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Dispositifs mobiles :
Quel portait d'usage chez les jeunes marocains ?

Mourad Benali, Mehdi Kaddouri, Toufik Azzimani
 

Résumé
Le présent article est consacré à la présentation des résultats d'une recherche consistant à dresser un portrait global des usages des dispositifs mobiles chez les lycéens marocains. L'analyse faite à partir d'un questionnaire adressé à un échantillon de 1025 lycéens marocains a permis de mettre en perspective un portrait global sur la manière dont les lycéens utilisent et appréhendent les dispositifs mobiles. L'étude a aussi mis en relief l'influence des variables facteur socio-économique, genre et filières et niveaux d'étude sur l'usage des ces dispositifs. Les résultats obtenus à la suite d'une analyse quantitative révèlent que l'accès aux dispositifs mobiles ne dépend pas du facteur socio-économique des lycéens marocains. En effet, les proportions obtenues affichent de légères différence en terme d'équipements entre les enquêtés provenant de différentes couches sociales. L'étude montre aussi que les filles possédant un téléphone cellulaire se révèlent significativement plus élevée que celle des garçons. De même, qu'elles se distinguent aussi des garçons en étant nettement plus nombreuses à utiliser un ordinateur portable. Les taux d'équipement sont plus importants chez les lycéens issus de filières techniques comparés à leurs collègues des filières littéraires et scientifiques. Enfin, la typologie d'usage de Desjardins (2005) nous a permis d'analyser les différents usages des dispositifs mobiles. Dans l'ensemble, ces usages demeurent variés à savoir des pratiques, sociales, informationnelles et ludiques (jeux).

Mots clés : Dispositifs mobiles, Usage, Typologie.

1. Introduction

   De nos jours, la technologie mobile a atteint les quatre coins du monde. Sur les sept milliards de personnes estimées vivre sur Terre, six ont désormais accès à un appareil mobile. Cela s'explique en grande partie par la tendance de plus en plus affirmée vers la miniaturisation de ces dispositifs dont les prix sont de moins en moins chers. À titre d'exemple, le smartphone a conquis la planète en moins de huit ans et a convaincu par son ubiquité et sa facilité d'utilisation, toutes générations confondues. Aujourd'hui, la moitié de la population adulte de la planète a un smartphone. Le rapport de l'International Télécommunications Union publié en Novembre 2014 affirme que l'Afrique représente le deuxième marché mondial de la téléphonie mobile en termes de volume et de croissance, avec un taux de pénétration de plus de 60 %. Selon Gartner (2015), le nombre de connexions via les dispositifs mobiles au niveau mondial, à savoir les téléphones intelligents, téléphones sans fil, ordinateurs portables et tablettes a atteint 7,6 milliards en 2015.

   Au Maroc, la même tendance est observée. L'enquête annuelle de l'Agence Nationale de la Réglementation des Télécommunication (ANRT) réalisée en 2015 a révélé que 54,8 % des ménages sont équipés en ordinateurs ou tablettes. Pour les ménages équipés, 47,8 % disposent de deux ordinateurs-tablettes ou plus, en hausse de plus de 6 points par rapport à 2014. Les tablettes poursuivent leur évolution positive et représentent plus du quart des équipements (15 % en 2014), contre 55,2 % pour l'ordinateur portable (51,7 % en 2014). Cette évolution s'est opérée au détriment des ordinateurs de bureau qui ont connu une régression relativement notable.

   Le même rapport de l'ANRT révèle aussi que 72,3 % des internautes marocains accèdent à l'Internet au moins une fois par jour La fréquence quotidienne d'accès à Internet est assez élevée chez l'ensemble des tranches d'âges allant de 5 à 54 ans et affiche ses taux les plus importants chez les internautes âgés entre 15 et 29 ans. Les hommes se connectent à une fréquence plus élevée que les femmes (au moins une fois par jour). Huit internautes sur dix passent plus d'une heure sur le téléphone mobile connecté à Internet. 77,2 % des internautes déclarent accéder à Internet depuis leur domicile, et dans une moindre mesure, à partir d'un lieu quelconque via un téléphone mobile. Le téléphone mobile est l'équipement le plus utilisé pour l'accès aux réseaux sociaux, avec près de 80 % des individus qui l'utilisent tous les jours ou presque. Seuls quatre internautes sur dix y accèdent à l'aide d'un ordinateur de bureau, d'un PC portable ou d'une tablette. Facebook arrive en tête des réseaux sociaux fréquemment visités pour plus de neuf individus sur dix, suivi de WhatsApp (85 %).

   En somme, selon l'ANRT, le paysage des TIC au Maroc est très prometteur. En effet, les données avancées attestent incontestablement de la croissance soutenue du nombre d'internautes marocains notamment l'accès à l'Internet mobile, ce qui contribue positivement à la démocratisation de l'accès Internet des foyers marocains. Toutefois, il faut signaler que la population de référence de ces données sont les citoyens marocains âgés de 5 à 75 ans sans spécification selon les tranches d'âge.

   Dans ce contexte, la présente recherche a pour objectif d'établir un état des lieux en matière d'équipement en technologies émergentes, à savoir les dispositifs mobiles chez les jeunes marocains, et d'appréhender comment ces outils sont utilisés. La dite étude s'appuie sur une enquête par questionnaire (1 025 lycéens) auprès de la population des lycéens marocains.

2. Cadre théorique

   Les classifications des usages des TIC se sont multipliées depuis le début des années 80. La typologie des typologies de Basque et Lundgren-Cayrol (2003) reste parmi les plus populaires en recensant plus d'une vingtaine de typologies identifiées dans la littérature depuis 1980 et regroupant celles-ci en trois catégories :

  • Typologies centrées sur l'acte d'enseignement et d'apprentissage (rôle pédagogique de l'ordinateur, degré d'autonomie de l'apprenant, type de stratégies pédagogiques ou étapes du processus d'enseignement ).

  • Typologies centrées sur l'école associant les usages des TIC aux divers types d'activités se déroulant dans un établissement d'enseignement ou aux acteurs y oeuvrant.

  • Typologies centrées sur l'apprenant et regroupant les applications des TIC en fonction de différentes caractéristiques cognitives de ce dernier (inclination à apprendre, capacités étendues ou restructurées par l'usage des TIC, étapes du processus d'apprentissage).

   Selon la typologie de Desjardins, Lacasse & Bélair( 2005), les TIC peuvent être considérées comme une interface entre l'usager et le monde qui l'entoure. L'ordinateur, qui sera aussi nommé « objet technologique » se présente comme un objet particulier de l'ensemble des technologies de l'information et de la communication. Une première suggestion de classification des rapports que peut établir le sujet humain par rapport à son environnement via l'objet technologique se présente comme suit (Figure 1) :


Figure 1 : Interactions entres sujets humains et TIC
(Source : Modèle de Desjardins, 2005.)

   Ces quatre types d'interaction sont toujours mises en œuvre avec l'intention, soit d'accomplir une tâche, soit de résoudre un problème, et nécessitent donc un ensemble de compétences de la part de l'usager. Selon le même modèle conceptuel de (Desjardins, 2005), des ordres de compétences technologiques sont mises en jeu, régissant ainsi les interactions entre l'usager et l'univers numérique à savoir : technique, social, informationnel et épistémologique (Figure 2).


Figure 2 : Ordres des compétences technologiques
(Source : Modèle de Desjardins, 2005)

   De son côté, la typologie des typologies proposée par Basque et Lundgren stipule que ces dernières doivent proposer des catégories d'applications des TIC en fonction d'une ou plusieurs dimensions touchant l'éducation. Dans cette classification, les cadres de références des travaux recensés trouvent leurs sources surtout dans les sciences de l'éducation.

   Étant donné que l'on cherche dans un premier temps à dresser un portrait général des usages des dispositifs mobiles chez les lycéens marocains indépendamment de l'acte d'enseignement-apprentissage, les typologies proposées par Basque et Lundgren-Cayrol ne s'adaptent pas à notre cadre de recherche.

   La classification proposée par Desjardins, Lacasse et Bélair (2005), basée sur l'interaction entre l'usager et l'objet technologique, répond au critère d'indépendance des usages des technologies de la perspective éducative. En effet, cette classification vise à définir en général cette relation selon les usages de base de la technologie numérique, que cela soit pour des motifs éducatifs ou autres. Elle semble mieux adaptée à notre objectif de recherche en permettant de rendre compte du phénomène d'adoption des technologies mobiles dans une perspective individuelle chez nos sujets d'étude.

3. Méthodologie de recherche

   En relation avec l'objectif de cette recherche qui consiste à identifier les usages des dispositifs mobiles chez les lycéens marocains, nous avons opté pour une étude descriptive via une démarche quantitative.

   À cet effet, la construction du questionnaire s'est élaborée grâce à l'analyse d'enquêtes semblables portant en général sur la problématique des usages des TIC à savoir Deaudelin-Dussault-Brodeur (2002), (Martin, 2004), Desjardins, 2005), Isabelle Faurie and Cécile van de Leemput (2007), (CREDOC, 2009), Davidson-Desjardins (2011), (Guichon, 2012) et Thibeault (2013).

   Le choix de l'échantillonnage startifié trouve sa justification dans le fait que la sélection des participants repose sur un choix raisonné par quelques caractéristiques descriptives. Ce qui permet d'identifier dans la population cible quelques critères distinctifs. Un certain niveau d'équilibre a été maintenu dans les répartitions par rapport à :

  • Répartition géographique des établissements scolaires (Nord, Est, Ouest, Sud et Centre du royaume).
  • Genre (garçons et filles).
  • Filière d'étude (littéraire, scientifique et technique).
  • Niveau d'étude (Tronc commun, première année du Baccalauréat, deuxième année du Baccalauréat).
  • Facteur socio-économique des enquêtés.

   Il faut rappeler qu'un redressement des résultats bruts a été nécessaire de manière à produire des statistiques valides. Le redressement a été effectué selon le genre, la discipline (littéraire, technique, scientifique) et le niveau scolaire des répondants.

   Dans un souci de simplification, nous avons limité notre recherche uniquement aux dispositifs mobiles suivants : ordinateurs portables, tablettes numériques et téléphones cellulaires. Ce choix retrouve sa justification dans ce qui suit :

  • Les téléphones cellulaires sont les dispositifs les plus répandus auprès de l'ensemble de la population marocaine comme le confirment toutes les études et les statistiques.

  • Les tablettes sont aussi en pleine expansion auprès des ménages marocains. En effet, et selon l'ANRT, et après avoir fait leur apparition en 2011, les tablettes ne cessent de prendre une part croissante dans le total du parc d'ordinateurs au Maroc. Ainsi, en 2013, les tablettes représentaient 9 % du parc d'ordinateurs, soit 2 points de plus qu'en 2012 et 7 points de plus qu'en 2011 pour arriver à 15,7 % du parc total déclaré par les ménages en 2014.

  • Les ordinateurs portables avec accès au Wifi que nous considérons malgré leur mobilité réduite comme étant un équipement mobile vu leur omniprésence au sein des foyers marocains.

4. Résultats et discussion

   Entre mars et avril 2015, des questionnaires ont été distribués au sein des établissements ciblés par l'enquête. Plutôt qu'une enquête en ligne qui aurait pu biaiser les résultats auprès de nos lycéens moins à l'aise avec des questionnaires sur le Net, l'instrument anonyme a été administré en classe par les soins d'enseignants afin d'assurer un taux satisfaisant de questionnaires traitables. Son administration a pris entre vingt et trente minutes et s'est généralement effectuée sur le temps de classe. Cette enquête a été réalisée auprès de 1 350 élèves issus de sept lycées publics répartis dans les différentes régions du royaume du Maroc. Seuls 1 025 questionnaires ont été conservés dans l'échantillon, d'une part pour assurer une représentativité par genre, sections, niveaux d'étude et par provenance géographique et, d'autre part, car les questionnaires qui étaient partiellement complétés (participants qui ne sont pas allés jusqu'au terme du questionnaire) ou comportant beaucoup de rayures et de cases vides ou plusieurs réponses à un seul choix de question ont été écartés.

4.1. Accès aux dispositifs mobiles

   Afin de déterminer l'importance du contexte d'usage des dispositifs mobiles, une série de questions ont été posées aux participants quant à leur accès à ces équipements. En fait, la vaste majorité des lycéens marocains ont un accès régulier à un téléphone cellulaire (83,31 %). Cependant, seulement 59,21 % des répondants possèdent un téléphone intelligent (smartphone). Ce résultat va en parallèle avec l'enquête annuelle de l'ANRT en 2014 et qui révèle une croissance importante en matière d'équipement en smartphone chez les jeunes de 12 à 24 ans avec un taux de 55,7 %. Pour ceux et celles qui ne possèdent pas de smartphones parmi nos enquêtés, les intentions d'acquisition d'un tel équipement sont de l'ordre de 73,92 %. Presque 75 % des lycéens marocains possèdent un ordinateur portable.

   Ces taux élevé d'équipements chez notre population d'étude peut s'expliquer à la fois par une baisse sensible du coût des matériels informatiques depuis quelques années et par un investissement par le milieu familial dans des outils considérés comme indispensable pour la réussite scolaire de leurs enfants.

   Pour mieux situer les taux d'accès aux dispositifs mobiles auprès des lycéens marocains, nous avons bien voulu les explorer en relation étroite avec plusieurs variables à savoir, la facteur socio-économique, le genre et les filières d'étude des enquêtés.

   Au regard du facteur socio-économique, nous avons questionné nos sujets d'étude sur la profession de leurs parents. Les différentes professions ont été regroupées en trois catégories :

  • Favorisées : chefs d'entreprise, cadres et professions intellectuelles supérieures, médecins, commerçant de gros...
  • Moyennes : fonctionnaires d'État, employés du secteur privé, enseignants, techniciens, immigrés à l'étranger, commerçants de détail...
  • Défavorisées : ouvrier, marchand ambulant, sans fonction, femme au foyer...

   Les résultats recueillis montrent un équilibre en proportion d'équipements entre les lycéens issus des sept établissements à l'exception d'un léger retard enregistré en terme d'équipement en smartphones au niveau de deux lycées qui sont fréquentés en majorité par des lycéens de couches sociales très défavorisées. Le facteur socio-économique n'est pas un facteur déterminant dans l'accès aux dispositifs mobiles chez les lycéens marocains.

   En ce qui concerne la variable du genre, le taux des filles ayant participé à l'enquête est de l'ordre de 50,92 % et celui des garçons est de 49,08 %. Les résultats révèlent que sur un échantillon de 1 025 lycéens provenant de milieu urbain, les proportions d'accès aux dispositifs mobiles chez les filles dépassent relativement celles des garçons, ce constat retrouve son explication dans le caractère d'ouverture de la société marocaine au niveau des zones urbaines. En fait, la proportion des filles possédant un téléphone cellulaire se révèle significativement plus élevée que celle des garçons (88,5 % comparativement à 77,93 %). De même, les filles se distinguent aussi des garçons en étant nettement plus nombreuses à détenir un ordinateur portable (82,56 % comparativement à 62,62 %). Ce constat peut être en relation avec le caractère d'ouverture de la société marocaine et la volonté des parents à ce que leurs filles adhèrent pleinement à la société de savoir et d'information.

   Selon les filières d'étude des répondants, les résultats révèlent des taux d'équipements en PC portable plus important chez les répondants des filières techniques et scientifiques comparés à leurs collègues des filières littéraires. Au niveau de l'équipement en téléphones cellulaires et smartphones, les différences ne sont pas notables entre les enquêtés de filières littéraires et scientifiques. En général, les lycéens de filières techniques présentent des taux d'équipement plus importants.

   Au regard de l'accès à Internet chez les lycéens marocains, la majorité des lycéens déclarent pouvoir accéder à Internet à partir de leur domicile. En fait, sur les 74 % ayant déclaré avoir accès à Internet à domicile, 68,76 % le font via leur PC portable et 51,17 % le font via leur téléphone cellulaire. Selon l'ANRT dans son enquête annuelle au titre de l'année 2014, une grande majorité des internautes (84 %) est constituée de jeunes âgés de 15 à 19 ans dont 59 % accèdent à Internet via leur téléphone mobile, peu importe le lieu où ils se trouvent. Enfin, les connexions mobiles à Internet via les modems 3G sont de l'ordre de 45,77 % et via les technologies Wifi de 69,78 %, ces deux voies de connexion nomade sont les plus répandues.

   Ces chiffres illustrent clairement la migration des jeunes marocains vers les outils et applications mobiles.

4.2. Usage des dispositifs mobiles

   Afin de jauger les différents usages des dispositifs mobiles chez les lycéens marocains, nous avons pris en considération les variables du genre et de la filière d'étude des enquêtés.

Contrairement à la croyance populaire, les données quantitatives révèlent une légère dominance d'usage chez les filles comparées aux garçons indépendamment du dispositif utilisé dans les quatre ordres technologiques d'usage évoqués dans le modèle théorique de Desjardins. Ainsi, le genre des enquêtés ne constitue plus dans notre contexte une variable susceptible d'influencer les comportements d'usages des TIC comme référencé dans la littérature et les études sur le genre. Cette différence tient son explication au fait que les hommes se sentent plus confiants dans l'usage des technologies que les femmes, un phénomène à racines sociétales (Peterson, 2010).

   Pour ce qui est des activités informationnelles et sociales, elles sont surtout dominées par l'usage du téléphone cellulaire, à savoir le réseautage social (Facebook et WhatsApp), la communication via SMS, Skype... le téléchargement de musique et de vidéos.

   L'utilisation du courrier électronique, très présente dans le monde professionnel, est d'un ordre d'usage très faible chez notre public de lycéens sans distinction du dispositif utilisé, cet outil de messagerie étant surtout utilisé occasionnellement (29 % des filles et 23 % des garçons). Sans doute cela est-il dû au fait que les échanges-écrits informels entre les pairs se font préférentiellement par le biais des réseaux sociaux, qui offrent la possibilité d'envoyer des messages instantanés et différés de façon plus facile, rapide et pratique.

   Malheureusement, la grande majorité de nos sujets de recherche (garçons et filles) n'utilisent pas ces technologies pour des fins qui ont un potentiel pédagogique important (tels que les logiciels de calcul, traitement de données, tri des données et programmation...).

   Selon les statistiques, la pratique des jeux est dominée par les garçons. Elles sont praticables de plus en plus sur les téléphones cellulaires.

   Enfin, l'usage des tablettes reste en attente vu la pénétration récente de cet outil au sein des ménages marocains. La figure suivante illustre clairement les différents usages des dispositifs mobiles chez nos sujets d'étude.


Figure 3 : Usage des dispositifs mobiles selon le genre des lycéens marocains.

Au regard des usages selon les filières d'étude (Figure 4), les données statistiques révèlent une similarité globale en terme des usages chez les lycéens des différentes disciplines. L'hypothèse formulée au départ sur la dépendance d'usage des filières d'étude n'est pas confirmée.

   Les concentrations d'usage sont localisées surtout sur les aspects techniques (bureautique principalement), social (communication, réseautage social), informationnel (recherche d'information, téléchargement de vidéos et de musique) et ludique (jeux).

   Les proportions d'usage du téléphone cellulaire sont les plus importantes chez les lycéens de toutes les disciplines comparées aux autres des dispositifs. L'usage des tablettes enregistre de très faibles proportions d'accès vu la pénétration récente d'un tel dispositif au sein des ménages marocains.

   Les usages de ces dispositifs notamment, dans la création et l'édition de fichiers multimédias, le traitement de données et la programmation sont des activités qui tendent quasiment vers une absence d'utilisation globale chez les sujets de toutes les disciplines avec une quasi inexistence chez les littéraires.

   Même si la typologie d'usage des dispositifs mobiles est similaire chez les lycéens issus des différentes filières d'étude, les élèves poursuivant leurs études en sections techniques et scientifiques présentent des proportions d'usage plus importantes, comparées à leurs collègues en filières littéraires.


Figure 4 : Usage des dispositifs mobiles selon les filières d'étude
des lycéens marocains.

5. Conclusion

   Cette étude avait pour objectif de mettre en perspective un portrait général des usages des dispositifs mobiles chez les lycéens marocains. En premier lieu, les résultats obtenus à la suite des analyses quantitatives menées révèlent que l'accès aux dispositifs mobiles ne dépend pas du facteur socio-démographique des lycéens. En effet, les proportions obtenues affichent de légères différences en terme d'équipement entre les enquêtés provenant de différents établissements scolaires dans plusieurs régions du royaume. Les résultats semblent surtout indiquer que les lycéens marocains sont bien équipés sur le plan technologique (83,31 % possèdent un téléphone cellulaire, 72,78 % un ordinateur portable). Ces taux d'équipement en dispositifs mobiles et de connexion sont importants, les jeunes jouant souvent un rôle d'accélérateur au sein des foyers pour que leurs parents s'équipent. La différence entre ceux qui ont accès de chez eux aux ressources numériques et ceux qui n'y ont pas accès est minime et s'estompe progressivement.

   Un autre constat qui mérite d'être mis au grand jour est celui des proportions d'accès aux équipements mobiles selon le genre des lycéens. En effet, on constate que la proportion des filles possédant un téléphone cellulaire se révèle plus élevée que celle des garçons (88,50 % comparativement à 77,93 %). De même, les filles se distinguent aussi des garçons en étant nettement plus nombreuses à utiliser un ordinateur portable (82,56 % comparativement à 62,62 %). Les résultats statistiques révèlent aussi que les lycéens de filières techniques présentent des taux d'équipement plus important comparé à leurs collègues des filières littéraires et scientifiques.

   La typologie d'usage de Desjardins (2005) nous a permis d'analyser les différents usages des dispositifs mobiles par comparaison avec les ordres de cette typologie. Le portrait des usages de ces technologies ainsi dressé nous a conduit à la découverte d'utilisation des dispositifs mobiles chez les lycéens marocains. Dans l'ensemble, ces usages demeurent variés, à savoir les pratiques techniques, sociales, informationnelles, épistémologiques et ludiques (jeux).

   Les pratiques sociales occupent la première place des usages chez nos enquêtés. Elles s'effectuent principalement sur les téléphones cellulaires via les SMS, le WhatsApp et les réseaux sociaux (Facebook). Ces usages restent les plus populaires ayant connu la plus forte croissance ces dernières années. Ces appareils et réseaux offrent des interfaces générant des activités multiples notamment, la messagerie instantanée, la gestion facile des contacts, des albums photos et d'autres fonctions.

   Les pratiques informationnelles concernent majoritairement la visualisation de vidéos (sur des sites de partage de vidéos comme Youtube), le téléchargement de musique, le partage d'images..., la recherche d'informations, consultation de sites... Ces pratiques s'effectuent principalement sur les téléphones cellulaires.

   Les pratiques techniques se limitent principalement à des fins de bureautique (word et powerpoint). Elles s'effectuent principalement sur les PC portables ou de bureau. Ces usages sur des téléphones cellulaires sont très faibles, en général du fait des limitations des caractéristiques techniques en matière de mémoire, de stockage et de traitement de l'information. Les tailles et la qualité graphique des écrans sont aussi des facteurs entravant l'usage des applications informatiques. Les options difficiles de saisie d'information sur les téléphones cellulaires défavorisent aussi de tels usages. Les pratiques à caractères épistémologiques qui ont un potentiel pédagogique demeurent presque méconnus chez nos enquêtés. Les activités ludiques à savoir les jeux sont principalement praticables sur des applications embarquées sur les téléphones cellulaires et les tablettes.

   Même si les lycéens poursuivant leurs études en sections techniques et scientifiques présentent des proportions d'usage plus importantes, comparées à leurs collègues en filières littéraires. Les usages semblent en général être similaire chez les lycéens marocains sans distinction de filière d'étude.

   Pour récapituler, cette analyse quantitative a confirmé la réalité de la fracture d'usage des TIC qui règne chez les lycéens marocains. Cette dernière retrouve ses origines dans le grand déficit de l'enseignement des TIC dans le système éducatif marocain du fait que les points de vue officiels à l'égard des TIC n'ont pas varié au cours du temps et la sous- utilisation des TIC au sein des établissements scolaires est unanimement notée. Cet absence d'un enseignement structuré des TIC est l'origine principale du déficit de conceptualisation chez nos sujets de recherche. Il s'avère aussi judicieux de développer un scénario de mise en place de certificat d'activités TIC à l'instar du B2i en France visant à accompagner l'assimilation des usages à tous les apprenants.

Mourad Benal
Mehdi Kaddouri
Toufik Azzimani

Laboratoire CUNEL,
Faculté des lettres et des sciences humaines
Université Mohammed Premier, Oujda, Maroc.

Cet article est sous licence Creative Commons (selon la juridiction française = Paternité - Pas de Modification). http://creativecommons.org/licenses/by-nd/2.0/fr/

6. Bibliographie

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https://www.anrt.ma/sites/default/files/publications/enquete_tic_2015_fr.pdf

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Desjardins, F. (2005). La représentation par les enseignants, quant à leurs profils de compétences relatives à l'ordinateur : vers une théorie des TIC en éducation. La Revue Canadienne de l'Apprentissage et de la Technologie,31(1), 27-49.

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http://www.gartner.com/it/page.jsp?id=1759714

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https://www.itu.int/en/ITU-D/Statistics/.../MIS_2014_Exec-sum-F.pdf

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