UN PLAN DE FORMATION À L'INFORMATIQUE Propositions du Groupe Technique Disciplinaire Informatique Michel Lucas Le Conseil National des Programmes (CNP) est un organisme qui est chargé de proposer un plan de rénovation du système éducatif français : réforme des structures, nouveaux programmes, entre autres. Ce Conseil est composé d'une trentaine de membres, appartenant aussi bien à l'Éducation nationale (tous cycles d'enseignement) qu'à des entreprises privées ou publiques. Le président du CNP est Monsieur Dacunha-Castelle, professeur des Universités. Le CNP émet des avis, qui sont habituellement rendus publics. Certains vous sont déjà probablement connus, tels que les propositions pour la rénovation pédagogique des lycées d'enseignement général. Pour préparer ses avis le CNP s'appuie, entre autres, sur des Groupes Techniques Disciplinaires (GTD). Comme le nom l'indique, un GTD s'intéresse à une discipline donnée. Il existe ainsi un GTD de Mathématiques, de Physique, d'Histoire-Géographie, etc. Certains GTD ne sont pas directement liés à une discipline : GTD Formation des maîtres, GTD Utilisation des calculatrices, par exemple. Tous sont directement rattachés à la Direction des Lycées et Collèges. La Direction des Écoles a constitué ses propres groupes de travail, qui comportent pour moitié des membres des GTD. Le GTD Informatique, créé en octobre 1990, est composé de Jean-Michel Bérard (Inspecteur général, physique), Jean-Claude Boussard (Université de Nice), Michel Lucas (École Centrale de Nantes), Denis Monasse (professeur de mathématiques en classe de Spéciale), Claude Patoux (professeur d'économie et gestion), Jean-Pierre Peyrin (Université de Grenoble) et Régine Raynaud (Université de Toulouse). Lorsque le besoin s'en fait sentir, toute personne susceptible de lui apporter un concours est invitée à partager ses travaux. Le GTD a pour charge de proposer un plan de formation à l'informatique, de la maternelle aux premiers cycles des Universités (vaste programme). Le choix des thèmes de travail se fait à partir de commandes du CNP, de la Direction des Lycées et Collèges, ou de la Direction des Écoles. Le GTD est aussi libre de se saisir de tout point qui l'intéresse. C'est ainsi que la réflexion a porté essentiellement sur un plan global de formation concernant l'école, le collège et le lycée d'enseignement général. D'autres chantiers sont encore à ouvrir : enseignement professionnel, classes préparatoires aux grandes écoles, par exemple. La tâche du GTD Informatique est particulière si on la compare aux autres champs disciplinaires : on nous demande de réfléchir sur les programmes d'une discipline non encore reconnue, et n'ayant pas encore sa place dans l'enseignement traditionnel. À titre de comparaison, alors que les GTD disciplinaires sont en train de remettre leurs propositions de programmes pour la 4ème, la 2de, la 1re ou la Terminale, le GTD Informatique en est encore à essayer de faire passer l'idée qu'un enseignement d'informatique est indispensable, si l'on veut aboutir à une utilisation raisonnée de l'ordinateur. Quels sont les résultats de ce travail ? Le GTD Informatique a produit un certain nombre de notes de réflexion, diffusées plus ou moins largement. La note n° 8, dont de larges extraits sont reproduits ci-après, donne l'ossature du plan proposé. Sa présentation au cours du colloque vise à ce qu'un travail de réflexion soit engagé, pour valider, améliorer, ou rejeter ces propositions. Par ailleurs, les avis du GTD Informatique sont consultatifs : le CNP et la Direction des Lycées et Collèges ne sont en aucun cas tenus de les suivre. Le ministre n'est pas non plus obligé de suivre les avis du CNP. Les connaisseurs pourront ainsi apprécier l'écart entre les propositions du GTD Informatique, celles du CNP, celles de la DLC, celles du Ministre... et les réalités sur le terrain. Le GTD Informatique considère cependant qu'il doit continuer à travailler, et espère bien que les propositions qu'il fait seront prises en compte... un jour. EXTRAITS DE LA NOTE N° 8, PUBLIÉE LE 20 DÉCEMBRE 1991 Résumé Cette note a pour objectif de récapituler les propositions du GTD Informatique en ce qui concerne la formation à l'informatique de tous les élèves de l'enseignement primaire et secondaire. Elle s'appuie sur un ensemble de notes de réflexion qui ont été produites en 1990 et 1991. La progression envisagée est la suivante :
Le plan de formation proposé s'appuie sur les principes suivants :
1. Informatique dans les disciplines, informatique discipline 1.1 . Que peut apporter l'informatique dans l'enseignement des disciplines ? Il est reconnu que l'ordinateur est un outil pédagogique pour la transmission et la structuration des connaissances : enseignement assisté par ordinateur, utilisation des imagiciels en mathématiques, utilisation de l'ordinateur dans la salle de classe pour un travail collectif en lettres... C'est un outil de travail autonome pour les élèves (soutien, réalisation de documents, recherche documentaire), mais également un instrument pour les professeurs, individuellement ou en équipes (rédaction de documents, élaboration de banques d'exercices, aide à la décision pour la gestion du cursus des élèves...). L'ordinateur modifie les pratiques pédagogiques, tant pour les professeurs que pour les élèves. Aujourd'hui, plus qu'une simple aide à l'enseignement des diverses disciplines, l'informatique et l'utilisation des produits informatiques font de plus en plus souvent partie intégrante de ces disciplines.
Il apparaît ainsi que doivent être explicités avec précision, discipline par discipline, dans les différents programmes, les contenus et modes d'utilisation préconisés pour l'utilisation de l'informatique et des produits informatiques. Le GTD souhaite que l'on favorise l'usage de l'ordinateur dans toutes les disciplines par l'enseignant, par les élèves, aussi bien en classe qu'en dehors des cours. Cet usage devrait apparaître explicitement dans les programmes de chaque discipline. L'objectif est de favoriser l'acquisition d'une démarche intellectuelle, plutôt que d'un simple contenu : apprendre à se servir d'un progiciel, c'est aussi prendre du temps pour changer ses habitudes. Il ne s'agit évidemment pas d'alourdir l'ensemble des connaissances à acquérir, mais de tenir compte de l'existence d'aspects nouveaux dans les champs disciplinaires ou dans les techniques d'enseignement des disciplines. 1.2. Que peut apporter un enseignement de l'informatique ? Le GTD Informatique considère qu'une pratique, si diversifiée soit-elle, ne peut à elle seule garantir l'acquisition des notions qui en permettent une utilisation raisonnée et critique. Un enseignement d'informatique, véritable tronc commun à toutes les disciplines, permettrait :
2. Un schéma général de formation à l'informatique 2. 1. L'informatique à l'école primaire Le GTD Informatique fixe comme objectif une rencontre significative avec l'informatique pour tous les élèves, au cours du cycle des apprentissages fondamentaux et du cycle des approfondissements. Il souhaite qu'il y ait une certaine banalisation de l'informatique à travers une utilisation dans des situations de la vie courante. L'objectif n'est pas un début de formation à la discipline informatique, mais de faire utiliser l'ordinateur de manière raisonnée, à travers des activités significatives. Il paraît essentiel au GTD que tous les élèves soient sensibilisés, à travers des activités à leur portée correspondant à leur niveau de maturité. Le GTD estime qu'il faut développer ces activités essentiellement dans le cycle des apprentissages fondamentaux et le cycle des approfondissements. Des activités dans le cycle des apprentissages premiers ne sont pas exclues : par exemple, des expériences intéressantes ont été menées avec la Tortue, et il n'est pas question de briser les efforts pédagogiques qui ont été consentis. Cependant, une priorité devrait être donnée aux deux cycles qui suivent. Dans le cycle des apprentissages fondamentaux, les activités en informatique pourraient probablement être intégrées dans des projets d'école. Il s'agirait de faire découvrir l'apport de l'informatique à travers l'utilisation de logiciels de qualité pour des activités telles que : consultation d'une banque de données ; correspondance avec d'autres établissements ; gestion de la bibliothèque ; tenue d'un journal de classe ; recherche documentaire. Il s'agit de favoriser l'usage de l'ordinateur, sans décourager les enfants par des activités trop complexes, qu'ils ne seraient pas à même de mener de manière un tant soit peu autonome. Dans le cycle des approfondissements, on cherchera à expliquer à la fois quelques concepts élémentaires de l'informatique et les implications de celle-ci dans la vie : place de l'informatique dans le monde contemporain ; approche raison née de certains appareils ; structure d'un ordinateur et de ses périphériques ; déterminisme de la machine ; limites des possibilités de l'ordinateur. L'objectif est de permettre à l'élève de mieux se situer par rapport à la machine, de repérer sa place. Il faut conserver un niveau très élémentaire, exact du point de vue « théorique », mais facilement assimilable par tout élève. Le GTD Informatique ne propose pas d'activités de programmation. En effet, bien programmer est un métier, qui demande des qualités d'abstraction et d'analyse que ne possèdent certainement pas les élèves de l'école primaire. 2.2. L'informatique au collège L'objectif de formation est une initiation à l'utilisation raisonnée d'un progiciel de type « intégré » et à l'exploitation de diverses bases de données. Nous préconisons la mise en place d'un travail disciplinaire ou interdisciplinaire s'appuyant sur l'utilisation d'un logiciel de type « intégré », permettant de mettre en oeuvre un tableur, un traitement de texte, un grapheur, un gestionnaire de fichiers. Une réflexion sur la pédagogie d'utilisation d'un traitement de texte, d'un tableur, d'un logiciel intégré, doit être poursuivie et encouragée. Un des objectifs est d'enlever le caractère magique de l'outil. Chaque élève doit donc acquérir une culture minimale lui permettant de comprendre ce qui se passe. L'exemple de méconnaissance du fonctionnement d'un correcteur orthographique (les fautes qui restent sont une lubie du professeur...) ne doit plus pouvoir être cité. De même, un travail disciplinaire ou interdisciplinaire sur l'accès aux bases de données (par exemple dans les activités de recherche documentaire) ou sur l'utilisation de systèmes simples de DAO/CAO (par exemple en technologie) doit être favorisé. Des objectifs globaux, à atteindre indépendamment des disciplines (il ne faut surtout pas enfermer un progiciel dans une discipline, et inversement), devront être fixés. Ce noyau commun de connaissances pourrait être traité dans le cadre de l'enseignement technologique. La partie « informatique » de l'actuel programme de technologie au collège, pour l'essentiel, sous réserve de quelques aménagements et à condition qu'il soit réellement appliqué sur le terrain, doit contribuer largement à réaliser ces objectifs. 2.3. L'informatique au lycée L'enseignement et la pratique de l'informatique au lycée doivent conduire l'élève à approfondir et compléter les connaissances acquises au collège, pour qu'il prenne conscience des implications de l'informatique, comprenne et agisse sur l'environnement du monde d'aujourd'hui. Le travail disciplinaire et interdisciplinaire se poursuit, en utilisant des progiciels et des didacticiels, de niveau plus élevé, ou plus spécialisés pour chaque discipline. En outre, les contenus ou activités suivants seront abordés :
3. Les moyens de cette formation 3. 1. Qui peut enseigner l'informatique ? Deux types d'enseignement seront à assurer :
Il est clair que la généralisation de l'enseignement de l'informatique se heurte aujourd'hui au problème des connaissances de l'ensemble du corps enseignant. Cependant :
Pour les collègues qui n'utilisent pas l'informatique, ou qui n'ont jamais été formés à cette discipline, des actions vigoureuses de formation continue, sous la forme d'une première initiation suivie de rappels, pourraient permettre de les associer également à cette généralisation. 3.2. Le logiciel et le matériel Les logiciels doivent être choisis en fonction des services offerts aux utilisateurs : ils doivent être d'un emploi aisé, offrir une interface ergonomique, afficher des fonctionnalités clairement identifiées, et présenter un intérêt pédagogique reconnu. Tout logiciel ne répondant pas à ces critères doit être automatiquement rejeté. Le matériel joue évidemment un rôle important quant à l'acceptation de l'informatique par tous, maîtres et élèves. Il doit être moderne, performant, robuste, simple d'emploi. Si un pilotage national est nécessaire en matière de définition du contenu des enseignements et des objectifs pédagogiques à atteindre, le GTD préconise de laisser le libre choix du logiciel et du matériel, à partir du moment où ils sont adaptés aux besoins exprimés par l'équipe enseignante, et que le financement est assuré. Un rôle d'expertise et de conseil peut être assuré nationalement, en ménageant cependant une grande liberté au plan local. Le GTD préconise par ailleurs le développement d'une activité de conception de logiciels à l'usage des enseignants : il s'agit de produire des logiciels de qualité, spécifiques à la profession d'enseignant. Cette activité pourrait être le fait d'enseignants qui auraient pour mission de diagnostiquer des besoins pédagogiques, d'établir le cahier des charges de ces logiciels et d'en assurer le suivi de réalisation et la recette. La réalisation proprement dite serait confiée à des équipes de développeurs, non nécessairement des enseignants, dont ce n'est pas le métier en général. L'informatique doit faire partie intégrante de l'environnement éducatif des élèves. On encouragera l'utilisation de l'informatique (chaque fois que c'est utile)
Ceci implique la mise à disposition d'un grand nombre de postes de travail, d'accès aisé, disposés dans des lieux variés : salles de cours, salle des professeurs, centre de documentation et d'information, laboratoire de sciences, ainsi que la création d'un centre de ressources, caractérisé par la présence d'une équipe pédagogique (pour en assurer l'animation), d'un responsable (enseignant formé à l'informatique, cette fonction faisant partie de son service). On peut ainsi espérer que ce centre sera ouvert au maximum, de manière à en faciliter l'accès. Le concept de salle informatique, d'accès malaisé, fermée la plupart du temps, doit disparaître. CONCLUSION Le GTD Informatique espère que l'informatique sera rapidement prise en considération, et que de nouvelles instructions seront données afin de ménager à cette discipline et à son utilisation dans l'enseignement des autres disciplines la place normale qu'elles doivent trouver auprès des élèves et des enseignants. La situation est différente suivant le cycle scolaire.
Une partie de la réussite de ces propositions repose sur la formation des enseignants. Une note a été consacrée à ce point. Elle met en évidence la nécessité d'introduire une formation à l'informatique et ses applications pédagogiques dans les IUFM. Par ailleurs, l'intérêt de possibilités de formation continue pour les personnes soucieuses de commencer ou de parfaire leur formation à l'informatique est également mis en valeur. Le GTD Informatique se tient à la disposition de toutes les personnes désireuses de travailler sur ces propositions. Paru dans L'intégration de l'informatique dans l'enseignement et la formation des enseignants ; actes du colloque des 28-29-30 janvier 1992 au CREPS de Châtenay-Malabry, édités par Georges-Louis Baron et Jacques Baudé ; coédition INRP-EPI, 1992, ___________________ |
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