L'enseignement de l'informatique au secondaire Achille Kouawo Résumé : À Niamey, la capitale du Niger, l'enseignement de l'informatique est inscrit au programme de 8 écoles du secondaire sur les 89 que compte cette ville. Le nombre d'élèves qui suivent les cours sont de 2 287 sur une population scolaire estimée à 41 211 élèves. L'absence de curriculum sur l'informatique n'a pas empêché les écoles de proposer un programme qui permet aux élèves d'acquérir des compétences sur la connaissance de l'outil informatique, instrument de communication à maîtriser pour que l'élève d'aujourd'hui soit l'homme de demain dans une société qui se veut celle de l'information. Introduction L'informatique contribue énormément à la réorganisation de nombreux secteurs de l'activité humaine. Elle peut aussi transformer les processus d'apprentissage et d'enseignement (OCDE, 2001). Dans l'enseignement, une intégration réussie des TIC permet le développement des compétences cognitives de l'élève. Au Niger, pays classé parmi les plus pauvres au monde, le taux de scolarisation est très faible. Dans le cadre de la stratégie de réduction contre la pauvreté (SRP), les technologies de l'information et de la communication s'avèrent un outil indispensable pour atteindre très rapidement les objectifs de développement en matière d'accès aux services sociaux de base dont l'enseignement (Plan NICI, 2004). Depuis quelques années, des collèges et lycées de la ville de Niamey ont intégré dans leur programme d'enseignement des cours d'informatique. Conscient qu'un processus d'intégration pédagogique des technologies de la communication se fait selon une progression propre à chaque pays, nous avons voulu savoir où nous en sommes. Objectifs À travers notre étude, nous voulons donner un aperçu de l'enseignement de l'informatique dans les collèges et lycées, tant au niveau de ceux du public que de ceux du privé de la Communauté Urbaine de Niamey. Les objectifs poursuivis sont les suivants :
Problématique Depuis la création du premier ordinateur, la planète a amorcé un virage : Celui des technologies de l'information et de la communication. L'ère Gutenberg cède la place à celle de Marshall Mac Luhan. Une révolution sociale est en train de se faire. Pierre Lévy et Jean Claude Guédon ont estimé « qu'avec l'avènement des technologies de l'information et de la communication s'amorce une révolution aussi importante que celle qu'a provoqué l'invention de l'écriture » (Conseil Supérieur de l'Éducation Québec, 2000). Écrire s'apprend. Utiliser un ordinateur aussi. L'Unesco a publié un curriculum pour l'enseignement de l'informatique dans le secondaire en 1994. Dans ce document, les objectifs du programme de formation sont donnés. La proposition que l'Unesco met à la disposition des établissements scolaires montre que « les technologies de l'information et de la communication sont en effet autant une discipline à maîtriser qu'un outil pédagogique au service de systèmes éducatifs efficaces et adaptés aux besoins » (Unesco, 2005). Des gouvernements à travers le monde ont su très tôt prendre conscience de l'intérêt des TIC dans l'éducation. Si nous nous référons au rapport annuel du Conseil Supérieur de l'Éducation du Québec (Éducation et nouvelles technologies, 2000), il est décliné les engagements ministériels en 1996. Et notamment qu'« en concertation avec les partenaires, un plan de perfectionnement du personnel enseignant en matière de NTIC sera établi avant 1996 ». Autre point, « un programme en vertu duquel les micro-ordinateurs rendus disponibles par le gouvernement seront mis gratuitement à la disposition des écoles va entrer vigueur incessamment ». (Conseil Supérieur de l'Éducation Québec, 2000). Au Niger, depuis 1999, des démarches ont été entreprises en vue d'informatiser l'enseignement dans le secondaire. À travers ces projets, les objectifs poursuivis sont de divers ordres. Citons entre autre l'utilisation de l'outil informatique dans l'enseignement de toutes les disciplines, la mise à la disposition des élèves et des enseignants d'une documentation peu coûteuse, la facilitation de la communication à l'intérieur du système éducatif (Boureima, 2006). De ce qui précède découle l'hypothèse de recherche suivante : Plusieurs écoles du secondaire à Niamey enseignent l'informatique. Mais cet enseignement ne se fait pas selon un programme précis ni selon un curriculum du ministère de tutelle. Instrument Trois questionnaires ont été rédigés dans le cadre de notre enquête :
Les deux derniers questionnaires visent à nous renseigner sur les objectifs pédagogiques des cours d'informatique, du matériel et de la qualification des enseignants. Échantillonnage D'après les statistiques du Ministère de l'Enseignement de Base (2004-2005), la Communauté urbaine de Niamey compte 89 établissements secondaires pour un effectif total de 54 304 élèves, 37 sont des établissements publics et 52 sont des établissements privés. Pour retenir les écoles auxquelles notre enquête s'intéressera, nous avons d'abord vérifié l'effectivité de l'enseignement de l'informatique. Seuls les établissements qui l'enseignent ont été retenus. Les établissements qui possèdent une salle informatique en libre accès n'ont pas été retenus parce qu'on y délivre pas de cours. Résultats 1. Politique d'intégration des TIC de l'État Nous avons rencontré le Directeur des enseignements des cycles de base 2 et moyen. C'est la Direction qui a en charge les établissements secondaires c'est-à-dire de la 6ème à la Terminale. À la question de savoir si une politique de l'intégration des TIC existe, le Directeur a répondu négativement. Néanmoins, depuis 1999, plusieurs démarches ont été entreprises par le ministère. Certains dossiers n'ont pas eu de suite. Citons le projet de construction et équipement d'unités informatiques au niveau des établissements secondaire général, projet élaboré en 1999 et resté sans suite. 2. Les établissements du secondaire qui enseignent l'informatique à Niamey Les établissements du public Sur les 37 établissements du public (41 211 élèves) seuls 2 établissements (5,40% des 37 écoles) ont dans leur programme des cours d'informatique. Il s'agit du :
Au prytanée militaire de Niamey se sont 313 élèves qui suivent des cours d'informatique et 143 au Lycée d'excellence. Soit un total de 457 élèves (1,10% des 41 211 élèves). Nous avons dénombré 3 établissements qui ont des salles d'informatique en libre accès pour des séances de navigation sur internet, mais pas pour des cours d'informatique. Il s'agit du Lycée Korombé, du Lycée Kassaï, du CES de Goudel. Les établissements du privé Quelques 13 093 élèves fréquentent les 52 établissements du privé de la ville de Niamey. Nous avons dénombré 6 (11,53% des 52 écoles) qui offrent un programme d'enseignement informatique. Au niveau de ces écoles, seulement quelques classes bénéficient des cours d'informatique.
Dans le secteur des écoles privées, 1 830 élèves (13,98% des 13 093 élèves) prennent des cours d'informatique dans 46 classes, de la Sixième à la Terminale. Il faut préciser que seule une école donne des cours d'informatique dans les classes de Terminale. Les établissements qui ne le font pas, ils sont cinq, invoquent le fait que la Terminale est une classe d'examen. Ainsi, le nombre d'élèves qui suivent des cours d'informatique dans la Communauté urbaine de Niamey, établissements publics et privés s'élèvent à 2 287 élèves, soit un taux de 5,55% de 41 211 élèves. 3. Équipement de la salle d'informatique Nous avons souhaité savoir si les établissements disposent tous d'une salle informatique et au-delà, combien d'ordinateurs sont installés dans cette salle.
Un établissement, le CLAB n'a pas de salle informatique. Il utilise les potentialités offertes par l'Université Virtuelle Africaine. Quant au niveau du Lycée d'Excellence, les cours sont essentiellement théoriques. Dans les écoles disposant de salles, une difficulté liée aux heures de cours et au nombre d'élèves se pose. Il est difficile pour une cinquantaine d'élèves de prendre deux heures de cours d'informatique dans une salle équipée de 20 machines. Les équipes sont donc divisées en deux et chacun se contente d'une heure d'utilisation de la salle. Cela ne permet pas toujours d'atteindre des objectifs pédagogiques. 4. Le programme enseigné La totalité des établissements disent n'avoir reçu aucun curriculum pour l'enseignement de l'informatique. Chacun a élaboré un programme en fonction des objectifs qu'il s'est assigné. Les objectifs pédagogiques avancés par les responsables des établissements et les enseignants sont les suivants :
5. Les enseignants Nous avons voulu connaître le profil des enseignants, leurs formations initiales et leurs anciennetés dans la formation de l'informatique. Neuf enseignants assurent les cours dans les 8 écoles qui ont l'informatique au programme. La totalité des enseignants ignore l'existence d'un quelconque curriculum pour l'enseignement de l'informatique. Le programme qu'ils enseignent leur provient soit de l'administration, soit de leur propre expérience, soit d'une formation reçue dans le cadre de l'enseignement de l'informatique (cas du PNUD qui, en 2005, a formé des enseignants et a fourni 50 ordinateurs qui sont dans des établissements publics). Discussion des résultats Il ressort de notre étude que l'État nigérien n'a pas encore défini une politique dans le domaine de l'enseignement de l'informatique dans le secondaire. Il n'existe pas non plus un curriculum pour les besoins pédagogiques. Mais l'informatique dans le programme scolaire de certaines écoles est une réalité. Cela se justifie par la volonté de ne pas être en marge d'un processus, celui de la société de l'information. Le coût élevé des ordinateurs au Niger justifie le peu d'équipement des salles d'informatique des écoles enquêtées. Entre 10 et 20 ordinateurs en moyenne. Mais cela ne constitue pas un obstacle à l'enseignement, car les objectifs visés par les différents enseignements ne se situent pas dans le cadre d'une maîtrise de l'outil informatique mais plutôt dans la connaissance générale de cet outil. Bien que ne répondant pas à un curriculum précis, les objectifs pédagogiques que les établissements se sont donnés entrent dans la droite ligne des propositions de l'Unesco dans le cadre de l'enseignement de l'informatique dans le secondaire. La première étape, celle de l'alphabétisation aux TIC est un moment durant lequel les aptitudes relatives aux TIC sont enseignés et apprises séparément des autres disciplines. (Unesco, 2004). Le niveau d'apprentissage que nous avons recensé lors de notre enquête se fait autour des modules de bases liés aux matériels, aux logiciels systèmes, au traitement de texte, etc. Quatre étapes ponctuent la structure d'un programme de l'enseignement de l'informatique au secondaire. L'alphabétisation aux TIC ; l'application des TIC ; l'intégration des TIC ; la spécialisation en TIC (Unesco, 2005). Que de chemin à parcourir. Avec l'adoption d'un plan de développement des TIC au Niger, l'État espère combler le vide existant dans le domaine de l'utilisation de ces nouveaux outils de communication dans le domaine de l'enseignement. Les enseignants ont un rôle majeur à jouer dans le cadre de l'intégration des TIC dans l'enseignement. Pour cela, il est impératif pour eux d'acquérir des compétences pédagogiques nécessaires pour passer de la simple connaissance de l'ordinateur à l'utilisation de cet outil dans l'enseignement des disciplines. Notre enquête montre que les enseignants de la matière viennent de tous les horizons. Cela peut être un avantage à l'intégration de cet outil, car les enseignants qui n'ont pas une formation initiale en informatique réussiront très rapidement à introduire l'informatique dans leur matière d'origine. Une réflexion est aussi en cours sur la conception d'un curriculum pour l'enseignement de l'informatique. Une intégration réussie ne peut se faire en dehors des enseignants. Selon la Direction des enseignements de base II et moyen, un projet d'enseignement à distance des enseignants sera bientôt financé. Conclusion L'évolution de l'enseignement ne peut se faire aujourd'hui sans l'informatique. Outil de communication et d'enseignement, l'ordinateur trouve de plus en plus sa place dans les écoles du secondaire de la Communauté urbaine de Niamey. Dans notre étude, nous avons traité de la réalité de l'enseignement de cette matière, de l'existence et l'équipement de salle informatique, de la qualité des enseignants et des objectifs pédagogiques assignés à cet enseignement. Bien que très peu d'écoles enseignent dans leur programme l'informatique (6 sur 89), l'année 2006 sera marquée par un déploiement d'ordinateurs dans les écoles établissements. Le PNUD a mis à la disposition du Ministère des enseignements secondaire, 400 ordinateurs qui équiperont des salles d'informatique dans le pays d'ici la rentrée prochaine (Boureima, 2006). Avec l'adoption du plan NICI en 2004, d'autres projets sont initiés tel que le projet d'amélioration du système de formation continue des enseignants du secondaire. La rentrée scolaire 2008 verra l'aboutissement d'un plan d'intégration des TIC dans l'enseignement. Achille Kouawo Remerciements Les responsables et les enseignants des écoles qui ont accepté de répondre à notre questionnaire (Bédir, CLAB, Eaux vives, Excellence, Issa Béri, Kouara, Mariama, Olinga, Prytanée) ; Monsieur Boureima Daouda, Directeur des Enseignements des Cycles de Base I et Moyen ; Dr Jean Dominique Pénel, Directeur du campus Numérique Francophone de Niamey ; Dr Zakari Ousmane, Expert en technologies éducatives ; L'Université de Montréal. Références Boureima Daouda (2006), Note d'information sur le dossier informatique au niveau des enseignements des cycles de bases II et Moyen. Direction des Enseignements des Cycles de Base II et Moyen. Cabinet du Premier Ministre, Commission Économique des Nations Unies pour l'Afrique (CEA) (2004). Plan NICI. Charlot Michel (1994). L'enseignement de l'informatique dans le secondaire. Curriculum de l'UNESCO ; Revue de l'EPI n° 76, Paris. Conseil supérieur de l'éducation (2000). Éducation et nouvelles technologies : pour une intégration réussie dans l'enseignement et l'apprentissage ; Rapport annuel 1999-2000 sur les besoins de l'éducation, 181 pages. OCDE (2001). Les nouvelles technologies à l'école : apprendre à changer ; éd. OCDE. Unesco (2005). Vers les sociétés du savoir ; Rapport mondial, éd. Unesco, 231 pages. Unesco (2004). Technologie de l'information et de la communication en éducation : un programme d'enseignement et un cadre pour la formation continue des enseignants ; éd. Unesco, 148 pages. ___________________ |
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