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Espoir et inquiétudes
 

   Ces dernières années, les créations suivantes ont eu lieu :

  • en 2012, ISN (Informatique et Sciences du Numérique), enseignement d'informatique optionnel pour les élèves de Terminale S ;

  • en 2015, ICN (Informatique et Création Numérique), enseignement d'exploration optionnel en Seconde (puis en Première) ;

  • à la rentrée 2019, la spécialité NSI (Numérique et Sciences Informatiques) en Première (puis en 2020 en Terminale) et SNT (Sciences Numériques et Technologie) pour tous les élèves de Seconde.

   Les actions menées pendant des décennies ont porté leurs fruits. L'espoir est revenu. Il y avait eu les suppressions de l'option informatique des lycées d'enseignement général dans les années 90 suivies d'un long « désert explicatif » avec le B2i. Et, en 2007, l'action avait été relancée avec l'entrevue de l'EPI à l'Élysée.

   Espoir donc mais aussi des inquiétudes dont nous avons déjà fait état dans les précédents éditoriaux.

Pour une 3e spécialité en Terminale

   Inquiétudes, écoutons des professeurs de NSI en ce début d'année :

   « Avec mes 10 élèves en 1ère, il risque de ne même pas y en avoir un en Terminale. S'il y en a quand même un, on lui proposera nécessairement de changer de lycée (car le plus proche est à 45 min de bus urbain et donc aucun moyen d'articuler les emplois du temps, et il préférera probablement abandonner pour rester avec ses potes. »

   « L'ouverture de la spécialité NSI de terminale dans mon établissement est fortement compromise à la rentrée prochaine... seuls 4 à 5 élèves sur 20 souhaiteraient continuer l'aventure l'année prochaine. C'est dommage car j'avais 12 élèves motivés et intéressés. Mais, après visite des salons, et des établissements d'enseignement supérieur où le discours était : "sans Maths et Sciences-Physiques point de salut", le choix a été fait assez vite pour eux ».

   La Commission des Affaires culturelles et de l'Éducation de l'Assemblée nationale a confié, le 30 octobre 2019, à Mme Géraldine Bannier, députée de la Mayenne (MODEM) et à M. Frédéric Reiss, député du Bas-Rhin (Les Républicains), une «mission flash» sur la mise en place de la carte des spécialités dans le cadre de la réforme du lycée [1].

   Les rapporteurs « plaident en faveur de la possibilité de maintenir, en Terminale, 3 spécialités, afin d'apaiser les inquiétudes des élèves, qui craignent que l'abandon d'une spécialité limite leurs choix dans l'enseignement supérieur, et de compenser la réduction de l'offre d'options par les établissements, qui découle de leur choix d'offrir une palette large de spécialités ».

   L'EPI pense effectivement que maintenir 3 spécialités en Terminale est une nécessité notamment pour assurer le développement optimal de NSI.

   Et l'on comprend les inquiétudes des professeurs qui enseignent NSI. Titulaires d'un Capes ou d'une agrégation dans une autre discipline, ils participent à des formations d'informatique et fournissent un gros travail de préparation de leurs cours. Pour autant, ils n'ont pas nécessairement une grande visibilité sur le devenir de NSI dans leur lycée et sur leur avenir quand arriveront des professeurs titulaires du Capes informatique.

Mise en cause de la réforme du lycée

   D'une manière générale est en cause la philosophie générale de la réforme du lycée, mais aussi les modalités de sa mise en œuvre.

   Dans une allocution au Conseil Syndical National du SNPDEN, le 13 janvier 2020, deux secrétaires académiques du premier syndicat de personnels de direction s'expriment comme suit [2]. Écoutons-les, « De plus en plus souvent notre loyauté nous conduit à mentir... Mentir aux personnels lorsque nous leur affirmons que la réforme du baccalauréat va dans le sens d'une simplification, que la réforme du lycée ou la transformation de la voie professionnelle ne sont pas commandées par la recherche d'économies de moyens alors que les DGH qui viennent de tomber administrent la preuve du contraire. Mentir aux usagers en leur vendant les téléservices comme la simplification assurée, les PIAL comme un gain en efficacité dans la prise en charge de leurs enfants. Se mentir à nous-mêmes lorsque nous finissons par croire que notre ministre a une haute considération pour les personnels de direction. Nous n'oublions pas que notre ministre appartient à un gouvernement qui, par pure idéologie, a mis à bas le paritarisme ».

   Dans une lettre ouverte, et anonyme, publiée par Médiapart, une élève du lycée Marcelin Berthelot de Saint-Maur (94) exprime son désarroi devant la réforme du lycée, sentiment qui semble largement partagé.

   Écoutons-la, « Tous les élèves et les professeurs s'accordent sur le fait que les épreuves arrivent très vite, trop vite pour des épreuves officielles. Si vite qu'on ne sait même pas de quoi on parle. Les informations, en revanche, prennent tout leur temps pour arriver jusqu'à nous », écrit-elle.  Elle dénonce « une pression permanente, une évaluation continue, une fraude organisée et une rupture d'égalité... Les cours vont trop vite pour l'amas de connaissances que le programme nous demande d'intégrer. Les programmes sont riches et ambitieux, oui, mais ils sont surtout infaisables. Le temps octroyé aux épreuves est trop court également », particulièrement en langues et histoire-géographie. Elle conclut : « Dorénavant nous ne venons pas au lycée pour apprendre ou progresser mais pour être évalués en permanence. Toutes les conversations tournent autour des notes et du stress ».

Les E3C à l'origine d'une extrême tension

   Les épreuves du contrôle continu de NSI, pour la classe de Première, doivent avoir lieu en mai prochain. On ne peut pas dire que les choses s'annoncent bien. En effet, depuis le début de la période d'ouverture du passage des épreuves communes du baccalauréat, beaucoup d'établissements sont en proie à une extrême tension. Les E3C posent de multiples problèmes, pratiques et pédagogiques : divulgation des sujets sur les réseaux sociaux, conditions de passage des épreuves, difficultés de correction en ligne... Pourtant de nombreuses difficultés étaient prévisibles et enseignants et parents d'élèves avaient alerté le ministre à plusieurs reprises, ainsi le SNES-FSU [3] et la fédération des parents d'élèves FCPE [4].

Une « telle pression » et « une escalade inédite »

   Rodrigo Arenas, président de la FCPE : « Le ministère leur mettant une telle pression, en leur demandant de gérer l'ingérable, des chefs d'établissement en viennent à faire des choses inimaginables. Ils pètent les plombs. Des proviseurs traquent les mômes sur les réseaux sociaux, les prennent en photo devant le lycée pour ensuite les exclure. Certains invitent les forces de l'ordre à rentrer à l'intérieur du lycée... Des proviseurs ont également menacé de coller des 0 à tous les gamins qui refusent de composer dans ces conditions » [4]. Alors que « ce sont simplement des mômes qui réagissent de façon spontanée face aux injustices. Ils se retrouvent à passer des examens dans des situations scandaleuses, devant parfois des sujets infaisables, qui ne correspondent pas du tout à ce qu'ils ont vu en cours ! ».

   Idem pour le SNES-FSU pour qui « nous assistons à une escalade inédite dans les mesures répressives et à une perte de sang froid de certains chefs d'établissement. Nous ne pouvons qu'être choqués par la mise en garde à vue de lycéens, les interpellations, les exclusions arbitraires prononcées à l'égard de certains d'entre eux, la convocation au commissariat de collègues, l'intrusion de policiers dans des lycées » [3].

   Et d'inviter le ministre, « à entendre le message émanant de nombreux personnels et élèves, car il est urgent de mettre fin à la vague de sanctions et de répression, urgent de décider l'annulation de cette première session des E3C et sa transformation en épreuves nationales terminales, tout montrant que le renvoi au local conduit à des ruptures d'égalité entre les élèves » [3].

Des actions efficaces

   Les actions des enseignants, des élèves et des parents commencent à modifier le paysage. Le 6 février, Jean-Michel Blanquer, s'est dit prêt, à « faire évoluer » les prochaines épreuves prévues de la mi-avril à la fin mai, « dans le sens de la simplicité ». Le comité de suivi du nouveau bac doit tirer le bilan de la première session d'épreuves en mars. Selon l'un de ses membres, il devrait proposer d'alléger nettement leur organisation pour la deuxième session [5].

   L'on sait que le temps de la pédagogie est le temps long. La compréhension des connaissances, leur assimilation et leur maîtrise ne sont pas nécessairement immédiates. Cela demande des efforts sur la durée. Les choses doivent mûrir tranquillement pour s'installer durablement et sûrement.

   Alors encore quelques efforts pour des épreuves nationales en fin d'année... Et le livret scolaire en guise de contrôle continu.

   En définitive, des raisons multiples existent pour que des inquiétudes subsistent, de sérieuses inquiétudes même.

15 février 2020

Jean-Pierre Archambault
Président de l'EPI

NOTES

[1] http://www2.assemblee-nationale.fr/content/download/183772/1842254/version/1/file/Synthèse+de+la+mission+flash+sur+la+carte+des+spécialités+au+lycée.pdf

[2] http://www.cafepedagogique.net/LEXPRESSO/Pages/2020/01/22012020Article637152744648821997.aspx

[3] https://www.snes.edu/Lettre-au-Ministre-de-l-Education-nationale.html

[4] « On punit les mômes parce qu'ils osent dénoncer la situation ?», Rodrigo Arenas, président de la FCPE.
https://www.liberation.fr/france/2020/02/04/reforme-du-bac-et-donc-la-on-punit-les-momes-parce-qu-ils-osent-denoncer-la-situation_1777066

[5] https://www.google.com/url?q=https://www.lemonde.fr/societe/article/2020/02/06/e3c-blanquer-pret-a-faire-evoluer-les-prochaines-epreuves-de-controle-continu_6028676_3224.html&sa=D&sntz=1&usg=AFQjCNHyshsRFOdnluafRmRS-7w4WE8MIQ

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