Le dictionnaire numérique ou électronique :
des outils pédagogiques favorisant
l'apprentissage lexical
Mostafa Zaklani
Résumé
Ce qui m'a vraiment poussé à travailler sur ce sujet est l'impression laissée après un questionnaire que j'avais adressé aux élèves de trois classes du cycle secondaire qualifiant à l'issue d'une enquête scientifique sur un projet doctoral au lycée Almajd, dans la ville de Mrirt, Direction provinciale de l'Éducation et la Formation de Khenifra. Les réponses à ce questionnaire montrent que tous les élèves de ces trois classes disposent d'un portable Smartphone alors que seulement une minorité de 5 % d'entre eux bénéficient d'un dictionnaire numérique téléchargé pour profiter de son utilisation dans l'apprentissage du lexique de la langue française.
Aujourd'hui, le dictionnaire français doit normalement être d'usage quasi quotidien dans l'institution scolaire : école élémentaire, collège, lycée. Mais qu'en est-il exactement ? De quel(s) dictionnaire(s) s'agit-il ? Est-il (sont-ils) couramment consulté(s) par les enseignants et les élèves ? Quel rôle joue(nt)-il(s) dans l'apprentissage de la langue maternelle ou d'une langue étrangère ? Quelle place occupe le dictionnaire numérique dans le contexte pédagogique ?
Pour tenter de répondre à ces questions, notre article s'organise en deux axes consacrés respectivement au Dictionnaire, sa définition et à sa typologie, puis au Dictionnaire numérique, ses aspects et ses caractéristiques en tant qu'outil pédagogique important dans l'acquisition du lexique chez les élèves du cycle secondaire, surtout que l'élève vit actuellement dans un monde où l'accès aux TICE et aux outils numériques devient de plus en plus facile.
Nous tiendrons également compte de l'importance du dictionnaire électronique dans le développement de la compétence lexicale chez les élèves des différents cycles d'apprentissage.
Mots clés : le dictionnaire, le dictionnaire numérique, le dictionnaire électronique, apprentissage du lexique.
Introduction
L'acquisition du vocabulaire a longtemps été considérée comme résultant d'une imprégnation implicite, par la pratique en immersion dans un environnement linguistique et grâce aux lectures personnelles des élèves. On constate aujourd'hui que cette simple exposition aux mots nouveaux ne suffit pas à assurer le degré de maîtrise du langage attendu chez les élèves. Pour que les termes soient disponibles et fassent réellement partie du vocabulaire actif de l'élève, il faut qu'un processus puisse s'enclencher dans la mémoire à long terme – qui renvoie à notre capacité à conserver des informations de façon stable et à les réutiliser longtemps après les avoir acquises. Les linguistes estiment en effet qu'un mot doit être présenté au moins sept fois avant de pouvoir être stocké en mémoire pour être réutilisable. Une démarche possible consiste donc à découvrir un mot dans un contexte qui fait sens (une phrase, un texte), puis à le retravailler hors contexte pour accéder aux autres sens du mot, à d'autres mots mis en réseau (lors de séances spécifiques sur le lexique, en manipulant les notions lexicales au programme), et enfin à recontextualiser ce réseau de mots étudiés dans d'autres situations pour bien cerner une pluralité d'emplois : lecture et écriture de textes de genres différents (écrits fonctionnels, narration, description, argumentation, etc...). L'usage des dictionnaires numériques ou électroniques avec les élèves dans le cadre de l'enseignement du lexique pourra par ailleurs être récapitulatif et évolutif pour soutenir véritablement l'effort de mémorisation et de réactivation. Ce sont ainsi deux modalités de travail du lexique qui sont envisagées et qui sont complémentaires.
1. le dictionnaire : conception et typologie
1.1. Le mot « dictionnaire », étymologie et définition
1.1.1 : étymologie
Ce mot transcrit le latin médiéval dictionarium, de dictio, « action de dire », puis « conversation, propos, discours ». Il est plaisant que cet objet muet, de consultation généralement individuelle, nous « parle » d'échanges verbaux et d'art oratoire.
1.1.2 : définition
Souvent définition varie. Pour Littré (édition de 1863), il s'agit d'un « recueil des mots d'une langue, des termes d'une science, d'un art, rangés par ordre alphabétique ou autre, avec leur signification ».
Pierre Larousse, qui sait être d'une brièveté digne de Tacite lorsque la nécessité s'en fait sentir, définit le dictionnaire comme le « recueil alphabétique des mots d'une langue avec leur définition » (1855, Nouveau dictionnaire de la langue française, p. 189), mais, lorsqu'il en a la liberté, savoure le plaisir d'un énoncé moins sec, avec une élégante définition : « Recueil des mots ou d'une catégorie de mots d'une langue, rangés soit par ordre alphabétique, soit par ordre de matières, soit par analogies, et expliqués dans la même langue ou traduits dans une autre » (1870, Grand dictionnaire universel du XIXe siècle [désormais GDU], tome 6, p. 755). Ces énoncés du XIXe siècle sont peu différents de celui de la première édition du Dictionnaire de l'Académie française (1694) : « Vocabulaire, recueil par ordre de tous les mots d'une langue. »
Cet optimisme qui tient pour possible la description de la totalité du lexique d'une langue vivante, par définition en constante évolution (« tous les mots »), se retrouve dans l'édition 1835 de ce même dictionnaire : « Vocabulaire, recueil de tous les mots d'une langue, rangés dans un certain ordre et expliqués dans la même langue, ou traduits dans une autre. » Plus complète qu'au XVIIe siècle, elle introduit la définition (les mots sont « expliqués ») et note l'existence de dictionnaires bi- ou plurilingues (« ou traduits »).
On est tout aussi optimiste à l'extrême fin du siècle : La Grande encyclopédie (1885-1902) copie ce texte mot à mot en y ajoutant toutefois, entre parenthèses, une utile précision : ces mots rangés « dans un certain ordre » le sont « le plus souvent par ordre alphabétique ». Dans le Dictionnaire du français d'Hachette (désormais DFH), on lit : « Ouvrage qui recense et décrit, dans un certain ordre, un ensemble particulier d'éléments du lexique. » (1987, DFH, p. 472).A. Rey, dans le Dictionnaire culturel en langue française (désormais DCLF), se place dans la perspective des sciences du langage : « Recueil d'unités signifiantes d'une langue ou de plusieurs langues confrontées (mots, termes, locutions, éléments) rangées dans un ordre convenu, qui donne des définitions et diverses informations sur les signes du langage ; ouvrage réunissant ces informations ». (2005, DCLF, tome 1)
On ne peut mieux dire. Cependant, dans cet article, nous nous en tiendrons à la définition du DFH, simple sans être pauvre.
Dernière précision : les mots dictionnaire, glossaire, lexique, vocabulaire (cf. les anciennes éditions du Dictionnaire de l'Académie française), sont parfois donnés comme synonymes, notamment par Pierre Larousse qui, après avoir posé cette affirmation, la contredit immédiatement : « Un dictionnaire est un ouvrage où beaucoup de mots, souvent tous les mots d'une langue, sont rangés suivant un certain ordre ; tout livre ainsi composé est un dictionnaire, quel qu'en soit d'ailleurs le but, et quels qu'en soient les moyens d'exécution. Le glossaire est un dictionnaire consacré spécialement à l'explication des mots obscurs, inusités ou mal connus. Le vocabulaire est un dictionnaire où chaque mot ne reçoit qu'une explication très courte, ou bien c'est un dictionnaire où l'on ne fait entrer que les mots propres à un art, à une certaine classe de personnes. Enfin, le mot lexique ne s'est dit d'abord que des dictionnaires grecs classiques ; mais, par extension, il arrive souvent qu'on l'emploie dans toutes les acceptions du mot dictionnaire. » (1870, GDU, vol. 6, p. 755).
Il ne semble pas que la synonymie soit aussi parfaite. Le mot dictionnaire, qui date du XVIe siècle (1501), partiellement synonyme de vocabulaire (latin vocabularium), a d'abord été appliqué à un ouvrage bilingue ou multilingue, à côté de thesaurus, puis thrésor, réservé aux dictionnaires unilingues ou quasi unilingues, comme le Thresor de la langue française de Nicot ». (1998, DHLF, p. 1078).
Il a longtemps eu pour exact équivalent le mot lexique, les deux emplois se sont peu à peu différenciés à partir du XVIIIe siècle. Le glossaire tire son origine de la glose médiévale, annotation en marge des manuscrits qui donnait le sens d'un terme difficile ou expliquait un texte ardu ; il a conservé ce sens herméneutique. Quant au mot vocabulaire, lorsque le mot dictionnaire s'appliquait aux bilingues, il en a été l'exact synonyme (Vocabulaire latin-françois, 1485) avant de prendre son sens actuel au XVIIIe siècle.
1.2. Essai de typologie des dictionnaires
Nous adopterons ici, avec des nuances, la typologie établie par L. Guilbert (1969, « Dictionnaire et linguistique : essai de typologie des dictionnaires monolingues français contemporains », in Langue française n° 2, p. 4-28).
Nous ne nous intéresserons donc pas à l'encyclopédie, « extérieure à l'objet de la linguistique » selon l'auteur [1]. Notons, cependant, que cette affirmation peut être contestée, et que l'on ne raisonnait pas ainsi autrefois ; en effet, « la frontière entre dictionnaire et encyclopédie est assez floue pour que la célèbre œuvre encyclopédique publiée en France par les soins de Diderot et d'Alembert ait pour titre Encyclopédie ou dictionnaire raisonné... » (2005, A. Rey, article « Dictionnaire » in DCLF, tome 1, p. 41).
Et nous nous bornerons, comme L. Guilbert, aux dictionnaires monolingues contemporains, qu'on peut, en s'en tenant au champ ainsi délimité, classer en plusieurs ensembles.
1.2.1. Les dictionnaires techniques
Dans les dictionnaires scientifiques ou techniques, les entrées ont les caractéristiques du signe linguistique, mais elles sont traitées selon des modalités particulières ; l'ouvrage ne s'adresse pas au grand public, il touche une clientèle restreinte, parfois limitée à un milieu professionnel. Entrent difficilement dans cet ensemble des dictionnaires non généraux, mais appréciés par ce qu'il est convenu d'appeler (sans qu'il soit possible d'en donner une bonne définition...) le « grand public cultivé », tels que certains dictionnaires historiques. Nombre d'ouvrages de ce type ont été publiés à partir de 1950, dans des domaines très différents. Ils concernent l'histoire du monde (M. Mourre, Dictionnaire encyclopédique d'histoire, 8 vol., 1978), l'histoire d'un peuple, d'une civilisation, d'une période historique (A. Decaux, Dictionnaire d'histoire de France, 1981 ; G. Posener, S. Sauneron et J. Yoyotte, Dictionnaire de la civilisation égyptienne, 1959), voire l'histoire de la langue (A. Rey, Dictionnaire historique de la langue française, 1992).
Les innombrables dictionnaires de biographie (ou biographiques), ne comportant que des noms propres, ne seront pas évoqués ici.
1.2.2 Les dictionnaires linguistico-encyclopédiques
On peut nommer dictionnaire[s] linguistico-encyclopédique[s], selon la terminologie employée par L. Guilbert, le Dictionnaire encyclopédique Quillet (6 vol., 1965) et le Grand Larousse encyclopédique (10 vol., 1960-1964). Ils font la synthèse de trois formules : au dictionnaire de langue s'ajoutent des glossaires techniques et une encyclopédie des connaissances, particulièrement soignée dans le Quillet. Ce dictionnaire a fait l'objet, en 1975, d'une réédition profondément remaniée et augmentée, en 10 volumes ; les éditeurs ont ensuite renoncé aux entreprises de cette ampleur, extrêmement onéreuses et dont le public s'amenuisait. Ils se sont contentés d'actualisations ponctuelles et ont privilégié la production de suppléments.
1.2.3 Les dictionnaires de langue
Le dictionnaire de langue est « le dictionnaire auquel on a recours pour trouver des informations sur la langue des gens cultivés » (op. cit., p. 19).
L'auteur cite le Grand Robert (dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française, 1953-1964), le Dictionnaire Larousse de la langue française (alors en cours de réalisation) et le Trésor de la langue française (encore dans les limbes ; les 16 volumes paraîtront entre 1971 et 1994) où « le lexique recensé comprend tous les mots qui peuvent être rencontrés dans la presse contemporaine non spécialisée [...], dans les œuvres des romanciers de la seconde moitié du XIXe siècle, du XXe siècle et jusque dans les œuvres les plus récentes, plus rarement dans les textes poétiques ». (op. cit., p. 23).
À ces monuments se sont ajoutés des ouvrages plus maniables et moins coûteux, le Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française en un volume, dit Petit Robert (1967), que L. Guilbert passe sous silence, et le Dictionnaire du français Hachette (1987).
1.2.4 Les dictionnaires de type linguistique
Pour L. Guilbert, le Dictionnaire du français contemporain (1966) est un dictionnaire de type linguistique ; il relève le parler du Parisien cultivé, en totale synchronie, sans évoquer l'étymologie. Ses 25 000 entrées, dont la prononciation est partout indiquée en alphabet phonétique international, ne comportent pas de « dialectismes ». Les mots sont groupés dans « un ensemble lexical, morphologique et sémantique à la fois » (op. cit., p. 27).
L'ouvrage est complété par des tableaux : tableaux grammaticaux, de systèmes lexicaux, etc.
1.2.5 L'éventail des possibles
Cette typologie donne un cadre à l'étude de l'édition dictionnairique ; elle peut sembler discutable dans les détails. Est-il nécessaire de créer une catégorie spéciale pour un seul ouvrage, le Dictionnaire du français contemporain (désormais DFC) ? Si original qu'il soit, c'est un dictionnaire de langue. Le classement des entrées dans un ordre non alphabétique n'est pas une totale nouveauté. Le Dictionnaire de l'Académie a d'abord (jusqu'en 1700) classé ses entrées par ordre de mots-souches, c'est-à-dire par racines.
Le DFC est, certes, beaucoup mieux fondé scientifiquement, beaucoup plus cohérent que son lointain prédécesseur, grâce aux progrès de la linguistique et au talent de ses auteurs, mais le propos n'est pas fondamentalement différent. La même méthode sera utilisée dans le Dictionnaire Hachette de 1980, avec moins de rigueur.
Il faut ajouter que ce mode de classement a déconcerté le public, qui a trouvé difficile la consultation de ces deux dictionnaires et n'en a pas fait des succès de librairie.
À la fin du siècle dernier et au début de l'actuel ont surgi des ouvrages de toute sorte, nommés « dictionnaires », qui « n'ont en commun avec les "vrais" dictionnaires qu'une mise en ordre alphabétique de textes placés chacun sous une entrée-mot. » (2005, A. Rey, DCLF, p. 45).
Nous n'en citerons que deux, d'abord ce Dictionnaire culturel en langue française qui échappe à toute classification et qu'on ne peut ranger dans aucune catégorie préexistante, puis le Dictionnaire des idées reçues de Flaubert.
2. Le dictionnaire numérique, définition et caractéristiques
2.1. Définition
Un dictionnaire numérique est la version logicielle [2], en ligne ou sur CD-ROM [3] d'un dictionnaire [4] classique sur papier. Un dictionnaire numérique peut également être disponible sous forme d'application mobile ou même sous forme d'application de bureau [5].
L'emploi du terme numérique [6] renvoie ici au sens figuré du mot, signifiant plutôt ce qui fait appel à des systèmes informatiques que ce qui se représente sous forme de nombre. Le dictionnaire papier serait le penchant analogique du dictionnaire numérique.
Le dictionnaire numérique est distinct du dictionnaire électronique [7], qui est défini comme un appareil électronique servant de dictionnaire. Dans ce cas, le terme « dictionnaire électronique » fait référence à un matériel alors que « dictionnaire numérique » fait référence à un logiciel. Néanmoins les deux dictionnaires (numérique et électronique) se complètent quand même quant à leur fonction en tant qu'outils pédagogiques favorisant l'apprentissage du lexique.
2.2. Caractéristiques d'un dictionnaire numérique
Certains dictionnaires numériques sont organisés en listes de mots, à l'instar d'un glossaire, alors que d'autres offrent leur contenu sous une forme de base de données, où l'utilisateur peut naviguer à l'aide d'un moteur de recherche. De par leur nature numérique, il est possible à ces dictionnaires de tirer avantage de fonctionnalités hypertextuelles [8] en reliant des mots connexes entre eux, par exemple les mots d'une même famille, ou bien les homophones ou les homonymes du mot consulté. Le dictionnaire numérique permet ainsi une meilleure vue d'ensemble des relations lexicales que le dictionnaire papier [9].
Un avantage considérable que possède le dictionnaire numérique sur son alternative papier est la possibilité de présenter divers types de données en simultané et de les indexer de façon à les considérer comme des facteurs dans la production de résultats par un moteur de recherche, permettant une meilleure flexibilité dans l'interprétation des termes de recherche employés par les utilisateurs. On peut ainsi présenter et indexer ensemble plusieurs informations pour un seul mot, comme la prononciation, la définition, les informations grammaticales, un exemple ou un contexte d'utilisation, ou même des expressions reliées. L'environnement numérique permet également d'y inclure possiblement une représentation visuelle du mot ou un extrait audio contenant la prononciation. Toutes ces informations permettent de faciliter la navigation à travers le dictionnaire et favorisent sa convivialité [10]. De plus, la version numérique a l'avantage de ne pas nécessiter d'enlever des vieux mots jugés moins pertinents pour en rajouter de nouveaux ; on peut simplement continuer à rajouter de nouveaux mots sans devoir se plier à des limitations physiques.
Le dictionnaire numérique permet également d'offrir des outils complémentaires à ce qui est disponible dans un dictionnaire classique, comme un dictionnaire des synonymes implémenté directement dans les rubriques, sans nécessiter de changement d'environnement. D'autres exemples de ces outils seraient une recherche inversée (où on entrerait une phrase, une définition ou une tournure de phrase afin de trouver un mot), ou même des ressources langagières comme des outils de conjugaison et de grammaire. Dans le cas des dictionnaires collaboratifs en ligne, des forums de discussion peuvent également être disponibles. Dans le même ordre d'idées, le dictionnaire numérique a aussi le potentiel, par une compatibilité avec des logiciels bureautiques, de contribuer au fonctionnement de ceux-ci en mettant à leur disposition toutes les informations contenues dans ses bases de données, par exemple pour vérifier l'orthographe ou suggérer des synonymes en cas de répétition trop fréquente d'un mot.
2.3. Le dictionnaire sur CD-ROM
Dans les années 1990, lorsque le CD-ROM était une option plus viable pour la distribution de logiciels qu'elle ne l'est maintenant, il était d'usage d'offrir le dictionnaire en cédérom individuellement, « dans un emballage cartonné sous forme de boîte ». Après quelques années avec ce modèle, les éditeurs de dictionnaire papier ont commencé à offrir la version logicielle du dictionnaire en accompagnement de la copie physique, sans coût supplémentaire apparent. Cette option existe toujours, mais le CD-ROM a été remplacé par un simple code de téléchargement pour l'application mobile ou de bureau, ou par un code d'accès pour la version en ligne, dans certains cas [11].
Dans les dictionnaires sur CD-ROM, la tendance était à offrir en tandem des outils de recherche avancée tirant profit de la structure en base de données rendue possible par l'environnement numérique, mais également une panoplie de documents multimédias, afin de rendre l'expérience numérique plus ludique. Ainsi, les éditeurs de dictionnaires pouvaient répondre aux besoins professionnels en s'adaptant aux réalités technologiques tout en augmentant le contenu offert grâce aux possibilités engendrées par l'aspect multimédia des ordinateurs afin de mieux s'aligner avec les intérêts changeants des utilisateurs numériques. En 2004, Larousse promeut même Le Petit Larousse sur CD en se targuant d'une liste extensive de documents multimédias : « [...] plus de 2 500 documents visuels et sonores, 2 000 photos et dessins, plus de 50 animations 2D, 200 extraits sonores et plus de 1 000 liens internet, plus de 260 cartes géographiques [12] ».
Les Éditions Le Robert ont été des pionniers dans la numérisation du dictionnaire, offrant une version sur cédérom du Grand Robert électronique en 1989. À sa suite, Le Petit Robert [13] se dote de sa première version numérique en 1996, qui est essentiellement un miroir de la version imprimée. Il faut attendre sa deuxième édition, en 2001, avant de voir le contenu de la version sur cédérom augmenté par rapport au contenu de la version papier : plus d'une centaine de notices exclusives à cette version ont été rajoutées, en plus d'introduire des fonctions hypertextuelles au dictionnaire logiciel.
Le Bibliorom, publié par les éditions Larousse et Microsoft en 1996, est une instance particulière du dictionnaire sur cédérom. Il regroupait et reliait entre eux par un moteur de recherche commun et une panoplie de liens hypertextuels six dictionnaires : « un Thésaurus, un Dictionnaire des citations françaises et étrangères et trois dictionnaires bilingues : Dictionnaire français-anglais, Dictionnaire français-espagnol, Dictionnaire français-allemand. » Cet ouvrage est un prototype avec comme idéal éventuel la possibilité de relier ensemble le plus grand nombre possible de dictionnaires, afin de combiner de façon exhaustive tous les aspects du langage couverts par les différents dictionnaires.
Le dictionnaire sur cédérom permettait, au début des années 2000, quelques fonctionnalités qui étaient alors impossibles sur des dictionnaires en ligne :
Une autre manière d'enrichir un dictionnaire est, pour le lecteur, d'y intégrer ses propres repères et commentaires, autrement dit marquer des pages, souligner des passages, pratiquer des renvois d'un texte à l'autre, insérer, mémoriser en modifier, d'une session de travail à l'autre, ses annotations personnelles, ce qui est déjà possible dans plusieurs cas (écrire dans les marges, dirait-on pour un support imprimé). Cette fonction est l'une des grandes différences existante entre un dictionnaire sur CD/DVD-ROM et un dictionnaire sur Internet. [...] l'outil reste autonome, ne dépendant pas d'une connexion à Internet, son temps de consultation est toujours identique et rapide, une base de données personnelle sous forme d'« annotations » peut ainsi être constituée et maintenue par l'utilisateur de consultation en consultation.
2.4. Dictionnaire en ligne
Un dictionnaire en ligne [14] est un dictionnaire qui est mis à disposition de ses lecteurs sur le Web [15]. Il est accessible à partir d'un navigateur web [16], et son modèle économique peut prendre plusieurs formes : il peut être complètement gratuit - souvent accompagné de publicités, il peut être gratuit avec un abonnement payant qui donne accès à un contenu plus exhaustif et à des fonctionnalités plus professionnelles, ou bien être complètement payant, souvent par abonnement.
Il existe différents types de dictionnaires en ligne :
- dictionnaires patrimoniaux, numérisés sous la forme d'images ou remis en forme pour être consultés plus aisément en ligne (par exemple le Dictionnaire du Moyen Français (1330-1500) [17], dictionnaire de référence pour la langue médiévale) ;
- dictionnaires modernes, mis à jours régulièrement, à l'accès payant ou gratuit (par exemple le dictionnaire Larousse) ;
- dictionnaires participatifs mis en ligne par des informaticiens et enrichis par les foules, sans contrôle sur la structure (par exemple Dico2Rue, Dico des mots, La Parlure, Dico de la Zone, Urban Dictionary) ;
- dictionnaires collaboratifs dans lesquels le contenu et la structure sont gérées par le lectorat (par exemple le Wiktionnaire).
2.5. Dictionnaire électronique
Un dictionnaire électronique [18] est un appareil électronique servant de dictionnaire [19].
Les dictionnaires électroniques ont plusieurs avantages. Ils peuvent contenir un nombre important de dictionnaires, ils sont ultra-mobiles avec un poids faible et une simple recherche permet de trouver un mot ainsi que des exemples et locutions associés. Certains dictionnaires électroniques possèdent une sortie audio tel que des haut-parleurs ou la possibilité de brancher un casque. Certaines fonctionnalités sont également proposées comme la calculatrice, la sauvegarde de mots favoris, le bloc-note entre autres.
2.6. Le dictionnaire numérique ou électronique :
des outils pédagogiques favorisant l'acquisition du lexique
Si on a choisi de parler du dictionnaire numérique c'est surtout pour mettre le point sur son importance dans le contexte scolaire, ainsi le dictionnaire électronique [20] est une aide technique qui peut grandement aider un élève présentant un trouble à la lecture ou un trouble à l'expression écrite. Lorsque l'élève a à rédiger, il n'est pas toujours devant un ordinateur. Le dictionnaire se transporte facilement; il est mieux qu'un dictionnaire en papier, car la définition est vite trouvée. Mais, ce qui le rend plus efficace pour l'élève, c'est lorsque le mot est mal orthographié, le dictionnaire pourrait lui donner l'un ou l'autre des messages: «mot inexistant dans la banque» (l'élève peut donc y aller par essai/erreur), ou le dictionnaire corrigera automatiquement l'erreur. Tout dépendra des fonctions du dictionnaire choisi.
Certes, si l'élève s'attend à ce que cette aide règle ses problèmes, il se trompe. Il doit savoir utiliser le dictionnaire adéquatement, et surtout, prendre le temps de lire les résultats de ses recherches
Il existe quelques modèles sur le marché. Le choix est un moment idéal pour faire sa recherche car les dictionnaires électroniques sont plus présents sur les tablettes.
Avant de choisir un dictionnaire électronique, l'élève devrait prendre le temps de regarder différents modèles, d'essayer chacune des fonctions qu'il offre et de prendre note de son évaluation.
Il faut savoir qu'il n'y en a pas un qui est meilleur qu'un autre: tout est une question d'intérêt personnel quant aux fonctions offertes, et qui est le mieux placé pour faire l'évaluation d'un dictionnaire électronique, si ce n'est pas l'élève lui-même.
Nous avons conçu une fiche qui permet de vérifier un bon nombre des composantes d'un dictionnaire. Tout n'y est pas sûrement indiqué, mais elle servira de guide pour l'élève lorsqu'il les regardera, et une fois complétée, l'élève pourra faire un choix plus éclairé sur ce qu'il veut ou pas.
Cette fiche se divise en 2 grandes parties: Identification du dictionnaire et Vérifications des composantes. Voici quelques précisions au sujet de cette fiche ainsi que quelques éléments à faire attention.
L'usage des dictionnaires, précisent les programmes de collège, sous quelque forme que ce soit, en version imprimée ou numérique, est encouragé par une pratique constante, tant pour aider à la réalisation des activités menées en classe que pour éveiller la curiosité des élèves et susciter leur goût de l'expression juste. Le dictionnaire constitue un outil de travail : il assure la correction orthographique et il permet d'explorer l'univers des mots afin de les utiliser à bon escient. Les nouvelles technologies mettent à disposition de dictionnaires variés et complémentaires. Plusieurs d'entre eux sont en ligne sur internet. Comme ils sont accessibles facilement et gratuitement, les élèves peuvent les utiliser régulièrement en classe, à la maison, ce qui permet de générer des réflexes d'utilisation et une appétence à l'égard de la langue. Les dictionnaires électroniques permettent d'optimiser le travail des élèves sur le lexique : ils ont l'avantage de donner accès rapidement au mot recherché, mais aussi à tous les mots rencontrés dans le texte, puisqu'ils sont en lien hypertexte. Cela facilite la navigation à l'intérieur d'un réseau lexical. Si le dictionnaire est utilisé dans une salle informatique en réseau, l'article pourra être affiché sur les écrans des élèves et il sera possible, par un simple copier – coller, d'en extraire par exemple des listes de mots qui serviront de support pour une activité de réflexion sur la langue. Par ailleurs, ces dictionnaires permettent bien d'autres recherches que vérifier l'orthographe ou le sens d'une entrée lexicale. Grâce aux manipulations spécifiques autorisées par la numérisation, il est possible d'effectuer sur les mots un travail d'analyse précis qui permet de comprendre les fonctionnements du lexique.
2.6.1. Recommandations pour choisir un dictionnaire électronique
L'élève doit bien s'assurer qu'il regarde bien un dictionnaire et non un traducteur électronique.
Ce dernier ne fait que la traduction d'une langue à une autre, mais il n'inclut pas la fonction de dictionnaire, Cette précision est importante car la confusion est très facile entre ces 2 objets: leurs formats se ressemblent beaucoup. Il faut donc, ne pas se presser, et surtout, ne pas hésiter à poser des questions.
1/ Vérifications des composantes du dictionnaire électronique
Dictionnaire de base... nombre/Mots et nombre/définitions
Un dictionnaire peut contenir 300 000 mots pour 40 000 définitions seulement: bien vérifier ces items Dictionnaire des synonymes... Conjugueur... Correction d'épellation phonétique.
Ces 3 composantes sont fortement recommandées pour l'élève ayant un trouble à l'expression écrite et à la lecture.
2/ À l'affichage, les lettres sont...
L'élève doit savoir que l'affichage des lettres ne se compare pas à celui d'un écran d'ordinateur. Les lettres sont formées de façon plus rudimentaire (par de petits points pouvant former en escalier).
Il importe que l'élève vérifie adéquatement cet aspect car il aura toujours à lire le type d'affichage du dictionnaire choisi et il ne faudrait pas que la forme des lettres amène plus de problèmes de décodage qu'il en a déjà.
3/ Type de clavier : Qwerty Azerty
Ces 2 types de clavier se distinguent par la position de certaines lettres. Sur le clavier d'un ordinateur, il s'agit de regarder la 1re ligne de lettres (juste en dessous de la ligne des chiffres). En partant de la gauche vers la droite, on peut y lire Qwerty ou Azerty. L'un est un clavier anglais, l'autre français. Le choix du dictionnaire doit tenir compte du type de clavier auquel l'élève est habitué, sinon, il cherchera toujours les lettres pour écrire ses mots. (Au Québec, on retrouve surtout le Qwerty)
4/ Touches-Boutons
Pour cette section, il faut bien prendre le temps de peser sur les touches et les boutons. Lors de nos essais, il arrivait que certains boutons en caoutchouc restaient enfoncés car ils bougeaient un peu lorsqu'on les manipulait, de sorte que pour revenir en position initiale, ils étaient accrochés dans leur ouverture.
5/ L'écran
Quant à l'écran, c'est une partie fragile car il s'égratigne facilement. Aussi, faire attention de ne pas y toucher avec quoi que ce soit.
6/ Contrôle
Cette fonction est intéressante car elle permet à chaque utilisateur de mettre les paramètres de lecture qui lui conviennent. Ce n'est pas à négliger.
Il est nécessaire d'habituer progressivement les élèves à utiliser différents dictionnaires en montrant les avantages et les limites de chacun, leur complémentarité. L'objectif à long terme est de créer une appétence à l'égard de la langue pour générer des réflexes d'utilisation de ces usuels. On pourra s'efforcer d'accroître la part de recherche laissée aux élèves au fur et à mesure de leur appropriation des outils (dictionnaires numériques ou papier) et des savoirs (formation des mots et étymologie). Les moments d'observation sur les différents supports doivent cependant rester suffisamment courts pour maintenir une dynamique de la séance. Enfin l'utilisation du numérique dans la séance ne doit pas se faire à l'exclusivité des autres supports : le classeur est toujours utilisé comme espace privilégié pour l'appropriation des notions et comme prolongement de l'activité menée en salle pupitre.
Conclusion
Il est à noter qu'actuellement, le numérique apporte clarté et lisibilité pour les différents documents qui servent de supports (écrits des élèves, articles de dictionnaire). Le travail avec un dictionnaire sur support papier ne permettrait pas les mêmes apprentissages, car ce qu'apporte ici la version électronique du support, c'est le grand nombre d'usuels à disposition, la facilité et la rapidité de consultation des articles ainsi que le corpus de mots sur lesquels il est possible de travailler. Les activités proposées à partir des dictionnaires numériques ou électroniques présentent des caractéristiques communes. Elles font toutes travailler les élèves sur des corpus authentiques et variés : ceux-ci doivent recueillir, sélectionner, observer, organiser les données lexicales et toutes ces opérations cognitives sont facilitées par la numérisation des données en question.
L'utilisation du numérique crée une dynamique de travail dans la classe : il permet de varier très rapidement et très facilement les supports et d'inscrire l'élève au cœur des apprentissages. Les dictionnaires électroniques facilitent ici les recherches et les rapprochements que l'on peut tisser entre les mots du lexique pour construire des réseaux lexicaux. Par ailleurs, les supports électroniques, qui peuvent être affichés sur l'écran de chaque élève si on utilise une salle pupitre, favorisent l'échange au sein de la classe et la position réflexive de l'élève qui doit expliciter sa démarche lors des phases de mutualisation et de négociation, durant lesquelles se construisent la réflexion sur la langue et l'amélioration des productions orales et écrites. En fait, l'usage individuel du dictionnaire par l'élève lui permet de développer son autonomie de recherche pour assurer une meilleure acquisition du lexique. La possibilité de basculer les écrans permet également au professeur de prendre appui sur le travail de chacun, de faire s'alterner les moments de travail individuel, les reprises collectives, et les retours personnels et réfléchis sur les écrits des élèves.
Mostafa Zaklani
Université Ibn Tofail, Faculté des Lettres et Sciences Humaines
Centre des études doctorales : Lettres, Art, Sciences Humaines et Sociales
Laboratoire : Didactique, Littérature, Langue, Arts et TICE
Mostafa1zaklani@yahoo.fr
Cet article est sous licence Creative Commons (selon la juridiction française = Paternité - Pas de Modification).
http://creativecommons.org/licenses/by-nd/2.0/fr/
Bibliographie
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NOTES
[1] L. Guilbert (1969, Dictionnaire et linguistique : essai de typologie des dictionnaires monolingues français contemporains, in Langue française n° 2, p. 4-28).
[2] « Code source du dictionnaire GCIDE » [archive], git.debian.org, 4 mai 2011
http://anonscm.debian.org/gitweb/?p=collab-maint/dict-gcide.git;a=summary
[3] https://fr.wikipedia.org/wiki/CD-ROM
[4] https://fr.wikipedia.org/wiki/Dictionnaire
[5] « Applications mobiles » [archive], sur larousse.fr (consulté le 28 novembre 2018).
https://www.larousse.fr/applications-mobiles
[6] https://fr.wikipedia.org/wiki/Numérique
[7] https://fr.wikipedia.org/wiki/Dictionnaire_électronique
[8] https://fr.wikipedia.org/wiki/Hypertexte
[9] Christine Jacquet-Pfau, « Pour un nouveau dictionnaire informatisé », ELA. Études de linguistique appliquée, no 137, janvier-mars 2005, p. 51-71 (ISSN 1965-0477, lire en ligne [archive]).
https://www.cairn.info/revue-ela-2005-1-page-51.htm?contenu=article
[10] Marjan Alipour, « Les qualités d'un bon dictionnaire en ligne », Circuit, no 123, été 2014 (ISSN 0821-1876, lire en ligne [archive]).
http://www.circuitmagazine.org/dossier-123/les-qualites-d-un-bon-dictionnaire-en-ligne
[11] « Les origines des Éditions Le Robert » [archive], sur lerobert.com, 2017 (consulté le 29 novembre 2018).
https://www.lerobert.com/notre-histoire.html
[12] Jean-François Mostert, « Des ressources en inventaire », Québec français no 134, été 2004, p. 77-85 (ISSN 1923-5119, lire en ligne [archive]).
https://www.erudit.org/fr/revues/qf/2004-n134-qf1184730/55588ac/
[13] https://fr.wikipedia.org/wiki/Le_Petit_Robert
[14] https://fr.wikipedia.org/wiki/Dictionnaire_numérique
[15] https://fr.wikipedia.org/wiki/Web
[16] https://fr.wikipedia.org/wiki/Navigateur_web
[17] « Dictionnaire du Moyen Français (1330-1500) » [archive], sur atilf.fr, 1er février 2016 (consulté le 28 novembre 2018).
http://www.atilf.fr/dmf/
[18] https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Dictionnaire_électronique
[19] https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Dictionnaire
[20] Dictionnaire électronique, Rédigé par Joanne N. Senécal, en collaboration avec Caroline De Hamel le 7 novembre 2001.
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