NOUS AVONS LU
 

APPRENDRE AVEC LE MULTIMÉDIA ET INTERNET

Sous la direction de Jacques Crinon et Christian Gautellier,
Ceméa, éd. Retz, 220 pages, 2001, 15,30 Euros.

     Nous avons signalé cet ouvrage dans le numéro 103 de la Revue de l'EPI. Nous y revenons pour l'intérêt qu'il présente pour toutes celles et tous ceux qui recherchent un regard critique sur les apports des TIC aux apprentissages notamment dans l'enseignement primaire.

     Il s'agit d'un ouvrage collectif en trois parties. Dans la première partie, consacrée aux produits hors ligne et en ligne :

     Jean Clément, dans « L'adieu à Gutenberg », s'interroge sur l'avenir du livre imprimé. Le titre eût mérité un point d'interrogation car, dans sa conclusion, l'auteur remarque justement qu'à chaque fois qu'apparaît un nouveau média il semble vouloir remplacer les précédents, or c'est très rarement le cas.

     Dans « L'accompagnement scolaire, encore un effort », Jean Pierre Carrier reconnaît, avec nous, qu'il reste encore beaucoup à inventer pour que le multimédia d'accompagnement scolaire puisse être reconnu comme novateur. Sans compter - c'est nous qui rajoutons - la formation initiale et continue des enseignants à l'emploi pédagogique de ces nouveaux moyens d'enseigner et d'apprendre.

     À propos des « jeux vidéo », Ghislaine Azémard fait le point (2001) sur ce marché multiforme. Elle attire l'attention sur le rôle important des adultes dans l'orientation des usages (car il n'y a pas que des jeux guerriers, certains sont incontestablement porteurs d'apprentissages culturels). Comme pour la télévision, l'environnement est décisif.

     Dans « Les logiciels d'accompagnement à l'apprentissage de la lecture », Dominique Camberlein analyse trois logiciels en se fondant sur une pratique avec des élèves en grande difficulté en EMP.

     « Multimédia et apprentissage des langues » est signé François Mangenot bien connu des lecteurs de l'EPI car ayant publié plusieurs articles dans la revue de l'Association (voir : www.epi.asso.fr et le cédérom « 15 ans d'articles de l'EPI ».

     Si nous ne partageons pas complètement la conclusion trop négative de Christian Gautellier (des produits valables existent dans le service public et les associations) on ne voit pas, avec lui, « comment le développement du multimédia éducatif et culturel pourrait se passer de politiques volontaristes, à l'échelle nationale mais aussi européenne... répondant à d'autres critères que ceux du marché ». On aurait aimé que les CEMÉA soutiennent, en son temps, notre proposition d'Atelier National Logiciel.

     La deuxième partie est une analyse de pratiques, recherches de terrain et comptes rendus rédigés par les acteurs eux mêmes. Elle comprend 6 chapitres concernant essentiellement l'enseignement primaire : logiciels pour mieux écrire ; réseaux d'établissements et projets pédagogiques ; communautés virtuelles ; communiquer en sciences à l'école avec Internet ; écrire au quotidien avec les outils multimédias ; un village virtuel.

     La troisième partie propose des synthèses de recherches autour de quelques enjeux du multimédia :

     Dans « Hypermédias et stratégies de compréhension » , Jean-François Rouet (l'une des deux références à l'EPI est dans son article, en note de bas de page ) constate que sans autres formes d'intervention pédagogique, l'introduction des nouvelles technologies ne peut que creuser le fossé qui sépare les élèves forts des faibles. Le besoin de réflexion pédagogique est plus que jamais indispensable.

     Max Egly, dans « À propos du nouveau machinisme éducatif » nous propose un certain nombre de critères pour procéder à l'inventaire des produits multimédias et pour définir un cahier des charges car « il apparaît de plus en plus nécessaire que l'imagination prospective des éducateurs s'attache à l'élaboration de nouveaux systèmes ».

     Dans « Multimédias, multimodalité et construction des connaissances » , Emmanuelle Maître de Pembroke et Denis Legros s'intéressent au travail en commun qui renforce la motivation des élèves et la cohésion du groupe face aux travaux difficiles.

     Dans la conclusion, faussement naïf, Christian Gautellier, se demande si les acquis de la recherche pédagogique sont vraiment pris en compte par les institutions éducatives et leurs acteurs dans la réalité des pratiques et dans la définition des politiques publiques. Le sont-ils par les éditeurs et les producteurs, au sein des lieux de création de contenus ? « La recherche constitue pourtant une garantie contre les excès des discours commerciaux et les affirmations unilatérales des industriels. »
     « Par ailleurs, les travaux centrés sur les apprentissages ne peuvent suffire aujourd'hui. On ne peut se passer non plus d'une lecture socioéconomique des systèmes d'enseignement à l'ère des technologies. On manque aujourd'hui d'études sur les rapports entre introduction des technologies et démocratisation de l'école, qui seraient pourtant indispensables pour éclairer les politiques publiques. L'éducation est de plus en plus traitée comme un marché, la logique financière lui impose la définition de ses priorités. Aussi les technologies, loin de réduire les inégalités, pourraient-elles au contraire amplifier les écarts, non seulement par suite de sous-équipements matériels - que des politiques publiques volontaristes essaient de compenser -, mais surtout à cause des prérequis culturels et cognitifs qu'elles supposent chez les enfants et les jeunes. Une récente étude américaine montre que les apprentissages liés aux TIC sont de nature très différente selon les écoles seulement les commandes informatiques de base dans les écoles des quartiers pauvres, de véritables compétences informatiques pour résoudre des problèmes globaux dans les autres écoles. D'un côté on prépare des utilisateurs à savoir naviguer, traiter et trier l'information, la réutiliser sur des machines puissantes, de l'autre on développe des pratiques de simples "terminalistes consommateurs de Net Services". »

     « L'informatique se doit de donner plus à ceux qui ont moins » disait déjà l'EPI dès les années 70. Ce n'est pas exactement ce que l'on constate au fil des ans. Les inégalités ont la vie dure.

     Christian Gautellier est directeur des publications et du groupe de recherche « hypermédias et apprentissage » des CEMÉA.

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