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Des programmes scolaires et des formations
de professeurs d'informatique
pour la science informatique
 

   Dans un communiqué le 16 février dernier [1], l'EPI se félicitait des créations annoncées par le ministre Jean-Michel Blanquer d'une discipline de spécialité « Numérique et sciences informatiques » en Première (4h/semaine) et en Terminale ( 6h/semaine) et, dans le socle de culture commune de Première et Terminale, d'un enseignement « Humanités scientifiques et numériques », rappelant que, depuis des décennies, elle œuvre pour un enseignement d'informatique de culture générale pour tous les élèves correspondant aux exigences de la société telle qu'elle évolue.

   Devant nous, et rapidement, une tâche, l'élaboration des programmes de ces enseignements. Il n'y a pas d'inquiétudes particulières concernant le programme de « Numérique et sciences informatiques ». Celui de l'actuelle option de spécialité de Terminale S, « Informatique et sciences du numérique » (ISN), enrichi notamment des systèmes d'exploitation, des bases de données, d'approfondissements sur les réseaux, constitue une solide base de départ. L'apprentissage de deux langages de programmation est à préconiser. Nous devons, EPI et SIF, faire rapidement des propositions de programme pour cet enseignement.

   En revanche, il va falloir préciser ce qu'il faut entendre par « Humanités scientifiques et numériques » dont on ne voit pas bien le contour et les contenus. Lors d'une audition par la commission des Affaires culturelles et de l'Éducation  de  l'Assemblée nationale, le mardi 20 février 2018, le ministre a dit que les contenus restaient à définir et qu'il attendait des propositions [2]. Que faut-il entendre par Humanités numériques ? Stéphanie de Vanssay (Veille et informations) synthétise ainsi les choses : « Nous voilà donc avec un domaine vaste et non clairement délimité mais qui, de façon convergente dans les différentes visions, met en lien les humanités (définies comme étant les lettres et sciences humaines et sociales) et ce que le numérique peut y apporter tant dans l'aspect recherche, notamment via des outils de traitement et d'analyse, mais aussi par des méthodes spécifiques incluant par exemple une dimension participative. » [3] Quid de tout cela quand on passe de l'enseignement supérieur et de la recherche à l'enseignement secondaire ?

   Le questionnement s'inscrit dans un contexte où, pour beaucoup, cette réforme du baccalauréat affaiblira encore les parcours scientifiques des scientifiques et non scientifiques. C'est l'avis de l 'académicien des sciences Pierre Léna :
« L'élève qui après la seconde ne choisira pas de se spécialiser, totalement ou partiellement, en science, ne connaîtra plus de celle-ci que deux heures hebdomadaires d'un nouvel enseignement, commun à tous, à la dénomination aussi sympathique que floue : "humanités scientifiques et numériques"... Occasion de réfléchir sur la place de la science dans notre monde, apportera-t-il aux élèves de réelles connaissances scientifiques, et surtout une compréhension de la façon dont la science, par son puissant processus fait d'imagination et de raisonnement, construit de la vérité et du pouvoir sur le monde ? Parler de science n'est pas équivalent à faire de la science, même au lycée. » [4].

   Le contexte est donc celui d'un nouveau lycée où risque de s'installer une quasi absence de culture scientifique (mathématiques, physique-chimie, sciences de la vie et de la terre) pour tous les élèves qui prendront les spécialités « Arts », « Histoire-géographie-politique », « Littérature-philo », « Langues », « SES ». Or tous les élèves doivent avoir une culture générale scientifique, y compris informatique car l'informatique est présente dans tous les métiers et parce que tous sont de futurs citoyens et que l'informatique s'immisce dans mains débats de société qui les concernent.

   Deux heures hebdomadaires c'est très peu pour traiter de toutes les sciences qui ont des approches différentes. Pour l'EPI, les Humanités numériques doivent avoir un contenu scientifique informatique. S'intéresser aux apports de l'informatique aux autres disciplines n'a pas de sens quand on ignore ce qu'est l'informatique.

   Et, répétons-le car c'est décisif, l'enseignement de l'informatique doit être assuré par des professeurs spécialistes comme c'est le cas pour les autres disciplines du lycée. Par des professeurs d'informatique. On ne réussira pas l'enseignement de l'informatique sans professeurs en nombre et suffisamment formés. On peut remarquer que, de façon générale et d'une manière quelque peu surprenante, la nécessité d'une formation universitaire à l'informatique est quasiment absente des discours officiels. Il faut donc créer sans attendre un Capes et une agrégation d'informatique Qui dit Capes et agrégation externes dit aussi Capes et agrégation internes. La préparation de tels concours (ainsi que la formation continue pour les enseignants en poste avec reconnaissance institutionnelle) pourrait commencer dès l'année scolaire 2018-2019, avec des décharges significatives (voir les « stages lourds » d'un an des années 70 et 80) à l'intention des professeurs d'ISN et ICN intéressés. Il faut également utiliser la voie du « 3ème concours » pour les professionnels de l'informatique ayant au moins 5 ans d'expérience, en faisant sauter le verrou des 10 %. Parmi les autres pistes à explorer : la formule des professeurs associés dans le supérieur (PAST), les doctorants... [5].

   Mais, sans attendre car c'est urgent, il faut créer un Capes et une agrégation d'informatique.

15 mars 2018

Jean-Pierre Archambault
Président de l' EPI

NOTES

[1] http://www.enseignerlinformatique.org/2018/02/16/communique-de-lepi-du-16-fevrier-2018/

[2] http://www.enseignerlinformatique.org/2018/02/23/assemblee-nationale-video-20-02-2018/

[3] https://ecolededemain.wordpress.com/2018/02/22/humanites-scientifiques-et-numeriques-kesako/

[4] https://www.la-croix.com/Debats/Forum-et-debats/Baccalaureat-cette-nouvelle-reforme-affaiblira-encore-parcours-scientihfiques-2018-02-27-1200916851

[5] Voir compte-rendu de la 29e réunion du groupe ITIC-EPI-SIF :
http://www.epi.asso.fr/revue/editic/groupe-itic-cr_18-02.htm

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Mars 2018

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