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Un sommet de ridicule

Michel Volle
 

   Je viens de recevoir l'invitation de France Stratégie à une Webconférence consacrée à « l'état de l'art et les perspectives du très haut débit en Europe ». Le sujet est important, l'initiative excellente, bravo.

   L'invitation est rédigée en français et en anglais, c'est bien.

   Mais on y trouve la phrase suivante : « Les échanges se tiendront en anglais sans traduction. ».

   Ainsi France Stratégie organise en France une Webconférence mais on y parlera exclusivement en anglais et, pour bien montrer que l'on n'éprouve aucune complaisance envers les ignares et les incultes qui ne maîtrisent pas parfaitement cette langue, on se dispensera de traduire.

   On se trouvera ainsi de nouveau dans la situation qui se renouvelle trop souvent : des orateurs qui s'expriment en mauvais anglais ; des auditeurs qui, pour la plupart, font semblant de comprendre ce qui s'est dit ; des idées pauvres, car on n'est pas subtil lorsque l'on s'exprime dans une autre langue que la sienne.

   Je sais que l'appauvrissement des idées est parfois jugé utile car il nous évite des excès de subtilité. Mais faut-il se contenter de la récitation de lieux communs et de slogans à quoi tant de conférences se réduisent, la langue anglaise leur conférant un semblant d'autorité ? N'avons-nous pas besoin, s'agissant du très haut débit, d'un peu de subtilité, voire de profondeur ?

   Si la Webconférence évite la superficialité elle devra en effet considérer nombre de questions techniques, économiques et stratégiques : dimensionnement de l'infrastructure des télécoms ; distribution en fibre optique ; 5G, avec ou non les équipements de Huawei ; conséquences pour l'industrie de l'audiovisuel et le déploiement de l'Internet des objets, etc.

   Je refuse de parler anglais en France devant une majorité de Français. Je veux bien que l'on traduise en anglais, par politesse envers les étrangers qui ne connaissent pas notre langue et comprennent l'anglais. Je veux bien aussi que l'on écoute des Britanniques, des Américains, parlant dans leur langue et traduits dans la nôtre.

   Avez-vous vu ce qui se passe, lors de ces conférences en anglais, lorsqu'un Britannique ou un Américain prend la parole ? Sauf exception ils parlent à toute vitesse et avec un accent local (Texas, Écosse, etc.) tellement fort que pratiquement personne ne comprend rien.

   Lorqu'ils font des jokes (les Américains aiment bien ça) le premier qui a compris ou cru comprendre s'empresse de rire puis d'autres l'imitent – mais après un décalage révélateur – pour faire croire qu'ils ont eux aussi compris. Pénible spectacle...

   J'ai déjà consacré quelques pages à l'abus de l'anglais :

Le ridicule des traîtres, décembre 2006
http://www.volle.com/opinion/trahison.htm

Marre de l'anglais, décembre 2008
http://volle.com/opinion/marre.htm

Le langage des traîtres, février 2011
https://michelvolle.blogspot.com/2011/02/le-langage-des-traitres.html

L'X refuse de nous parler en français, mars 2013
https://michelvolle.blogspot.com/2013/03/lx-refuse-de-nous-parler-en-francais.html

Dans quel pays vivons-nous ? mai 2020
https://michelvolle.blogspot.com/2020/05/dans-quel-pays-vivons-nous.html

   Je radote, direz-vous ? C'est vrai. Je persévérerai, je me répéterai aussi longtemps que les enfoirés mondains (je suis poli) continueront à se plier à cette mode. Lui céder, c'est se soumettre à un colonialisme sournois et trahir notre République.
https://michelvolle.blogspot.com/2009/07/notre-republique.html

Michel Volle

Paru sur le blog de Michel Volle le 5 septembre 2020 :
https://michelvolle.blogspot.com/2020/09/un-sommet-de-ridicule.html
Lire également les commentaires très intéressants, en particulier celui de Laurent Bloch : « Oui, j'ai vu encore pire... ».

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