Enseignement-apprentissage à l'ère numérique :
de l'hybride au distanciel
Cas de la faculté des Lettres et des Sciences humaines d'Oujda
Sabrine Jmad, Samira Elouelji, El Mehdi Kaddouri
Résumé
La présente recherche rend compte d'une expérience entreprise à la Faculté des Lettres et des Sciences humaines d'Oujda en matière d'enseignement-apprentissage hybride et à distance. Cette communication présente une expérience de scénarisation et de conception de deux cours qui portent sur « les théories d'apprentissage » et « les outils de recherche et gestion de l'information ». Les cours en ligne ont été mis sur la plate-forme Moodle pour les cours à distance et sur la plate-forme Claroline pour les cours hybrides au bénéfice de 64 étudiants. Cette expérience est évaluée à travers un questionnaire qui permet de mesurer le taux de satisfaction des apprenants aussi bien par rapport à l'apprentissage qu'ils ont eu que par rapport aux relations entre les formateurs et les formés. Ce qui singularise une partie de notre expérience, c'est le mélange qu'elle opère entre l'approche sociodidactique et l'approche informative qui offrent aux étudiants la possibilité d'apprendre en lien avec leur contexte.
Mots clés : Apprentissage à distance, plate-forme, enseignement, hybridation.
Introduction
Les technologies de l'information et de la communication prennent de nos jours une importance capitale. Dans le contexte actuel, ce sont des moyens qui ne peuvent pas rester aux portes de nos universités. Les enseignants, le personnel administratif et les étudiants doivent évoluer pour faire face à tous les défis liés à la gestion des nouvelles techniques d'enseignement et de nouveaux modes d'apprentissage. Elles peuvent contribuer à transformer totalement notre système éducatif qui est vivement appelé, « mondialisation oblige », à se mettre au diapason d'autres systèmes à travers le monde. Une telle opération pourrait l'aider à évoluer et faire évoluer toute une société menacée par des transformations qui mettent en danger son équilibre.
Dans une vision microcosmique, rien que l'introduction du numérique à l'université en usage dans la société moderne permet de maintenir l'équilibre au sein de cette dernière. L'une des priorités de l'université est de répondre aux besoins de la société qu'elle représente. En un certain sens, une harmonie entre les deux structures pourrait contribuer à motiver l'apprentissage.
Par ailleurs, en faisant de nos universités un vecteur d'effervescence, les actions du E-learning ne manqueraient pas de développer un certain nombre de compétences chez les enseignants et les apprenants. L'élan qu'elles pourraient donner aux initiatives devrait engendrer des individus engagés, entreprenants et autonomes. Bref, la mise en place d'un dispositif de formation peut ouvrir un énorme chantier de réflexion et d'action tant sur le plan de la théorie que sur celui de la pratique. Pour le cas de l'Université Mohammed Premier d'Oujda, la situation a besoin d'un « généraliste » qui puisse l'approcher globalement. On devrait considérer l'« E-learning » comme étant, dans un premier temps, une innovation structurelle et indispensable, qui devrait émaner d'une commande ministérielle et qui soit décrétée par le gouvernement. On engagerait dans un stade subséquent, une recherche, une réflexion collective et un débat national qui pourraient donner naissance à l'innovation à adopter.
Comme toute innovation, la mise en place d'une culture de E-learning peut générer des modifications du système (dans un sens progressif sûrement), mais les premiers obstacles à surmonter seront liés au refus de vouloir « faire autrement », à la peur de l'inconnu et aux difficultés qui pourraient accompagner la reconversion.
Contexte
Le contexte actuel de la formation se caractérise par l'arrivée massive du numérique en enseignement et en apprentissage. L'apprentissage tout au long de la vie est devenu une nécessité pour tous en vue d'être en phase avec les grands changements de la société. Une telle situation s'est traduite par l'appropriation des nouvelles méthodes d'apprentissage, une évolution des rôles des enseignants et des apprenants.
À la faculté des Lettres et des Sciences Humaines d'Oujda, nous disposons d'un master de recherche hybride "Ingénierie de formation et technologies éducatives" (IFTE) et d'un master d'université à distance qui s'appuie sur le master IFTE « Ingénierie de formation et techniques d'information et de communication » (IFTIC). Le master IFTE favorise des pratiques innovantes associant les bienfaits de la distance et ceux du face à face. Il permet aussi de rendre l'enseignement-apprentissage plus interactif en médiatisant les échanges et les accès aux contenus « pour redonner du sens à la présence » (M. Lebrun). Tandis que le master IFTIC, en tant qu' expérience d'apprentissage complètement à distance, est considéré comme un projet pilote à la FLSHO où l'ingénierie de la formation s'est peu à peu imposée comme une nécessité voire un investissement et un mode d'adaptation aux changements socio-économiques et aux révolutions technologiques. Ce master s'inscrivant dans le cadre de la formation continue ne permet pas de s'inscrire directement aux études doctorales mais ses lauréats peuvent postuler aux M2 du Master Accrédite Paris, M2 du Master Didactique des Langues et des Cultures de Saint-Etienne et M1 du Master IFTE d'Oujda.
Ces deux masters visent les objectifs suivants :
Doter les bénéficiaires de la formation de compétences d'observation, d'analyse et de synthèse leur permettant de mener des « analyses de l'existant » ou les études préalables nécessaires à la conception des dispositifs de formation.
Préparer les bénéficiaires de la formation aux rôles de concepteurs pédagogiques, concepteurs et réalisateurs de produits multimédias, gestionnaires de dispositifs de formation médiatisés, tuteur en enseignement présentiel et à distance.
Susciter une réflexion sur les modalités d'intégration et les usages des technologies de l'information et de communication dans les différents cycles de l'enseignement.
Initier aux théories et méthodes de recherches en technologies éducatives et en pédagogie universitaire.
Chaque master s'étale sur deux ans et comporte quatre semestres. Le master comporte 24 modules, stage compris, répartis en trois blocs de modules :
Module majeur : composé d'enseignements généraux dans la spécialité du master ou spécifiques à cette spécialité. Il représente 80 % à 85 % du volume de la formation.
Module outil : nécessaire à la formation (5 % à 15 % du volume de la formation, 1 à 2 modules).
Module complémentaire : module d'option, de spécialisation ou d'ouverture en relation avec le domaine de spécialisation de la formation (5 % à 15 % du volume horaire)
Méthodologie de recherche
Lors de notre étude, nous avons eu recours à une enquête quantitative sur le terrain dans laquelle nous avons interrogé les étudiants inscrits dans les deux masters en hybride et à distance à travers un questionnaire afin d'étudier et de mener une réflexion sur le processus de scénarisation de nos cours et d'apprentissage de nos collaborateurs. L'évaluation portait sur deux modules « Théories des apprentissages » et « Outils de recherche et gestion de l'information » ayant pour cible un public large des quatre coins du Maroc en relation généralement avec le secteur de l'enseignement (31 étudiants pour le Master IFTIC) et des étudiants appartenant à la région orientale (Oujda, Berkane, Taourirt, Jerada, Elhoucima, Nador et Taza) dont la majorité sont des étudiants non fonctionnaires (33 pour le master IFTE).
Interprétations
Nous pensons que l'étude du terrain à l'aide d'un questionnaire peut révéler les perceptions et les attitudes des étudiants des deux masters. Cela permet d'apporter des indications utiles relatives à la scénarisation de la formation, aux apprentissages ainsi qu'à la relation formateurs-formés. Ainsi a-t-on a reçu 45 réponses qui nous ont permis d'obtenir les résultats qui suivent.
Scénarisation
En ce qui concerne les objectifs du cours, les participants les trouvent clairs, le contenu est également clair, stimulant et bien structuré. 79 % pour les apprenants en hybride et 85 % pour les ifticiens trouvent que les activités du cours sont interactives et adéquates au contenu du cours. Le type d'évaluation est également approprié. D'un côté, les étudiants ont manifesté une satisfaction vis-à-vis du contenu du cours (73,7 % IFTE et 95 % IFTIC). D'un autre côté, on aimerait que le contenu soit relatif au projet de fin d'études. Quelques éléments ont demandé l'amélioration du niveau d'interactivité au sein du module dans le cours, en matière de vidéos, animations..., et une redéfinition des objectifs à ensuite annoncer aux étudiants.
Apprentissages
Ces données relatives aux caractéristiques du contenu, des activités et de l'évaluation ont démontré une facilité considérable dans l'apprentissage (facilité de compréhension, d'application des concepts). Cela est dû à l'articulation des exemples et de l'adaptation du rythme du cours. Nous avons constaté que les étudiants ont acquis une autonomie au fur et à mesure de l'avancement des modules.
En ce qui concerne la répartition du temps selon la nature des activités et les délais accordés pour les devoirs et le niveau des difficultés, 85 % pour les apprenants du master IFTE et 68,4 % pour l'IFTIC ont manifesté leur satisfaction. La communication au sein du groupe (l'entraide et l'échange avec les autres) était importante. La plupart des enquêtés ont dit qu'ils ont acquis une nouvelle méthode d'apprentissage grâce à cette expérience. Mais cela n'empêche pas que certains participants pensent que les activités collectives retardent le travail.
Relation formateur-formés
Quant à la relation formateur-formés, les participants ont exprimé une satisfaction envers les explications des concepts présentés dans le cours et ils ont manifesté une sorte de réticence concernant l'accompagnement et le suivi de la gestion des groupes. 63,20 % pour les apprenants du IFTE et 85 % pour les ifticiens ont été convenablement orientés au niveau du choix des outils de la plateforme et ont été encouragés et motivés pour suivre cette formation. Le formateur intervient pour régler certains problèmes de divers ordres, oriente vers la méthode de travail la plus adaptée et fait des feedbacks. Nous pouvons dire que la motivation, l'encouragement et l'accompagnement des tuteurs jouent un rôle très important dans l'amélioration des apprentissages.
L'intervention du formateur était positive lors d'un blocage face à la réalisation d'une tâche que je trouvais difficile à réaliser. De plus, l'intervention du formateur était positive lors d'un blocage face à la réalisation d'une tâche. Il ne faudrait pas négliger le rôle de la scénarisation du contenu et l'accessibilité de la plate-forme en tant que support technique qu'il faut maîtriser, aussi bien le formateur que les formés qui ont souligné que l'évaluation devrait tenir compte de la qualité des interactions plutôt que de la quantité de la connexion. Selon cette réflexion, l'accompagnement humain, qu'il soit cognitif, métacognitif ou affectif, devrait prendre en considération la qualité du contact, de la formation et de ses outils afin de pouvoir personnaliser les apprentissages.
Conclusion
En guise de conclusion, nous pouvons dire que notre contexte est marqué par les mutations économiques, sociales et industrielles, où le E-learning constitue un enjeu crucial pour le développement de la société. Ainsi, le numérique offre de magnifiques occasions de réflexion sur son travail, que l'on soit apprenant, enseignant ou responsable de formation. Actuellement, l'équipe responsable des masters possède une vision d'avenir visant une élaboration d'un scénario de communication et une nouvelle conception des activités collaboratives.
Sabrine Jmad1
Samira Elouelji2
El mehdi Kaddouri2
1. Doctorante à la Faculté des Lettres et des Sciences Humaines d'Oujda
2. Faculté des Lettres et des Sciences Humaines d'Oujda
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