LES NOUVELLES TECHNOLOGIES DE
L'INFORMATION ET DE LA COMMUNICATION
DANS L'ENSEIGNEMENT
 

Plan présenté par Monsieur Claude Allègre et Madame Ségolène Royal lors de la conférence de presse du 17 novembre 1997. Ce texte est disponible sur le Web à l'adresse http://www.gouv.fr.

INTRODUCTION

     Une nouvelle démarche éducative

     Le ministère de l'Éducation nationale, de la recherche et de la technologie jette aujourd'hui les bases d'une nouvelle démarche éducative s'appuyant sur les ressources du multimédia.

     L'impulsion donnée à ce plan, prioritaire en matière d'éducation, prend en compte les atouts immenses offerts par les nouvelles technologies de l'information et de la communication pour assurer l'entrée de la société française dans le XXIe siècle et gagner « la bataille de l'intelligence », comme le Premier ministre Lionel Jospin l'avait souligné à Hourtin, le 25 août dernier.

     Sans négliger les expériences existantes en ce domaine, le ministère a décidé de mettre en place un vaste dispositif déconcentré et fédérateur d'énergies, favorisant tous les usages pédagogiques innovants, le partage des expériences et la mise en réseau des initiatives enseignantes à tous les niveaux de la maternelle à l'Université, la production et la diffusion de multimédia éducatifs.

     Avec une idée-force : oeuvrer à la synthèse féconde entre deux modes de pensée - la culture de l'écrit et la civilisation de l'image -, porteuse d'autres manières d'échanger, d'apprendre et d'appréhender le monde.

A - UNE DÉMARCHE ÉDUCATIVE GLOBALE

     De l'école à l'université, un cadre politique pour les trois ans à venir.

I - De l'école à l'université : des potentialités à explorer

1 - Activité des élèves

     L'ordinateur conduit les élèves à une démarche plus active, la diversité des supports (texte, image, audiovisuel...) stimulant leur créativité.

     Grâce aux bases de données sur cédérom ou Internet, ils peuvent accéder, directement ou de façon interactive, à des connaissances et réaliser ainsi un travail personnel plus riche et construit autour de projets.

     Grâce aux réseaux internes aux établissements, les élèves peuvent échanger et travailler en groupes, en dépassant les limites habituelles inhérentes à leurs classes et à leurs niveaux d'enseignement. Le courrier électronique, quant à lui, leur permet de dialoguer avec des interlocuteurs du monde entier.

     Les produits multimédia peuvent toucher des élèves « fâchés » avec certaines voies traditionnelles d'accès au savoir par le biais de nouveaux modes d'apprentissage (vision dans l'espace, présence du son, autre rapport au texte écrit...).

2 - Échanges des enseignants

     Regroupements disciplinaires sur Internet, groupes de travail, partages d'expériences... : autant d'avantages, en matière de formation continue et d'enrichissement personnel, dont pourront bénéficier les enseignants à la faveur de cette circulation accrue de l'information.

3 - Enseignement à distance

     La publication électronique, par les établissements, permettra un enseignement à distance ou un prolongement de l'enseignement « après la classe ».

II - Une intégration à la pédagogie

     Ces objectifs peuvent être atteints à condition que les nouvelles technologies de l'information et de la communication soient partie intégrante de toute démarche pédagogique.

     Un tel processus - dont il faut accepter le caractère progressif et l'installation dans la durée - mise sur :

  • la capacité d'innovation de chaque enseignant,

  • le souci d'adaptation des produits éducatifs en fonction des besoins nouveaux que l'école fait émerger. Contrairement aux idées reçues, aucun pays n'a, à ce jour, réussi cette difficile harmonisation entre les exigences de la pédagogie et les possibilités offertes par l'industrie du multimédia. Menée dans tous les établissements de New York en 1996, la dernière tentative de mise à disposition, pour les élèves et les professeurs, de matériel performant en ce domaine n'a pas atteint les objectifs escomptés, faute d'une réflexion et d'une offre satisfaisantes en termes de contenu pédagogique.

     L'installation de matériel doit donc dans tous les cas être subordonnée à une action volontaire des équipes pédagogiques.

     De plus il faut intégrer dans nos schémas de pensée l'irruption périodique de nouveaux moyens d'information et de communication et le renouvellement continuel des technologies dans ce domaine.

III - Un cadre politique pour les trois ans à venir

1 - Trois priorités simultanées doivent être mises en oeuvre :

  • L'installation volontariste d'infrastructures, en collaboration avec les collectivités locales, coordonnée avec une large sensibilisation, sous toutes les formes, des personnels de l'Éducation.

  • L'incitation au développement d'une industrie de production multimédia éducative.

  • Une politique technologique ambitieuse à long terme.

2 - Des objectifs pour l'an 2000

  • Chaque élève, de la maternelle à l'université, pourra accéder, dans un cadre pédagogique, à une activité sur support numérique ou audiovisuel classique : manipulation et dessin informatique dès la maternelle, courrier électronique dès le cours élémentaire, accès au Web dans le cours moyen, travail en réseau dès le collège, adresse personnelle dès le bac.

  • Chaque étudiant, chaque enseignant, chaque classe, pourra disposer d'une adresse électronique...

  • L'ensemble des informations - administratives et pédagogiques - nécessaires à un enseignant pourra être accessible par réseau numérique.

  • Pour 1998, le ministère apportera un soutien particulier aux établissements situés en zones d'éducation prioritaires et aux écoles rurales ; il fera ainsi jouer le principe de discrimination positive dans la mesure où l'utilisation des nouvelles technologies, de l'information et de la communication constitue un facteur supplémentaire de réussite scolaire.

B - LA CRÉATION D'EDUCNET :
LA SYNERGIE D'UN RÉSEAU DÉCENTRALISÉ

     Équipes pédagogiques et partenariats.

I - Principes généraux

     La création d'un réseau - baptisé EDUCNET - regroupant les différents acteurs en matière de nouvelles technologies d'information et de communication et les moyens correspondants dans l'Éducation nationale suppose la coordination de trois partenaires :

  • les enseignants pour la définition de projets pédagogiques à l'échelle des établissements,

  • les collectivités locales pour l'investissement informatique,

  • l'État pour la construction d'un réseau national fédérateur.

     Dans ce réseau, un accent particulier sera mis sur les contenus.

     Les recteurs, responsables de cette coordination (impliquant les établissements, les Régions et l'État), sont chargés de bâtir un plan de développement sur trois ans, en matière de nouvelles technologies de l'information et de la communication, à l'échelle de leur académie. Dans ce plan, ils définiront les besoins en matériel, les activités pédagogiques et le système d'assistance aux utilisateurs.

     Le ministère mettra en place un « observatoire des pratiques en matière de nouvelles technologies d'information de communication » et publiera une carte de France des établissements les utilisant.

     Un plan d'urgence en matière de formation est décrété pour les Instituts Universitaires de Formation des Maîtres (IUFM), lieu de formation initiale de 40 000 enseignants par an et de formation continue pour les jeunes, recrutés dans le cadre des emplois-jeunes, travaillant sur les nouvelles technologies d'information et de communication. Pour ce plan sur deux ans : 100 ouvertures de postes et création de 1 000 emplois de jeunes docteurs.

     En matière de formation continue des différentes catégories de personnels, les Nouvelles Technologies de Communication et d'Information seront la priorité absolue.

II - Les équipes pédagogiques et les plans académiques

1 - Un appel à projets

     Cet appel sera lancé conjointement par la Délégation à l'Aménagement du Territoire et à l'Action Régionale (DATAR), les collectivités locales et le ministère. Un budget de 10 MF en 1997 permettra la réalisation de plus de 200 projets ; financé par le Fond national d'aménagement du territoire, le budget alloué à cette opération privilégiera les projets de taille modeste afin d'en favoriser le nombre et la diversité. Cette opération permettra l'observation des expériences réussies.

2 - Des personnes ressources

     Avant mars 1998, tous les établissements et écoles choisiront, en accord avec le chef d'établissement, un enseignant ou un documentaliste apte à leurs yeux, à devenir une personne ressource dans le domaine des nouvelles technologies de l'information et de la communication. Dans le primaire, cette personne pourra être commune à plusieurs établissements.

     Ces personnes constitueront à terme un réseau « d'ambassadeurs » pour la diffusion de ces technologies à travers le territoire national.

     Le ministère accompagnera, si besoin est, les projets d'établissement par la nomination de jeunes choisis pour leurs compétences informatiques, dans le cadre des emplois-jeunes. Plusieurs milliers pourraient être affectés à ces opérations à terme.

3 - Sensibilisation des enseignants, des corps d'inspection et des chefs d'établissements

     Accompagnés par des formateurs d'IUFM, des spécialistes des universités et des représentants de l'académie, les recteurs rencontreront sur deux ans toutes les équipes des établissements de leur académie ; ainsi par des débats et des démonstrations, ils montreront l'utilité et l'intérêt pédagogique de l'introduction des nouvelles technologies de l'information et de la communication à l'école afin de favoriser l'émergence de projets innovants dans ce domaine. Ces journées pourront donner lieu à des débats publics avec les parents.

4 - Plans universitaires

     Dans le même esprit, les présidents d'université bâtiront, d'ici à mars 1998, un plan universitaire d'accès des étudiants aux technologies d'information et de communication.

III - Collectivités locales et industriels : des partenaires actifs

1 - Un fonds de soutien aux collectivités locales

     Ce fonds est mis en place pour trois ans afin d'avoir un effet de levier auprès des collectivités locales et les inciter à soutenir les projets d'établissement utilisant les nouvelles technologies d'information et de communication.

2 - Avec les entreprises

     De nombreux partenariats avec des entreprises vont se concrétiser prochainement. Dès aujourd'hui, des propositions ont été faites par les différents opérateurs de télécommunication à la demande du ministère (Cégétel, Lyonnaise, France Télécom...). À charge pour les collectivités locales de reprendre à leur compte les partenariats déjà réalisés avec des industriels.

     Ainsi, France Télécom propose, à la demande du ministère de l'Éducation nationale, à tous les établissements scolaires un accès à EDUCNET dix heures par jour pour un tarif trois fois plus bas que le prix public. En outre, un forfait « débutant » - pour deux heures de connexion sur ligne téléphonique par jour - est également offert.

     Aucun contrat n'est cependant signé nationalement : chaque établissement choisit ses fournisseurs.

C - LA PRODUCTION ET LA DIFFUSION DE CONTENUS PÉDAGOGIQUES.

     Soutien à l'industrie multimédia et aide à l'innovation enseignante.

     L'action du ministère dans ce domaine se déploie essentiellement dans deux directions :
- le soutien à l'industrie française du multimédia,
- l'encouragement à l'innovation et à la production des enseignants.

I - Soutien à l'industrie du multimédia

     À la direction de la technologie du ministère, la mise en place d'un guichet unique permet de concentrer les investissements destinés aux projets de produits multimédia éducatifs. Une politique d'appel d'offre et d'achat va concerner l'ensemble des secteurs du multimédia : audiovisuel analogique et numérique, cédéroms, Web...

     Le ministère souhaite également participer à la création d'une société de gestion et de diffusion de fonds audiovisuel numérique à haut débit ; l'accès à cette banque de programmes audiovisuels favorisera aussi la formation continue et l'enseignement à distance.

II - Aide à l'innovation des enseignants

     Les enseignants ont un rôle privilégié à jouer en matière d'innovation éducative dans le domaine du multimédia car ils apportent une expérience unique - celle de leur classe.

     Pour favoriser l'industrialisation des savoir-faire ainsi acquis, la création de sociétés privées spécialisées en multimédia sera encouragée par un capital-risque et par des appels à candidatures pilotés par l'Agence nationale pour la valorisation de la Recherche (ANVAR).

III - Encouragement à la production individuelle et à la diffusion

1 - Le projet Educasource

     Actuellement en développement, ce projet offre, par le biais d'un serveur sur Internet, à tous les enseignants et formateurs, une table d'orientation leur permettant de repérer, de façon critique, dans l'ensemble des ressources multimédia disponibles en ligne et hors ligne, celles qui présentent le plus d'intérêt pédagogique.

2 - Programmes scolaires et multimédia

     À l'invitation du ministère, le conseil national des programmes réfléchit à la meilleure façon d'introduire dans l'enseignement l'utilisation des nouvelles technologies d'information et de communication au service d'une pédagogie active afin que ces nouveaux dispositifs soient utilisables dès la rentrée 1999.

3 - Vers le leadership en matière d'enseignement à distance

     L'éducation se doit d'être leader en matière d'enseignement à distance comme moyen privilégié de formation continue ou prolongement de la formation initiale. Pour ce faire, dans chaque établissement, et en particulier dans l'enseignement supérieur, les enseignants sont encouragés à publier, sur les supports numériques disponibles, une partie de l'enseignement qu'ils dispensent, sous la forme qui leur paraît adéquate.

     L'État permettra une large diffusion de ces informations (EducNet, Internet, satellite, CNED...).

D - UNE VISION À LONG TERME

     Les enjeux des nouvelles formes de communication.

I - Intégrer d'autres avancées technologiques

     Sous l'égide du Centre national d'Études spatiales (CNES), un groupe de travail va se réunir, comprenant des industriels du multimédia et des spécialistes du ministère de l'Éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Son objectif : proposer des solutions de raccordement par satellite à des réseaux à haut débit pour les écoles avant trois mois.

     À plus long terme, ce groupe aura comme mission de définir une structure de réseau de diffusion des programmes éducatifs universitaires en France et à l'étranger ainsi que des scenarii de réaction aux avancées technologiques dans le domaine du satellite à horizon 2000-2005.

     Plus généralement, le Ministère de l'Éducation nationale, de la Recherche et de la Technologie appuiera l'émergence des technologies innovantes par leur expérimentation dans EducNet.

II - Débattre des enjeux de nouvelles formes de communication

     L'industrie française dans le domaine des hautes technologies est une des plus performantes du monde et Internet ne représente qu'une étape dans les formes de communication qui vont émerger.

     Le ministère souhaite favoriser la présentation de grands projets dans ce secteur en organisant, au début de l'année prochaine, un colloque réunissant tous les acteurs français, chercheurs et industriels du multimédia afin qu'ils présentent au public les grands enjeux de ce secteur.

III - Favoriser la création à la croisée de l'art, de la science et de la technologie

     Des voies inédites se dessinent pour la création sur de nouveaux supports, mettant en jeu des compétences multiples, à la lisière de plusieurs disciplines et débouchant sur l'ouverture d'un marché gigantesque.

     Dès maintenant, le ministère de l'Éducation nationale, de la recherche et de la technologie souhaite favoriser les recherches sur l'art, la science et la technologie, en collaboration avec le ministère de la Culture et de la Communication.

     Sous la responsabilité de Jean-Claude RISSET, directeur de recherche au CNRS, compositeur et chercheur en informatique musicale, un comité d'orientation se verra officiellement confier la mise en place d'un réseau fédérateur en 1998 autour de ce sujet de réflexion.

Paru dans la  Revue de l'EPI  n° 88 de décembre 1997.
Vous pouvez télécharger cet article au format .pdf (159 Ko).

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