Pour un enseignement de l'Informatique et
des Technologies de l'Information et de la Communication
au lycée
Groupe ITIC de l'ASTI
L'informatique et les technologies de l'information et de la communication (ITIC), vaste domaine de la connaissance, sont présentes dans tous les secteurs de la société. Elles contribuent à faire évoluer tous les domaines d'activité et les autres disciplines dans leur « essence » (objets, méthodes). Elles changent la manière dont nous voyons le monde et dont nous nous voyons nous-mêmes.
Pour toutes ces raisons fondamentales, elles devraient faire l'objet d'un enseignement sous la forme d'une discipline scolaire scientifique et technique en tant que telle au lycée. Discipline dans le prolongement d'une initiation à l'école primaire par l'utilisation dans le contexte des matières traditionnelles (calcul, lecture, sciences...), et d'un enseignement dans le cadre du cours de technologie au collège. Il s'agit d'un objectif incontournable de culture générale scolaire pour tous dans l'École du 21e siècle, d'un besoin fondamental de la Société.
Un tel enseignement créerait les conditions d'une bonne utilisation des outils informatiques dans les autres disciplines de par la maîtrise qu'il contribuerait à donner aux élèves. De ce point de vue aussi, sa valeur ajoutée est donc indispensable.
« Objet » et « outil » d'enseignement, loin de s'opposer, sont complémentaires, et se renforcent mutuellement.
L'approche exclusive actuelle des TIC par le biais des disciplines traditionnelles (Mathématiques, Sciences expérimentales, Lettres, Langues...) est notoirement insuffisante et ne répond pas aux enjeux d'une société de l'information et de la communication. Le problème resterait d'ailleurs entier même si celui de la culture « TICE » des enseignants des différentes disciplines était résolu.
Pour l'enseignement technique et professionnel, c'est la capacité à dominer les métiers futurs, par une connaissance de l'informatique et par une réelle contribution de ses apports et des conditions de son bon usage qui est essentielle. Elle devient une forme de valeur ajoutée professionnelle susceptible de former des professionnels de haut niveau, au regard distancié et pérenne sur les outils et méthodes.
Les fondements d'une discipline « ITIC » au lycée, pour tous les élèves, relèvent des finalités de l'École, le classique triptyque « former l'homme, le travailleur et le citoyen »
Dans sa vie de tous les jours, tout un chacun est, et sera de plus en plus, amené à utiliser, comprendre, et parfois concevoir ou participer à la conception d'outils informatiques, directement ou indirectement. Cette banalisation impose au système éducatif de donner à tous les élèves les connaissances, les savoirs et savoir-faire, les représentations mentales, le socle conceptuel permettant les utilisations raisonnées, autonomes et efficaces. Or, on ne s'approprie réellement un outil conceptuel que si on l'a étudié à un moment donné pour lui-même. Il n'y a pas d'apprentissage sans moment de structuration et de formalisation. C'est ce qui fonde, par exemple, les enseignements de français ou de mathématiques. Cela vaut pour l'Informatique et les TIC. Sinon grand est le risque d'un « nouvel illettrisme ».
Un « nouvel illettrisme » que pointent avec insistance Maurice Lévy et Jean-Pierre Jouyet dans le rapport de la commission sur l'économie de l'immatériel. Tous les domaines de la vie économique, tous les métiers sont profondément transformés par l'informatique et les technologies de l'information, que ce soit dans les processus de production des richesses ou avec les objets fabriqués, matériels et immatériels. M. Lévy et J-P. Jouyet mettent en évidence les obstacles qui freinent l'adaptation de notre pays à l'économie de l'immatériel, notamment « notre manière de penser », invitant à changer un certain nombre de « nos réflexes collectifs fondés sur une économie essentiellement industrielle ». Ils citent l'édition de logiciels parmi quatre technologies représentatives des enjeux de la croissance des années à venir. Il y a manifestement pour l'École un enjeu fort de culture générale, scientifique et technique, faisant toute sa place à l'Informatique et aux Technologies de l'Information et de la Communication.
À cette omniprésence de l'informatique, de l'immatériel, de la connaissance dans les sociétés modernes correspondent des débats et des enjeux de société. Chaque citoyen doit être en mesure de participer sur un pied d'égalité aux débats qui engagent l'avenir du pays. Nous avons tous en mémoire ceux qui ont accompagné, en 2006, la transposition par le Parlement de la directive européenne sur les droits d'auteur et les droits voisins dans la société de l'information (DADVSI). Il y fut question d'interopérabilité, de DRM, de logiciels en tant que tels, de code source... tous thèmes porteurs d'enjeux technologiques et sociaux dont la simple compréhension requiert l'appropriation d'un fondement conceptuel. Cet exemple montre le caractère incontournable d'une discipline scolaire dont les objets et les méthodes contribuent à la formation de l'esprit critique d'un citoyen éclairé.
Dans ses grandes lignes, un programme « ITIC » au lycée est composé des chapitres qui suivent (une annexe les explicitera ultérieurement). Il suppose des pré-requis absolument indispensables, en mathématiques notamment :
- Matériels : architecture de l'ordinateur et périphériques.
- L'information : numérisation et représentation uniforme de différents types d'informations (bases deux, huit et seize ; principes de codage).
- Algorithmique : connaissance des algorithmes élémentaires.
- Programmation : connaissance des principes des langages de programmation, pour savoir faire faire par la machine (structures, langages, notion de variable)
- Logiciels : dans une approche pluraliste, libre et propriétaire, le système d'exploitation, les progiciels.
- Structuration de l'information : du fichier à la bases de données, avec un objectif d'initiation en s'appuyant sur le modèle relationnel ; éléments sur XML.
- Les aspects informatiques de la problématique documentaire : organisation et recherche (sur Internet) de l'information, requêtes avec booléens ; notions de thésaurus et d'ontologies.
- Communication-réseaux : les principes et les protocoles, la notion de couches logicielles, les réseaux locaux et longue distance.
- Informatique et société : thématiques diverses comme le droit d'auteur, les usages sociaux... abordées dans le cadre de la réalisation de projets informatiques et servant, de manière générale, de support naturel à la pédagogie pratiquée. Ce chapitre sera également l'occasion d'éduquer aux TIC.
Un tel programme, fait de contenus scientifiques et techniques structurés sur trois ans dans une cohérence globale, avec des modèles didactiques dépendant des niveaux et des types d'enseignement, donnera lieu à une épreuve au baccalauréat. Il sera à moduler selon les séries. Rappelons que le lycée doit aussi participer en amont à la formation en informatique des futurs ingénieurs dont le niveau aujourd'hui n'est pas optimal en informatique, et donc que celle-ci a vocation à figurer parmi les dominantes en S.
Comme les autres disciplines, l'informatique apporte sa pierre à la formation de l'esprit, à la formation générale des élèves. Par exemple, elle apprend à s'exprimer clairement et complètement quand on rédige un programme ; l'informatique est une école de la rigueur, mais cette rigueur n'est pas vécue comme imposée par un enseignant car elle est simplement une condition d'utilisation des ordinateurs. L'informatique a des vertus pédagogiques spécifiques.
Une activité de projet informatique sera proposée en Première et/ou Terminale. Elle sera l'occasion de traiter les aspects sociétaux de l'Informatique et des TIC, par exemple les questions de propriété intellectuelle ou celles liées à la biométrie, qui pourront fournir des thématiques de réalisations informatiques.
On sait l'importance dans la société de la connaissance du « travailler ensemble », de la coopération, de la mutualisation, de la collaboration. La réalisation d'un projet informatique par des groupes d'élèves est une modalité particulièrement pertinente pour le développement de cette compétence.
La pédagogie pratiquée par les enseignants tiendra naturellement compte des usages de l'informatique et des technologies numériques des élèves hors de l'institution scolaire, en premier lieu ceux d'Internet, des téléphones portables ou du podcast. On connaît bien les limites des acquis « spontanés », hétérogènes, non transférés et peu conceptualisés, qui en découlent quant à une véritable maîtrise des outils utilisés. Néanmoins, ils constituent un point d'appui, avec bien entendu l'objectif de les dépasser, ce qui est la mission et la tradition de l'École. Ils peuvent être valorisés, par exemple dans le cadre d'un processus d'éducation mutuelle.
D'ailleurs, les adolescents sont en demande d'une formation plus exigeante leur permettant une plus grande maîtrise des TIC. Ils attendent une « valeur ajoutée » de leurs enseignants. C'est à un plus haut niveau de compréhension que l'École doit se situer si elle veut continuer à remplir un rôle fondamental dans la société de la connaissance. Qui peut souhaiter que l'École abandonne le terrain qui est le sien, celui de la transmission de connaissances (savoirs et savoir-faire) par des enseignants correctement formés ?
Les (autres) disciplines
Elles évoluent dans leur « essence » (objets, méthodes) de par l'« irruption » de l'informatique et des ordinateurs, qu'elles utilisent des moyens informatiques ou des concepts issus de l'informatique. C'est particulièrement vrai dans les enseignements techniques et professionnels mais aussi, à des degrés divers, pour l'ensemble des disciplines. Bien entendu, leurs enseignements et leurs programmes intègrent leurs évolutions. De ce point de vue, elles offrent de véritables opportunités de travaux pratiques grandeur nature et finalisés. Elles ne peuvent que bénéficier de l'acquisition des fondamentaux informatiques dans un espace scolaire institutionnel dédié. Elles participent de la prise en compte des usages de diverses natures, des utilisations, des comportements, des cultures.
Quels enseignants ?
Si une décision politique de (re)création d'un tel enseignement « ITIC » au lycée devait être prise, elle devrait obligatoirement s'accompagner de la mise en place d'un plan pluriannuel de formation initiale et continue des enseignants. Sans attendre les résultats de ces formations, un recensement des enseignants volontaires et compétents (titulaires d'un diplôme universitaire en informatique ou d'une compétence validée institutionnellement) devrait permettre le démarrage rapide de cet enseignement. Des formations diplômantes complémentaires devraient être organisées si nécessaire.
Il va de soi que la création d'une discipline « ITIC » va de pair avec celles d'un concours PLP2, d'un CAPES et d'une Agrégation. Cette solution peut coexister avec des options ITIC dans les concours de recrutement des autres disciplines et la reconnaissance des compétences acquises, selon des modalités variées, par les enseignants ; ce qui présenterait l'intérêt de favoriser l'interdisciplinarité et l'intégration solide de l'Informatique et des TIC dans les autres disciplines.
Les enjeux d'une telle réforme sont considérables. Il y va de la formation de l'« honnête homme du XXIe siècle » et d'une France se donnant tous les atouts requis dans la société de la connaissance et l'économie de l'immatériel.
Paris, le 28 novembre 2007
ASTI - Groupe ITIC
Annexes
- Rubrique ITIC du site de l'EPI : http://www.epi.asso.fr/revue/editic.htm
- Note EPI : https://www.epi.asso.fr/revue/docu/d0705a.htm
- Composition du Groupe ITIC de l'ASTI : https://www.epi.asso.fr/revue/editic/groupe_itic-epi-sif.htm
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