Proposition de l'Association Enseignement Public et Informatique (EPI)
http://www.epi.asso.fr

et du Groupe « Informatique et TIC » de la Fédération des
Associations françaises des Sciences et Technologies de l'Information (ASTI)

http://asti.ibisc.fr/groupe-itic

 

Un module
informatique et société numérique
en classe de seconde

7 novembre 2008
 

Préambule

L'informatique et les technologies de l'information et de la communication sont omniprésentes dans nos sociétés, dans lesquelles elles contribuent à faire évoluer de nombreux métiers. Elles modifient en profondeur notre perception des machines, du langage et de la complexité. Elles constituent, par ailleurs, un vaste corpus de connaissances et elles contribuent à faire évoluer de nombreuses disciplines enseignées au lycée, non seulement dans leurs méthodes, mais aussi dans leur objet.

Pour ces raisons, pour former l'homme, le travailleur et le citoyen, elles doivent faire l'objet d'un enseignement scientifique et technique en tant que tel au lycée. Enseignement qui prolonge celui de l'école primaire et du cours de technologie du collège et qui prépare celui de l'université. Il s'agit d'un objectif incontournable de culture générale scolaire dans l'École du XXIe siècle, d'un besoin fondamental de la société.

Un tel enseignement est de nature à créer les conditions d'une bonne utilisation des outils informatiques dans les autres disciplines enseignées au lycée, puis à l'université, de par la maîtrise qu'il contribue à donner aux élèves. De ce point de vue aussi, sa valeur ajoutée est indispensable. Objet et outil d'enseignement, loin de s'opposer, sont complémentaires et se renforcent mutuellement.

Les contenus en informatique et société numérique s'appuient sur les connaissances acquises au collège énumérées dans les disciplines mathématiques et technologie (BOEN spécial n° 6 du 28 août 2008).

Au collège, les élèves sont sensibilisés à l'observation des objets informatiques présents dans leur environnement pour en développer une utilisation raisonnée. L'enseignement en classes de 6e/5e/4e/3e comporte donc déjà des connaissances en informatiques et en TIC. L'enseignement de seconde renforcera et prolongera progressivement ces acquis, y compris celles validées par le B2i collège (BOEN n° 42 du 16-11-2006) au sein du diplôme national du brevet depuis la session 2008 en mettant l'accent sur la compréhension des mécanismes mis en oeuvre, tout en les initiant à certaines grandes questions traitées par la science informatique. »

Au lycée, cet enseignement de culture générale est essentiellement pratique, en classe dédoublée. Il articule savoirs et savoir-faire, il contribue à développer l'esprit d'initiative, la créativité et la capacité à travailler en équipe des élèves. Il établit des liens étroits avec l'ensemble des disciplines.

En classe de seconde, comme dans les autres classes du lycée, le premier objectif de cet enseignement est que les élèves comprennent la notion de programme et sachent écrire des programmes simples. Cette activité de programmation permet de comprendre l'intelligence, ou l'absence d'intelligence, des outils et donc de s'en servir intelligemment. Cet objectif est cependant complété par des objectifs plus généraux : que les élèves comprennent la manière dont les informations sont représentées et structurées, la manière dont les ordinateurs sont organisés et dont ils sont connectés en réseaux. Ces trois parties constituent, avant tout, un premier contact avec des notions qui seront reprises et approfondies en première et en terminale. Un dernier objectif, spécialement important en classe de seconde, est que les élèves aient une première idée de la discipline dans sa globalité, afin que naisse l'envie de continuer en première et en terminale, puis dans la suite de leurs études. Pour atteindre cet objectif, il est utile de montrer le champ étendu des applications des concepts de l'informatique, ainsi que la manière dont l'informatique a transformé de très nombreuses activités. Dans cette dernière partie, l'objectif est davantage de montrer l'existence de concepts et problématiques, que beaucoup de lycéens ignorent, que de proposer un réel traitement scientifique de ces sujets.

La pédagogie pratiquée par les enseignants doit naturellement tenir compte des usages de l'informatique et des technologies numériques des élèves hors de l'institution scolaire. On connaît bien, toutefois, les limites des acquis spontanés, hétérogènes, non transférés et peu conceptualisés, qui en découlent, quant à une véritable maîtrise des outils utilisés. Ces acquis constituent certes un point d'appui, mais qu'il importe de dépasser, conformément à la mission et à la tradition de l'École. Voir annexe 2.

 
Programme d'un module de seconde
 

Les propositions qui suivent correspondent à un module de 54 heures réparties sur un semestre de 18 semaines : 1 heure hebdomadaire en classe entière et 2 heures en classe dédoublée. Les enseignements en classe dédoublée étant, pour l'essentiel, dispensés en salle machine.

1) Programmation et algorithmique

Volume horaire indicatif : 30 heures en classe dédoublée

L'objectif est ici que les élèves comprennent la notion de programme et sachent écrire des programmes simples. Cette partie de l'enseignement s'effectue en classe dédoublée et en salle machine.

  • Écriture et exécution d'un programme simple sur un ordinateur ;
  • le programme est un fichier comme les autres ;
  • différence entre un programme source et compilé ;
  • variable, déclaration et affectation ;
  • types scalaires (entier, flottant, caractère, booléen), type chaîne de caractères, types tableaux ;
  • opérations arithmétiques et logiques ;
  • ordre d'exécution des instructions : séquence, test et boucle ;
  • primitives d'entrée et de sortie ;
  • primitives de gestion de fichier ;
  • primitives graphiques : dessiner un point, un segment, un cercle ;
  • algorithmes sur les tableaux (rechercher, ajouter, supprimer un élément) ;
  • algorithmes sur les images comme tableaux de pixels.

Exemples de programmes : calcul du jour de la semaine d'une date, traitement d'une image (augmentation et diminution du contraste et de la luminosité), dessins formés de segments et d'arcs de cercles, mouvement aléatoire d'un point, algorithme simple de compression d'un message creux (beaucoup de 0, peu de 1, par exemple une image au trait clair) par la liste des positions des 1, chiffrement et déchiffrement d'un message (méthode de César), jeu de la vie, génération de 100 000 000 000 000 de poèmes, gestion d'un carnet d'adresse sous forme d'un fichier externe, gestion d'une liste de fichiers musicaux, réalisation d'un jeu vidéo (casse-briques...).

2) Représentation des informations

Volume horaire indicatif : 4 h + 2 h en classe dédoublée.

L'objectif est ici que les élèves comprennent la manière dont les informations (textes, images, sons, données structurées) sont représentées, en insistant sur l'indépendance des algorithmes de chiffrement, compression, transmission... par rapport à la nature de ces informations. Cette partie de l'enseignement peut s'effectuer en classe entière.

  • Différence analogique / numérique, discrétisation, numérisation ;
  • représentation uniforme des données comme des suites de 0 et de 1, exemples avec les textes (ASCII, unicode... ), les images, les sons ;
  • données brutes et structurées (exemple image pixelique et vectorielle) ;
  • universalité des méthodes de chiffrement, compression, transmission... ;
  • fichiers et système de fichiers.

3) Architecture des ordinateurs

Volume horaire indicatif : 4 h + 2 h en classe dédoublée.

L'objectif est ici que les élèves aient une idée de la manière dont les ordinateurs sont organisés. Cette partie de l'enseignement peut s'effectuer en classe entière.

  • Ouverture de la boîte ;
  • microprocesseur, mémoire, bus ;
  • instructions du microprocesseur ;
  • horloge, co-processeurs, périphériques ;
  • variété des niveaux de descriptions d'un même phénomène (circuit électronique, portes logiques, opération arithmétique ou logique, opération du langage de programmation) ;
  • différence entre matériel et logiciel.

4) Réseaux

Volume horaire indicatif : 4 h + 2 h en classe dédoublée.

L'objectif est ici que les élèves aient une idée de la manière dont les ordinateurs sont connectés en réseaux. Cette partie de l'enseignement peut s'effectuer en classe entière.

  • Différents types de réseaux (local, pair à pair, Internet, réseau social) ;
  • différents types de technologies physiques (avec fils et sans-fils) ;
  • différents types d'adresses (MAC, IP, url...) ;
  • différents niveaux de description, organisation en couches ;
  • différents types de machines sur un réseau (routeur...) ;
  • routage des informations à travers un réseau ;
  • sensibilisations aux questions de sécurité.

5) Une idée plus globale de ce qu'est l'informatique

Volume horaire indicatif : 6 heures.

Quatre ou cinq fois au cours du semestre, une séance est consacrée à un thème qui permet aux élèves de prendre un peu de recul et d'avoir un aperçu de questions plus complexes de la discipline. Chaque séance est composée d'un exposé fait par un élève, d'un cours plus synthétique fait par l'enseignant et d'un commentaire de document. Voir annexe 1.


 
ANNEXE 1
 

• Informatique et communication

L'objectif est ici de montrer comment le développement de l'informatique s'inscrit dans une histoire des outils de communication (dont les grandes étapes sont l'écriture, l'alphabet, le codex et l'imprimerie). Mais aussi comment l'informatique et Internet ont bouleversé la manière dont on crée et reçoit de la musique et des images, et partant les marchés de ces biens.

Document proposé : Berry.

• Informatique et grammaire

L'objectif est ici de montrer l'universalité de la notion d'algorithme, à l'aide d'un exemple : la grammaire d'une langue est un algorithme.

La séance peut commencer par la démonstration d'un programme qui engendre aléatoirement des phrases bien formées en français en utilisant la grammaire S —> GN VT GN, GN —> NP, GV —> la NCF, GV —> le NCM. Les élèves proposent des verbes transitifs, des noms propres, des noms communs féminins et masculins et observent les phrases engendrées. Ils enrichissent la grammaire avec des verbes intransitifs, des verbes et des groupes nominaux au pluriel... on arrive ainsi à l'idée que ces règles, qui constituent un algorithme de génération de phrases, sont la grammaire de la langue. On termine sur la question : comment passer de la génération à l'analyse ?

Document proposé : Chomsky.

• Informatique et heuristiques

L'objectif est ici de montrer à l'aide de l'exemple des correcteurs orthographiques, que, pour certains problèmes, des solutions imparfaites, mais constamment améliorées, sont proposées. Depuis la recherche de chaque mot dans un dictionnaire, qui demande déjà la constitution d'un dictionnaire de formes fléchies jusqu'à l'analyse grammaticale de la phrase, de nombreuses solutions permettent de repérer les répétitions, les fautes d'accord entre l'article et le nom qui le suit... Chacune de ces méthodes est non seulement partielle, mais déclenche aussi de fausses alarmes, qu'il faut savoir interpréter.

Document proposé : Rechenman.

• Informatique et arithmétique

L'objectif est ici de montrer que la notion d'algorithme est beaucoup plus ancienne que les ordinateurs et les langages de programmation et que l'effort de développement de nouveaux algorithmes a été constant au cours de l'histoire des mathématiques. Les tablettes mésopotamiennes. La numération à position. Al Khorezmi (Al-Khawarizmi), Al-Uqlidisi... Autres exemples d'algorithmes en mathématiques. Deux manières de résoudre un problème : chercher une démonstration, exécuter un algorithme.

Document proposé : Chabert et al.

• Informatique et complexité

L'objectif est ici de sensibiliser les élèves à la notion de recherche exhaustive et d'explosion combinatoire en cherchant la réponse à une question simple : comment faire les emplois du temps d'un lycée ?

On discutera de la manière dont un emploi du temps peut se modéliser (par exemple comme un ensemble de quadruplets formés d'une classe, d'un enseignant, d'une tranche horaire et d'une salle), et des contraintes que doit vérifier un tel ensemble (une seule classe par enseignant et tranche horaire...). On montrera la différence qu'il y a entre le problème (facile) : vérifier qu'un tel ensemble satisfait ces contraintes et le problème (plus difficile) de trouver un ensemble qui les satisfait. Autres exemples (trouver une solution au jeu du solitaire, voyageur de commerce...). Énumération et test. Explosion combinatoire.

Document proposé :

• Informatique et gestion de grandes quantités d'information

À l'aide de l'exemple des moteurs de recherche, que tous les lycéens connaissent, on aborde la question de la gestion de grandes quantités d'information.

Un premier problème est celui de l'indexation du web entier sur les disques d'un ordinateur, qui demande à la fois un grand nombre de disques et des algorithmes de parcours du web. Un second est celui de l'attribution d'un rang à chacune des pages.

Enfin, cette séance est l'occasion de montrer les limites de la méthode d'interrogation consistant grosso modo a donner les pages de plus haut rang contenant les mots de la requête, qui exclut, par exemple, de formuler une relation logique entre ces mots.

Document proposé :
 


 
ANNEXE 2
 

Les cinq parties du programme proposé ne sont pas à mettre sur le même plan, comme le souligne la différence du volume horaire suggéré pour chacune d'elles : 30 h (en classe dédoublée et en salle machine) pour la partie 1, et 6 h pour chacune des quatre autres parties.

La première partie (programmation et algorithmique) constitue le coeur du programme. L'objectif est ici une véritable transmission de savoirs et savoir-faire.

Dans les parties 2, 3 et 4 l'objectif est d'introduire des notions qui seront reprises dans les années suivantes. Ainsi, on imagine bien ce que l'on peut se fixer comme objectif en architecture en 6 h : ouvrir la boîte, faire comprendre qu'on ordinateur se décompose en plusieurs entités distinctes, les nommer, et donner une idée de leurs fonctions respectives (la mémoire sert à stocker les informations, le processeur à effectuer les calculs, le bus à faire circuler les informations entre l'une et l'autre, l'horloge est le chef d'orchestre...)

Si les objectifs dans les parties 2, 3 et 4 restent la transmission de savoirs à approfondir par la suite, celui de la partie 5 se limite à montrer l'existence de certains problèmes et concepts. Ainsi, on peut comparer le traitement de la notion de grammaire en seconde, au traitement en physique ou en mathématiques du boson de Higgs ou du théorème de Fermat. L'objectif est que les élèves comprennent que la physique et les mathématiques se posent des problèmes qui dépassent ceux abordés en seconde, mais il ne s'agit en aucune façon de faire observer le boson de Higgs ou de démontrer le théorème de Fermat aux élèves eux-mêmes. C'est pour cela que les méthodes pédagogiques sont adaptées : faire des exposés, lire des textes, visionner des films...

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Association EPI
Novembre 2008

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