothèque « Quantum », 1985 (en russe) ;
archives électroniques de l'académicien A. P. Erchov : http://ershov.iis.nsk.su.

(2) « Andrey Petrovitch Erchov, le savant et l'homme », La Science en Sibérie n° 15 d'avril 2006, l'hebdomadaire de la branche sibérienne de l'Académie des Sciences de la Russie, Novossibirsk (en russe).
http://www.sbras.ru/HBC/article.phtml?nid=372&id=3.

(3) Erchov, A. P., Zvenigirodsky, G. A., Pervin , Y. A. L'informatique scolaire (concepts, état, pespectives), Novossibirsk, éd. le Centre de Calcul de la section sibérienne de l'ASR, 1979 (en russe).

(4) Erchov , A. P. Sur les facteurs humain et esthétique en programmation, revue Programmation, 1990, n° 1 (en russe).

(5) Zvenigirodsky, G. A., Pervin, Y. A., Yunermann, N. A. « Informatique chez les enfants sibériens », Éducation et Informatique (France), n° 8, 1983.

(6) Parmentier, Ch., Pervin, Y. A. « Les nouvelles technologies informatiques dans l'enseignement, un vecteur de la perestroïka », Revue de l'EPI (Association Enseignement Public et Informatique), septembre 1992, n° 67, Paris, France.
http://www.epi.asso.fr/fic_pdf/b67p209.pdf.

(7) Les comptes-rendus du Grand Séminaire de Moscou sur les méthodes d'apprentissage précoce de l'informatique. – (co-rédacteurs Sokolova I. V., Pervin Y. P.) – Moscou, 2008 (en russe).

(8) http://school-collection.edu.ru.

(9) http://ito.edu.ru/sp.

NOTES

[1] La partie de l'article consacrée à l'argumentation du cours d'informatique scolaire, écrite par Y. A. Pervin pour Encyclopédie du professeur scolaire de l'informatique, qui a été publiée dans le journal russe Informatique n° 11, 2007.

[2] Le terme « liens intersectoriels » signifie la notion didactique qui décrit les relations entre deux matières scolaires, dont les méthodes peuvent enrichir l'enseignement l'une de l'autre.

[3] Une technologie innovante est un système de méthodes, qui non seulement améliore quantitativement le processus de la fabrication du produit, mais apporte des changements principaux qualitatifs dans la technologie de production.

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Association EPI
Novembre 2009

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