EDUCNUM
Pour une éducation populaire au numérique
Questions aux candidats à l'élection présidentielle de 2017
La France présente de nombreux atouts dans le domaine du numérique. Celui-ci apparaît comme un puissant levier d'innovation, dans tous les secteurs. Au plan économique, le dynamisme de nos startups est reconnu dans le monde entier, notre pays n'a jamais été aussi attractif qu'aujourd'hui en matière de recherche et d'innovation, ce qui se traduit d'ailleurs par une forte augmentation des projets d'investissements étrangers.
Nous sommes convaincus qu'il y a là une formidable opportunité pour la France de se placer à l'avant-garde de l'Europe du numérique.
Mais nous ne voulons pas seulement promouvoir un écosystème. Nous voulons bâtir une société, une société dynamique et inclusive, où chacun puisse trouver sa place, où chacun puisse bénéficier des potentialités du numérique.
Pour cela, il nous faut affirmer nos valeurs et traduire celles-ci dans un programme d'éducation offert à tous. Quel que soit son âge, sa situation géographique ou professionnelle, chacun doit bénéficier d'une culture citoyenne du numérique qui lui permette de mieux comprendre l'environnement dans lequel il évolue et de se former tout au long de sa vie.
Cette culture générale acquise dès l'âge scolaire doit permettre de former des citoyens responsables, conscients de leurs droits et devoirs dans cet univers nouveau d'interactions humaines mais également audacieux, prêts à s'emparer de tous les leviers du numérique.
Promouvoir une éducation numérique qui accompagne les populations les plus fragiles est aussi un moyen concret de lutter contre les inégalités entre les personnes et entre les territoires et de favoriser le sentiment d'appartenance collective qui nous fait tant défaut aujourd'hui.
Enfin, cette formation au numérique offerte tout au long de la vie est indispensable pour que chacun s'adapte aux mutations profondes du marché du travail et de l'emploi qui sont liées au déploiement du numérique dans tous les compartiments de la vie économique et sociale.
Un tel programme d'éducation populaire au numérique est donc une nécessité absolue pour notre pays qui souhaite se positionner comme leader en Europe.
Dès lors, le collectif souhaite appeler l'attention des candidats sur trois axes prioritaires d'actions à mener :
- Promouvoir une culture citoyenne du numérique à l'école ;
- Développer le droit à la formation au numérique tout au long de la vie ;
- Accompagner les populations les plus fragiles dans l'apprentissage du numérique.
I – Promouvoir une culture citoyenne du numérique à l'école
À l'ère du numérique, éduquer les jeunes à un usage citoyen, responsable et éthique des nouvelles technologies constitue un enjeu majeur. Pour devenir des citoyens éclairés de la société numérique, les jeunes doivent être formés à la culture scientifique, connaître et bien comprendre leurs droits mais aussi leurs responsabilités dans l'univers numérique. Ils peuvent trouver là un nouveau terrain d'engagement auprès d'autres jeunes, notamment dans le cadre du dispositif « service civique ».
L'éducation des jeunes aux médias et à l'information qui fait partie du socle commun de connaissances, de compétences et de culture, vient en complémentarité de ces enseignements et irrigue l'ensemble des disciplines.
Les parents comme les enseignants ont aussi un rôle clé à jouer en la matière.
Certes, le nouveau socle commun de connaissances, de compétences et de culture, que tout élève doit maîtriser à la fin de sa scolarité, intègre l'apprentissage du code informatique. A cet égard, l'enseignement de la spécialité Informatique et Sciences du Numérique en classe de terminale S reste insuffisant.
Mais, comme le rappelle le code de l'éducation (art. L 312-9), la formation à l'utilisation des outils et ressources numériques comporte nécessairement « une sensibilisation aux droits et aux devoirs liés à l'usage de l'Internet et des réseaux sociaux, dont la protection de la vie privée et le respect de la propriété intellectuelle ».
Or les enseignants ne sont pas aujourd'hui tous formés ni au droit, ni à une utilisation pratique de ces outils, qu'il s'agisse de la formation initiale ou de la formation continue. Il existe des solutions pour les accompagner. Ainsi, les ESPE (Écoles Supérieures du Professorat et de l'Éducation) pourraient proposer de développer encore davantage des formations à l'informatique, ainsi qu'aux principes du droit de la protection des données, de la propriété intellectuelle, du droit à l'image, du droit à exercer sa liberté d'expression...
En outre, les commissions pour le numérique, émanations du conseil pédagogique, qui ont notamment pour mission d'accompagner le changement de l'école avec le numérique, pourraient prévoir un accompagnement personnalisé des équipes pédagogiques impliquées dans cette sensibilisation des élèves.
Car l'éducation citoyenne au numérique ne peut relever uniquement du professeur d'informatique ou du professeur d'histoire géographie, elle doit irriguer l'ensemble des disciplines. Les professeurs documentalistes des centres de documentation et d'information jouent à cet égard un rôle essentiel qui devrait être davantage reconnu.
De plus, il est essentiel que le monde scolaire développe une collaboration active avec les parties prenantes : entreprises du numérique, professionnels du droit, associations de parents d'élèves, associations familiales...
Des initiatives intéressantes ont vu le jour sur le territoire, menées notamment par certains membres du collectif. Ainsi, des avocats bénévoles de l'association Initia Droit se déplacent régulièrement dans les collèges et les lycées pour sensibiliser les jeunes à leurs droits et devoirs à l'ère numérique, à partir de cas pratiques. L'association Génération Numérique propose des ateliers de sensibilisation aux enjeux et risques du numérique, dans l'école et pendant le temps périscolaire. L'Association e-Enfance, agréée par le ministère de l'éducation nationale, intervient auprès des élèves, de leurs parents et des professionnels et leur propose, avec le soutien de la Commission européenne, le service d'aide et assistance Net Ecoute 0800 200 000. La Ligue de l'enseignement coordonne le projet D-Clics numériques, qui vise à former les éducateurs pour accompagner les pratiques numériques des enfants et des jeunes. L'Union Nationale des Associations Familiales développe un programme d'actions de sensibilisation et d'information à destination des parents pour leur permettre d'accompagner leur enfant vers un Usage Responsable du Numérique. Les associations locales UFC-Que Choisir interviennent dans les écoles pour sensibiliser les élèves et les parents à une meilleure maîtrise des données personnelles.
Ces initiatives méritent d'être soutenues et multipliées sur l'ensemble du territoire.
Pour aider les enseignants, la CNIL a conçu un référentiel international de formation des élèves à la protection des données personnelles, adopté aujourd'hui par l'ensemble des autorités de protection des données. Ce référentiel constitue un socle commun de compétences concrètes et pratiques, qui a vocation à sensibiliser les jeunes à l'importance de préserver leur vie privée dans un monde numérique. Il devrait être inséré dans les programmes scolaires et donner lieu à évaluation.
À l'heure où les offres de services et de plates-formes numériques d'éducation en ligne se développent massivement et où les données personnelles des élèves sont de plus en plus convoitées et deviennent ainsi un enjeu de concurrence économique, il est plus que jamais essentiel de développer au sein du monde scolaire une culture citoyenne du numérique, permettant ainsi des pratiques numériques responsables et raisonnées.
Quelles actions comptez-vous engager pour développer une culture citoyenne du numérique à l'école ?
Les propositions du collectif :
Les Écoles Supérieures du Professorat et de l'Éducation devraient former les enseignants à l'informatique, ainsi qu'aux différents types de droit liés au déploiement d'une culture citoyenne à l'école : droit de la propriété intellectuelle, droit à l'image, droit à la protection des données, droit à exercer sa liberté d'expression...
Le référentiel international de formation des élèves à la protection des données devrait être mis à disposition des enseignants, comme un outil leur permettant de sensibiliser leur classe aux grands enjeux liés à la culture citoyenne du numérique. Il pourrait être intégré dans les programmes scolaires et soumis à évaluation.
Les commissions pour le numérique devraient être généralisées à tous les établissements scolaires.
Développer, dans le cadre des Espaces Numériques de Travail (Espaces Scolaires Numériques), une sensibilisation des parents à la protection des données de leurs enfants.
II – Développer le droit à la formation au numérique tout au long de la vie
Le numérique impacte fortement nos manières de travailler et d'agir. Chacun, quelle que soit sa situation, devrait se voir offrir la possibilité de se former au numérique dans toutes ses composantes, tout au long de sa vie, afin de pouvoir s'adapter à des univers professionnels de plus en plus évolutifs et se préparer aux métiers de demain.
Le compte personnel de formation (CPF), qui propose aux salariés chaque année 24h de formation, pourrait prévoir un nombre d'heures plus important consacré aux compétences numériques, de la maîtrise des usages – savoir paramétrer ses comptes, concevoir un mot de passe suffisamment robuste...– à l'acquisition d'une véritable culture citoyenne du numérique.
Car si les offres de formation au numérique fleurissent aujourd'hui, elles se limitent bien souvent à la pratique des outils et services numériques et à la programmation.
Cette formation devrait aller de pair avec une validation des acquis et des compétences. Dès lors chacun devrait pouvoir, à tout moment, évaluer son niveau de compétences via une plate-forme dédiée.
À cet égard, des initiatives intéressantes voient le jour, telles que le projet PIX. Cette plate-forme en ligne d'évaluation et de certification des compétences numériques, créée par le Ministère de l'Éducation nationale, a pour objectif d'accompagner l'élévation du niveau général de connaissances et de compétences numériques et de préparer ainsi la transformation numérique de la société. Ce service, en cours de développement, serait ouvert à tous : étudiants, professionnels ou simples particuliers.
Pour ce qui concerne la formation des petites et moyennes entreprises, la France accuse un retard manifeste quant à l'utilisation du numérique par les entreprises, notamment les petites et moyennes. Tous les chiffres d'accordent sur ce constat.
Un dispositif d'accompagnement à la transition numérique pourrait être mis en place, permettant aux TPE PME de réaliser un diagnostic puis d'être accompagnées dans leur transformation numérique. Ce dispositif pourrait prendre la forme de chéquier numérique ou de voucher pour accélérer la transformation numérique de nos entreprises dans les territoires. Il ne faut pas oublier que plus de 99 % des entreprises en France sont des TPE PME.
Quelles actions comptez-vous prendre pour développer une réelle formation au numérique tout au long de la vie ?
Les propositions du collectif :
Développer des offres de formation complètes au numérique permettant d'acquérir une culture citoyenne du numérique.
Dans le compte personnel de formation, proposer au moins 5h de formation par an à l'apprentissage des compétences numériques.
Développer et promouvoir les dispositifs d'évaluation et de certification des compétences numériques, comme le projet PIX.
Proposer aux patrons de TPE PME trop souvent éloignés du numérique des dispositifs équivalents aux CPF (qui ne concernent que les salariés).
III – Accompagner les populations les plus fragiles dans l'apprentissage du numérique
L'utilisation des services en ligne fait désormais partie des gestes courants de notre vie quotidienne, qu'il s'agisse de nos démarches administratives, de nos achats, de nos loisirs... Mais pour les personnes les plus fragiles et notamment les personnes en situation d'exclusion sociale, le fait de ne pas maîtriser les outils numériques peut générer de nouvelles formes d'exclusion ou d'inégalités.
Ce sont précisément ces publics qui en ont le plus besoin qu'il est parfois difficile de toucher. Or si l'on veut que le numérique contribue à réduire les risques de fracture sociale – au lieu d'être un facteur aggravant des inégalités existantes – il faut développer une démarche d'accompagnement personnalisé à l'égard de ces personnes et mobiliser l'ensemble des acteurs publics et privés sur le territoire. Non seulement le numérique ne doit pas faire oublier l'humain, mais il doit mettre cette dimension au premier plan.
De nombreuses initiatives d'accompagnement au numérique existent déjà, portées notamment par l'ANLCI (Agence Nationale de Lutte contre l'Illettrisme) et ses partenaires. Les parcours d'accompagnement numérique mis en place par Emmaüs Connect proposent par exemple aux publics en situation de précarité des équipements et des outils pédagogiques pour pouvoir utiliser les services numériques essentiels à leur insertion sociale et professionnelle. L'Agence du numérique, à travers son programme Société Numérique, souhaite donner à tous les citoyens la capacité de saisir les opportunités qu'offre le développement du numérique. Chaque année, la Ligue de l'enseignement mobilise 500 volontaires en service civique pour accompagner les populations les plus fragiles avec son programme « Les D-Codeurs ».
Ces actions doivent être multipliées et soutenues, en lien avec l'ensemble des structures travaillant dans le domaine de l'inclusion sociale : associations, fondations, organismes publics, mouvements d'éducation populaire...
Les médiateurs numériques pourraient fédérer et structurer l'ensemble de ces actions au sein d'un réseau national. Et comme le prévoit la loi sur la République numérique, il conviendrait d'encourager la mise en place de ressources mutualisées, publiques et privées, par exemple par la mise en place d'une plateforme nationale de partage et d'échange de ces ressources.
Que proposez-vous pour mieux faire travailler ensemble tous les acteurs impliqués dans le numérique inclusif ?
Les propositions du collectif :
Confier aux acteurs de la médiation numérique l'animation et la coordination des actions menées par les l'ensemble des acteurs impliqués dans le numérique inclusif. Mettre en place une plateforme nationale de partage de ressources.
Renforcer les moyens budgétaires pour former au numérique tous les publics en situation de fragilité.
Renforcer le rôle des PAP (points d'accès publics) pour mieux accompagner les publics en difficulté dans l'utilisation des services en ligne.
Organisations membres du collectif EDUCNUM : Les Associations Familiales Catholiques – Association de la Fondation Etudiante pour la Ville – Association Française des Prestataires de l'Internet – Association Francophone des Utilisateurs du Logiciel Libre – Animafac – Agence Nationale de Lutte Contre l'Illettrisme – Association e-Enfance – Association AXA Prévention – Caisse des Dépôts et Consignations – Canopé – Cap digital – CCI France – Centre d'Études sur la Citoyenneté, l'Information et les Libertés – Conservatoire National des Arts et Métiers – Confédération des Petites et Moyennes Entreprises – Cinov IT – Consommation Logement Cadre de Vie – Centre de Liaison Et des Médias d'Information – Centre National d'Enseignement à Distance – Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés – Conférence des Grandes Écoles – Conférence des Présidents d'Universités – Conseil Économique, Social et Environnemental – Educavox – École Européenne des Métiers de l'Internet – Emmaüs Connect – Enjeux et Médias – Exploradôme – Fédération des Conseils de Parents d'Élèves – Fédération des Industries Électriques, Électroniques et de Communication – Force Ouvrière – Fondation La Poste – Fondation Pour l'enfance – Fondation Simplon – Fondation SNCF – Fondation FREE – France Télévisions – Génération Numérique – Les éditeurs de Services et de contenus en Ligne – Initia Droit – Institut National de Recherche en Informatique et en Automatique – Institut Mines Telecom-Internet Society France – Institut Supérieur d'Électronique de Paris – Organisation Internationale de la Francophonie – Défense des consommateurs Léo Lagrange – MEDEF – Mutuelle Générale de l'Éducation Nationale – Pascaline – Fédération des Parents d'Elèves de l'Enseignement Public – Renaissance Numérique – Société des Auteurs, Compositeurs et Éditeurs de Musique – Syndicat de l'Industrie des Technologies de l'Information – Société Informatique de France – Tech in France – UFC que choisir – Union Nationale des Associations Familiales – Université Numérique Juridique Francophone.
Le collectif pour l'éducation au numérique a été initié par la CNIL en mai 2013 pour porter et soutenir des actions visant à promouvoir une «culture citoyenne du numérique » auprès de tous. Ce collectif compte aujourd'hui près de 60 organisations issues du monde de l'éducation, de la recherche, de la société civile et de l'économie numérique : associations agissant dans le domaine de l'éducation, fédérations de parents d'élèves, fédérations professionnelles, fondations d'entreprises...
Le collectif Edunum de la CNIL s'adresse aux candidats à l'élection présidentielle « Pour une éducation populaire au numérique » :
https://www.educnum.fr/le-collectif-educnum-interpelle-les-candidats-lelection-presidentielle
Ce texte est sous licence Creative Commons (selon la juridiction française = Paternité - Pas de Modification).
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