InterTice 2010

Table ronde « Culture scientifique et culture informatique »
 

Animateur : Jean-Pierre Archambault, chargé de mission CNDP-CRDP de Paris.

Intervenants :
Jean-Pierre Demailly, membre de l'Académie des Sciences, professeur de mathématiques à l'Université Joseph Fourier de Grenoble,
Roberto Di Cosmo, professeur d'informatique à l'Université Paris Diderot, en délégation à l'INRIA,
Gilles Dowek, professeur d'informatique à l'École Polytechnique,
Hervé Le Crosnier, maître de conférences en informatique à l'Université de Caen.


G. Dowek, J-P. Archambault, J-P. Demailly, R. Di Cosmo, H. Le Crosnier
D'après les photos aimablement communiquées par J.-T. Maillioux.

   L'on sait le déficit de vocations scientifiques en France, et plus généralement dans les pays développés. L'on sait aussi que le niveau en informatique des ingénieurs généralistes n'est pas optimal [1]. L'informatique représente 30 % de la R&D au plan mondial mais seulement 18 % en Europe. Ces problèmes posent la question de la culture générale scientifique scolaire et de sa composante informatique.

   De ce dernier point de vue, la création d'un enseignement de spécialité optionnel « Informatique et sciences du numérique » en Terminale S à la rentrée 2012 est une première mesure bienvenue qui contribue à la culture scientifique des futurs scientifiques et peut être considérée comme le début du déploiement de l'enseignement de l'informatique dans le Secondaire.

   En effet, l'informatique est partout, dans la vie de tous les jours, au domicile de chacun, avec l'ordinateur personnel et l'accès à Internet, dans l'entreprise. Tous les métiers sont peu ou prou concernés. L'informatique modifie progressivement, et de manière irréversible, notre manière de poser et de résoudre les questions dans quasiment toutes les sciences expérimentales ou théoriques qui ne peuvent se concevoir aujourd'hui sans ordinateurs et réseaux. L'informatique ne fournit pas seulement un moyen de calcul puissant, en conjonction avec les mathématiques appliquées et l'automatique, elle fournit aussi un nouveau point de vue sur la modélisation, la compréhension et le contrôle des phénomènes physiques et biologiques. Comme l'ont montré les débats qui ont accompagné la transposition de la directive européenne DADVSI ou la loi Hadopi, ou ceux sur l'utilisation de machines à voter électroniques, la question se pose de savoir quelles sont les représentations mentales opérationnelles, les connaissances scientifiques et techniques qui permettent à tout un chacun d'exercer pleinement sa citoyenneté, qui rime avec culture générale informatique.

   Tous, citoyens, professionnels et utilisateurs d'aujourd'hui ou de demain, doivent avoir une bonne compréhension de des outils et de leur environnement numériques. Dans cette perspective, les logiciels libres, qui permettent l'accès, l'examen et l'amélioration du code source par tous, sont irremplaçables, étant à la fois réponse et outil de réflexion pour penser et résoudre les questions de l'immatériel.

   L'informatique est une discipline en tant que telle avec quatre grands domaines : algorithmique, langage, information et machine (incluant les réseaux), et en particulier elle ne saurait se réduire à une excroissance de l'enseignement des mathématiques ou de parties de la physique. Pour assurer son enseignement, des formations vont être organisées, validées dans des certifications complémentaires. Une proposition de programme qui correspond aux connaissances informatiques qui doivent être maîtrisées par un enseignant de la discipline informatique au lycée vient d'être élaborée [2].

   Il n'en reste pas moins que l'informatique entretient avec les mathématiques des liens très privilégiés ; les deux disciplines s'occupent en effet toutes deux de traiter l'information par des procédés formalisables, et elles s'enrichissent mutuellement. De ce point de vue, le niveau général de la formation aux sciences dans l'enseignement primaire et secondaire en France, et plus généralement en Europe, paraît être devenu trop faible, en particulier en comparaison avec les pays asiatiques émergents. Le système éducatif doit se fixer des objectifs plus ambitieux dès l'école primaire, en phase avec les réelles potentialités des enfants ; certaines expériences passées avaient montré que l'introduction de la programmation était possible dès la fin du primaire (langage Logo...). Les algorithmes des opérations arithmétiques sont les premiers exemples fondamentaux d'algorithmes ; la logique et le raisonnement, qui sont indispensables pour enseigner les bases de l'informatique, doivent être ré-enseignés en profondeur. Dans cette perspective, les horaires de sciences assignés à la voie scientifique du lycée sont aujourd'hui nettement insuffisants.

   Intéressant, le débat sur l'évolution des métiers scientifiques et l'organisation de la science, sur ce qui serait/est une taylorisation de l'activité scientifique, avec pour conséquence de moindres exigences en matière de culture scientifique pour les chercheurs et les ingénieurs, n'a pas débouché sur un consensus. À l'origine du débat, la collecte d'informations à grande échelle, le travail de traitement des données scientifiques, les calculs avec l'ordinateur sans toujours la possibilité d'examiner et de maîtriser les programmes informatiques utilisés (simulation, analyse) et les modèles sous-jacents dont la question de leur pertinence doit toujours être posée.

Voir par ailleurs le compte-rendu de Jacques Souillot sur le site du CRDP de Paris : http://crdp.ac-paris.fr/spip.php?article26300
et celui de Jean-Thomas Maillioux à : http://www.cdimagination.net/?p=247.

NOTES

[1] Rapport du groupe « Numérique, calcul intensif et mathématiques » du SNRI « Stratégie nationale de recherche et d'innovation »
http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid28982/snri-les-rapports-des-groupes-de-travail.html.

[2] http://www.epi.asso.fr/revue/editic/asti-itic-prog-prof_1004.pdf ;
http://www.epi.asso.fr/revue/articles/a1005a.htm.

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Association EPI
Juin 2010

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