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Réflexions sur l'Intelligence Artificielle

Jacques Arsac
 

Nous avons retrouvé, dans les archives de l'EPI, ce texte que nous avait envoyé Jacques Arsac en 1983 à la suite d'un échange que nous avions eu quelques jours plus tôt.
On y trouve ce qu'il n'a cessé de nous répéter dans ses cours : l'informatique est la science du traitement formel de l'information, le cerveau traite en plus du sens. D'où les difficultés que rencontre l'IA...
Mais il savait mieux que quiconque que les choses évoluent très vite en informatique et qu'on trouvera « de nouvelles méthodes de traitement »...
(Le titre est de la rédaction d'EpiNet)

   « Comme suite à notre conversation, je vous propose ces quelques réflexions :

   Le problème de l'intelligence artificielle (je n'aime guère le vocable) se pose pour moi depuis longtemps.

   Je suis convaincu que l'informatique est la science du traitement (formel) de l'information, support formel des connaissances. Notre cerveau au contraire, est le lieu du sens. Certains problèmes sont par nature formels et l'informatique est le mode normal de leur résolution. Notre cerveau est également capable de les maîtriser. Il y a alors compétition entre la machine et l'homme. Dans certains cas, nous avons pu faire des machines plus rapides que nous. Ainsi, je ne peux pas entrer en compétition avec une calculette de poche. Et d'ailleurs, je ne peux que me réjouir d'être délivré d'une tâche relevant d'automatismes.

   Dans d'autres cas, nous avons su développer une habileté à maîtriser la complexité des combinaisons dont nous ne pouvons pas rendre compte de façon précise : ainsi en est-il du jeu d'échecs.

   Et puis, il y a des problèmes de nature sémantique. Notre cerveau est capable de traiter des significations et d'en déduire des significations nouvelles. Nous disons ces significations avec des mots, mais on ne peut les réduire à des mots. Je pense que cette activité là est hors du domaine de l'informatique. Traiter les mots ne traite pas les significations qu'ils véhiculent. Pour que l'informatique puisse agir dans ces domaines-là, il faut d'abord qu'on réussisse à les formaliser, c'est-à-dire à rendre à ce point solidaires signifiants et signifiés, que la donnée des premiers implique les seconds. Il faut ensuite trouver des méthodes de traitement qui ne soient pas la transposition pure et simple des traitements sémantiques.

   Je vois l'informatique comme le lieu d'une bataille gigantesque et sans fin. Des problèmes que nous avons cru totalement sémantiques seront un jour formalisés, on trouvera des algorithmes de traitement, et un secteur que l'on croyait relever typiquement de l'intelligence humaine apparaîtra mécanisable.

   Mais je crois aussi que naîtront sans cesse de nouveaux problèmes que notre cerveau abordera à partir de leur sens, de sorte que cette course de l'informatique est sans fin. Pour un problème résolu, dix nouveaux à résoudre... Du moins, cette course aura-t-elle un mérite : nous aider à voir clair dans ce qui est la spécificité de l'humain, le SENS. »

Jacques Arsac

Cet article est sous licence Creative Commons Attribution 4.0 International. https://creativecommons.org/licenses/by/4.0/deed.fr

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Septembre 2023

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