L'introduction de la discipline TIC au lycée va de soi et n'est pas du TOC David Fayon Pour comprendre les enjeux du numérique dans notre société immatérielle, donner du sens quant à la révolution numérique, enseigner plus qu'un mince vernis aux élèves en leur donnant tant des repères, des notions fondamentales que la capacité d'apprendre à apprendre, un véritable enseignement des TIC s'impose. Je milite en faveur de son introduction dès le lycée dans un premier temps – il s'agit d'un processus de rattrapage naturel pour que le décalage ne soit pas croissant entre l'enseignement et les besoins des entreprises et administrations qu'elles quelles soient – et de l'élargir ensuite au collège. Ne pas enseigner les TIC comme une discipline à part entière serait une erreur. L'informatique dans ses deux acceptions data processing et computer science a une histoire et des fondements à présent solides. Cependant un enseignement des TIC doit être plus large que la seule informatique en prenant par exemple en compte la dimension des réseaux (Internet, réseaux sociaux, etc.), dimension que l'on retrouve dans les organisations avec le travail collaboratif, la culture en mode projet et qui permettent de créer de la valeur liée au partage et au décloisonnement des structures qui leur donnent plus d'agilité. En tant que Directeur de projets SI en entreprise, je mesure à quel point ce caractère participatif que l'on retrouve avec les outils du Web 2.0 est crucial quant à la bonne réussite des projets complexes. On pourrait objecter que le rajout d'une matière dans les enseignements est antinomique avec les économies recherchées par le ministère de l'Éducation nationale. Le débat n'est pas là, d'autres gisements de productivité sont à trouver ailleurs. On pourrait aussi considérer que le B2I et le C2I ont été créés et qu'ils répondent à un besoin. Mais ceux-ci ne constituent qu'une approche parallèle et qui est très insuffisante. Or, ne pas y souscrire reviendrait à hypothéquer les chances de notre pays. Créer une matière TIC est une nécessité fondamentale comme il existe des cours de français et de mathématiques. Jusqu'à la fin des Trente glorieuses, il était nécessaire de savoir lire, écrire et compter. Aujourd'hui, nous avons toujours les deux piliers que restent le français et les mathématiques (qui servent dans d'autres disciplines comme respectivement l'histoire-géographie, la philosophie et les sciences physiques). Mais à cela, il convient pour orienter le jeu d'avoir une charnière composée de la connaissance des langues étrangères (l'anglais devenant incontournable) et bien évidemment les TIC ! On ne peut imaginer supprimer les enseignements de français sous prétexte que cette discipline est transverse à toutes les autres. Il en va de même des TIC et considérer qu'ils sont abordés partiellement dans d'autres disciplines plus ou moins en tant qu'outil serait un écueil. L'enseignement des TIC doit se faire dans le cadre d'une discipline à part entière à l'image du français. Après l'alphabétisation, l'alphaNETisation, selon l'expression de Louis Naugès, co-créateur du terme bureautique voici plus de 30 ans, est une nécessité pour que chaque élève puisse s'insérer plus facilement dans la vie active alors que la France possède un taux de chômage chez les moins de 25 ans des plus élevés de l'Union. Créer une discipline TIC est un moyen pour répondre à ce problème, pas une fin en soi. En outre, un facteur d'exclusion supplémentaire existe entre les élèves qui ont accès à Internet à domicile et les autres, souvent enfants de parents de catégories socioprofessionnelles défavorisées. Deux axes sont à développer pour éviter toute exclusion et fracture numérique. D'une part faciliter l'acquisition de matériel informatique à domicile et la formation associée y compris pour les parents qui souvent ne peuvent expliquer les TIC à leurs enfants. Une proposition du rapport France numérique 2012 qui prévoit un accès à Internet haut débit pour tout citoyen où qu'il se trouve sur le territoire et pour moins de 35 euros par mois matériel compris est une première réponse. D'autre part donner les moyens à l'école pour que celle-ci aussi ait son rôle de correcteur des inégalités même si l'élève équipé à domicile conserva une longueur d'avance. La France est, en matière de politique numérique et d'e-éducation, loin derrière des pays comme le Danemark ou l'Estonie et très loin en matière de taux de connexion à Internet des foyers à domicile derrière des pays économiquement comparables comme le Royaume-Uni ou l'Allemagne. Les travaux effectués par l'association Renaissance numérique répondent pour leur part à cette volonté de lutter contre la fracture numérique et donner les moyens à la France de devenir une grande nation numérique. La génération Y (les digital natives) est certes, en moyenne, très à l'aise dans l'utilisation des outils (création d'une page Facebook, envoi de SMS, téléchargement en P2P, etc.) mais a un comportement zapping et gagnerait à connaître les TIC également conceptuellement et leur cadre (technique, économique, juridique, historique) pour avoir un peu plus de profondeur. Quelques éléments de programmation (par exemple, réalisation de macros avec Excel utile en entreprise, notions d'algorithmiques), la différence entre les langages interprétés et compilés, entre les logiciels propriétaires et l'open source, des bases juridiques (par rapport aux débats quant à Hadopi, au téléchargement illégal, au droit à l'image, etc.). Ces fondamentaux seraient approfondis ensuite au-delà du bac mais donneraient déjà des bons repères aux élèves. En outre, il m'apparaît crucial d'insuffler de véritables méthodes pour dénicher l'information, discerner les véracités des sources car dans l'entreprise où nous croulons (sommes facilement noyés) par des masses considérables d'information, la valeur ajoutée réside dans la capacité à traiter l'information pour à partir de données considérables avoir l'intelligence de répondre à ce qui est demandé, et ce dans un nombre croissant de professions. Dans les cours que je dispense à côté de mon activité en entreprise, j'ai pu constater des lacunes chez certains étudiants à l'université pour la capacité à traiter l'information dans la réalisation d'exposés. Tous n'ont pas ces lacunes et certains sont fort heureusement bons mais avec des réflexes et un cadre méthodologique intégrés plus tôt, le niveau s'est trouverait meilleur. Plagier une page de Wikipédia est facile, croiser des sources pour répondre à une problématique est un art. Au-delà du régime transitoire de cette nécessaire introduction d'une discipline TIC au Lycée se posera à plus long terme la question des CAPES et agrégations de TIC. Il est nécessaire de tirer par le haut tant les élèves que les enseignants. Cette introduction des TIC est une opportunité historique pour la France alors même que les 6 majors du Web sont tous Américains : Google, Microsoft, Yahoo, eBay, Amazon et Facebook. La désaffection pour les filières scientifiques dont l'industrie et les services ont besoin doit appeler à un sursaut dans les enseignements. TIC pourrait avoir à la fois se baser sur un fondement scientifique mais aussi pratique et être véritablement interdisciplinaire. Les TIC sont au carrefour des besoins des entreprises d'aujourd'hui et plus encore de demain. David Fayon Expert NTIC, auteur de Clés pour Internet Ce texte est la contribution du 5 octobre 2009 de D. Fayon à la réflexion « Oui ou non à une matière TIC à l'École ? » organisée par la mission Fourgous pour les TICE. Site : http://david.fayon.free.fr. ___________________ |
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