L'excès d'écrans
L'informatique et le numérique, sous-tendu par la science et technique informatique, sont omniprésents dans la société d'aujourd'hui. À ce titre, l'informatique doit être une composante de la culture générale de tous les élèves et exister dans l'enseignement scolaire sous la forme d'une discipline spécifique. Et elle est un instrument pédagogique qui a fait ses preuves.
Pour autant cela signifie-t-il que les enfants, les élèves doivent passer chaque jour des heures à n'en plus finir devant des écrans ? Non bien sûr. On peut faire de l'algorithmique sans écran. On peut s'initier à la programmation et mettre un programme en machine une fois seulement que l'on a fini de l'écrire. C'est de l'informatique (rappelons que l'informatique est structurée par quatre concepts : algorithme, machine, langage et information).
L'overdose d'écrans
On connaît les conséquences pour les enfants de l'overdose d'écrans : retard de langage, baisse de la concentration et de la mémoire, manque de sommeil, hausse de l'obésité et de l'agressivité. On connaît les conséquences mais on en mesure encore mal leurs effets sur le long terme. On sait que les effets de cette surexposition sont d'autant plus redoutables qu'elle est précoce (par ailleurs, nous en sommes tous victimes). Quid de ces effets sur les éléments fondamentaux de notre humanité que sont le langage, la capacité à se concentrer et à dialoguer, à exercer une pensée critique, à lire, etc.
Le combat contre cette overdose
Dans tous les cas, cet excès d'écrans se fait au détriment d'autres activités et le temps passé (perdu) ne sera jamais rattrapé. En protéger les jeunes est une lourde tâche. Les parents ne doivent pas être seuls dans ce combat. Il est utopique d'imaginer que des enfants et des adolescents vont spontanément « bien utiliser » Internet et les réseaux sociaux. Isolés, ils accéderont à des contenus inappropriés, subiront des moqueries, seront désinformés, poussés au narcissisme, à la consommation, à l'addiction, aux nuits courtes. Beaucoup d'enfants de moins de 10 ans passent 15 heures certains jours devant un écran, à regarder des vidéos de quelques secondes, à « assassiner » un maximum de gens.... Leur intelligence et leur imagination sont directement conditionnées par des entreprises du numérique passées maîtres dans l'art de capter leur attention pour amasser des profits faramineux. Ce qui n'empêche pas des responsables et des cadres de la Silicon Valley d'interdire à leurs enfants les écrans avant 15 ans et/ou d'en limiter drastiquement leur consommation quotidienne. Et de les mettre dans des écoles qui fonctionnent selon ces principes [1] : « Fais ce que je te dis mais pas ce que je fais ».
L'excès d'écrans, la perte de l'attention qui en résulte sont des questions vitales. Il faudrait lancer des campagnes politiques de type « Pas de smartphones avant 15 ans ». Des humains, et non des écrans, pour apprendre, l'École en faisant un usage raisonné.
Mais si les dégâts les plus visibles touchent les enfants, ils ne sont pas les seuls à être concernés. À l'École, comme à la maison et ailleurs, métro, transports en commun par exemple, il faut limiter fortement les temps de connexion et promouvoir la déconnexion. Il faut reconquérir l'attention dont se sont emparées les grandes entreprises du numérique (GAFAM, multinationales...), l'attention de tous, petits et grands : il s'agit d'un enjeu majeur de société.
Jean-Pierre Archambault
Président de l'EPI
On pourra se référer à :
La Guerre de l'attention, comment ne pas la perdre, de Florent Souillot et Yves Marry, éditions l'Échappée, collection « Pour en finir avec ».
« La civilisation du poisson rouge. Petit traité sur le marché de l'attention » de Bruno Patino :
https://www.epi.asso.fr/revue/lu/l1910c.htm
« Les ravages des écrans Les pathologies à l'ère numérique » de Manfred Spitzer :
https://www.epi.asso.fr/revue/lu/l2004a.htm
« Faut-il renoncer au numérique pour l'éducation ? » de Jean-François Cerisier :
https://www.epi.asso.fr/revue/articles/a2009d.htm
NOTE
[1] École Waldorf dans la Silicon Valley.
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