50 ans : un bel âge pour une association
En cette période de pandémie de Covid-19, l'association Enseignement Public et Informatique fête son 50e anniversaire.
Il y a dix ans, nous intitulions l'éditorial de notre numéro spécial « 40 ans : un bel âge pour une association ». Une décennie plus tard, nous n'avons pas pu résister à l'idée de reprendre ce titre, en l'actualisant bien sûr ! L'EPI a été fondée en 1971 (JO du 1er février) par les premiers stagiaires « lourds » chez les constructeurs de l'époque (IBM, CII, Honeywell-Bull). Depuis cette date, l'EPI a été partie prenante de tous les épisodes du déploiement, parfois hésitant voire chaotique, parfois accéléré – on pense au Plan Informatique pour Tous de 1985 –, de l'informatique pédagogique au sein du système éducatif.
Des fils d'Ariane se sont imposés dès le départ. Ils demeurent : la pluralité des approches ; leur complémentarité, ainsi l'informatique est-elle à la fois instrument pédagogique et objet d'enseignement pour tous car élément de la culture générale à notre époque ; l'impérieuse nécessité d'une solide formation diversifiée de tous les enseignants ; une didactique appropriée ; une recherche pédagogique active. Et l'EPI, force de proposition inscrit son action dans le Service public à la promotion duquel elle est attachée.
Nous parlons de déploiement parfois chaotique de l'informatique pédagogique et il nous est arrivé d'avoir raison trop tôt, mais les faits sont têtus. Il faut se souvenir qu'à la fin du siècle dernier, il était encore de bon ton dans certains milieux de proclamer que l'informatique était une mode et que comme toute mode elle passerait. Le développement d'Internet a définitivement tordu le cou à ce genre de propos. Ces résistances à l'émergence du « nouveau informatique » ne sont pas une exception. Au contraire c'est la loi du genre qui ne date pas d'hier. Si le « nouveau » finit par s'imposer, c'est toujours dans une certaine douleur. Déjà, Confucius mettait en garde : « Lorsque tu fais quelque chose, sache que tu auras contre toi ceux qui voulaient faire la même chose, ceux qui voulaient faire le contraire et l'immense majorité de ceux qui ne voulaient rien faire. »
Pour se faire sa place, le « nouveau informatique » a dû aider à une clarification des problématiques car les résistances s'accompagnent d'une certaine confusion. Il a fallu dire que les enjeux et les statuts de l'informatique dans le système éducatif sont divers et qu'il faut les distinguer. L'informatique est un outil pédagogique, transversal et spécifique, qui a fait ses preuves et qu'il faut utiliser à bon escient d'une manière raisonnée. L'informatique contribue à l'évolution de l'« essence » des disciplines (leurs objets, leurs outils et leurs méthodes). Il suffit de penser aux sciences expérimentales avec l'EXAO et la simulation, à la géographie avec les SIG, aux disciplines des enseignements techniques et professionnels. L'informatique est outil de travail personnel et collectif des enseignants, des élèves, de l'ensemble de la communauté éducative. Et l'informatique est discipline scientifique et technique, composante de la culture générale scolaire au XXIe siècle. Tous ces statuts sont complémentaires et se renforcent mutuellement. Ils doivent être tous présents. Et l'un ne saurait se substituer à l'autre.
Cette dernière décennie, l'EPI s'est inscrite dans la continuité des périodes précédentes. Des actions ont été menées en étroite relation avec des personnalités, des associations de spécialistes informatiques, en premier lieu la SIF, l'APRIL, association du logiciel libre, les parents d'élèves de la PEEP... Ce furent des rencontres au ministère de l'Éducation nationale, notamment auprès de l'Inspection générale, des conférences avec nos partenaires, des articles dans la presse nationale, la publication de notre revue mensuelle gratuite EpiNet.
En 2013, l'EPI a participé au groupe de travail qui a préparé le rapport de l'Académie des sciences L'enseignement de l'informatique en France – Il est urgent de ne plus attendre [1].
Parmi les nombreuses rencontres de la décennie passée, mentionnons qu'avec la Ligue des Droits de l'Homme, la Ligue de l'Enseignement, la PEEP, la SIF et Creis-Terminal, la FCPE étant excusée, l'EPI a rencontré le 27 novembre 2017 la Mission sur « Les données numériques à caractère personnel au sein de l'Éducation nationale ». La rencontre s'inscrivait dans la continuité de la demande d'audience que nous avions faite au ministre de l'Éducation nationale suite au courrier du directeur du numérique du 12 mai 2017, courrier qui avait suscité une grande et légitime émotion de la part des parents d'élèves, de syndicats d'enseignants, d'associations. Nous avons réaffirmé que l'on ne doit pas donner les clés de la maison Éducation nationale aux GAFAM et rappelé que si les GAFAM sont là, c'est aussi parce que l'institution éducative les invite depuis de longues années.
Tout en gardant le cap de « la complémentarité des approches », l'EPI a amplifié ses efforts, avec d'autres, pour obtenir des pouvoirs publics une intégration de l'informatique dans l'enseignement de culture générale pour tous les élèves. L'omniprésence de cette science qui sous-tend le numérique, les besoins d'informaticiens nécessitent des efforts considérables du système éducatif. On se souvient que, dans les années 90, il y avait eu les suppressions de l'option informatique puis la création du B2i : un désert explicatif. En 2007, notre rencontre à l'Élysée avait relancé et élargi l'action pour l'informatique. le groupe ITIC avait été créé, au sein de l'ASTI, à l'initiative de l'EPI. La décennie qui vient de s'écouler a vu la création d'ISN, SNT, NSI et la création d'un Capes NSI. Des avancées significatives mais il reste encore beaucoup à faire : nombre de postes mis au concours correspondant aux besoins, et on attend toujours la création d'une agrégation d'informatique. L'EPI n'est plus seule, les choses évoluent même si elles évoluent trop lentement. Ainsi la pratique du numérique dans les différentes disciplines et activités ne se développe-t-elle pas à la mesure de son intérêt didactique et pédagogique. Toujours et encore l'insuffisante formation des enseignantˇeˇs.
Pour terminer ce numéro spécial d'EpiNet, nous disons merci à tous les amis, compagnons de route dont vous pourrez lire les témoignages. Merci à toutes celles et ceux qui ont participé à la réalisation de ce numéro spécial. Merci à tous ceux qui se sont investis au fil des années pour que l'informatique et le numérique aient leur place pleine et entière dans le système éducatif. Merci à tous les fidèles lecteurs d'EpiNet. Et nous aurons une pensée pour notre ami Maurice Nivat qui nous a quittés le 21 septembre 2017. Maurice était membre d'honneur de l'EPI.
Jean-Pierre Archambault
Président de l'EPI
NOTE
[1] https://www.academie-sciences.fr/pdf/rapport/rads_0513.pdf
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