L'outil informatique : Analyse des obstacles Said Abouhanifa, Mohamed Benmadani, Mohamed Khalfaoui, Mohamed Hanini, Mohamed Kabbaj Résumé : En s'intéressant aux conceptions de l'enseignant dans ses tentatives d'intégrer l'outil informatique dans l'enseignement-apprentissage des mathématiques au collège et au lycée, nous avons entrepris une recherche visant l'analyse des obstacles qui entravent l'utilisation efficace de cet outil, et les dimensions nouvelles de son intégration en classe. Cette analyse s'est limitée aux établissements secondaires publics de la Délégation de Settat. Bien que la plupart des enseignants utilisent l'outil informatique pour des fins administratives, personnelles et pour la gestion des dossiers des élèves ; plusieurs hésitent encore à l'utiliser pour favoriser et améliorer l'apprentissage de leurs élèves. La méconnaissance de la pertinence de ce genre d'activité qui contribue au développement de l'autonomie, favorise la confiance et encourage la motivation de l'élève ; était la source de cette réticence. Les enseignants devraient progressivement prendre conscience de la nécessité de modifier leurs façons de faire pour l'apprentissage de leurs élèves. Cet outil s'avère donc, un moyen incontournable pour mettre en oeuvre une véritable activité mathématique ; par une transformation profonde du contrat pédagogique (enseignant- élève). L'ensemble des résultats fait apparaître trois facteurs fondamentaux, qui sont déterminants dans la démarche d'intégration de l'outil informatique dans l'enseignement des mathématiques et par conséquent, l'amélioration de l'apprentissage de cette discipline. Ces dits facteurs sont : la qualification des enseignants, l'adaptation des contenus mathématiques aux apprentissages et l'équipements des établissements en matériel et en logiciels. Mots clés : Obstacles, Intégration, Formation des enseignants, Apprentissage. Introduction La généralisation des Technologies de l'Information et de la Communication dans l'enseignement (TICE), puis leur intégration progressive pour accompagner les programmes scolaires nationaux, représentent deux étapes importantes dans la mise en oeuvre de la réforme du secteur de l'éducation.
La volonté institutionnelle, d'instaurer cette prometteuse approche dans l'enseignement se trouve confrontée à de nombreux obstacles (internes et externes). Une première problématique à souligner, concerne l'insuffisance relative en quantité, en qualité et en pertinence des ressources matérielles, humaines, des logiciels et des contenus numériques éducatifs. Au cours de nos années de pratiques en tant qu'enseignants, nous avons constaté que les obstacles d'intégration de l'otutil informatique sont liés à leur appropriation par le ministère de tutelle (absence d'une stratégie adéquate pour mettre en oeuvre réellement un enseignement avec l'usage de l'outil informatique), les inspecteurs (manque de suivi et d'enrichissement) et les enseignants (manque de pratique en classe). Cette innovation pédagogique rencontre des réticences de la part des enseignants. Quelles sont donc, les raisons essentielles de ces réticences à l'intégration de l'outil informatique dans les pratiques de classe ? Cette nouvelle situation d'enseignement et d'apprentissage, modifiera profondément le sens des apprentissages. Ainsi, l'élève s'impliquera davantage dans les actions à réaliser et l'enseignant sera souvent en position de personne-ressource. Quelle forme devra prendre alors le métier d'enseignant dans cette nouvelle situation ? Le niveau d'appropriation de l'outil informatique par les enseignants diffère de manière signifiante. Certains enseignants réalisent des sites web, d'autres ont à peine maîtrisé le courrier électronique. Ils n'ont pas donc les mêmes compétences, voire les mêmes besoins en formation et en ressources numériques. Comment faire pour surmonter les difficultés dans ce domaine dont des expériences ont montré la grande complexité ? « Deux grands types de problèmes sont actuellement reconnus dans de nombreux pays : le premier est relatif à l'identification des compétences nécessaires, le deuxième aux modes d'évaluation de ces compétences. » [3] Cette recherche vise à déterminer selon les conceptions des enseignants, les dimensions nouvelles de l'intégration de l'outil informatique dans l'enseignement des mathématiques et à analyser les obstacles qui entravent son utilisation efficace en classe. Étant conscient du rôle central de l'enseignant dans le processus d'enseignement-apprentissage, nous nous sommes intéressés à ses conceptions au sujet de l'usage de l'outil informatique et plus particulièrement à la manière dont il envisage tirer profit de cette technologie. Nous retenons qu'une accélération de la mise en oeuvre de l'outil informatique en classe, ne peut être efficace que, si la formation des enseignants dans un tel créneau tient en compte les éléments du processus de son intégration en classe. La place de l'outil informatique dans l'enseignement des mathématiques 1. Transformation de l'activité mathématique L'outil informatique donne accès à l'information et traite l'information, mais il ne peut faciliter l'accès aux savoirs que dans le cadre d'un processus d'apprentissage. L'intégration de cet outil dans l'enseignement-apprentissage des mathématiques transforme en profondeur et en étendue l'activité mathématique. Il permet de développer chez l'élève, conjointement et progressivement les capacités d'expérimentation et de raisonnement. À travers une démarche de résolution de problèmes, de modélisation des situations et d'apprentissage progressif de la démonstration ; les élèves peuvent prendre conscience de la pertinence des activités mathématiques, identifier un problème et l'expérimenter sur des exemples, conjecturer un résultat, mettre en forme une solution, contrôler les résultats obtenus et d'évaluer leur pertinence en fonction du problème étudié. L'outil informatique s'avère donc, un moyen incontournable pour mettre en oeuvre une véritable activité mathématique. Il importe que l'élève sache distinguer entre un résultat qui relève d'une expérimentation et un résultat établi de façon déductive au sein des mathématiques. En effet, il permet notamment :
2. Contribution de l'outil informatique dans l'enseignement apprentissage
Flamand et Gervais (2004) identifient trois catégories « d'objets d'apprentissage » : les objets médiatiques, les objets utilitaires et les objets d'apprentissage proprement dit. 3. Niveau de maîtrise de l'outil informatique Dans le contexte américain Rogers (1995) identifie quant à lui cinq catégories d'enseignants face aux nouvelles technologies : les innovateurs, les utilisateurs précoces, la majorité avancée, la majorité tardive et les retardataires. Selon Rogers, la vitesse de diffusion des nouvelles technologies est déterminée par la capacité d'une masse critique à s'adapter au changement. Des différentes études que nous avons consultées (Danvoye, 2002 ; 2001 ; 2000 ; Garnier et Gauvin, 2000 ; Larose, Grenon et Palm, 2004 ; Karsenti, 2004 ; Gervais, 2000), nous avons déduit des niveaux d'intégration de l'outil informatique chez les enseignants auxquels correspondent différents niveaux d'intérêt face aux besoins en ressources numériques et en formation techno pédagogique [4] :
Méthodologie de la recherche Pour étudier les éléments du processus de l'intégration de l'outil informatique dans l'enseignement, nous avons effectué une recherche exploratoire, afin d'identifier les conceptions des enseignants envers l'usage de cet outil en classe. La méthodologie poursuivie dans cette recherche s'articule autour des dispositifs suivants : analyse des documents, brainstorming, des entretiens et un questionnaire.
Après validation, nous avons remis le questionnaire aux 85 enseignants en mains propres, en leur accordant un délai de réponse de quelques jours. Pour orienter les réponses vers les points qui nous intéressent, nous avons pris en compte dans le choix des établissements ; ceux qui sont suffisamment équipés pour qu'aucun enseignant ne puisse évoquer les conditions d'accès au matériel comme obstacle à l'utilisation de l'outil informatique avec les élèves et de l'autre côté des établissements, qui ne sont pas encore bien équipés. Parmi les 85 enseignants ciblés, 73 qui ont rendu leurs questionnaires. Les enseignants interrogés sont identifiés par une codification de 1 jusqu'à 73, pour préserver l'anonymat. Analyse et interprétation des résultats 1. Profil des enseignants interrogés La recherche effectuée a porté sur 73 enseignants de mathématiques de la délégation de Settat, répartis sur 10 établissements de l'enseignement secondaire collégial 60,3 % et secondaire qualifiant 39,7 %. Ces enseignants ont une moyenne d'ancienneté d'environ 22 ans, 80,8 % d'entre eux exercent dans des établissements situés à la ville de Settat et 19,2 % dans des villages de la province de Settat. 92,3 % des répondants ont suivi une formation initiale dans des centres de formation. 60,4 % d'entre eux sont des sortants des centres pédagogiques régionaux, 24,2 % sont des lauréats des écoles normales supérieures et 7,7 % des répondants ont une formation complémentaire dans d'autres établissements de l'enseignement supérieur. 2. Familiarité avec l'outil informatique Nous avons voulu savoir si les enseignants ont eu l'occasion d'utiliser l'outil informatique (le degré d'alphabétisation). Les résultats montrent que 34,9 % des répondants utilisent l'outil informatique pour un traitement de texte mathématique afin de présenter des énoncés de devoirs, des éléments de cours..., 18,3 % utilisent l'outil informatique pour construire des tableaux et 14,3 % l'utilisent pour tracer des courbes, tant dis que 21,4 % l'utilisent pour d'autres fins personnelles. La position des 11,1 % qui n'ont pas répondu peut être expliquée par leur ignorance de faire fonctionner un ordinateur. Les répondants ajoutent que leur utilisation de l'outil informatique est liée à la connexion Internet (recherche documentaire, prendre des connaissances sur le monde, construction de figures géométriques, création des sites web, cédérom scientifique et la messagerie électronique) et une minorité des répondants l'utilise pour la programmation mathématiques. Généralement, l'utilisation de l'outil informatique dans l'enseignement des mathématiques est très insuffisante. Ces résultats laissent entendre que l'accès à l'outil informatique ne garantit pas à lui seul, son utilisation régulière et efficace par les enseignants. Cuban, Kirkpatrik et Peck (2001) offrent deux explications à cette constatation. La première consiste à se rendre compte que toute révolution technologique prend un certain temps avant de se diffuser au sein de la population en général. La seconde porte sur le contexte de l'établissement secondaire qui ne favorise pas l'accès à des nouvelles pratiques. 3. Ressources matérielles et humaines Le recours à des ressources matérielles et humaines est une dimension essentielle dans l'instauration d'une structure adéquate facilitant l'accès à l'utilisation de l'outil informatique dans le processus d'enseignement-apprentissage des mathématiques. Les ressources dont les 10 établissements secondaires disposent diffèrent d'un établissement à un autre. Les enseignants répondants affirment qu'il y a un manque crucial dans la documentation adaptée et de références (2,3 % des ressources matérielles disponibles à l'enseignement apprentissage des mathématiques faisant appel à l'outil informatique), (5,8 %) pour la disponbilité des logiciels nécessaires. 35,3 % disent que leur établissement dispose d'un enseignant d'informatique et 18,5 % des établissements possèdent une salle multimédia. Les lycées et les collèges concernés par l'étude semblent présenter le minimum des ressources nécessaires mais, nous n'avons pas repéré d'établissements pour lesquels ces ressources auront joué le rôle de tremplin à l'enseignement-apprentissage des mathématiques. 4. Les manuels scolaires marocains Une analyse des manuels scolaires marocains du secondaire collégial montre qu'il y a absence totale d'activités faisant intervenir l'outil informatique. Concernant le secondaire qualifiant, on trouve pour le tronc commun scientifique et technique certaines activités où on a recours à la calculatrice scientifique. Pour la première et la seconde année du baccalauréat il y a des activités où l'outil informatique est présent, seulement on a là des exemples d'application de certains logiciels (Excel, cabri, géoplan, Archimède) à certains exercices qui permettent de répondre aux questions de genre : quelles sont les étapes à suivre pour tracer le graphe d'une fonction à l'aide d'Excel par exemple... La remarque qu'on peut faire c'est qu'on n'a à aucun moment un usage de l'outil informatique pour l'enseignement apprentissage des mathématiques. On ne s'en sert pas donc comme outil didactique : Pour donner du sens à une notion, faciliter un raisonnement, faire une conjecture ou tout simplement pour gagner du temps et motiver davantage les élèves.Cependant, on relève une ou deux exceptions, comme par exemple au niveau du cours des probabilités où à l'aide de la simulation : jet d'un dé (1 000 fois), on fait apparaître la probabilité d'un événement comme limite d'une fréquence. 5. Utilisation de l'outil informatique en classe Généralement, (46,9 %) des répondants accordent très peu d'importance aux aspects cités ci dessous :
La carte des nuages de points fournis par l'analyse factorielle des correspondances (AFC) fait apparaître trois catégories de réponses ; à savoir le très faible recours à l'outil informatique en classe, les manuels scolaires de mathématiques ne présentent pas des activités d'enseignement-apprentissage favorisant l'usage de l'outil informatique (80 % des répondants) et une dernière catégorie dénommée ; « l'intérêt d'intégrer l'outil informatique » englobant les deux aspects étroitement liés, il s'agit d'une part de l'usage de l'outil informatique qui permettrait d'améliorer les pratiques d'enseignement et d'apprentissage des mathématiques et d'autre part, susciterait la motivation de l'élève en cas d'utilisation de cet outil en classe. La majorité des enseignants est convaincue du rôle de l'outil informatique en classe, il offre en effet, des opportunités intéressantes, d'exploration dans des situations variées pour les enseignants et pour les élèves qui sont amenés à réfléchir sur ce qu'ils font (travail authentique). « En utilisant ces technologies, les enseignantes et les enseignants ont à leur disposition des outils puissants qui peuvent amener les élèves beaucoup plus loin dans leurs apprentissages que l'enseignement traditionnel. Les statistiques, la géométrie, la numération, les opérations de base, l'algèbre peuvent prendre un sens « réel » avec une bonne intégration des TICE dans la démarche d'apprentissage des élèves. » [5] Selon R. Bibeau [6], on peut déduire que seul 2,7 % des enseignants interrogés sont des pionniers, 4,1 % sont des insécures, 11 % sont des craintifs, 69,9 % sont des réfractaires. Rogers estime qu'il n'y aura aucun progrès irréversible pour intégrer les TICE à l'enseignement, avant qu'une masse critique d'enseignants (environ 50 %) n'ait atteint un degré de connaissance suffisant. Bien que la plupart des répondants utilisent l'outil informatique pour des fins administratives et pour la gestion des dossiers des élèves, plusieurs hésitent à l'utiliser pour favoriser et améliorer l'apprentissage des élèves. Cette résistance peut être expliquée par la méconnaissance de la pertinence de ce genre d'activité qui contribue au développement de l'autonomie, favorise la confiance et encourage la motivation de l'élève. Ces enseignants doivent prendre conscience de la nécessité de modifier leurs conceptions et leurs façons de faire. Le taux important (80,8 %) des enseignants n'utilisent pas l'outil informatique en classe parce qu'ils craignent d'apparaître inefficace devant leurs élèves. L'utilisation efficace de l'outil informatique conduit à réfléchir sur une nouvelle restructuration des programmes, des manuels scolaires et des méthodes d'enseignement-apprentissages. Nous constatons qu'un simple ajout à un programme traditionnel "un peu de TICE" et le manque d'une ingénierie de formation condamne à la frustration et à l'échec. « Le maintien de l'enseignement traditionnel saupoudré d'un peu de TICE renforce l'inefficacité des deux parties de l'attelage » [7]. Il faut une réelle intégration de l'outil informatique en classe par un changement en profondeur des conceptions de tous les acteurs en présence, voire de l'enseignement au niveau des contenus et de la forme des activités. 6. Contenus mathématiques pouvant faire l'objet d'une utilisation de l'outil informatique en classe 30 % des enseignants n'ont pas proposé de contenus mathématiques susceptibles d'être l'objet d'un cours qui favorise l'utilisation de l'outil informatique en classe. Selon les conceptions des répondants l'outil informatique est très performant dans les animations en géométrie et plus précisément en géométrie dans l'espace (32,5 % des contenus prêts à l'emploi par l'outil informatique) concernant tous les niveaux du secondaire collégial et qualifiant. On peut évoquer l'analyse (les fonctions, calcul de limites, introduction du nombre dérivé, construction de courbes, problèmes d'optimisation...) pour (27,8 %), les statistiques (traitement d'un grand nombre de données, histogrammes...) pour (10,0 %), les suites (étude de convergence, approximation d'un nombre réel...) pour (8 %), les probabilités (simulation) pour (2 %). On peut déduire de ces résultats que malgré que, bien les enseignants n'utilisent pas l'outil informatique en classe, ils ont essayé de proposer des contenus adéquats à cet outil. Il leur reste à savoir comment analyser et mettre en relation ces contenus à enseigner dans leur classe. 7. Les entraves à l'intégration de l'outil informatique en classe Environ 56 % des répondants disent que les aspects proposés peuvent être de vrais obstacles qui rencontrent l'enseignant dans ses tentatives d'intégrer l'outil informatique dans ses pratiques de classe. La posture des 27,2 % des non-réponses, peut s'expliquer ainsi : puisque ces enseignants n'utilisent pas l'outil informatique en classe, ils n'ont pas encore rencontré ces obstacles dans la réalité. La carte des nuages de points nous fournit trois blocs d'obstacles à l'intégration de l'outil informatique en classe. Selon une échelle de priorité décroissante apparaît le premier bloc d'obstacle organisationnel, à savoir, le nombre d'élèves élevé en classe. Ce résultat nous permet de se poser la question de l'effectif des élèves en classe dans la dite nouvelle situation scolaire. Nous pensons que ce constat touche le problème en partie et non pas dans sa totalité ; l'effectif peut être réduit par le travail de groupe ou par l'utilisation de vidéo projecteur qui permet de capter l'attention des élèves, de faire participer toute la classe et qui offre plus de possibilités de l'interactivité. En outre, si la salle informatique est bien équipée et permet à la fois le travail d'une partie des élèves au clavier et l'autre partie en papier-crayon, il sera bon de prévoir une sorte d'alternance des élèves derrière les ordinateurs de façon à effectuer la complémentarité du travail sur les activités mathématiques et du travail sur l'ordinateur. Le travail en environnement informatique est souvent réalisé par groupe dans lequel l'élève découvre l'intelligence collective. Dans le deuxième bloc, les modalités s'articulent autour d'une modalité charnière qui décrit des obstacles d'ordres techniques, qui sont : le degré de maîtrise de l'outil informatique, la maintenance du matérielle informatique, la maîtrise des logiciels adaptés et les facteurs liés à la gestion du temps et du contenu. Les sources de ces difficultés émanent du manque de formation des enseignants dans ce domaine, du nombre insuffisant d'ordinateurs pour les élèves, voire nul pour les enseignants, du manque de temps des enseignants (emplois de temps chargés, le risque de ne pas terminer les programmes...), du manque d'intérêt et de volonté (les enseignants ont d'autres préoccupations). Le dernier bloc, est dénommé rôle des acteurs, il englobe le rôle ou la fonction de l'enseignant et celle de l'élève dans la nouvelle situation du processus d'enseignement d'apprentissage. Tout d'abord, il faut amener les enseignants et les élèves à modifier leurs habitudes et leurs façons de travailler ancrées depuis des décennies dans les classiques façons de faire. Il faut encourager les enseignants à embrasser une attitude propice à l'innovation et à les aider à maîtriser l'outil informatique. « Des obstacles de tous ordres (matériel, organisationnel, manque de compétence, d'expérience, de conviction...) se cumulent pour freiner la diffusion de ces pratiques, pourtant inscrites dans les programmes de ce niveau d'enseignement » [8] 24 % des enseignants ont ajouté d'autres types d'obstacles à l'intégration de l'outil informatique en classe. Les résultats montrent la nécessité de l'engagement des enseignants « novices dans l'utilisation de l'outil informatique » et celui d'enseignants « pionniers » (des experts, susceptibles d'entraîner et de soutenir des collègues moins expérimentés), l'engagement des directeurs des établissements, l'engagement des élèves et la mise en place de projets collectifs. 8. Compétence de l'enseignant Le nouveau rôle de l'enseignant dans la situation d'enseignement favorisant l'usage de l'outil informatique, exige de nouvelles compétences. Cette situation d'enseignement-apprentissage nécessite une mobilisation personnelle importante de sa part, qu'en environnement traditionnel. Ces compétences sont différentes, plutôt générales et indépendantes de l'utilisation de l'outil informatique, d'autres liées à l'outil logiciel et à l'environnement informatique en général. Le repérage des compétences requises, selon H. Chaachoua et al., se fait en trois étapes : une formation initiale « technique », le choix et la mise au point des activités de classe « pédagogique » et la conduite effective des activités « didactique ». « Les compétences nous ont semblé devoir se manifester à travers les principales activités de l'enseignant à savoir sa formation personnelle, la préparation de ses activités d'enseignement, et son activité d'enseignement effective. » [9] Plus de 76,7 % des répondants estiment posséder les deux compétences suivantes : la capacité de lier les fonctionnalités des logiciels aux apprentissages et celle de choisir des situations didactiques pertinentes et motivantes pour une intégration réelle de l'outil informatique en classe afin d'amener leurs élèves à l'utiliser efficacement. 89 % accordent un degré d'importance élevé concernant la capacité de lier les fonctionnalités des logiciels aux apprentissages et 87,6 % disent que l'enseignant doit être capable de choisir des situations didactiques pertinentes et motivantes. Il paraît fondamental que l'enseignant distingue les aspects techniques (la maîtrise du logiciel est nécessaire, mais elle n'est pas l'objectif essentiel puisqu'elle peut se réaliser en action). C'est la transposition informatique (transfert des connaissances mathématiques via l'informatique) qui doit constituer la priorité des priorités. Le travail personnel de tout enseignant peut être facilité par la collaboration et les échanges d'expériences avec des collègues de l'équipe pédagogique ou dans le cadre de formations. Les situations d'apprentissages, dont la dimension didactique doit être pertinente et motivante, ne sont pas du ressort complet de l'enseignant, mais peuvent lui être fournies et c'est à lui de les utiliser avec efficience. Un forum de discussion libre, par exemple, n'est pas à priori une situation d'enseignement d'apprentissage ; il n'aura aucun caractère didactique. L'ensemble de ces réponses révèle le besoin des enseignants à des formations continues qui apporteraient les repères nécessaires pour une intégration efficace de l'outil informatique en classe. L'outil informatique devient donc, une mine à exploiter, il permet aux élèves d'avancer à leur rythme, de progresser dans leur apprentissage et d'acquérir les compétences nécessaires à la résolution de problèmes adaptés au processus d'apprentissage et à la façon de percevoir une situation problème et de la solutionner. Il permet à l'enseignant, de bien gérer la différenciation des apprentissages des élèves ; en effet, la façon de gérer la classe et le du cheminement de l'apprentissage des élèves diffère de celle préconisée depuis longtemps. 9. La formation enseignante Les enseignants (une moyenne de 22 ans d'ancienneté) n'ont pas acquis leurs connaissances avec l'usage intégré de l'outil informatique dans leur propre cursus scolaire et dans la formation initiale aux centres de formation des enseignants. Dans une toute formation continue des adultes que sont les enseignants, il est judicieux de pratiquer le type de formation qui leur convient. À cet effet, nous les avons interrogés sur les besoins de formations susceptibles de les intéresser dans le cadre d'une éventuelle intégration de l'outil informatique en classe. Les types de formations choisies par les répondants sont résumés dans le tableau ci-dessous : La meilleure structure choisie par les enseignants été les stages de formation continue (pour 19,7 % des citations), suivi de la demande d'une formation au sein d'un groupe d'enseignants de même discipline (pour 16,2 % des citations) et la demande de formation technique sur le matériel (logiciels...)(pour 15,5 % des citations). Cette combinaison correspond bien aux besoins des enseignants puisqu'elle leur offre la possibilité de se former en mettant à l'épreuve leurs expériences vécues, leurs représentations, en comparaison avec celles de leurs collègues et bénéficier des orientations des experts en présence. Cette formation doit porter éventuellement sur des situations d'apprentissage ouvertes qui permettent l'utilisation de l'outil informatique en classe. La formation à distance et la formation au sein d'un groupe d'enseignant de disciplines variées (6,6 %), ne sont pas sollicitée par les répondants ; ce qui exprime leur désir à se former par la confrontation avec les autres collègues de la même discipline, par l'échange d'expériences et le travail en groupe. Ce portrait interpelle la vigilance de l'équipe d'enseignant pour intervenir à des moments privilégiés de dépassement d'obstacles pour conceptualiser leur apprentissage. 10. Suggestions des enseignants pour l'intégration de l'outil informatique dans l'enseignement Les suggestions des enseignants pour une meilleure intégration de l'outil informatique dans l'enseignement des mathématiques se résument en quatre tendances :
Il ressort des suggestions des enseignants une prédominance du besoin en formation, accompagnée d'un souhait d'adaptation des programmes pour qu'ils se prêtent mieux à une utilisation efficace de l'outil informatique en classe. Les ressources matérielles et logiciels (locaux, logiciels, ordinateurs, documents,...) sont une condition nécessaire à l'intégration de l'outil informatique car 22,4 % des enseignants insistent sur ce point. En troisième lieu, certains enseignants préconisent un engagement et une volonté institutionnelle pour favoriser le recours aux TICE dans le processus d'enseignement et d'apprentissage. Enfin, une minorité suggère la généralisation du cours d'informatique à tous les établissements (ceci montre qu'il y a des établissements qui ne disposent pas d'enseignant d'informatique) pour permettre à l'élève de se familiariser avec cet outil et de le préparer à être capable de suivre un cours faisant appel à l'outil informatique. L'ensemble des réponses révèle trois facteurs fondamentaux qui sont déterminants dans toute démarche d'intégration de l'outil informatique dans l'enseignement des mathématiques et par conséquent, l'amélioration de l'apprentissage de cette discipline, ces dits facteurs sont : la qualification des enseignants, l'adaptation des contenus à l'apprentissage et l'équipements en matériel et logiciels. Discussion des résultats Il ne faudrait pas croire que l'usage des TICE est la solution radicale aux divers problèmes liés à l'enseignement et l'apprentissage des mathématiques au collège et au lycée, tels que, la démotivation des élèves, l'échec scolaire, l'abandon solaire, baisse de niveau de maîtrise de mathématiques, etc. Néanmoins, ces nouveaux outils peuvent constituer un catalyseur conduisant l'enseignant à innover progressivement au niveau des méthodes et des démarches tout en les adaptant aux activités de l'élève. Dans la perspective d'une meilleure visibilité du sujet, nous estimons qu'il est intéressant d'étudier des témoignages de classe, afin de faire sortir les questions sous-jacentes à l'intégration effective de l'outil informatique en classe et par conséquent donner des éléments de réponses aux questions de genre : Comment les enseignants de mathématiques peuvent-ils s'y prendre pour permettre aux élèves de réussir et d'acquérir les nouveaux savoirs, savoir-faire, savoir- être et savoir agir ? Comment tenir compte des intérêts et de la personnalité de chacun ? Comment mettre en place les apprentissages, spécifiques et propres à chacun des apprenants ? Conclusion L'utilisation de l'outil informatique dans l'enseignement des mathématiques s'inscrit dans le champ des pratiques innovantes (pluridisciplinarité, travail en équipe, croisement des référentiels et des contenus...). Il correspond à une démarche pédagogique qui :
Une majorité des enseignants est convaincue du rôle important joué par l'utilisation de l'outil informatique en classe, il offre en effet, des opportunités intéressantes d'exploration dans des situations variées pour l'enseignant, et pour l'élève en l'amenant à réfléchir sur ce qu'il fait (travail authentique). Cependant, un certain nombre d'obstacles entravent l'intégration efficace de l'outil informatique en classe. On peut citer à cet égard : le degré de maîtrise de l'outil informatique, la maintenance du matériel informatique, la maîtrise des logiciels adaptés et les facteurs liés à la gestion du temps et du contenu. Les sources de ces difficultés émanant du manque de formation des enseignants dans ce domaine, du nombre insuffisant d'ordinateurs pour les élèves, voire nul pour les enseignants, du manque de temps (emplois de temps chargés, le risque ne pas terminer les programmes...), du manque d'intérêt et de volonté de la part des enseignants. Le soutien pédagogique et technique, la disponibilité des ressources nécessaires et la formation continue des enseignants constituent la difficulté majeure. Une réelle intégration de l'outil informatique en classe, nécessite donc, un changement en profondeur des conceptions de tous les acteurs en présence, voire de l'enseignement au niveau des contenus ainsi que de la forme des activités. Le nouveau rôle de l'enseignant dans la dite situation d'enseignement, demande des nouvelles compétences que l'enseignant doit acquérir. Elle oblige une mobilisation personnelle importante de sa part, qu'en environnement traditionnel. Le travail personnel de tout enseignant peut être facilité par la collaboration et les échanges d'expériences avec des collègues de l'équipe pédagogique ou dans le cadre de formations. La meilleure structure qui convient aux enseignants pour une telle formation, apparaît sous forme de stages de formation continue au sein d'un groupe d'enseignant de même discipline, dans le but d'une maîtrise de l'outil matériel et logiciel. La formation à distance et la formation au sein d'un groupe d'enseignants de disciplines variées, ne sont pas sollicitées par les enseignants ; ce qui exprime leur désir à se former par la confrontation avec les autres collègues de la même discipline, par l'échange d'expériences et le travail en groupe. L'arrimage des facteurs suivants : la qualification des enseignants par une formation adaptée issue d'une ingénierie, l'adaptation des contenus aux apprentissages et l'équipements des établissements scolaires en matériel et logiciels, contribue efficacement à la réussite de l'intégration de l'outil informatique en classe voire de l'amélioration de la qualité d'enseignement et d'apprentissage des mathématiques. Said Abouhanifa, Laboratoire Interdisciplinaire de Recherches : Bibliographie Balacheff, N. (1994). Transposition informatique. Note sur un nouveau problème pour la didactique. In M. Artigue, R. Gras, C. Laborde, P. Tavignot (éds) Vingt ans de didactique des mathématiques en France. Grenoble : La Pensée Sauvage, p. 364-370. Barbier, J.-M. & Lesne, M. (1986). L'analyse des besoins en formation, Paris : R. Jauze. Bibeau, R. (2005). Les TIC à l'école : proposition de taxonomie et analyse des obstacles à leur intégration. EpiNet n° 79 Association EPI. Chaachoua, H. (2000). Usages éducatifs des technologies de l'information et de la communication : quelles nouvelles compétences des enseignants ? Laboratoire LEIBNIZ - Institut IMAG. Grenoble, France. Danvoye, P. (2000). Bilan de l'an III du plan ministériel d'intervention. Année scolaire 1998-1999. Montréal : Gouvernement du Québec. Danvoye, P. (2001). Bilan de l'an IV du plan ministériel d'intervention. Année scolaire 1999-2000. Montréal : Gouvernement du Québec. Danvoye, P. (2002). Bilan de l'an V. Année scolaire 2000-2001. Montréal : Gouvernement du Québec. Flamand, P. et Gervais, A. (2004). Les objets d'apprentissage : au-delà de la technologie, la pédagogie. Le bulletin Clic, 54, 1-5. Garnier, I. et Gauvin, S. (2000). Des contenus numériques pour l'éducation. Étude sur le programme de licence mixte 1998-1999 et les besoins en contenus numériques. Québec : Faculté des sciences de l'administration. Université Laval. Gervais, M. (2000). Recherche sur les besoins du personnel enseignant en regard de l'intégration des TIC dans des écoles ou des classes innovatrices du primaire. Montréal : Direction des ressources didactiques. INRP (1998). L'intégration des TIC dans le système éducatif : instruments, acteurs, systèmes (code 40121). Rapport de synthèse, INRP Juin 1998. Karsenti, T. (2004). Les futurs enseignants du Québec sont-ils bien préparés à intégrer les TIC ? Vie pédagogique, 132, 45-49. Document télé-accessible à l'adresse suivante : Kuntz, G. (2007). Enseigner (les maths) avec les TIC : Des promesses aux réalités. Larose, F., Grenon, V. et Palm, S. B. (2004). Enquête sur l'état des pratiques d'appropriation et de mise en oeuvre des ressources informatiques par les enseignantes et les enseignants du Québec. CRIE-CRIFPE. Sherbrooke : CRIE-CRIFPE. Lebrun, M. (2002). Théories et méthodes pédagogiques pour enseigner et apprendre. Quelle place pour les TIC dans l'éducation ? Bruxelles. Plante, J. et Beattie, D. (2004). Connectivité et intégration des TIC dans les écoles élémentaires et secondaires au Canada : Premiers résultats de l'Enquête sur les technologies de l'information et des communications dans les écoles 2003-2004. Éducation, compétences et apprentissage. Documents de recherche. Ottawa : Statistique Canada. N°81-595-MIF. Richer, J., Deaudelin, C. et Brodeur, M. (2004). Les TIC à petits pas...J'apprends e, Les technologies de l'information et de la communication dans l'enseignement des mathématiques au collège et au lycée. Rogers, E. (1995). Diffusion of Innovations. New York : Free Press. NOTES [1] La Charte Nationale d'Éducation et de Formation a défini des principes fondamentaux d'orientation dans ce sens. La COSEF a consacré dans la Charte le levier 10 et trois articles (articles 119, 120 et 121) et recommande aux autorités d'éducation et de formation l'utilisation de ces technologies, essentiellement en matière de formation continue (article 119) et d'équipement des établissements en matériels informatiques. [3] L'intégration des TIC dans le système éducatif : instruments, acteurs, systèmes (code 40 121). INRP Juin [4] Bibeau, R. (2005). Les TIC à l'école : proposition de taxonomie et analyse des obstacles à leur intégration. EpiNet n° 79 Association EPI. [5] Ibid. note 4. [6] Ibid. note 4. [7] http://irem.univ-poitiers.fr/apmep/conferen/c20070530/ens_math_tic.pdf. [8] L'intégration des TIC dans le système éducatif : instruments, acteurs, systèmes (code 40 121). INRP Juin. [9] Chaachoua, H. et al. (2002). Usages éducatifs des technologies de l'information et de la communication : quelles nouvelles compétences des enseignants ? Laboratoire LEIBNIZ - Institut IMAG. Grenoble, France. ___________________ |
Articles |