Pédagogie connexionniste et usages des TICE

Julien Llanas
 

   Les élèves naviguent à travers internet en passant de site en site et en s'arrêtant plus ou moins longtemps sur chacune des pages qui capte leur attention. Ils parcourent ainsi de longues distances en suivant des champs sémantiques ou des champs audiovisuels, en cliquant sur un mot, en cherchant un mot, en cliquant sur une image ou une vidéo, en cherchant une image ou une vidéo. Il n'est plus question de s'attarder de longues heures sur un livre pour en faire une lecture suivie. La recherche d'information, la réflexion et la mémorisation se fait par association de bribes de pages web, d'images, de mots, de textes, de plages sonores ou de vidéos. L'opinion sur un sujet ou la connaissance d'un sujet se construit au fil de ce parcours effectué par l'élève. Ce constat n'est pas un constat moral, c'est un constat pratique et nécessaire pour l'enseignant qui souhaite transmettre des connaissances.

   Ce parcours est particulier. Il commence par un thème, une question de départ que l'élève va associer à un mot ou une expression qu'il va entrer généralement sur le moteur de recherche Google ou bien sur le moteur de recherche Google image. La page de départ peut aussi être un portail qu'il affectionne ou un site indiqué par un tiers. À partir de sa première recherche, il va consulter une première page. Si la page est satisfaisante ou moyennement satisfaisante il va de cette page consulter une autre page et ainsi de suite. Si la page n'est pas satisfaisante il va revenir en arrière dans sa navigation pour consulter une nouvelle fois la page des résultats de recherche du moteur choisi ou la page du portail. Lorsqu'il revient en arrière il peut revoir la valeur de la page sur laquelle il retourne. Si la valeur de cette page est diminuée par le lien insatisfaisant qu'elle permettait de faire avec une autre page alors l'élève va revenir en arrière une seconde fois. Il pourra ainsi grâce à l'historique revenir plusieurs fois en arrière voire se retrouver sur la page d'origine. À partir de là il peut repartir dans une autre direction en entamant une nouvelle recherche ce qui peut changer le sens de son parcours.

   Le chemin parcouru par l'élève prend donc la forme d'une arborescence et c'est cette arborescence qui constituera le fondement de la connaissance ou de l'opinion qu'il aura sur le sujet en question. Cette pratique du surf sur internet qui constitue une action de métalecture doit être prise en compte au niveau pédagogique. C'est une métalecture car contrairement à ce qui se faisait auparavant il est possible aujourd'hui de reconstituer l'intégralité du surf effectué par l'élève. Le fait que l'élève puisse construire sa connaissance en utilisant une forme arborescente n'est pas nouveau. Dans une bibliothèque, avec un fichier des livres disponibles, il pouvait passer de livre en livre pour se renseigner sur un sujet ou répondre à une question. Cependant le retour en arrière était difficile car on ne pouvait pas remonter dans le temps pour savoir quel livre l'élève avait pris, quelle page il avait consultée et quelle page ou quel livre l'avait mené à un autre livre ou à une autre page. Aujourd'hui cela est possible à partir d'un navigateur internet. Ce qui est inédit c'est que l'élève puisse constituer son propre livre au fil de sa lecture en choisissant les pages internet qui le constituent.

   Trois facteurs sont importants pour la constitution de l'arborescence de surf chez l'élève. La première est l'association d'origine. Plus l'association entre le thème à étudier et le mot ou l'expression à entrer dans le moteur de recherches est pertinente et plus les résultats seront corrects et permettront de donner une arborescence satisfaisante. Le deuxième facteur est celui du choix du lien par lequel on va sortir de la page sur laquelle on entre. Ce deuxième facteur est déterminant car il suppose que l'élève garde à l'esprit le but premier de sa recherche pour faire un choix pertinent. Il est aussi possible que l'élève change sa réflexion de départ lorsqu'il choisit à la faveur d'une page d'orienter sa recherche vers un autre sujet. C'est ainsi que le surf sur internet peut devenir problématique s'il rend difficile la concentration de l'élève et sa focalisation sur un sujet précis. Le troisième facteur déterminant est celui du retour en arrière. Il faut pour cela qu'à un moment donné l'élève se retrouve sur une page qui représente pour lui un cul-de-sac, de moindre valeur que celle qu'il vient de quitter ou qu'il rebrousse chemin après avoir suivi un parcours secondaire qui n'est pas satisfaisant par rapport à sa réflexion principale. Cela suppose que l'élève garde à l'esprit le but principal de sa recherche et qu'il puisse donner une valeur à une page afin de hiérarchiser ses pages entre elles pour revenir en arrière.

   Par conséquent ces trois points sont primordiaux pour le développement d'une pédagogie connexionniste adaptée à l'usage d'internet. L'enseignant doit travailler sur l'association entre un thème et un mot ou un groupe de mot. Cela revient à enseigner la pratique du « tagging » qui s'appuie sur une connaissance du collectif et de l'expression des représentations collectives. Car il ne suffit pas de mettre en place une association mot-sujet pertinente d'un point de vue scientifique pour tirer la meilleure partie des résultats d'un moteur de recherche mais il faut aussi être sensible au bon sens commun ou aux centres d'intérêt des gens pour trouver des informations pertinentes. L'enseignant doit également apprendre à l'élève la pratique du « bookmarking » pour lui permettre de capitaliser le travail de recherche ou la distance parcourue lors de son surf afin que ce sport virtuel soit l'occasion d'un développement de l'esprit. Enfin le plus dur est de donner à l'élève les outils critiques lui permettant de donner une valeur à une page et de hiérarchiser les pages et les sites entre eux. Idéalement, il faudrait donner aux élèves des galaxies de sites de références selon le sujet de la recherche ou l'accompagner au début de sa recherche pour l'orienter vers des galaxies de qualité. On peut aussi développer sa capacité à choisir les bons sites par des activités de « tagging » et de « bookmarking » spécifiques. On peut par exemple approfondir le sujet de départ par des activités de « brainstorming » ce qui permettra de réaliser un surf discriminant envers des sites trop généralistes ou superficiels par rapport au sujet principal. On peut par des activités de « bookmarking » préalables demander aux élèves qu'ils se créent leur propre galaxie de sites de références qui par analogie permettront à l'élève de sélectionner, lors de ces parcours sur internet, d'autres sites de valeurs similaires.

   Il est évident que la pratique du surf sur internet devient de plus en plus familière aux élèves et occupe de plus en plus de temps dans leur journée. Il serait donc intéressant de permettre aux élèves d'utiliser une partie de ce temps pour accroître leur culture ou leurs connaissances.

   Cet article s'inspire des thèses connexionistes en développement dans les recherches en en sciences cognitives, neurosciences, psychologie, philosophie de l'esprit et e-learning. Voici quelques liens pour se lancer dans un parcours de découverte virtuel sur ces sujets :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Connexionnisme
http://neuron-ai.tuke.sk/NCS/VOL1/P3_html/vol1_3.html
http://ciepfc.rhapsodyk.net/article.php3?id_article=72
http://www.comu.ucl.ac.be/RECO/GReMS/jpweb/laks.htm
http://www.sloan-c.org/publications/jaln/index.asp
http://isdm.univ-tln.fr/PDF/isdm29/MASSIOT.pdf.

Julien Llanas

Publié le 11 mars sur le site MONPROFENLIGNE (http://www.monprofenligne.fr/)
sous licence GFDL (GNU Free Documentation License) http://www.gnu.org/copyleft/fdl.html.

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Association EPI
Juin 2008

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