Dispositif hybride « FcMOOC »
pour le développement des compétences transversales
chez les jeunes diplômés des universités
Imane Aboutajedyne
Résumé
Les compétences transversales visent des savoir-agir susceptibles d'accorder aux apprenants des capacités à s'adapter aux différentes situations rencontrées de la vie. Néanmoins, leur développement comme objet de formation suscite des questionnements à propos du processus à adopter et interpelle des pratiques ancrées dans des activités concrètes permettant la mobilisation des opérations cognitives nécessaires à son efficacité. Le présent article s'appuie sur une articulation des concepts jugés fondamentaux dans le développement de ce type de compétences et propose une idée de conception d'un tel processus.
Mots clés : compétences du 21e siècle, cMOOC, FOAD.
Introduction
Dans un environnement en transformation permanente, il s'avère important de préparer les jeunes diplômés des universités à s'adapter à ces changements et de les outiller pour faire face aux différentes situations rencontrées dans leurs avenirs professionnels. En d'autres termes, notre système d'éducation et de formation doit être en mesure de répondre aux exigences de notre monde moderne. Certains parlent d'« obsolescence des compétences » en faisant appel ainsi à une adoption rapide d'une culture d'apprentissage continu et de formation tout au long de la vie. D'ailleurs, la capacité d'« apprendre à apprendre » s'inscrit dans ce sens et permet aux apprenants d'optimiser leur employabilité. Cette métacognition fait partie des compétences transversales ou dites du 21e siècle. La notion de ce type de compétences favorise une approche individualisée des parcours de formation (Starck et Boancă, 2019) et accorde aux apprenants la possibilité d'intégrer leurs apprentissages (Lafortune, 2010).
Dans un même ordre d'idées, l'impact de l'intégration des technologies de l'information et de la communication dans l'enseignement est très significatif en termes d'adaptation des formations au profit des apprenants. En effet, l'évolution des modes de formations à distance a donné lieu à une mise en pratique effective des pédagogies dites « actives » qui favorisent l'apprentissage.
Dans notre recherche, nous nous intéressons à une forme de formation à distance « cMOOC » fondée sur la notion de l'apprentissage en réseaux dans lequel chaque apprenant construit ses savoirs et les partage avec ses pairs. En effet, nous proposons un dispositif, que nous baptisons « FcMOOC », adoptant ce type connectiviste du MOOC comme composante, en particulier au niveau d'activités, en s'appuyant principalement sur un modèle de formation connue sous l'appellation de Formation Ouverte et À Distance (FOAD) qui est hybride (avec présentiel réduit). Ce modèle assure une « alternance entre le travail individualisé et le travail de groupe, entre le travail présentiel et le travail distant » (Berthet, 1999) [1]. Tout ceci est dans l'intention d'essayer d'apporter une nouvelle conception qui permet de développer quatre compétences transversales dénommées les « 4C » (la collaboration, la créativité, la communication et la pensée critique) qui sont communément reconnues comme indispensables pour intégrer le marché d'emploi.
Que seraient-elles donc les caractéristiques de ce dispositif qui intègre à la fois les avantages des cMOOC et celles de la FOAD ?
1. Modèle pédagogique adopté
Dans la conception de notre dispositif nous faisons référence à deux modèles d'apprentissage. Le premier est le modèle constructiviste, initié par Piaget (1975), selon lequel l'apprenant est l'acteur de son processus d'apprentissage et se considère exclusivement responsable de la construction de ses compétences et ses connaissances. En un mot, personne ne peut apprendre à sa place (Lebrun, 2010). Le deuxième modèle est dit collaboratif qui trouve son origine dans le socio-constructivisme de Vygotsky (1978) et dans son prolongement le connectivisme de Siemens et Downes (2005), qui valorisent les interactions de l'apprenant avec ses pairs et son environnement. Dans la mesure où le conflit socio-cognitif qui résulte de ces interactions permet à l'apprenant d'acquérir de nouvelles connaissances.
Notre dispositif s'est structuré essentiellement sur le modèle de Lebrun (2007) dans lequel cinq facteurs capitaux ont été mis en relation pour activer l'apprentissage :
Informer : Mettre à la disposition de l'apprenant des ressources contextualisées. Les éléments de contexte de ces ressources constituent une occasion pour apprendre à identifier les « bonnes » informations.
Motiver : Mettre en place un apprentissage contextualisé (moyennant la pédagogie par projet dans notre cas) avec des tâches adaptées porteuses de défis.
Activer : Adopter des activités visant les compétences de haut niveau (dans l'échelle de Bloom). En d'autres termes, permettre à l'apprenant de rechercher de nouvelles ressources, les structurer, les traiter, les analyser, les synthétiser et les évaluer.
Interagir : Interagir en travaillant en groupe pour faire avancer la réalisation des tâches prescrites.
Produire : Mettre l'accent aussi bien sur le processus de construction des connaissances et des compétences adoptées par l'apprenant que sur le produit visé et procéder à une évaluation par les pairs pour favoriser son appropriation personnelle.
Figure 1. Modèle pragmatique d'apprentissage orienté compétences (Lebrun, 2010).
À la lumière de ce qui précède, nous adoptons la méthode active qui associe, selon Olmo Cazevieille (2018), des aspects interdisciplinaires, collaboratifs et réalistes pour développer un apprentissage significatif. Il s'agit en particulier de la pédagogie par projet. D'après Lebrun (2010), cette pédagogie est à la fois d'apprentissage et d'application puisque elle offre l'occasion aux apprenants de construire leurs projets en collaborant avec leurs pairs et en cherchant ensemble à résoudre un problème issu de la vie réelle. Elle consiste à « apprendre en faisant », en apprenant par l'expérience et en s'autogérant (Huber, 2005) [2]. Hulmann (2017) souligne l'importance de la dynamique de groupe dans la pédagogie par projet dans la mesure où elle valorise les compétences de chaque apprenant et lui permet de faire profiter d'autres apprenants de ses savoir-faire et ses connaissances.
Il convient de préciser le fait qu'un intérêt accru s'est porté sur la pédagogie par projet dans l'enseignement supérieur renvoie, d'après (Thien et al., 2013), à deux raisons essentielles : d'un côté, les compétences des étudiants qui sont assez développées pour pouvoir agir de manière autonome et qui sont en mesure de chercher des réponses aux problèmes qui ne sont pas connus préalablement par l'enseignant. De l'autre, l'orientation professionnelle des formations, dans la mesure où la démarche de réalisation d'un projet est très proche du type de tâches exécutées dans le milieu professionnel.
Or l'utilisation de la pédagogie par projet n'implique pas automatiquement le développement des compétences transversales selon Rey (1999) [3]. L'aspect de l'intentionnalité est nécessaire dans le développement de telles compétences. En d'autres termes, la présence de cette intention doit s'être manifestée dans les situations-problèmes proposées ou émergées pendant la réalisation d'une tâche. En effet, la prise de conscience de cette perspective transversale dans la pratique pédagogique présenterait aux apprenants un grand éventail de possibilités pour pouvoir utiliser leurs compétences convenablement dans divers contextes comme l'affirme Lafortune (2010). Cette auteure considère la pédagogie par projet comme un moyen privilégié pour contextualiser le processus de développement des compétences transversales.
2. Hybridation : environnement favorable pour le développement des compétences
Aux dires de Lebrun (2013), le chemin de l'innovation est initié par l'hybridation. Ce concept est considéré comme « un mélange fertile et en proportions variables de différentes modalités de formation en présentiel et à distance, mais aussi entre des postures d'enseignement transmissif et des postures davantage liées à l'accompagnement de l'apprentissage » (Charlier, Deschryver et Peraya ; 2006).
Dans notre recherche, nous nous intéressons à une des modalités identifiées par la typologie COMPETICE qui est établie selon le degré d'intégration des TICE. Il s'agit d'un dispositif hybride nommé « présentiel réduit » qui, comme son nom l'indique, se fait avec la grande partie des apprentissages réalisés à distance avec un pourcentage de plus de 50 %. Il se qualifie par une souplesse dans la gestion des temps d'apprentissage, ce qui permet à l'apprenant de choisir les moments qu'il peut y consacrer. « [Avec le présentiel réduit] il est moins question d'envisager une simple transmission d'informations mais plutôt de créer des conditions pédagogiques et organisationnelles favorables à l'apprenant. » [4]. C'est ainsi que cet apprentissage dit « mixte » doit être présenté comme « un processus de refonte savante » de la formation, comme le postulent plusieurs auteurs (Sharpe, Benfield, Robert et Francis, 2006 ; Littlejohn et Pegler, 2007 ; Garrison et Vaughan, 2008 [5]), qui met l'apprenant au centre de son propre développement.
Le mode hybride du dispositif que nous proposons, FcMOOC, s'inscrit dans un cadre d'exploitation des « potentiels » offerts par le cMOOC en matière d'efficacité pédagogique. Il s'agit de tirer profit de cette « mise à distance& des savoirs et des compétences à exercer et à développer » selon les propres termes de Lebrun (2013). Un cMOOC est considéré, selon ce dernier, comme « un terrain d'exercice de compétences à développer et à transférer dans les pratiques », nous nous intéressons aux compétences que ce type de cours permet de développer à travers les activités qui le constituent, tout en valorisant le rôle primordial de « la présence » dans ce processus.
3. Description des « 4C »
Planifier l'apprentissage dans une logique d'alignement avec les processus d'acquisition des connaissances et des compétences concrètement parcourus par les apprenants nécessite une identification des niveaux cognitifs correspondant aux objectifs d'apprentissage visés. Pour ce faire, une description des quatre compétences (que sont la créativité, la pensée critique, la communication et la collaboration) s'est avérée importante en déterminant leurs composantes.
À cet égard, nous faisons référence à la taxonomie révisée de Bloom (2001) qui n'est pas la seule manière de classer les objectifs d'apprentissage, mais qui reste une catégorisation fréquemment utilisée en éducation grâce à l'authenticité de ses niveaux dans la détermination du degré de complexité requis par tout type d'apprentissage (Bèlec, 2016). Cette taxonomie classifie les opérations d'apprentissage selon six niveaux (Fig. 2).
Figure 2. Taxonomie de Bloom (1956) révisée par Anderson et Krathwohl (2001).
La créativité et la pensée critique sont des compétences cognitives d'ordre supérieur en les positionnant dans la taxonomie de Bloom, notamment au niveau de sous catégories « créer » et « évaluer ». Quant à la collaboration et à la communication, elles se considèrent comme des compétences comportementales et sociales dites « conatives » [6]. Ces deux catégories se complètent pour devenir « un mode de pensée » ou une disposition qui facilite leur développement ultérieur dans différents disciplines (Vincent-Lancrin et al. 2020).
Nous présentons les 4C telles qu'elles sont définies dans le référentiel des compétences comportementales de Passeport Avenir (2011) qui propose pour chaque compétence une échelle de cinq niveaux situés en fonction du degré de maîtrise par l'apprenant. Nous avons choisi ce référentiel comme une ressource décrivant vingt-quatre compétences mobilisées en milieux professionnels et les présentant telles qu'elles sont conçues par le système éducatif. Ce référentiel a été construit à l'issue d'une étude menée auprès de professionnels, d'enseignants et d'étudiants (Berthaud, 2017).
- Collaboration [7] -
Travailler avec les autres pour atteindre les objectifs communs et produire des résultats positifs |
Niveau 1
S'intégre à l'équipe |
Niveau 2
Favorise le travail d'équipe |
Niveau 3
Exerce un leadership au sein des équipes |
Niveau 4
Encourage les groupes à travailler en équipe |
Niveau 5
Établit les liens entre les équipes |
- Comprend les objectifs de l'équipe et le rôle de chacun de ses membres.
- Se met à la disposition du groupe.
- Traite les autres avec respect. |
- Écoute les différents points de vue.
- Favorise la participation des autres.
- Reconnaît le travail des autres. |
- Fait la promotion des objectifs communs.
- Encourage l'expression des différents points de vue pour améliorer le travail d'équipe.
- Souligne le succès des autres.
- Assume la coordination des efforts. |
- Amorce la collaboration avec d'autres équipes.
- Identifie les projets qui favorisent le travail en équipe.
- Encourage les groupes à partager leurs connaissances et leurs compétences. |
- Élimine les obstacles entre les équipes, pour faciliter la mise en commun des compétences et des ressources.
- Créer les équipes solides autour d'un objectif commun. |
- Communication -
Communiquer de manière ouverte et attentive |
Niveau 1
Écoute et présente clairement l'information |
Niveau 2
Favorise la communication dans les deux sens |
Niveau 3
Adapte la communication aux autres |
Niveau 4
Communique des messages complexes |
Niveau 5
Communique de façon stratégique |
- Est capable de se rendre disponible pour écouter
- Vérifie sa bonne compréhension.
- Présente l'information de façon claire, tant oralement que par écrit. |
- Obtient une rétroaction sur ce qui a été dit.
- Disperse les malentendus.
- Fait preuve de jugement et de tact.
- Appuie ses affirmations par des exemples concrets. |
- Tient compte des points de vue des autres.
- Répond aux questions et discute des enjeux de façon à être compris sans adopter une attitude défensive. |
- Répond spontanément aux questions complexes et spontanées.
- Communique clairement les messages difficiles ou impopulaires en faisant preuve de tact et de diplomatie. |
- Communique de façon stratégique.
- Sait connaître les succès et préciser les domaines où des améliorations s'imposent. |
- Créativité et Pensée critique -
Remet en question les méthodes et fait preuves d'idées nouvelles |
Niveau 1
Comprend la nécessité d'adopter de nouvelles approches |
Niveau 2
Critique et propose |
Niveau 3
Adopte de nouvelles approches |
Niveau 4
Crée de nouveaux concepts |
Niveau 5
Favorise la créativité |
- Étend des idées nouvelles.
- Est capable de remettre en question les méthodes traditionnelles. |
- Analyse les points forts et les points faibles de l'organisation actuelle.
- Propose de nouvelles solutions. |
- Fait des copier/coller de solutions éprouvées.
- Envisage les conséquences à long terme des solutions proposées. |
- Sait expérimenter des solutions nouvelles, tout en respectant les contraintes les objectifs de l'organisation. |
- Crée un environnement qui favorise la créativité, la remise en question et l'expérimentation.
- Encourage la remise en en question des approches traditionnelles.
- Parraine l'expérimentation afin de maximiser le potentiel d'innovation. |
Tableau 1. Les 4C retenues du référentiel Passeport Avenir (2011).
Il convient de préciser que la compétence de la pensée critique n'est pas figurée dans ce référentiel de manière distincte. Néanmoins, ses concepts se sont manifestés dans la description de la compétence de la créativité. En effet, Vincent-Lancrin et al. (2020) soulignent la similitude des processus de pensée mobilisés par ces deux compétences et précisent, par contraste, leurs objectifs différents. À cet égard, la création vise à créer des productions nouvelles adaptées au contexte dans lequel elles émergent. Et la pensée critique vise pour sa part l'évaluation des affirmations ou idées pouvant donner lieu à une action potentielle.
4. Niveaux taxonomiques des activités d'un cMOOC
Il convient de rappeler que notre dispositif de formation hybride est basé principalement sur les concepts fondateurs d'un cours connectiviste « cMOOC ». Ce dernier s'appuie sur les interactions entre les apprenants couplées à la technologie. Il s'organise ainsi dans le but d'instaurer certains principes comme la collaboration, la communication, la créativité et la motivation (Bakki, 2018). Un cMOOC s'articule autour de quatre activités principales que sont l'agrégation, le remixage, la reproposition et la transmission. En prenant appui sur Kop et Hill (2008) et Siemens (2014), Bakki (2018) a déterminé, dans sa thèse, de quoi se compose chaque catégorie d'activités :
Aggregating (agrégation) : regroupe les activités de consultation et de sélection des contenus et des ressources adaptées aux objectifs d'apprentissage de chaque apprenant. Dans la mesure où les ressources mises à la disposition des participants dans un cours cMOOC ont pour objet de donner une base initiale expliquant les objectifs généraux du cours. Néanmoins, l'apprenant est amené à créer et réaliser des ressources par lui-même qui lui semblent pertinentes avec ses objectifs d'apprentissage.
Remixing (remixage) : regroupe les activités qui ont trait avec la communication, le partage et la métacognition. Il s'agit d'interpréter les ressources agrégées lors de la première phase et d'en ajouter d'autres qui se voient complémentaires et adéquates avec les objectifs d'apprentissage. L'idée est d'encourager les apprenants à synthétiser les connaissances acquises et à les partager (blog, wiki). Ce partage des connaissances peut être assuré également par des discussions en ligne entre les apprenants (forum) ou via la participation aux visioconférences planifiées par les organisateurs du cours où l'échange et le partage ne se limitent pas seulement aux apprenants, mais concernent ces derniers et des experts.
Repurposing (production) : regroupe les activités de production et de collaboration. Il s'agit d'accompagner les apprenants pour pouvoir produire tant individuellement qu'en groupe. Cette activité est considérée comme la plus complexe de l'ensemble des activités d'apprentissage dans un cours cMOOC (Simens, 2014) [8]. Ce dernier souligne que le processus d'apprentissage ne se réduit pas au savoir accueillir les connaissances et à les filtrer, mais il est favorisé surtout par la création et la participation active des apprenants. De manière à se servir des ressources éducatives préalablement agrégées et remixées pour pouvoir en créer d'autres constituants de nouvelles idées et interprétations.
Feed Forwarding (partage) : regroupe les activités de partage des productions des apprenants. Les apprenants sont encouragés à repartager leurs productions via le web. Ceci se réfère à l'aspect d'ouverture inhérent à un cMOOC où la diffusion des connaissances produites dépasse les participants du cours pour s'orienter vers le monde entier.
Activités |
Verbes d'actions décrivant les activités |
Niveaux cognitifs de Bloom |
Connaître |
Compren-dre |
Appliquer |
Analyser |
Évaluer |
Créer |
Agrégation |
Choisir, rechercher, catégoriser, citer, lire, connaître, etc. |
x |
x |
x |
x |
x |
|
Remixing |
Sélectionner, identifier, défendre, recommander, argumenter, critiquer, justifier, recommander, adapter, discuter, illustrer, résumer, interpréter, etc. |
x |
x |
x |
x |
x |
|
Repurposing |
Choisir, rechercher, catégoriser, citer, lire, connaître, créer, etc. |
x |
x |
x |
x |
x |
x |
Feed Forwarding |
Partager ses productions. |
|
|
x |
x |
x |
x |
Tableau 2. Correspondance entre les quatre activités du connectivisme
et la taxonomie de Bloom (Bakki, 2018) (Enrichi).
Pour créer un contenu qui doit être adéquat avec son objectif d'apprentissage, un apprenant est amené à « analyser », « évaluer » les connaissances collectées, utiliser les outils mis à sa disposition et essayer de les mettre en œuvre (« appliquer »). Cela fait appel à des niveaux cognitifs assez complexes sans que les savoirs associés aux niveaux plus bas de la taxonomie de Bloom (« comprendre » et « connaître ») ne soient à négliger. Lebrun (2010) précise que « les types de savoir ne sont pas des entités indépendantes, ils se fécondent mutuellement ». En se basant sur une méthode active (apprentissage par projet dans notre cas), le processus cognitif mis en œuvre lors du déroulement des activités connectivistes sollicite un renversement de la pyramide de Bloom. Il s'agit de la « Flipped Taxonomie » comme la nommé Lebrun (2010). Dans la mesure où les « savoir-être » et les « savoir-devenir », qui sont liés respectivement selon Mooser (2004) aux niveaux cognitifs « évaluer » et « créer », assurent un rôle crucial, d'après Lebrun (2010), dans « le soutien, la consolidation et l'intégration » des « savoirs » et des « savoir-faire » relatives aux niveaux cognitifs « connaître », « comprendre » et « appliquer ». Aux dires de Lebrun (2010), une alternance entre les différents niveaux cognitifs est importante afin d'assurer un apprentissage de qualité combinant tous les types des savoirs qui se dynamisent réciproquement pour contribuer au développement des compétences visées.
5. Structure du dispositif conçu
L'idée d'un tel dispositif hybride pour le développement des compétences transversales repose sur la conception d'une structure pédagogique bien définie intégrant des activités contextualisées et s'appuyant sur un environnement d'apprentissage approprié. D'après Lebrun (2011), tout dispositif pédagogique est censé favoriser l'autonomie de l'apprenant. À cet effet, il préconise d'adopter une perspective centrée sur le processus d'apprentissage beaucoup plus que sur le produit finalement évalué. Il avance que le fait de mettre l'accent sur le processus favorise également la co-construction du savoir et le développement des compétences de haut niveau.
Compte tenu de ce qui précède, la structure du dispositif proposé (Fig.3) intègre deux modalités d'activités, l'une est en ligne et l'autre est en présentiel. Les quatre activités connectivistes, qui sont en ligne, sont la locomotive du dispositif au sens où les participants sont amenés à s'engager dans leur mise en œuvre en collaborant via les outils fournies par la plate-forme choisie. À cet égard, une cohérence entre la nature de ces activités et les outils de base offerts est à prendre en considération (Lebrun, 2005). Quant aux activités en présentiel, elles ont un rôle de consolidation de ce cycle d'apprentissage, de dynamisation, d'orientation et de motivation des apprenants.
Figure 3. Structure du dispositif FcMOOC.
À ce propos, les interactions établies entre les apprenants prennent racine dans la méthode active choisie. Ainsi, un tel environnement offre des occasions à l'apprenant de manipuler des ressources, les remixer, les structurer selon ses objectifs d'apprentissage et d'en produire autres seul ou en groupe en vue de les partager. Ceci constitue, en effet, des connexions entre les apprenants favorisant la mobilisation des opérations cognitives assez complexes et variées. L'adoption de telles stratégies pédagogiques stimule un engagement actif de la part de l'apprenant (Fig.4).
Figure 4. L'engagement actif de l'apprenant comme élément moteur du processus d'apprentissage.
Ce désordre, comme type d'enseignement, s'il est porteur d'avantages en termes d'autonomie de l'apprenant et de sa responsabilité vis-à-vis de son apprentissage, doit être combiné à un autre mode assez « ordonné » (Lebrun, 2011). Ceci est au motif que cette combinaison permet de donner sens au processus d'apprentissage en marquant des « temps d'arrêt » de métacognition et de synthèse. Cet auteur affirme que le mode d'organisation d'un dispositif hybride rime avec cette alternance entre l'ordre et le désordre, dans la mesure où les regroupements en présentiel constituent ce temps d'arrêt. De plus, ces regroupements peuvent aussi faire l'objet d'une sorte de régulation et de partage. Suivant cela, chaque apprenant joue un rôle primordial dans l'enrichissement de ce processus par son choix et sa manière d'apprendre (Cormier, 2012).
Conclusion
La mise en cohérence des conditions pédagogiques nécessaires qu'un dispositif doit remplir pour contribuer au développement des quatre compétences transversales susmentionnées, constitue l'essence de notre réflexion.
Sous ce rapport, la prise en compte des aspects interdisciplinaires et collaboratifs dans l'approche pédagogique adoptée semble fondamentale dans la mobilisation des processus cognitifs d'un niveau supérieur. La pédagogie par projet offre cette opportunité d'échange entre les apprenants en permettant à chacun d'eux de capitaliser son expérience et de profiter de l'expérience de ses pairs.
Ces interactions issues de la réalisation des activités connectivistes, qui sont au cœur du notre modèle d'apprentissage, accordent une posture active à l'apprenant et relance son implication. D'où justement l'importance des communautés d'apprentissage et des rencontres présentielles qui les dynamisent.
La forme hybride du dispositif proposé offre la possibilité d'associer des éléments susceptibles de supporter différentes situations d'apprentissage. De manière à mettre en avant le processus d'apprentissage plutôt que le produit. Tout ceci est dans le but de favoriser l'autonomie des apprenants, d'assurer la co-construction du savoir et donc de contribuer au développement de compétences de haut niveau.
Imane Aboutajedyne
Équipe : Recherches Interdisciplinaires pour
l'Innovation en Didactique et en Capital Humain (RIIDCH)
Faculté des Sciences de l'Education (FSE)
Université Mohammed V, Rabat, Maroc
imane.about@gmail.com
Cet article est sous licence Creative Commons (selon la juridiction française = Paternité - Pas de Modification).
http://creativecommons.org/licenses/by-nd/2.0/fr/
Références bibliographiques
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Bélec, C. (2016). L'alignement pédagogique des lectures. 8.
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NOTES
[1] Cité dans Plateau (2018).
[2] Cité dans Hulmann (2017).
[3] Cité dans Lafortune (2010).
[4] Cité dans le Collectif de Chasseneuil, Conférence de consensus (2001).
[5] Cité dans Dreschler (2014).
[6] Où la conation est un effort. C'est la troisième composante de l'action, avec la cognition et l'affectivité.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Conation
[7] Présentée dans le référentiel sous le nom « Travail d'équipe ».
[8] Cité dans Bakki 2018.
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