Les stages Informatique Pour Tous
Expérience de formateurs
Astrid Baljoux
Formateurs à mi-temps en informatique pédagogique, nous enseignons pendant notre second mi-temps. Nous sommes tous d'anciens stagiaires « lourds » qui avons reçu une formation d'un an en informatique pédagogique. Nous avons profité des conditions qui nous étaient offertes pendant ce stage pour préparer ensemble le contenu des formations IPT que nous allions assurer. D'ailleurs certains de nos travaux ont été publiés dans le livre du formateur des stages IPT : Supports, pages 24-31. Exemples de présentation de logiciels-outils : Scriptor, Caractor, pages 56-73.
Nous avons animé des stages IPT à Pâques, en juillet, septembre, et à la Toussaint.
Nous avons fait un bilan de nos expériences que nous exprimons dans cet article.
Les objectifs du stage IPT
Ils ont été clairement définis dans la circulaire du 22 février 1985.
L'initiation des enseignants est située dans la perspective de l'utilisation des ateliers informatiques avec les élèves.
Aussi est-il précisé qu'à la fin du stage les enseignants devront être capables d'utiliser les matériels et d'intégrer dans leur démarche pédagogique ce nouvel outil.
Pour atteindre ces objectifs, il est demandé que les stagiaires utilisent des logiciels-outils généraux tels que traitement de texte, gestionnaire de base de données, etc. et des logiciels éducatifs, afin de mener une réflexion didactique et pédagogique. Par ailleurs, les stagiaires doivent comprendre les principes et les concepts fondamentaux du fonctionnement de la machine et du traitement de l'information.
Cette approche de l'informatique en tant qu'utilisateur d'un nouvel outil nous a paru tout à fait intéressante dans la mesure où elle pouvait concerner les enseignants de toutes les disciplines et de tous les cycles.
Alors que, précédemment, les actions de formation étaient principalement axées sur la programmation, ce qui décourageait fréquemment les enseignants de disciplines non-scientifiques.
Les contenus du stage
Aborder le problème des contenus du stage c'est aborder le problème de l'importance de la préparation de ce stage.
L'efficacité et la réussite, si elles sont directement liées aux compétences techniques du formateur (ici ses compétences en informatique), demandent en plus une importante préparation pédagogique et matérielle directe.
Les deux journées de « mise à niveau » des formateurs – bien que nécessaires si leur contenu est dense et bien préparé – apparaissent comme largement insuffisantes pour mettre le formateur à l'aise dans son stage.
Grâce à notre situation particulière (nous vous rappelons que nous étions stagiaires lors de la précédente année scolaire), nous avons pu consacrer au moins une demi-journée par semaine, de la mi-avril à la fin juin, à un travail collectif de réflexion et de mise en commun de nos travaux personnels, dans le but de construire nos stages d'été. Ce travail n'a pas pu commencer avant les stages de Pâques car nous n'avions pas été prévenus à temps et nous ne disposions pas du matériel des ateliers IPT.
En plus d'une réflexion approfondie sur les objectifs officiels, nous avons analysé les besoins des stagiaires en fonction de leur situation d'enseignants de toutes disciplines et de la perspective de réutilisation pédagogique des acquis. C'est ainsi que tenant compte :
- des objectifs officiels
- de nos objectifs pédagogiques propres
- de la richesse et des contraintes inhérentes aux logiciels de la valise
- des possibilités du matériel
- des attentes des stagiaires en matière de formation à l'informatique (attentes appréhendées à travers une enquête réalisée par notre groupe)
nous avons proposé aux stagiaires l'emploi du temps suivant :
Lundi matin
- prise de contact
- présentation du matériel
- étude du logiciel Scriptor (1re partie)
Après midi
- Scriptor (2e partie)
- projection d'un montage de diapositives sur la micro-informatique
- étude de logiciels en libre service
Mardi matin
- étude du logiciel Matrix
- Materiel (1) : structure de l'ordinateur à travers une série de transparents
Après midi
- introduction aux travaux sur l'EAO : typologie de logiciels
- étude de logiciels correspondant à la typologie
Mercredi matin
- présentation de Logo (logiciels Ecluse, Ascen II)
- réflexion sur Logo
Après midi
- EAO : recherche d'une grille d'analyse
- application à l'étude de logiciels types
Jeudi matin
- EAO : mise en commun des observations, discussion
- étude du logiciel Caractor
Après midi
- Matériel (2) : fonctionnement du nano-réseau, manipulations à partir du serveur, à partir du MO5 (MS- DOS, NR-DOS)
- utilisation de MO5 et TO7 70 isolés
Vendredi matin
- initiation à la programmation
- principes de la programmation avec le logiciel AGD
- exercices de programmation en LSE et en Basic
Après midi
- suite de l'initiation à la programmation
Samedi matin
- utilisation de Matrix pour le bilan du stage
- bilan du stage
- bibliographie
Après midi
- libre service
Certains formateurs ont été amenés à faire des modifications en fonction des demandes des stagiaires ou de situations particulières.
Pour mettre en oeuvre cette grille, ou l'une de ses variantes, nous avons dû, malgré la livraison tardive des réseaux et des logiciels, étudier sérieusement quelques logiciels dont la présentation – pour être efficace – devait être préparée avec soin. De même nous avons consacré du temps à la réalisation de supports pédagogiques tels que schémas sur transparents, panneaux, choix de diapositives, montage et duplication de documents, ... afin de respecter un équilibre entre la théorie et la pratique, entre les apports à fournir et les découvertes à favoriser.
Nos constats
L'expérimentation de la grille de travail a fait apparaître plusieurs constatations dominantes :
- au niveau du choix des activités
Les stagiaires ont apprécié dans leur grande majorité la variété des activités qui répondait à un double objectif :
- ne pas privilégier une approche particulière de l'informatique mais, au contraire, permettre une sensibilisation à ses différents aspects (le matériel, les logiciels, la programmation et les langages, la réflexion pédagogique),
- susciter et renouveler les centres d'intérêt des stagiaires au cours d'une semaine aux horaires chargés.
Cependant, le danger de ce type de stage est qu'il risque d'entraîner une accumulation d'expériences superficielles propres aux jugements hâtifs.
C'est pour cette raison qu'en ce qui concerne l'EAO nous avions choisi de faire une analyse approfondie de quelques logiciels afin de nourrir d'arguments précis la séance consacrée à la discussion sur l'utilisation pédagogique de l'informatique. Il est significatif de constater que très souvent les premières impressions formulées lors de l'utilisation de ces logiciels ne correspondaient pas au jugement final.
- au niveau du formateur :
Il est évident, mais important, de souligner que le formateur devait être compétent.
- compétence par rapport aux machines
Nous connaissions bien le fonctionnement du nano-réseau avec le système d'exploitation NR3, et cela nous a permis de nous adapter rapidement à la nouvelle version NR32. Néanmoins, compte tenu de son arrivée tardive et de l'absence de documentation pour les serveurs P1600 et BM30, nous n'avons pu utiliser que les fonctions indispensables.
Une présentation complète des possibilités de NR32 n'a donc pas pu être faite aux stagiaires, surtout pour les premiers stages de juillet.
Cette présentation n'a pas pu se faire dans les lieux de stage qui restaient équipés du NR3 des stages de Pâques.
- compétence par rapport aux logiciels
qui implique, non seulement une très bonne connaissance des logiciels présentés aux stagiaires, mais aussi le choix d'une méthode pédagogique adaptée à chaque logiciel. Ceci nous a conduit à élaborer les supports de formation déjà mentionnés.
- compétence par rapport à l'animation d'un groupe
animer un groupe de 20 personnes (qui travaillent ensemble 8h par jour, et 6 jours consécutifs) ne s'improvise pas et demande des notions de dynamique de groupe.
- au niveau des logiciels
Stagiaires et formateurs ont été, dans l'ensemble, déçus par la qualité des logiciels.
Cependant, le jugement diffère selon qu'il s'agit de logiciels « outils » ou de logiciels d'enseignement :
- les logiciels « outils » (Scriptor, Caractor, Colorpeint, Colorcalc, Matrix...) ont été considérés comme intéressants pour faire une initiation à l'utilisation de progiciels comme les traitements de texte, les logiciels d'aide à la création graphique, les tableurs...
- par contre beaucoup de réserves ont été formulées sur les logiciels d'enseignement et en particulier :
- l'imprécision des objectifs,
- la pauvreté des contenus,
- le recours trop systématique au son,
- la mauvaise utilisation des couleurs,
- la rigidité du parcours.
Néanmoins, certaines idées intéressantes ont été signalées, par exemple l'utilisation de la technique du jeu d'aventures, la possibilité donnée à l'enseignant de rentrer ses propres données.
Incontestablement, l'étude des logiciels a suscité une réflexion pédagogique très riche sur les contenus et les méthodes, mais les logiciels qu'il est actuellement possible.d'uti1iser dans la classe paraissent trop peu nombreux .
Il reste à faire sur l'EAO tout un travail de recherche qui doit associer :
- un informaticien
- l'enseignant,
- éventuellement un spécialiste de la discipline,
- et pourquoi pas un « candide »
afin de concevoir des produits de qualité.
- au niveau des stagiaires
L'expérience des stages IPT révèle que les enseignants demandeurs de formation en informatique appartiennent à tous les niveaux (de la maternelle aux classes préparatoires aux grandes écoles) et à toutes les disciplines.
Les attentes et les besoins sont dans un premier temps les mêmes :
- savoir ce qu'est l'informatique,
- connaître les ordinateurs (théorie et pratique),
- travailler sur des logiciels de différents types,
- envisager avec des collègues la façon d'introduire l'informatique dans son enseignement.
Le fait que les stages aient été prévus collège-école a été une innovation source d'enrichissement : cette occasion, peu fréquente, d'une rencontre de travail entre les deux niveaux d'enseignement, souvent si cloisonnés, a été particulièrement appréciée par tous ; elle a été très utile de part et d'autre.
Depuis longtemps, la liaison école-collège est souhaitée mais elle s'établit au coup par coup. Au cours des stages IPT, les instituteurs et les professeurs de collège ont vécu la même expérience, ils ont appris à se connaître, à échanger. Les contenus et les méthodes fixés par IPT ont apporté des débuts de réponses valables aussi bien pour le cycle élémentaire que pour le secondaire. Ceci a contribué pour beaucoup à rassurer chacun. De plus, rencontrer des collègues se posant les mêmes questions a été pour les instituteurs quelque chose de très important : habituellement isolés dans leur classe, encadrés par les professeurs d'École Normale lors des stages de formation continuée, les instituteurs ont eu la possibilité de se sentir appartenir au corps des enseignants. Ils étaient des enseignants comme les autres et non ceux « du primaire » dépendant des EN.
Ces stages ont pu faire passer des connaissances à des enseignants, en respectant l'adulte en tant que pédagogue libre d'utiliser ses acquis dans sa classe.
Nous avons rencontré, dans la plupart des cas, des stagiaires tout à fait débutants et dont le stage IPT était le premier contact avec l'informatique. Cette homogénéité de niveau a certainement facilité le déroulement des acquisitions, la présence d'un ou deux stagiaires plus informés étant souvent un facteur d'aide pour les autres.
Ceux d'entre nous qui ont assuré plusieurs stages ont pu voir évoluer les motivations des stagiaires entre les stages de Pâques et ceux de l'été :
- à Pâques, l'intérêt semblait plus directement lié à l'information ou à la formation personnelle car l'attribution de matériel informatique restait du domaine de l'hypothèse pour les stagiaires.
- pour les stages d'été, ils connaissaient la dotation de leur établissement et se sont mobilisés davantage sur l'utilisation pédagogique de leurs acquisitions.
- au niveau des conditions matérielles
La livraison, sur une courte période, d'un abondant matériel dans un grand nombre de lieux de stages ne s'est pas faite sans quelques retards. Cependant chaque centre disposait, début juillet et dans le plus mauvais des cas, d'un nano-réseau à 6 postes (pour 20 stagiaires), et recevait, la plupart du temps, un nano-réseau complémentaire au cours de la première semaine.
Nous avons cependant noté une dégradation par rapport aux stages de Pâques : les formateurs ne disposaient plus du réseau téléphonique, numéro de téléphone vert, ..., qui leur permettaient précédemment de se faire dépanner sans délai par les constructeurs.
Nous avons déjà mentionné l'évolution du système d'exploitation (NR3 -NR32) et l'arrivée très tardive de la nouvelle version que nous n'avions pas eu le temps d'étudier sérieusement.
De plus, le contenu de « la valise » ayant quelque peu changé, une adaptation rapide et parfois difficile fut nécessaire.
L'intendance a dans l'ensemble très bien suivi pour le matériel pédagogique (rétroprojecteur, projecteur diapos, magnétophone, tableau de feutre...). Pour les repas de midi, les conditions ont varié d'un centre à l'autre. Quant aux paiements, quelques retards (voire même de très longs retards) ont été constatés.
Perspectives d'avenir
Conditions d'utilisation pédagogique
Nous ressentons une certaine inquiétude devant l'utilisation du matériel sélectionné dans le plan Informatique Pour Tous :
- Le lecteur de cassettes du TO7 70 manque de fiabilité, il est d'une utilisation pratique malaisée, il exige des temps de chargement et de sauvegarde très longs et décourage souvent l'utilisateur par l'envoi d'un message d'erreur « d'entrée-sortie » alors que l'enseignant était en droit de penser qu'il arrivait enfin au bout de sa laborieuse préparation.
Nous n'ignorons pas que les considérations financières doivent jouer un rôle important dans le choix des matériels mais nous pensons que les difficultés rencontrées dans la réalité de la pratique pédagogique quotidienne risquent fort de décourager les bonnes volontés, le matériel risquant d'aller rejoindre au fond des armoires d'autres équipements inutilisés.
Avec les stagiaires IPT dont nous avons assuré la formation lors des stages de Pâques, d'été, et de la Toussaint, nous nous demandons comment faire de l'informatique pédagogique avec un TO7 70 équipé seulement d'un lecteur de cassettes.
- certaines extensions de mémoire de MO5 posent déjà des problèmes d'uti1isation.
- 1'installation des salles d'informatique devant recevoir un réseau IPT pose, en particulier, le problème de l'implantation au sein de l'établissement, de ]a surface nécessaire à un bon déroulement des cours compte tenu des effectifs élèves et des places disponibles sur les postes de travail, et du coût des travaux à réaliser.
- la diversité des matériels n'est pas sans importance :
lors du lancement du plan IPT quatre micro-ordinateurs 16 bits avaient été choisis comme têtes de réseau :
SIL'Z 16
Persona 1600
BM 30
Goupi! 3 PC
depuis, d'autres marchés ont été passés et les têtes de réseau se sont multipliées :
IBM PC
CS 1500
X 16
Oplite
Alphatronic P 50-1
UPC 2000/2015
sans compter que, pour la mise à niveau de leurs matériels, les lycées et les LEP dotés en 84, ont eu à choisir entre :
4 Goupil 3 PC (voir remarque en fin de paragraphe)
4 BM 20 (pour lesquels ne figurent au catalogue des logiciels IPT que 3 logiciels ; un système auteur, une base de données, un logiciel de gestion administrative des élèves)
8 Max 10 de chez MATRA dont nous n'avions encore jamais entendu parler.
I! semblerait d'ailleurs que la proposition Max 10 soit maintenant abandonnée.
Nous déplorons très vivement que ces établissements risquent de passer à côté des avantages pédagogiques incomparables apportés par le nano-réseau et nous pensons que les objectifs de l'enseignement doivent être prioritaires.
D'après des informations partielles recueillies dans l'académie de Créteil, il semble que les établissements dotés en 84 de BM 20 aient massivement choisis des Max 10. Y aurait-il un problème de matériel déjà dépassé ?
Nous nous posons également le problème du fondement du choix du Goupil 3 PC (qui n'est pas complètement compatible PC) alors que Goupil a sorti un Goupil 4 autrement plus performant.
L'interet de la configuration nano-reseau dans l'enseignement est évidente.
Elle permet des utilisations aussi nombreuses que variées dans le cadre des activités scolaires, elle présente l'avantage de pouvoir recevoir facilement une extension peu onéreuse, elle peut facilement accueillir les TO7 et TO7 70 que les établissements possédaient auparavant (ce qui permet d'optimiser l'utilisation des équipements), et surtout elle est un facteur d'unification des divers degrés de l'enseignement français.
La formation IPT suite
Un suivi des formations IPT doit absolument être mis en place. Il répondra à la demande unanime des stagiaires. Mais :
- doit-on rester dans le cadre ancien des cloisonnements établis ?
- doit-on établir différents niveaux de formation complémentaire ?
- doit-on systématiser la formation des enseignants sur le temps des vacances ?
IPT a un impact sans précédent dans l'Éducation nationale :
L'informatique apparaît comme un élément commun aux enseignants de tous niveaux et de toutes disciplines, ... dommage que certains établissements risquent d'être exclus de la dotation Atelier IPT nano-réseau.
Pour les membres du GREDIP
Astrid Baljoux
Professeur de Lettres-Histoire
LEP de Clichy-Sous-Bois
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