Des logiciels de création pour l'autonomie langagière ?

Odile Pouchol
 

     De nombreux logiciels de création sont utilisés par les enseignants, très souvent de disciplines scientifiques, mais aussi par des enseignants de langues. Ils servent à préparer des cours qui peuvent être faits soit par l'enseignant dans sa classe avec vidéo projecteur, soit directement suivis en ligne par l'apprenant : l'expérience montre qu'ils peuvent également être mis avec profit à la disposition des apprenants pour développer leurs compétences langagières dans le cadre de projets précis et de façon très ponctuelle. Cela ne nécessite qu'un minimum de prise en main et n'implique nullement de tomber dans une dérive techniciste car c'est bien d'aide à l'apprentissage linguistique qu'il s'agit. Nous proposons ici d'examiner les propriétés des logiciels Thinkgraph et Hot Potatoes et d'en voir quelques applications en classe de langue. Ces logiciels sont des outils de création qui peuvent stimuler la production orale et écrite tout en créant une grande motivation.

     Thinkgraph, logiciel de dessin en 2D [1] utilisé généralement par les enseignants des disciplines scientifiques, permet d'élaborer des graphiques se présentant comme des arborescences modifiables et extensibles. L'enseignant de langue disposant d'un ordinateur et d'un vidéo projecteur dans sa classe pourra se l'approprier pour représenter sur l'écran des concepts, des notions grammaticales (par exemple les dérivations), des champs sémantiques, des thèmes, incorporer des photos, le tout étant modifiable en un clic de souris. Il s'inscrit directement dans la lignée des « mindmaps » (cartes conceptuelles ou cartes mentales) très utilisées dans les entreprises et qui connaissent depuis quelques années des applications réussies dans le domaine de la pédagogie, notamment dans les pays nordiques.

     Voici comment se présente une carte conceptuelle du logiciel Thinkgraph :

     Cette figure de base peut être modifiée et agencée différemment en fonction du sujet. En complexifiant les sous idées on peut par exemple préparer la présentation suivante :


Carte conceptuelle élaborée par un enseignant de langue avec Thinkgraph
pour la présentation d un point de civilisation américaine en classe de Terminale Littéraire.

Qu'apportent exactement les « mind maps » ?

     Ce sont des « instruments pour penser » déclare Tony Buzan, spécialiste anglais de sciences cognitives, qui a vulgarisé cet outil bien particulier. Il établit une corrélation entre l'activité du cerveau qui procède par images et associations et la visualisation proposée par les cartes conceptuelles. Elles reproduisent le processus de pensée en utilisant les images et les associations propres à l'activité cognitive. Comme le dit T. Buzan [2] ces cartes peuvent aider à :

  • résoudre des problèmes
  • organiser et clarifier les pensées
  • se concentrer
  • se souvenir
  • voir l'ensemble des données
  • communiquer
  • planifier
  • développer la créativité

1. Thinkgraph et l'utilisation des cartes mentales en classe de langue : une aide pour l'oral ?

     Elles peuvent servir :

  • pour préparer une présentation orale en organisant ses idées avant une prise de parole

  • pour préparer le résumé d'un texte

     Après le visionnement d'un passage vidéo établir une carte mentale peut permettre d'en organiser le compte rendu très facilement

     Une carte mentale donne une visualisation immédiate de l'ensemble d'un travail, évite la perte d'information à la restitution et permet de combattre le stress d'une prise de parole. Par visualisation d'une image ou d'un substantif, elle facilite la construction des énoncés à formulation simple mais également le passage à la phrase complexe.

     Mettre cet outil à la disposition des apprenants qui ont à effectuer une présentation orale peut favoriser la mise en oeuvre de cette tâche. Les élèves tentés par la démarche informatique trouveront profit à réaliser une carte mentale avec Thinkgraph car ils pourront distribuer leur document à la classe. La simple visualisation des éléments de la carte permet de déclencher la prise de parole en faisant par exemple enchaîner les éléments à partir de la droite de haut en bas (les numéroter peu aussi faciliter l'ordre des faits). On voit facilement que ceci permet d'éviter la lecture, indigeste pour le public, de prises de notes trop souvent réduites au recopiage de documents trouvés sur l'internet. Cette aide visuelle va au contraire permettre une production personnelle puisqu'elle ne comporte que les idées générales à partir desquelles l'élève va pouvoir construire son discours. Il est indéniable que cet outil a un effet structurant dans l'organisation de la pensée.


Carte réalisée par un élève pour présenter à l'oral une recherche sur un écrivain anglais

     Installer ce savoir faire comme pratique de classe peut se révéler une aide précieuse car la technique de la carte conceptuelle permet par exemple de réduire un livre à une page. Citons T. Buzan : « Les livres sont faits pour être mis en cartes cognitives. Elles permettent de saisir le sujet avant de commencer et par la suite sont une aide extraordinaire. » Pour réduire un livre à une seule page il faut « d'abord repérer les divisions principales et les en têtes de chapitres, elles vous donneront les branches principales de votre carte cognitive qui partiront de votre image centrale. Celle ci sera soit une illustration du livre soit une image qui donne une idée du sujet, par la suite il s'agit de compléter avec les détails au fur et à mesure. Ce processus de self-organization permet une compréhension et une mémorisation rapide. » L'auteur souligne que les romans s'organisent en général autour des éléments suivants : Intrigue-personnages-décor-thèmes-langue-imagerie et symbolisme-genre-idées et point de vue. Lire un roman ou simplement une nouvelle en construisant une carte mentale aiderait donc à se repérer dans le livre et pourrait faciliter la présentation de ses grandes lignes comme le montre la carte suivante :

     La construction du roman devient alors très facile à montrer :

     Le processus peut être transposé facilement pour une prise de notes pendant un exposé, une discussion en classe ou pour n'importe quelle présentation orale.

     Comme le montrent ces exemples, une carte conceptuelle réalisée avec le logiciel Thinkgraph permet d'insérer des photos et des images, mais aussi d'intégrer des liens vers des pages web, des sites sur internet, d'ouvrir une page de texte écrite sous Word ou une aide lexicale. Sa fonction hypertexte permet donc d'apporter facilement des informations supplémentaires.

2. Hot Potatoes, une aide pour l'écrit : les caractéristiques du logiciel

     Hot Potatoes est un logiciel proposé en shareware [3]. Il présente 6 programmes faciles d'utilisation (un tutoriel est proposé) qui permettent d'élaborer des exercices interactifs Il propose notamment la création de questionnaires de compréhension de texte où l'élève doit taper la réponse, de questionnaires à choix multiple, d'exercices lacunaires accompagnant un texte ou /et une image qui pourront ensuite être mis sur un site web ou un intranet.

     De nombreux enseignants de langue ont recours à ce créateur d'exercices pour présenter des cours ou des séquences. La liste des sites répertoriés serait longue à donner et elle peut être reconstituée par l'intermédiaire des sites académiques. Les professeurs d'anglais peuvent se référer au site de Sylvaine Marchand qui propose des modèles de pages conçues avec Hot Potatoes pour une activité de compréhension orale sur le site de l'académie de Grenoble [4]. On peut également consulter le site de Jean Marc Gibelin qui a créé des webquests très innovantes avec Hot Potatoes à l'usage des professeurs d'anglais [5]. On trouvera d'autres exemples de cours en ligne utilisant ce logiciel en consultant les pages TICE d'ARDECOL, The English Multiverse [6], celles, extrêmement riches, du site d'Annie Gwynn, ICT in the classroom [7], celles de SKYBLUES67, celles d'Andrea Silter et de Susanne Pratscher de European schoolnet [8], celles de Barbara Dieu [9].

     Nous évoquerons ici brièvement Netquiz 3.0, générateur d'exercices interactifs, logiciel canadien proposé également en freeware [10] et existant en français et en anglais. Moins connu mais très performant il permet de générer le même type d'exercices que Hot Potatoes avec plus de possibilités : dictées, mises en ordre, association, zones à identifier, vrai ou faux, ce qui le rend très attractif pour l'enseignant et peut être mis aussi facilement à la disposition de l'apprenant .

Pourquoi proposer l'utilisation de ces logiciels dans un contexte d'activité écrite ?

     Ce sont des outils intéressants à mettre à la disposition de l'élève pour lui faire concevoir par exemple une évaluation qui prendrait place dans une activité spécifique en salle multimédia. Après une prise en main rapide, on peut proposer aux élèves une recherche (par exemple sous forme de webquest) et donner à un groupe la consigne de préparer un questionnaire, sous la forme suivante : rentrer un texte – poser des questions et donner les réponses – formuler des commentaires d'évaluation (well done-correct-try again) en fonction des énoncés validés. Le produit sera mis ensuite à la disposition de la classe sur l'intranet de l'établissement. Cette activité peut se faire avec profit par exemple dans le cadre de projets de type COMENIUS dans lesquels les élèves ont souvent à élaborer des Quiz, des résumés avec questionnaires et des matching exercices dans la langue de communication. Pour exemple le site http://litterhitters.new.fr, d'élèves de collège et lycée de Grenoble en partenariat avec trois autres établissements européens, qui montre les productions de ces élèves qui ont élaboré des questionnaires en anglais destinés à tester leurs connaissances respectives sur le sujet de l'environnement (voir la rubrique partner schools' productions).

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1 Which of the following affects climate change ?

A. ? Factory pollution

B. ? Oil slicks

 

2 Which of the following can be recycled ?

   

A. ? Noise

B. ? Paper

C. ? Earth

 

3 Which of the following causes pollution ?

   

A. ? Traffic fumes

B. ? Electric trams

C. ? Washing powder with bicarbonate of soda

     Étant donné les particularités énumérées plus haut on peut estimer que cet outil va favoriser chez l'apprenant :

  • le rapport d'information ;

  • la synthèse de l'information ;

  • la classification de l'information et le repérage des informations utiles-la construction des énoncés ;

  • l'élaboration du questionnement de façon libre dans le cadre d'un quiz : les élèves posent des questions et préparent les réponses, ce qui est une excellente façon de mémoriser un contenu ;

  • la construction des énoncé de réponse et des appréciations (correct, erroné, etc.). Cette activité exige une grande rigueur de la part de l'apprenant car le produit final (QCM par exemple) étant en ligne, la correction de la langue est attendue.

     Hot Potatoes comme Netquiz offrent la possibilité d'entrer des fichiers sons [11], des images et des fichiers vidéos numériques, un diaporama, etc.

     Leur utilisation se révèle très utile pour remotiver un groupe d'élèves faibles pour lesquels l'apprentissage et la mémorisation de règles posent des problèmes de concentration : Elaborer l'exercice plutôt que de le trouver sur un manuel est très stimulant pour l'élève qui du même fait pourra mieux intégrer la règle sous jacente. L'outil informatique exerce ici une coercition douce, en tout cas indirecte, acceptée par l'élève qui perçoit le résultat comme plus valorisant que ses productions habituelles. On nous objectera qu'une petite fraction d'élèves est réfractaire à l'utilisation de l'informatique, notamment en contexte scolaire, mais cela n'en supprime pas l'intérêt pour le plus grand nombre et la répartition en groupe d'activités diverses permettra de répondre à cette demande.

Conclusion

     Ces outils ne doivent pas être considérés trop rapidement comme des « gadgets » car il s'avère que certains élèves réussissent souvent mieux en les utilisant. Pour l'apprenant, s'approprier l'outil c'est agir avec plus d'efficacité. Celui-ci peut-il aider à « penser mieux » et donc par la suite à « formuler mieux » ? Des applications en classe de langue tendraient à le faire croire comme le montrent des descriptions d'utilisation de l'outil informatique [12]. Les activités multimédia se multiplient en salle de langue et soulèvent un grand intérêt. Pour preuve l'expérience de l'université Pierre Mendés-France effectuée en 2003 dans trois lycées de la région Rhône-Alpes et basée sur l'étude comparative d'une tâche à effectuer avec un créateur de pages web (Dreamweaver) pour concevoir un article de presse, et la même tâche réalisée sur papier par d'autres élèves. Les observations faites montrent que l'intérêt du premier groupe s'est davantage soutenu, leur créativité était supérieure et la qualité linguistique de leurs productions était souvent meilleure [13]. Vont également dans ce sens les études faites sur la motivation par l'université de Lancaster [14].

     Bien sûr l'utilisation d'outils tels que Dreamweaver et surtout de Powerpoint peut se révéler peu probante quand elle se voit limitée parfois à la seule production de titres et d'idées clés. Cependant, pour des élèves en difficulté ou démotivés – et ils sont nombreux – ce peut être là justement l'occasion de réaliser de petites productions de qualité qui permettront de valoriser leur travail et de provoquer un intérêt pour l'activité linguistique proposée, et cet intérêt peut être générateur de progrès. Il reste, comme le signale J.-P. Archambault [15], qu'il faut d'abord vaincre la résistance de l'enseignant. On peut certes enseigner sans les Tice, mais pourquoi se priver d'un outil qui suscite généralement un grand intérêt et pourrait déclencher chez nos élèves l'envie de parler ou d'écrire ?

Odile Pouchol

NOTES

[1] ce logiciel est téléchargeable gratuitement sur internet sur le site :
http://www.thinkgraph.com.

[2] How to mind map, Tony Buzan, Thorsons, 2002.
Voir les sites : http://www.thorsons.com/buzan et http://www.BuzanCentres.com
le site http://www.petillant.com propose des ressources autour des cartes heuristiques.
Lire aussi : Comment organiser ses idées avec le mindmapping, J.-L. Deladrière, F. le Bihan, D. Rebaud et P. Mongin, Dunod, 2004.

[3] Site où télécharger ce logiciel pour Windows : http://web.uvic.ca/hrd/halfbaked/.

[4] voir les activités de compréhension orale globale faites avec HP sur Ellis Island :
http://www.ac-grenoble.fr/interlangue.

[5] http://perso.wanadoo.fr/websidestories/.

[6] http://www.ardecol.ac-grenoble.fr/english/ellisislandwebquest.htm.
et http://www.ardecol.ac-grenoble.fr/english/hotpot.htm

[7] Utilisation des TICE dans la classe de langue et exemples d'outils :
http://perso.wanadoo.fr/annie.gwynn/tice_in_classl.htm.

[8] skyblues67 : http://skyblues67.chez.tiscali.fr
Andrea Silter : http://www.geocities.com/optionalcourses7a191/quizzes.htm
Susanne Pratscher : http://home.schule.at/teacher/website/englisch_index.htm.

[9] Barbara Dieu : http://the_english_dept.tripod.com/hotpot/fest.html.

[10] http://www.ccdmd.qc.ca/ri/netquiz. Le logiciel existe en français et en anglais.

[11] logiciel MagnetoJO de Jacques Omnes : « il permet aux élèves de s'enregistrer et de se réécouter dans des exercices réalisés avec des logiciels n'offrant pas à priori cette fonctionnalité (par exemple HotPotatoes ou Reconst). » À télécharger gratuitement sur :
http://perso.wanadoo.fr/jacques.omnes.
On peut également intégrer facilement dans Hot Potatoes des fichiers au format mp3.

[12] « Les TICE dans une activité orientée vers la compréhension et la production écrite en classe de langue », O. Pouchol, sur le Site de l'Epi, 2003 :
http://www.epi.asso.fr/revue/articles/a03l0a.htm.

[13] Projet ESCALE 2003-2004 dirigé par F. Raby. Voir la page d'accueil dans « projets de recherche en cours » sur le site :
http://www.upmf-grenoble.fr/sciedu/fraby.

[14] Recherche sur la motivation effectuée par l'université de Lancaster :
http://www.projectinformation.cfm-projectId=13757&type=5&resultspage=1
(ou à retrouver sur le site d'Annie Gwynn).

[15] « Une culture technique sans les TIC ? » de Jean-Pierre Archambault sur le site de l'Epi :
http://www.epi.asso.fr/revue/articles/a0311a.htm.

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Association EPI
Novembre 2005

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