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La mère de toutes les batailles
 

   Dans le numéro d'EpiNet de mai nous annoncions la journée sur l'enseignement de l'informatique au lycée organisée par la SIF et l'EPI le 31 mai dernier [1]. Celle-ci a accueilli plus d'une centaine de participants. Voir communiqué SIF-EPI [2] et exposés de la journée [3].

Un consensus

   Un évident consensus s'y est manifesté. Tous, enseignants du supérieur et du secondaire, chercheurs et industriels se sont accordés à dire que l'informatique, science et technique, est une composante à part entière et de premier plan de la culture générale de tous au 21e siècle. À ce titre, elle doit être une composante de la culture générale scolaire de tous et il doit lui correspondre une discipline en tant que telle. Pour la formation de l'homme, du travailleur et du citoyen, qui sont les missions de l'enseignement scolaire.

Urgence, un maître mot

   Le point a été fait sur le nouveau paysage issu des déclarations ministérielles. Si les avancées sont réelles, de nombreux problèmes restent à régler sans attendre car les échéances sont rapprochées. Et les informations concrètes sont rares. Il y a urgence.

Des besoins considérables en enseignants

   À la rentrée 2019, la mise en place de « Sciences et techniques numériques » (1h30) pour tous les élèves signifie 2 500 professeurs pour assurer cet enseignement, sans prendre en compte d'éventuels dédoublements indispensables pour travailler sur ordinateur. Qui sont-ils, où sont-ils ? Et s'adresser à tous les élèves est synonyme de défis pédagogiques.

   En Première et Terminale, « Enseignement scientifique », dont les contours sont flous et dont on ne sait pas qui l'assurera, c'est 36 fois 2h puis 36 fois 2h. L'enseignement de spécialité « Numérique et sciences informatiques » représente 4 heures en Première (2020) et 6 heures en Terminale (2021). Rappelons que l'horaire de l'actuelle option de Terminale « Informatique et sciences du numérique » est de 2h. Une augmentation de 400 % ! Sans parler de dédoublements d'une partie de l'horaire car la question est bien posée de savoir comment enseigner l'informatique sur ordinateur à des classes entières.

   On l'aura compris, pour mettre en œuvre ces enseignements, il faut avoir en nombre des professeurs compétents en informatique (en passant il serait bien d'avoir une dénomination unique « informatique » comme le français ou les mathématiques qui ne changent pas de nom chaque année de la scolarité). Enseigner ce qu'on maîtrise mal est devenu une entreprise risquée dans un milieu bouleversé par le numérique.

La formation des enseignants

La formation est la mère de toutes les batailles !

   La formation ne peut se suffire du bénévolat qui, en la matière, atteint vite ses limites. L'auto-formation entraîne souvent une pensée peu structurée. Les MOOCs ne combleront pas le trou béant des enseignants indispensables. Il faut qu'enfin l'institution scolaire ouvre le dossier verrouillé de la formation universitaire informatique initiale des enseignants. Pour cela, une volonté politique doit se traduire dans un véritable plan d'urgence.

   Formation initiale, il faut créer sans attendre un Capes et une agrégation d'informatique : les mêmes concours que pour les autres disciplines ! C'est une condition sine qua non qui garantit l'avenir aux plans quantitatif et qualitatif. Il faut se féliciter que Capes et agrégation ne soient plus des mots tabous. Les choses avancent, encore un effort !

   Formation continue aussi car on ne pourra pas satisfaire les besoins affichés sans recourir aux professeurs en poste, notamment de lycée, mais peut-être aussi de collège. En premier lieu, les professeurs de l'actuelle option ISN. Il faut des décharges, des garanties et des reconnaissances de carrière (rémunérations, mutations...). Une simple « habilitation » ne suffit pas. Il y a les DU, DIU (diplômes interuniversitaires)..., et pourquoi ne pas relancer les formations « lourdes » des années 70 et 80 ? [4]. Formation également pour des professionnels de l'informatique voulant se reconvertir. Mais attention à un recours trop grand à des contractuels. Le statut de fonctionnaire doit rester la règle. Il y a va de la qualité et de la pérennité locale et nationale.

Des échanges diversifiés et riches

   Plein de questions diverses ont été débattues parmi lesquelles :

  • la diminution de la proportion de femmes dans les métiers de l'informatique depuis 30 ans qui inquiète les industriels et qui va continuer ;

  • la nécessaire évolution des classes préparatoires, le statu quo risquant de dissuader des élèves de choisir « Numérique et sciences informatiques » en Première et Terminale ;

  • d'une manière générale, l'évolution des programmes du supérieur avec l'arrivée d'étudiants ayant fait de l'informatique pendant plusieurs années, mais pas tous de façon analogue suivant les options, ce qui posera des problèmes d'hétérogénéité ;

  • la nécessité d'une formation scientifique large pour les futurs ingénieurs, les spécialisations ne devant intervenir que dans les dernières années d'études ;

  • la place du projet dans la pédagogie de l'informatique ;

  • les problèmes rencontrés dans l'entreprise de par le manque de compétences chez les non informaticiens qui peuvent constituer la grande majorité des personnels ;

  • la nécessité pour les informaticiens de savoir dialoguer avec la direction de l'entreprise et avec leurs collègues.

   Et, pour une fois, permettons-nous un anglicisme, last but not least, la place réduite des sciences dans le nouveau lycée a de quoi inquiéter au 21e siècle.

   Un grand chantier est lancé. Les défis sont immenses. Le pays se doit d'y faire face. Il y va pour une part de son avenir.

Le 15 juin 2018

Jean-Pierre Archambault
Président de l'EPI

NOTES

[1] https://www.epi.asso.fr/revue/articles/a1805a.htm

[2] http://www.enseignerlinformatique.org/category/informations/

[3] https://www.societe-informatique-de-france.fr/les-journees-sif/lycee-nx-paysage-prgm/

[4] Très bref historique: http://www.epi.asso.fr/blocnote/sifepi.pdf

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Juin 2018

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