Salon Educatice 2008
Conférence organisée par l'association Enseignement Public et Informatique (EPI)

Comment donner une culture générale informatique à tous les élèves ?
 

L'informatique a pris une telle place dans la société qu'elle est devenue une composante de la culture générale de l'« honnête homme » du 21e siècle. Si un consensus s'est dégagé sur la question, en revanche les avis divergent quant aux modalités éducatives à même de la donner véritablement à tous les élèves : enseignement sous la forme d'une discipline scolaire en tant que telle au lycée, ou non ?

Animateur :
Jean-Pierre Archambault, Président de l'association Enseignement Public et Informatique (EPI)

Intervenants :
Gérard Berry, Professeur au Collège de France.
Bruno Devauchelle, Docteur en sciences de l'éducation, formateur-chercheur au CEPEC de Lyon, membre du Café Pédagogique.
Gilles Dowek, Professeur d'informatique à l'École Polytechnique.
Marie-Christine Milot, Sous-Direction des Technologies de l'Information et de la Communication pour l'Éducation.

 

   La conférence rassemble une cinquantaine de participants. Jean-Pierre Archambault demande d'excuser l'absence de Thomas Rohmer, président-fondateur de l'agence Calysto, pour des raisons personnelles de dernière minute.

Introduction de la table ronde (Jean-Pierre Archambault)

   Notre table ronde s'inscrit dans le contexte institutionnel qui a vu l'annonce par le ministre de l'Éducation nationale, Xavier Darcos, de la création d'un module « Informatique et société numérique » en classe de seconde pour la rentrée 2009. L'EPI, pour sa part, se réjouit de cette décision. Nous avons toujours pensé qu'informatique objet et informatique outil étaient complémentaires et se renforçaient mutuellement. Et nous avons agi en ce sens. Mais sur cette question de « comment donner une culture informatique ? » il existe des sensibilités diverses. Nous sommes réunis pour en débattre. Pour l'essentiel, il y a deux approches :

  • pour les uns, on donne une culture à travers l'utilisation des outils,

  • pour les autres, cela ne suffit pas, il faut un enseignement en tant que tel (comme il y a un cours de français ou de mathématiques).

Gérard Berry

Dans un article récent, tu évoquais la dualité consommateur/créateur d'informatique, à partir notamment des constats que beaucoup d'objets de la vie quotidienne intègrent de l'information numérique et que l'informatique avait révolutionné les autres sciences. Je te pose donc la question : Selon toi, quel schéma mental devrait laisser un enseignement de l'informatique à ceux qui l'ont reçu ? Pour qu'ils soient utilisateurs « intelligents » et créateurs.

   Gérard Berry rappelle d'entrée de jeu l'importance de l'industrie informatique dans l'économie mondiale (R&D : 492 milliards de dollars ; R&D informatique : 135 milliards de dollars soit 28 % de la recherche industrielle mondiale, sans compter ce qui se fait dans des domaines voisins mais non directement informatiques : il s'agit donc d'un des premiers gisements mondiaux). Il rappelle aussi l'invasion massive des différentes sciences et activités par le numérique. Il y a là, pour la France et pour l'Europe, un gisement d'emplois considérable. En Inde, Tata Consultant Services compte 135 000 personnes, plus que le nombre d'ingénieurs formés en France chaque année et ce dans tous les métiers. Aux USA, la science de l'informatique est profonde et riche. Elle concerne les plus gros départements dans les universités américaines (Berkeley, MIT). Il faut donc prendre garde que les emplois à forte valeur ajoutée ne nous échappent.

   Car, pour la majorité de nos contemporains, le domaine reste mystérieux voire effrayant. La connaissance sociale du domaine reste peu répandue. De nombreux livres paraissent chaque mois sur les impacts du numérique, aucun sur ce qu'est le numérique. D'où l'idée de son cours au Collège de France sur « le monde numérique ».

   L'enseignement en collège, lycée, classes préparatoires, grandes écoles (pas en faculté) est très en retard à la fois par rapport à la réalité informatique mais aussi par rapport à la pratique des jeunes. On est toujours dans la confusion entre apprendre à utiliser l'ordinateur et comprendre les notions et concepts de l'informatique.

   Gérard Berry regrette la politique de l'autruche pratiquée en France avec l'arrêt de l'enseignement des fondamentaux. Mais une prise de conscience se fait jour. L'enseignement de l'informatique arrive en seconde sous la forme d'un module optionnel. Gérard Berry s'en dit ravi. Reste encore à répondre aux questions : Quoi enseigner ? Par qui ? Comment former les enseignants ?

   Le but de cet enseignement structuré est de donner aux élèves les capacités techniques et la connaissance des notions clefs de la science informatique leur permettant de construire leurs propres schémas mentaux efficaces.

  • Pourquoi numérise-t-on le monde ? Quels sont les avantages ? Unification de tous les types d'information, stockage, transport, etc.
  • Qu'est-ce qu'un algorithme ? Quel est son coût ? Que sont les domaines des méthodes algorithmiques ? Comment raisonne-t-on sur un algorithme ?
  • Que veut dire programmer un algorithme ? Pourquoi utilise-t-on un langage formel ?
  • Pourquoi fait-on des bugs ? Comment met-on au point un programme ?
  • Qu'est ce qu'un ordinateur et un réseau ?
  • Pourquoi l'informatique bouleverse-t-elle autant le monde ? D'où vient sa puissance formidable ? Exemple : Pourquoi le téléphone portable est-il fondamentalement différent du téléphone fixe ? Pourquoi la simulation numérique révolutionne-t-elle les sciences et toute la conception des objets ? Etc. Mais VRAIMENT POURQUOI, pas de simples explications superficielles.
  • Quelles sont les limitations de l'informatique ? Le rapport entre l'homme et la machine, etc.

   Autant de questions, et d'autres encore, auxquelles un tel enseignement devra répondre.

Bruno Devauchelle

Tu t'intéresses aux logiques de développement des TIC dans la société, en particulier auprès des jeunes. Tu poses la question de savoir comment l'école peut prendre en compte ces logiques pour que les élèves s'approprient savoirs et savoir-faire.

Une culture numérique avant une culture informatique.

   Avec le développement et la diffusion des TIC dans toutes les sphères de la société, on ne peut que déplorer la grande faiblesse actuelle de l'accompagnement familial et scolaire des jeunes. Il est aisé d'observer que les « savoir faire avec » ont pris les devants des « savoirs », et des « savoir comment faire » dans ce domaine. Ceci rend a priori exotique toute tentative d'imposer un unique enseignement des fondamentaux de ces techniques. Les enseignants sont en plus déstabilisés par l'impression d'instabilité de ces outils (renouvellement, pannes, etc.), et en rejettent même les invariants. L'image des TIC est associée à celle des jeunes, tant le pragmatisme des unes dans leur mode de dissémination et des autres dans leur mode d'appropriation semble proche.

   La culture numérique est d'abord une numérisation de la culture et des usages qui la fondent. Tenter de scolariser des usages serait probablement plus dangereux que de scolariser les savoirs informatiques, mais aucun des deux ne peut prendre la place de ce qui est essentiel aujourd'hui pour l'école : accompagner les jeunes dans leur construction du monde en les aidant à donner sens et structure à ce qui les environne.

   L'évolution des systèmes éducatifs vers l'approche par compétence (cf. le B2i) est significative de cette prise en compte progressive des contextes. L'importance de la culture numérique dépasse et englobe désormais celle de la connaissance informatique. Elle est première dans les urgences de scolarisation et de socialisation.

   L'école se doit donc d'engager des actions pour permettre aux jeunes d'être en mesure d'instrumentaliser les TIC, de construire des scénarios pour permettre une réelle prise en compte tout au long de la vie. Elle ne peut se suffire de l'esprit critique (rarement défini) ou de la connaissance des fondamentaux, mais doit les intégrer dans une perspective éducative centrée sur « l'apprendre à apprendre » aussi avec les TIC.

Marie-Christine Milot

Tu vas nous parler de la problématique des B2i actuels. Je rappelle qu'ils ont été créés en 2001. Où en est-on d'un point de vue quantitatif ? Quels enseignements en sont-ils tirés dans le cadre de leur généralisation ?

   Marie-Christine Milot après avoir enseigné l'option informatique des années 80 puis les différentes formes d'enseignement de l'informatique au lycée, s'est impliquée dans la rénovation des B2i et leur déploiement.

   En juillet 2000, le Comité interministériel pour la société de l'information a demandé aux différents ministères de mettre en place des attestations de compétences à la fois pour les salariés et les élèves. Les B2i école et collège ont été mis en place à partir de l'année 2001. L'objectif poursuivi était de faire acquérir une culture numérique à tous les élèves au travers d'usages dans toutes les disciplines et de faire en sorte qu'ils s'approprient les outils informatiques de façon raisonnée.

   L'année 2001-2002 a vu la mise en place d'une expérimentation du B2i au lycée pilotée avec la DGESCO. À partir de cette date et avec une continuité remarquable, tous les ministres de l'éducation ont appuyé ce dispositif.

   En, 2004 un groupe de travail piloté par la SDTICE et la DGESCO et réunissant les différents corps de métiers de la maternelle à la terminale, tous les domaines d'enseignement étant représentés, a entrepris une rénovation des référentiels avec une continuité entre l'école, le collège et le lycée.

   En 2005, la loi d'orientation pour l'école a défini le B2i collège comme objectif du pilier 4 (maîtrise des techniques usuelles de l'information et de la communication) dans le socle commun des connaissances et compétences. Le brevet des collèges n'est attribué que si l'élève a obtenu le B2i depuis juin 2008.

   Un séminaire, en octobre 2007, regroupant les responsables de toutes les académies a appuyé cette évolution. Des formations ont été organisées (stages dans les académies, sur site en établissement).

   Le mode d'évaluation introduit demande à l'élève un suivi de l'acquisition de ses compétences et aux enseignants, un travail d'équipe et une répartition des domaines de travail de la feuille de position ; introduire cette évolution a nécessité un accompagnement fort qui est en cours de produire son effet à l'école et au collège. Le B2i est en cours de déploiement au lycée.

   Des mesures incitatives ont été prises comme la mise en place d'outils de mutualisation des ressources (banques des usages par disciplines ; travaux de l'agence des usages du CNDP). Une plate-forme de gestion du B2i (GiBii développé par l'académie de Bordeaux initialement) permet un accompagnement et un pilotage aussi bien au niveau académique qu'au niveau des établissements.

   Les jeunes vivent dans un environnement numérique : la fracture n'est plus entre ceux qui ont accès aux outils numériques mais entre ceux qui en font bon usage et les autres. Il est de la responsabilité de l'École de donner une telle culture numérique à tous les élèves.

Gilles Dowek

Jean-Pierre Archambault rappelle que Gilles Dowek a obtenu le Grand Prix de philosophie 2007 de l'Académie Française pour son ouvrage « Les métamorphoses du calcul ».

Il y a un foisonnement d'outils informatiques. Gilles, selon toi, quel est le noyau de connaissances stables et transmissibles qui les sous-tendent ? Quelles sont les notions fondamentales autour des desquelles la science informatique se structure ?

   Gilles Dowek précise d'emblée qu'il faut sortir du débat « informatique en tant qu'objet ou en tant qu'outil ». En 1879, Edison découvre l'ampoule électrique : quid de l'électricité à l'École. Pour l'éclairage des salles de cours ou pour être étudiée en tant que domaine de la physique ? Les deux mais le permis de conduire ne signifie pas connaître la mécanique automobile. Gilles Dowek exprime son accord avec Bruno Devauchelle sur le fait qu'il faut partir des usages des adolescents et les utiliser comme source de motivation, mais il ajoute que c'est pour les dépasser. Et il mentionne, quand on part des usages en informatique, un risque de redondance avec ce que savent les jeunes. Et apprendre à envoyer un mail n'est pas suffisant.

   Il fait part de son désaccord avec Bruno Devauchelle sur la « volatilité des savoirs ». Les concepts existent depuis très longtemps déjà, ce sont les mêmes depuis les années trente : algorithme, machine et réseau, langage, information. Il s'agit donc des connaissances stables. Le sentiment de volatilité existe lorsque l'on on reste à la surface des contenus. Si l'enseignement est centré sur le concept de boucle, on en voit la permanence, du Basic à Java : exit la volatilité !

   Autour de quelles notions l'Informatique est-elle structurée ?

1re notion : le concept d'algorithme (naissance 3500 avant JC) qui a amené les mathématiques et peut s'appliquer à tous les métiers ;

2e notion : le langage (lien avec de nombreuses disciplines : langues, français, philosophie...) ; variété des langages de programmation qui ont en commun une exigence de rigueur (si un « point-virgule » manque, l'ensemble du message est « cassé ») ;

3e notion : la machine, les ordinateurs, les réseaux ; une machine est incarnée dans des objets physiques et il faut l'« ouvrir » pour connaître ses caractéristiques ;

4e notion : l'information ; la notion est centrale.

   À la question de savoir quoi et quand enseigner en terme de connaissances numériques, Gilles Dowek propose un schéma en trois temps :

1er temps : à l'école élémentaire et au collège, familiarisation avec les outils, pas simplement vivre avec, mais savoir se servir d'un logiciel de traitement de texte, d'une messagerie, de l'Internet ;

2e étape : le lycée doit aller plus loin, donner les explications que l'on cherche, structurer les savoirs, apprendre à écrire soi-même un programme ;

3e étape : l'université. L'informatique est une science avec des choses vraies et des choses fausses, très vaste, avec de très nombreuses spécialités (théorie des réseaux, des bases de données...).

   Il s'agit d'une formation scientifique de connaissances et d'un cursus qui s'intéresse à tous car tous vivent dans « la société numérique ».

Débat avec la salle

Question : les notions de lisibilité et de pérennité de l'information produite.

Gérard Berry : le problème est sérieux mais pas nouveau, beaucoup de livres et d'écrits ayant disparu et le support photographique argentique décline.

Gilles Dowek : l'absence de pérennité est un problème important. Mais le droit à l'oubli pour certaines informations l'est tout autant (traces laissées sur les réseaux, dossiers médicaux confidentiels...) ; la maintenance, la lisibilité d'autres informations font référence aux notions de chiffrement et de déchiffrement.

Question : il y a d'autres champs du savoir très importants, ainsi l'Éducation civique et le droit ; attention à ne pas tout concentrer sur l'informatique et pour cela voir le champ du numérique plus largement.

Gérard Berry : l'électricité a donné la physique et les changements du XXe siècle. L'informatique va causer les changements des temps à venir, du monde de demain. Attention à ne pas tomber dans la consommation. En France on parle beaucoup d'attitude consommatrice, mais ceux qui vont s'en sortir sont ceux qui créent les outils... Il est aussi (ou plus) important aujourd'hui de parler de l'histoire de l'évolution des machines et des impacts sociaux que de l'histoire des rois. Le monde du XXIe siècle est en train d'être créé : être du côté de ceux qui façonnent ou de ceux qui subissent ?

Question : il est important d'enseigner les fondamentaux pour éviter l'obscurantisme pour les enfants (par exemple les logiciels libres face à une informatique consumériste). Malheureusement tous les items du B2i qui le permettaient ont été enlevés il y a deux ans. Cette culture informatique est interdite aujourd'hui à l'école...

Bruno Devauchelle : il ne faut pas opposer les choses ; des chemins différents peuvent être empruntés ; il faut trouver le lien entre une culture fondamentale et une culture d'usage (intégration pour toutes les disciplines).

Marie-Christine Milot : jusqu'où va-t-on dans le libellé des items ? Il faut veiller à avoir une rédaction qui ne vieillisse pas trop vite et tenir compte des différentes compétences locales. L'objectif est que tous les enseignants soient capables d'intervenir avec du recul, d'où la création du C2i. Le B2i n'est peut-être pas suffisant, mais il est important pour tous les élèves et pris en charge par tous les enseignants

Question (d'un élève de CM2) : pourquoi ne fait-on pas plus d'informatique au CM2 ? Pourquoi n'utilise-t-on pas davantage les ordinateurs ?

Gérard Berry : j'ai travaillé, selon une approche scientifique, sur l'image et sur le son dans une école Montessori. On peut parfaitement utiliser une démarche scientifique pour faire acquérir des notions de base aux enfants. Ils peuvent ainsi relier plus vite abstrait et concret. Citation d'un élève du primaire qui dit, après mûre réflexion : « Une onde sonore, c'est comme un rayon de lumière, mais, au lieu d'aller tout droit, elle danse dans tous les sens et va dans tous les coins ». Il ne s'agit pas qu'un enseignement de physique ou d'informatique mais d'une compréhension du monde.

Le problème majeur est la formation des enseignants. Beaucoup de chercheurs en informatique s'engagent aujourd'hui dans cette voie, il semble que ce soit encore trop récent pour le système éducatif.

Question : l'informatique doit être au service de l'éducation et de toutes les disciplines et non l'inverse ; l'ensemble des enseignants l'utilise déjà. N'est-elle pas une science du XXe siècle ?

Gilles Dowek : l'expression « au service de » me dérange car chacune des disciplines a ses propres objectifs et contribue à construire les lycéens (cercles vertueux, interactions), mais s'exprimer en terme de matière servante d'une autre est une manière dangereuse d'aborder les questions de l'enseignement.

Par ailleurs, notre discussion aurait dû avoir lieu il y a 50 ans !

Gérard Berry : les matériaux modernes sont tous composites aujourd'hui. Tous les moteurs ont un pilotage numérique. Les mathématiques permettent à tous de mettre les choses en calcul humain et il en va de même pour l'informatique à un autre niveau. L'enseignement de l'informatique est aussi fondamental que l'enseignement des mathématiques. Le chiffrement-déchiffrement permet de rendre lisible ou non des informations (remplacement des 1 par des 0 pour effacer une information à un moment prévu). Cette problématique peut entrer en résonance avec le déchiffrement d'autres textes (nouvelles compréhensions des textes théologiques à déchiffrer aussi). Une information polymorphe demande des plans d'interprétation.

Il est donc essentiel que les jeunes sachent ce qu'est l'algorithmique, connaissent les concepts élémentaires aujourd'hui et qui pourraient être repris par d'autres disciplines.

Bruno Devauchelle : on ne doit pas abandonner cela à une seule discipline. S'il n'existe qu'un enseignement spécifique, beaucoup d'élèves risquent de s'en désintéresser.

Gilles Dowek : il existe beaucoup de contre-exemples : on continue d'utiliser l'électricité même si on l'enseigne ; l'enseignement du français ne dissuade pas les élèves de parler leur langue maternelle dans les cours des autres disciplines.

Question : on constate un mouvement de balancier selon les époques (discipline en tant que telle ou affaire de tous) ; il faut veiller à avoir une position équilibrée ; s'il existe un déficit en algorithmique dans les cinq piliers du B2i, dans le même temps, la culture numérique dans une société numérique, ce n'est pas 90 % d'algorithmes...

Gérard Berry : oui l'Informatique n'est pas la propriété des seuls informaticiens. La société a beaucoup changé avec des changements susceptibles de faire intervenir toutes les disciplines mais dans le même temps, naissance de quelque chose. La physique a été enseignée parce qu'elle a remodelé le monde (du cheval au TGV).

Gilles Dowek : Informatique pour tous ? Oui, comme pour l'enseignement de la biologie, qui permet de comprendre le vivant sans être biologiste, même si de façon secondaire cela permet aussi de former des biologistes. L'objectif est de fournir les clefs pour comprendre le monde, c'est-à-dire donner la liberté d'agir, d'être sujet plutôt qu'objet.

Question : pourquoi sommes-nous devenus consommateurs plutôt que créateurs ? On a l'impression que la Chine et l'Inde ont toujours été là (papier, encre, poudre...). La France aussi était là mais aujourd'hui que s'est-il passé ? Peur du futur, d'être dépassé ?

Gilles Dowek : en Chine la technologie est valorisée ; par exemple, à la fin d'un repas au restaurant, on se voit offrir en guise de cadeau un cédérom avec antivirus !

Gérard Berry : oui, il y a une résistance intellectuelle très forte en France. On pense que « c'est une mode qui va passer »... On continue à penser que nous sommes les rois du monde... c'est juste faux.

Bruno Devauchelle : il n'existe que peu d'adultes formés en France. La culture numérique doit être inscrite à tous les niveaux sans jouer les oppositions entre deux mondes. Il est important d'avoir des points de repères sans exclusion d'une discipline par rapport à une autre, de trouver la bonne alchimie.

Gilles Dowek : par le passé, jusqu'à la Renaissance, les chercheurs savaient tout, puis une nécessaire hyperspécialisation s'est installée ; et aujourd'hui le balancier remonte dans l'autre sens. Le rôle clef de l'informatique est de constamment faire référence à des concepts de physique, aux langues (français, langues étrangères), à la biologie (idée de processus, objet qui évolue grâce aux interactions), aux mathématiques, à la philosophie, au droit... L'informatique recèle un potentiel d'ouverture vers une compréhension globale du monde. Il faut être au courant des évolutions de toutes les disciplines qui nous concernent, mais avec la nécessité d'enseignements spécialisés en plus de cette culture générale, pour donner une certaine forme de cohérence.

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Association EPI
Janvier 2009

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