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Essai d'analyses didactiques/statistiques
de la structure de l'évaluation/orientation.
Cas du cycle du collège au Maroc

Said Haouassia, El Mostapha El Khouzai
 

Résumé
Notre article se place dans le cadre d'une recherche, qui s'intéresse aux effets d'un système d'évaluation à caractère standard et statique sur l'enseignement, considérant le cas d'évaluation. Elle agit de façon croissante sur le système éducatif, sur son organisation, les programmes, les contenus, les tâches proposées, et par conséquence sur les pratiques d'enseignement, ainsi que sur les pratiques d'évaluations et d'orientations.

Suite aux scores faibles des élèves marocains enregistrés dans les évaluations internationales de TIMS en particulier en 2012, nous avons entamé, dans le cadre de notre recherche, une étude qui se base sur les scores des élèves de la 3e année collège, avec l'hypothèse de la poursuivre jusqu'à l'année 2015, année d'arrivé de notre population de recherche au baccalauréat.

Le présent article retrace les scores des élèves durant la période de la fin de l'année scolaire 2012-2013, pour un échantillon de 4 623 élèves choisis au hasard dans la région de Casablanca, pour pouvoir après les analyser en tant que résultats statistiques et l'exploiter comme outil de réponse à nos questions de recherche, qui sont : est-ce que l'évaluation standard adoptée par le curriculum officiel permet de réaliser le profil de sortie du collège prévu ? est-ce que la structure officielle de l'évaluation est un outil adéquat pour décider l'orientation des élèves selon les compétences acquises ? est-ce que les résultats des évaluations pratiquées dans le système d'enseignement peuvent être un indice d'explication des scores réalisés par les élèves marocains en TIMS ?

Mots clés : Évaluation ; profil, curriculum, statistique, didactique.

1. Les données descriptives de l'échantillon (cycle du collège : année 2012-2013)

Répartition des élèves selon l'établissement « établissement à Casablaca »

   Dans ce tableau nous avons essayé d'étaler l'appartenance socio-économique de la distribution de notre échantillon, ainsi que la densité des individus de l'échantillon.

 

Fréquence

Pour cent

Pourcentage valide

Pourcentage cumulé

Ben tachf

117

2,5

2,5

2,5

Cheikh

226

4,9

4,9

7,4

Eddahabi

213

4,6

4,6

12,0

El adaoui

262

5,7

5,7

17,7

Idrissi

121

2,6

2,6

20,3

Zineb

280

6,1

6,1

26,4

Ettahadi

350

7,6

7,6

33,9

Ali

153

3,3

3,3

37,2

Andalouss

245

5,3

5,3

42,5

Anoual pri

26

0,6

0,6

43,1

Farah priv

30

0,6

0,6

43,8

Fihrya

288

6,2

6,2

50,0

Hatim

16

0,3

0,3

50,3

Ikama

22

0,5

0,5

50,8

Jahed

204

4,4

4,4

55,2

Kastalani

263

5,7

5,7

60,9

Khnata

188

4,1

4,1

65,0

Laayoune

230

5,0

5,0

70,0

Maskaoueh

396

8,6

8,6

78,5

My idr azh

47

1,0

1,0

79,5

My rachid

340

7,4

7,4

86,9

Nasre

71

1,5

1,5

88,4

Rachad ail

54

1,2

1,2

89,6

Rhazali

280

6,1

6,1

95,7

Smara

201

4,3

4,3

100,0

Total

4623

100,0

100,0

   On remarque que les collèges implantés dans les quartiers dits populaires sont plus peuplés que ceux situés dans les quartiers à dominante de classe moyenne...

Répartition des élèves selon le sexe

 

Fréquence

Pour cent

Garçon

2 223

48,1

Fille

2 400

51,9

Total

4 623

100,0

   Les filles ont tendance à être scolarisées aussi bien que les garçons. La scolarisation des filles est légèrement supérieure à celle des garçons.

Répartition des élèves selon l'âge et la scolarité

 

Scolarité

Age

3 ans

4 ans

5 ans

6 ans

Total

13

12

0

0

0

12

14

1305

5

0

0

1310

15

1592

176

1

0

1769

16

427

308

61

0

796

17

145

190

74

1

410

18

52

117

60

4

233

19

9

34

31

3

77

20

2

7

5

0

14

21

1

0

1

0

2

Total

3545

837

233

8

4623

Remarque : le cycle du collège est de 3 ans. On remarque que les élèves âgés de 13 ans représentent 0,29 % des effectifs et que cette proportion augmente si nous prenons en compte la tranche d'âge [14-16] qui représente 84 %; quant aux élèves âgés de plus de 17 ans ils représentent 16 %, autrement dit la déperdition du système représente presque le cinquième de la population.

1) Des élèves ayant dépassé l'âge du cycle.
2) Plus l'élève est âgé, plus il consomme d'années au cycle du collége.

Répartition des élèves selon la scolarité et le type d'enseignement

Scolarité

Type

   

3 ans

4 ans

5 ans

6 ans

Total

Public

Garçon

Effectif % dans sexe

1418

431

119

6

1974

71,8%

21,8%

6,0%

0,3%

100,0%

Fille

Effectif % dans sexe

1795

366

99

2

2262

79,4%

16,2%

4,4%

0,1%

100,0%

Privé

Garçon

Effectif % dans sexe

203

31

15

249

81,5%

12,4%

6,0%

100,0%

Fille

Effectif % dans sexe

129

9

0

138

93,5%

6,5%

0%

100,0%

   Le redoublement est un phénomène qui n'a pas épargné non plus l'enseignement privé, mais avec des proportions faibles par rapport au public : 28 % des garçons du public ont fait plus de 3 ans au collège contre 18 % pour ceux du privé. Quant aux filles 20,7 % pour le public et 6,5 % pour le privé.

   Le redoublement peut être considéré comme un indice de la non-appropriation par des élèves du seuil minimal prévu dans les cadres de références de l'évaluation, à savoir l'application directe des savoirs enseignés [1].

Répartition des élèves selon l'établissement et le groupe classe

 

Classe

 

Établissements

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

11

12

Total

Ben Tachf

29

31

27

30

0

0

0

0

0

0

0

0

117

Cheikh

39

38

34

39

38

38

0

0

0

0

0

0

226

Eddahabi

37

35

33

34

37

37

0

0

0

0

0

0

213

El Adaoui

31

36

35

29

33

31

34

33

0

0

0

0

262

Idrissi

26

23

24

26

22

0

0

0

0

0

0

0

121

Zineb

36

34

36

34

31

36

36

37

0

0

0

0

280

Ettahadi

36

40

37

37

36

35

37

33

30

29

0

0

350

Ali

34

41

41

37

0

0

0

0

0

0

0

0

153

Andalouss

30

27

26

31

30

34

35

32

0

0

0

0

245

Anoual pri

26

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

26

Farah Priv

30

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

30

Fihrya

32

30

28

25

26

30

30

29

28

30

0

0

288

Hatim

16

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

16

Ikama

22

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

22

Jahed

33

36

37

33

34

31

0

0

0

0

0

0

204

Kastalani

32

35

33

32

32

32

33

34

0

0

0

0

263

Khnata

32

32

31

32

31

30

0

0

0

0

0

0

188

Laayoune

41

43

37

42

34

33

0

0

0

0

0

0

230

Maskaoueh

35

37

34

28

35

35

29

34

31

34

33

31

396

My Idr Azh

23

24

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

47

My rachid

39

40

39

36

39

36

35

37

39

0

0

0

340

Nasre

36

35

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

71

Rachad Ail

54

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

54

Rhazali

33

35

36

36

36

37

34

33

0

0

0

0

280

Smara

33

33

34

35

33

33

0

0

0

0

0

0

201

Total

815

685

602

596

527

508

303

302

128

93

33

31

4623

   Nous avons opté pour la détermination de la répartition des élèves selon le groupe/la classe, pour s'épargner de l'idée reçue d'encombrement des classes, mais plutôt la considérer comme hypothèse à vérifier.

   Le tableau ci-dessus nous montre que l'encombrement n'est pas un phénomène observé : la taille moyenne des classes est de 33 élèves dans le public et de 32 pour le privé. Cependant dans un établissement du privé elle dépasse 50 élèves (plus que le plafond autorisé pour le privé : 34 élèves) et plus de 40 pour 2 établissements du public.

Répartition des élèves selon le type d'enseignement et le groupe classe

 

Classe

 

Établissements

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

11

12

Total

BEN TACHF

29

31

27

30

0

0

0

0

0

0

0

0

117

CHEIKH

39

38

34

39

38

38

0

0

0

0

0

0

226

EDDAHABI

37

35

33

34

37

37

0

0

0

0

0

0

213

EL ADAOUI

31

36

35

29

33

31

34

33

0

0

0

0

262

IDRISSI

26

23

24

26

22

0

0

0

0

0

0

0

121

ZINEB

36

34

36

34

31

36

36

37

0

0

0

0

280

ETTAHADI

36

40

37

37

36

35

37

33

30

29

0

0

350

ALI

34

41

41

37

0

0

0

0

0

0

0

0

153

ANDALOUSS

30

27

26

31

30

34

35

32

0

0

0

0

245

ANOUAL PRI

26

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

26

FARAH PRIV

30

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

30

FIHRYA

32

30

28

25

26

30

30

29

28

30

0

0

288

HATIM

16

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

16

IKAMA

22

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

22

JAHED

33

36

37

33

34

31

0

0

0

0

0

0

204

KASTALANI

32

35

33

32

32

32

33

34

0

0

0

0

263

KHNATA

32

32

31

32

31

30

0

0

0

0

0

0

188

LAAYOUNE

41

43

37

42

34

33

0

0

0

0

0

0

230

MASKAOUEH

35

37

34

28

35

35

29

34

31

34

33

31

396

MY IDR AZH

23

24

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

47

MY RACHID

39

40

39

36

39

36

35

37

39

0

0

0

340

NASRE

36

35

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

71

RACHAD AIL

54

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

0

54

RHAZALI

33

35

36

36

36

37

34

33

0

0

0

0

280

SMARA

33

33

34

35

33

33

0

0

0

0

0

0

201

Total

815

685

602

596

527

508

303

302

128

93

33

31

4623

   Le privé ne couvre que 8 % des effectifs des élèves de la 3e collégiale contre 92 % pour le public. On est loin des 20 % du privé. Toute la charge est supportée par le public ; par conséquent la part du secteur public dans le rendement du système éducatif est déterminante, dans ce sens nous remarquons que l'évaluation TIMS adhère dans le secteur public et privé. Reste à vérifier le pourcentage des participants du secteur privé, par souci de validité et fidélité de mesure, information que nous n'avons pas pu trouver dans les documents de l'IAE, organisme qui élabore et réalise TIMS.

Présentation des élèves selon la décision de fin d'année

Décision

Fréquence

Pour cent

Admis

3510

75,9

Doublant

1031

22,3

Exclu

82

1,8

Total

4623

100,0

   Le taux de réussite avoisine les 76 % ; ce pourcentage indique a priori que presque 76 % de la population maîtrise le niveau A des cadres de références ; à savoir les applications directes des savoirs enseignés dans les divers matières du programme officiel. Pour ce qui concerne l'appropriation des savoirs scientifiques et littéraires, nous allons présenter ci-dessous les pourcentages d'orientation dans les diverses filières, pour ensuite présenter la structure officielle de l'évaluation, afin de vérifier sa cohérence, sa fidélité, et sa validité.

Présentation des élèves selon leur orientation

Valide

Fréquence

Pour cent

Sciences

1663

36,0

Lettres

680

14,7

Techno

44

1,0

Originel

12

0,3

Sans

2224

48,1

Total

4623

100,0

   Les élèves orientés en tronc commun scientifique et en tronc commun technologique représentent 37 % au lieu des 2/3 (66 %) prévus par les autorités éducatives [2].

2. Partie analytique

   Dans cette partie, nous allons essayer d'approfondir les résultats descriptifs de la première partie, en relatant la structure de l'évaluation officielle, à savoir qu'elle est constituée de trois modalités : contrôle continu (évaluation des acquis qui se déroule en classe, géré par l'enseignant et régi par des circulaires [3] qui déterminent sa structure et précisent d'une manière explicite le temps d'enseignement qui oriente sa phase opérationnelle), examen local qui a un caractère standard et qui s'administre pour les élèves du même établissement, et enfin l'examen régional qui est commun à tous les élèves de la même région . La somme des notes selon des coefficients qu'on va préciser par la suite détermine la promotion des élèves.

Répartition des élèves selon leur moyenne générale et la décision de fin d'année

Classes moyenne générale

Décision

Admis

doublant

Exclu

Total

[0-6[

Effectif

0

143

22

165

% décision

0%

13,9%

26,8%

3,6%

% du total

0%

3,1%

0,5%

3,6%

[6-8[

Effectif

0

888

60

948

% décision

0%

86,1%

73,2%

20,5%

% du total

0%

19,2%

1,3%

20,5%

[8-10[

Effectif

1537

0

0

1537

% décision

43,8%

0%

0%

33,2%

% du total

33,2%

0%

0%

33,2%

[10-12[

Effectif

914

0

0

914

% décision

26,0%

0%

0%

19,8%

% du total

19,8%

0%

0%

19,8%

[12-16[

Effectif

885

0

0

885

% décision

25,2%

0%

0%

19,1%

% du total

19,1%

0%

0%

19,1%

[16 et +]

Effectif

174

0

0

174

% décision

5,0%

0%

0%

3,8%

% du total

3,8%

0%

0%

3,8%

 

% décision

100,0%

100,0%

100,0%

 
 

% du total

75,9%

22,3%

1,8%

 

   33 % des élèves, dont 43,8 % parmi les élèves admis, n'ont pas atteint le seuil moyen de réussite, ce qui peut expliquer les difficultés observées chez les élèves au lycée [4] (voir les résultats de l'étude qu'on a réalisée pour le cas du lycée de cette même promotion ). Ces difficultés sont dues à la non-maîtrise du niveau élémentaire prévu par les cadres de références de l'examen certificatif au collège, ainsi que par les circulaires qui orientent les contrôles continus. Si on prend le cas des mathématiques, cela veut dire que les 33 % ne maîtrisent pas les définitions des concepts enseignés au collège, ainsi que les techniques nécessaires pour la résolution des situations problèmes dites directes dans les cadres : géométrique, algébrique, analytique et graphique, ces « compétences » qui sont nécessaires pour l'appropriation des savoirs enseignés au lycée ; cette donnée peut expliquer le recours à la restriction de l'enseignement des mathématiques au lycée à l'appropriation d'algorithmes d'une manière décontextualisée et par conséquence vidée de sens.

Répartition des élèves selon la moyenne de l'examen régional et la décision de fin d'année

   

Décision

Admis

doublant

Exclu

Total

Classes moyenne régional

[0-6[

Effectif

682

966

77

1725

% décision

19,4%

93,7%

93,9%

37,3%

% du total

14,8%

20,9%

1,7%

37,3%

[6-8[

Effectif

1020

62

5

1087

% décision

29,1%

6,0%

6,1%

23,5%

% du total

22,1%

1,3%

0,1%

23,5%

[8-10[

Effectif

658

3

0

661

% décision

18,7%

0,3%

0%

14,3%

% du total

14,2%

0,1%

0%

14,3%

[10-12[

Effectif

452

0

0

452

% décision

12,9%

0%

0%

9,8%

% du total

9,8%

0%

0%

9,8%

[12-16[

Effectif

561

0

0

561

% décision

16,0%

0%

0%

12,1%

% du total

12,1%

0%

0%

12,1%

[16 et +]

Effectif

137

0

0

137

% décision

3,9%

0%

0%

3,0%

% du total

3,0%

0%

0%

3,0%

Total

 

Effectif

3510

1031

82

 
 

% décision

100,0%

100,0%

100,0%

 
 

% du total

75,9%

22,3%

1,8%

 

   Si l'on ne tient compte uniquement que de l'examen régional, en écartant les composantes CC et examen local, seuls 32,8 % des élèves déclarés admis et 25 % de la totalité des élèves qui répondront au seuil requis, ceci peut expliquer l'écart remarquable entre le curriculum réel et celui prévu. Dans notre recherche et nos constats des contenus des contrôles continus pour les mathématiques par exemple, nous constatons : la non-conformité des contrôles continus par rapport aux circulaires officielles au niveau des contenus évalués, en plus de la non-conformité du temps d'administration des épreuves par rapport au temps prévu par les concepteurs du curriculum. Nous trouvons que l'examen régional est conçu à partir des cadres de références officiels, ce qui provoque une rupture didactique entre les pratiques d'évaluation en classe et celle administrées à la fin de l'année du cycle du collège. On retrouve cette remarque pour le cas du lycée (voir notre étude pour le cas du lycée).

   Cette désynchronisation dans les pratiques de l'évaluation influence entre autres la gestion du temps d'enseignement dans le sens que l'enseignant réalise le programme dans le souci de le terminer vu que l'examen régional suppose son accomplissement total. En conséquence se perd l'organisation des savoirs ainsi que les compétences prévues par le curriculum : compétences méthodologiques comme élément principal à l'acquisition des autres compétences technologiques, culturelle, communicative. Tout cela malgré le fait que que les examens régionaux ne mesurent pas le niveau C de synthèse, et accentue le caractère algorithmique dans leurs contenus, ce qui nous pousse à postuler que les résultats observés ne reflètent qu'un aspect du curriculum officiel, qui est celui de l'appropriation de la part des élèves de l'aspect algorithmique et technique du savoir enseigné sans pour autant mesurer les aspects de connexions des cadres, ni le sens des savoirs enseignés, et renforcent le phénomène topaze au sens de Guy Brousseau [5].

   De plus, nous remarquons que même le contenu de l'évaluation adoptée dans l'examen régional influence la pratique enseignante du fait de son adéquation à un modèle devenu standard et routinier, du fait qu'il propose des situations analogues depuis une décennie. Ce contrat implicite d'évaluation a créé un autre contrat d'enseignement dont les caractéristiques sont la préparation des élèves par des « recettes » algorithmes qui résolvent les situations analogues élémentaires [5] prévues par le contrat d'évaluation. Ces pratiques d'évaluations peuvent être la cause des résultats faibles des élèves marocains dans les évaluations de TIMS, vu que la structure et le contenu des évaluations ne se ressemblent pas dans la forme et dans le fond : TIMS propose des situations nouvelles pour les élèves et qui figurent généralement dans le niveau B et C des cadres de références des examens régionaux. Ces situations ne font généralement pas partie du contrat didactique au sens large (en classe et à la situation d'évaluation). Dans ce sens nous présenterons dans les tableaux ci-dessus les moyens d'une manière plus détaillée, pour avoir une visibilité claire des contraintes de la structure d'une part de l'évaluation réelle et, d'autre part, des pratiques évaluatives qui les accompagnent.

Présentation des moyennes des composantes en déciles

Centiles

Moyen CC

Moyen LOC

Moyen REG

Moyen GRL

10

9,3687

6,9583

3,9115

7,0100

20

10,1902

7,9167

4,7885

7,7400

30

10,7612

8,6750

5,5000

8,3500

40

11,3182

9,3159

6,1731

8,9100

50

11,9091

9,9545

6,9038

9,4900

60

12,5500

10,6364

7,9038

10,1800

70

13,2955

11,4545

9,1731

11,1500

80

14,3145

12,6364

10,9231

12,4200

90

15,6318

14,2207

13,3077

14,2700

   A-t-on atteint l'objectif arrêté par les autorités éducatives de 70 % [6] des élèves admis et dont la moyenne est supérieure ou égale à 10/20 ? Certes on est loin de cet objectif, car seuls 40 % des élèves ont atteint ce résultat (Moyenne GRL). Et s'ils l'ont atteint c'est grâce au CC et à l'examen local. L'examen régional, quant à lui, est très discriminant car moins de 80% des élèves ont une moyenne inférieure à 10/20.

   On peut aussi remarquer une suite décroissante, qui débute par 20 % des élèves qui n'ont pas la moyenne pour les contrôles continus (CC), pour atteindre 60 % pour l'examen local et finir par 80 % pour l'examen régional, ce qui est confirmé par les résultats de TIMS qui est une évaluation de l'extérieur du système. À ce stade nous pouvons postuler qu'il y a des coupures dans les pratiques d'évaluation à trois dimensions qui reflètent un écart significatif entre le curriculum officiel et le réel : coupure des pratiques évaluatives de la classe qui sont orientées par le souci de terminer le programme, imiter le modèle de l'examen régional au niveau A au détriment de la conception officielle qui prévoit l'habillage des contrôles continus à partir des cadres de références de l'examen régional et en mettant en relief les niveaux A et B en considération, tout en invitant la présence du niveau avec un taux de 10 % à 20 %, la proximité enseignant-élève caractérisée par la demande de la part des élèves de se plier aux modèles véhiculés par les sujets d'examens anciens mènent à un vieillissement de situation d'évaluation au sens de Guy Brousseau. La deuxième dimension de coupure de l'examen local-pratique de la classe peut s'expliquer par la construction du sujet d'examen par un groupe d'enseignants et de l'inspecteur pédagogique, paramètre qui tient compte des cadres de références dans son élaboration, ce qui explique la chute des moyens obtenus à ce stade et met en question la conception des enseignants et le contrat didactique instauré en classe. On remarque dans ce stade l'absence de la proximité enseignant-élève, qui se transforme en proximité enseignant-direction de l'établissement. Et enfin, la coupure examen régional-examen local et examen régional-pratique évaluatifs de la classe.

   Ces coupures sont les résultats de la structure réelle et non officielle des évaluations dans les divers stades : pendant que le curriculum officiel prévoit par les manuscrits organisant les contrôles continus le découpage des savoirs à évaluer, le temps d'administrer les évaluations de classes, les niveaux de compétences à évaluer comme c'est le cas des cadres de références, nous constatons dans la pratique évaluative (ces constats sont les résultats de la recherche en question, et des visites des classes en tant qu'inspecteurs pédagogiques d'enseignement des mathématiques) la difficulté de gestion du temps d'enseignement vu la diversité des niveaux des élèves (possibilité de passage d'une classe à l'autre de la part des élèves sans avoir la moyenne de 10/20), ainsi que la longueur du programme, et la non-prévision des horaires spéciaux pour effectuer les évaluations des contrôles continus. Tous ces paramètres sont de portée négative pour réduire l'écart entre le curriculum officiel et le curriculum réel. Nous allons essayer de détailler la structure des divers aspects de l'évaluation (CC, LC, REG), ainsi que les écarts entre ces divers aspects, en procédant à une comparaison des moyens en prenant en compte les diverses modalités, pour déceler le profil réel des élèves entrant au lycée et comparer ce profil réel avec celui prévu par le curriculum officiel.

Comparaison des moyennes des composantes selon le sexe

Moyn CC

Moyn LOC

Moyn REG

Moyn GRL

Garçons

Moyenne

11,8003

10,0005

7,2034

9,6322

N

2223

2223

2223

2223

Écart-type

2,24453

2,48253

3,41873

2,51119

Filles

Moyenne

12,5296

10,5264

8,3453

10,4464

N

2400

2400

2400

2400

Écart-type

2,64391

2,97435

3,69903

2,99088

Total

Moyenne

12,1789

10,2735

7,7963

10,0549

N

4623

4623

4623

4623

Écart-type

2,48656

2,76110

3,61197

2,80003

   Les filles ont tendance à avoir des scores meilleurs que les garçons, bien que leurs notes à examen régional soient plus dispersées que celles des garçons. De plus on remarque que l'écart-type global est 2,80003 ce qui veut dire que l'hétérogénéité est importante. Mais quand on regarde l'écart-type concernant la moyenne régionale, il saute à 3,611197, ce qui veut dire que nous sommes devant un phénomène rarement rencontré dans les analyses statistiques et qui indique qu'il y a un incident didactique à charge négative ; ce qui nous a poussé à approfondir l'analyse statistique pour pouvoir l'interpréter didactiquement.

Comparaison des moyennes des composantes selon le type d'enseignement

Type

Moyn CC

Moyn LOC

Moyn REG

Moyn GRL

Public

Moyenne

11,9784

9,9991

7,5060

9,8131

N

4236

4236

4236

4236

Écart-type

2,44205

2,63048

3,36576

2,68403

Privé

Moyenne

14,3732

13,2770

10,9736

12,7016

N

387

387

387

387

Écart-type

1,82682

2,34505

4,56973

2,67865

Total

Moyenne

12,1789

10,2735

7,7963

10,0549

N

4623

4623

4623

4623

Écart-type

2,48656

2,76110

3,61197

2,80003

   Les performances du privé sont largement meilleures que celles du public. Cependant les notes obtenues par les élèves du privé sont éparpillées, de plus nous constatons que l'écart-type du privé atteint 4,56973 pour la moyenne régionale, un écart plus important que le public 3,36576. Ce paramètre de dispersion qui nous indique objectivement le dysfonctionnement de la structure d'évaluation observée. Pour plus de précision nous allons présenter les composantes de l'évaluation selon les établissements

   Dans quels établissements rencontre-t-on ces disparités ?

Comparaison des moyennes des 3 composantes selon les établissements

ETAB

Moyn CC

Moyn LOC

Moyn REG

Moyn GRL

1

11,6848

9,7964

6,8994

9,2066

2

11,9310

11,3588

7,9190

10,1554

3

11,8353

8,8796

6,7139

9,1882

4

11,2049

9,9719

6,6122

8,9986

5

12,6032

10,5270

8,9636

10,8716

6

13,0566

10,6981

8,0313

10,7137

7

12,6654

9,5857

8,0882

10,2540

8

12,1642

9,5220

6,1493

9,3636

9

12,3565

10,6384

7,4869

10,2630

10

12,3673

11,1499

8,0458

10,2746

11

13,1002

11,7572

13,5865

13,2218

12

14,2655

12,9589

14,3743

13,9183

13

14,4767

14,6064

10,5237

12,9345

14

13,1242

10,5622

6,6870

9,7807

15

15,0332

12,7109

6,0240

10,7338

16

13,5729

13,3479

4,2212

9,7657

17

14,5288

14,3159

5,2581

10,7246

18

11,6492

9,2119

6,4786

9,1870

19

12,1178

9,1412

8,2325

10,0309

20

11,3292

7,8944

5,6092

8,3312

21

10,9699

10,3749

7,2586

9,3066

22

11,4488

10,2884

6,0093

8,9249

23

11,2430

8,6002

9,8020

10,8015

24

12,9320

12,0079

12,8343

12,6193

25

15,9648

15,1923

13,9878

14,9423

Total

12,1789

10,2735

7,7963

10,0549

   Les disparités peuvent être décelées au niveau de l'établissement et même au niveau de la classe car on peut " creuser " davantage au niveau de la matière et de l'enseignant qui en est l'auteur. Cependant la présentation matérielle des tableaux serait encombrante et peu didactique. Néanmoins on peut citer à titre d'exemple l'établissement privé n° 12 dont les notes ont tendance à être surestimées notamment au niveau de la 3AS3 avec des moyennes élevées surtout en matières d'éveil, ce qui confirme que les mesures observées des contrôles continus sont générées par des pratiques qui sont loin de la conception officielle, pour ne pas dire qu'elles sont le résultat d'une demande de réussite abusif de la part de l'établissement et de la part des parents au détriment de la rigueur scientifique : validité, fiabilité des mesures.

Présentation des profils des élèves en déciles et en type d'enseignement

Public + Privé

Public

Privé

Déciles

Litter

Scient

Litter

Scient

Litter

Scient

10

6,0446

4,5536

5,9540

4,4643

7,9108

7,8498

20

6,9866

5,2580

6,8482

5,1563

9,1313

8,6275

30

7,7589

5,8884

7,6121

5,7679

10,4786

9,5209

40

8,4408

6,5402

8,2852

6,3259

11,4607

10,5946

50

9,1983

7,2277

8,9955

6,9598

12,5446

11,7180

60

10,0446

8,0866

9,7545

7,6661

13,3795

13,0938

70

10,9643

9,3786

10,6339

8,8036

14,1518

14,4116

80

12,3080

10,9875

11,8393

10,3750

15,3143

15,5054

90

14,0205

13,6366

13,6086

12,8228

16,3429

16,7196

Moins de 70 % des élèves du public ont un profil littéraire et seuls 20 % ont un profil scientifique

   Par contre pour le privé, le profil scientifique est réalisé chez 60 % des élèves et le profil littéraire chez 70 %.

Répartition des élèves selon leur profil littéraire et leur orientation

Classes profil litteraire

Orientation

Sciences

Lettres

Techno

Originel

Sans

Total

[0-6[

Effectif

6

2

0

0

436

444

 

% oriente

0,4%

0,3%

0%

0%

19,6%

9,6%

[6-8[

Effectif

199

186

0

2

706

1093

 

% oriente

12,0%

27,4%

0%

16,7%

31,7%

23,6%

[8-10[

Effectif

475

313

2

6

421

1217

 

% oriente

28,6%

46,0%

4,5%

50,0%

18,9%

26,3%

[10-12[

Effectif

442

150

10

4

243

849

 

% oriente

26,6%

22,1%

22,7%

33,3%

10,9%

18,4%

[12-16[

Effectif

475

28

25

0

340

868

 

% oriente

28,6%

4,1%

56,8%

0%

15,3%

18,8%

[16 et +]

Effectif

66

1

7

0

78

152

 

% oriente

4,0%

0,1%

15,9%

0%

3,5%

3,3%

Total

Effectif

1663

680

44

12

2224

4623

 

% oriente

100,0%

100,0%

100,0%

100,0%

100,0%

100,0%

   Presque 60 % de ceux qui sont orientés en sciences ont réalisé de bonnes performances en profil littéraire. Plus de73 % de ceux qui sont orientés en lettres ont un seuil littéraire inférieur à la moyenne théorique. Le cadre d'orientation doit les caser quelque part puisque le seuil de réussite de 08/20 leur a donné accès au cycle qualifiant malgré leurs lacunes.

   Tenant compte que seulement 40 % des élèves orientés en sciences ont le profil scientifique, cela peut influencer négativement les pratiques d'évaluation au lycée, à savoir que la majorité des élèves n'a pas le profil demandé, la maîtrise du niveau A des cadres de références scientifiques, et si l'on considère que le curriculum officiel adopte l'approche par compétences comme outil d'enseignement qui stipule la construction et l'appropriation des savoirs scientifiques et mathématiques à partir des situations problèmes, la pratique enseignante dans ces conditions comme on le constate présente les savoirs d'une manière décontextualisée et fait recours à la mémorisation d'algorithmes privés de sens, avec une déconnexion des cadres. Dans les mathématiques du collège par exemple, la notion de droite est présentée en tant qu'objet géométrique, sans pour autant la lier à son équation cartésienne, ou l'utiliser comme outil pour résoudre les systèmes.Quant au lycée, la résolution des équations du second degré suppose l'acquisition des identités remarquables, la maîtrise des opérations du calcul, ceci concerne uniquement le niveau A des cadres de références de l'évaluation, par contre les niveaux B et C supposent la capacité d'interpréter géométriquement les équations du second degré pour réaliser les connexions des cadres mathématiques, afin de l'utiliser comme outil de résolution dans les situations problèmes qui nécessite une modélisation mathématique.

Répartition des élèves selon leur profil scientifique et leur orientation

Classes porifil scientifique

Oriente

Sciences

Lettres

Techno

Originel

Sans

Total

[0-6[

Effectif

134

208

0

4

1121

1467

% Oriente

8,1%

30,6%

0%

33,3%

50,4%

31,7%

[6-8[

Effectif

502

373

2

7

377

1261

% Oriente

30,2%

54,9%

4,5%

58,3%

17,0%

27,3%

[8-10[

Effectif

387

82

1

1

232

703

% Oriente

23,3%

12,1%

2,3%

8,3%

10,4%

15,2%

[10-12[

Effectif

264

13

15

0

169

461

% Oriente

15,9%

1,9%

34,1%

0%

7,6%

10,0%

[12-16[

Effectif

307

4

20

0

236

567

% Oriente

18,5%

0,6%

45,5%

0%

10,6%

12,3%

[16 et +]

Effectif

69

0

6

0

89

164

% Oriente

4,1%

0%

13,6%

0%

4,0%

3,5%

Total

Effectif

1663

680

44

12

2224

4623

% Oriente

100,0%

100,0%

100,0%

100,0%

100,0%

100,0%

   Seuls 2,5 % des élèves orientés en lettres ont un profil scientifique ; 38,5 % des élèves orientés en sciences ont vraiment un profil scientifique, tenant compte que 61,5 % des élèves orientés en sciences n'ont pas le profil scientifique, cela pose la question du statut de l'évaluation.

Répartition des élèves selon leur scolarité et leur moyenne de passage

Casses moyenne générale

Scolar

3 ans

4 ans

5 ans

6 ans

Total

[0-6[

Effectif

88

61

16

0

165

% scolar

2,5%

7,3%

6,9%

0%

3,6%

[6-8[

Effectif

567

302

75

4

948

% scolar

16,0%

36,1%

32,2%

50,0%

20,5%

[8-10[

Effectif

1040

381

112

4

1537

% scolar

29,3%

45,5%

48,1%

50,0%

33,2%

[10-12[

Effectif

804

81

29

0

914

% scolar

22,7%

9,7%

12,4%

0%

19,8%

[12-16[

Effectif

873

11

1

0

885

% scolar

24,6%

1,3%

0,4%

0%

19,1%

[16 et +]

Effectif

173

1

0

0

174

% scolar

4,9%

,1%

0%

0%

3,8%

Total

Effectif

3545

837

233

8

4623

% scolar

100,0%

100,0%

100,0%

100,0%

100,0%

   Plus les élèves trébuchent, moins leurs résultats scolaires sont satisfaisants. Si le redoublement est une faveur accordée aux élèves pour mieux appréhender leurs acquisitions, ce n'en est pas le cas dans notre échantillon.

   À quel degré les résultats obtenus respectent-ils les normes officielles de l'évaluation prévues par le curriculum officiel ? Déterminons la part effective de chaque composante dans la moyenne générale !

  1. Le contrôle continu représente 60 % de la moyenne annuelle au lieu de 30 % décrété par les orientations officielles, dont les matières d'éveil comptent pour 34 %.

  2. L'examen local normalisé représente 27 % de la moyenne annuelle au lieu de 30 %, poids accordé par la note ministérielle n° 43.

  3. L'examen régional normalisé ne représente que 13% du poids afférent à la décision au lieu de 40% arrêté par les autorités éducatives.

Conclusions et recommandations

   Si les élèves réussissent, dans notre échantillon, c'est grâce au contrôle continu et notamment aux matières d'éveil. Cela nous conduit à déduire de ce qui précède, l'existence de rapport inversement proportionnel entre le curriculum officiel et le curriculum réel, en suivant une suite décroissante au niveau de pondération : tandis que le curriculum officiel prévoit 30 % pour le contrôle continu, on trouve que cette pondération double, pour décroître en passant pour l'examen local à 27 % au lieu de 30 % prévu, et atteindre à la fin 13 % au lieu de 40 % pour l'examen régional, au niveau didactique ceci peut s'expliquer si nous prenons comme référence la théorisation des phénomènes d'enseignement de Guy Brousseau [7] :

   On peut postuler à partir de la théorie de situation que l'écart observé entre le curriculum officiel et le curriculum réel pour la modalité du contrôle continue peut s'expliquer par le fait qu'une « situation est d'une part, un jeu hypothétique (qui peut être défini mathématiquement), qui explicite un système minimal de conditions nécessaires dans lesquelles une connaissance (mathématique) déterminée, peut se manifester par les décisions aux effets observables (des actions) d'un actant sur un milieu » [7].

   « D'autre part, un modèle du type ci-dessus, destiné à interpréter la partie des décisions observables d'un sujet réel qui relèvent de son rapport à une connaissance mathématique déterminée. »

   Une situation est caractérisée dans une institution par un ensemble de relations et de rôles réciproques d'un ou de plusieurs sujets (élève, professeur, administration) avec un milieu, visant la transformation de ce milieu selon un projet, le curriculum officiel pour notre cas. Le milieu est constitué des objets (physiques, culturels, sociaux, humains) avec lesquels le sujet interagit dans une situation. Le sujet détermine une certaine évolution parmi des états possibles et autorisés de ce milieu, vers un état terminal qu'il juge conforme à son projet. Remarquons qu'une tâche est une action acceptée a priori par l'actant comme étant déterminée, dans une situation convenue. La situation permet de « comprendre » les décisions du professeur et des élèves, erreurs ou appropriations, ainsi que les sorties du curriculum réel.

   Dans cette étape d'analyse nous pouvons poser la question sur l'existence d'une situation fondamentale selon les termes de Guy Brousseau dans la pratique enseignante « C'est un schéma de situation capable d'engendrer, par le jeu des variables didactiques qui la déterminent, l'ensemble des situations correspondant à un savoir déterminé. Une telle situation, lorsqu'on peut l'identifier, offre des possibilités d'enseignement mais surtout une représentation du savoir par les problèmes où il intervient permettant de restituer le sens du savoir à enseigner », ou par contre l'absence d'une telle situation réduit le savoir enseigné à l'effectuation d'automatismes vidés de sens. Cette déformation du savoir agit sur le mode d'évaluation en classe, fausse la mesure des compétences, et entraîne l'écart observé entre le curriculum prévu et le réel, phénomène que nous pouvons qualifier de glissement métacognitif pour les situations d'évaluation. « Lorsqu'une activité d'enseignement a échoué, le professeur peut être conduit à se justifier et, pour continuer son action, à prendre ses propres explications et ses moyens heuristiques comme objets d'étude à la place de la véritable connaissance mathématique ».

   Comme nous pouvons déduire, à partir des observations qu'on a pu faire dans les classes durant toute cette recherche, de l'usage abusif de l'analogie comme phénomène d'enseignement qui s'exporte dans les situations d'évaluation surtout dans sa forme des contrôles continus et examen local, l'usage abusif de l'analogie qui consiste en « ce procédé didactique qui utilise l'analogie comme argument pour faire admettre et apprendre une connaissance par l'accumulation de circonstances "analogues" ».

   L'analogie est un excellent moyen heuristique lorsqu'elle est utilisée sous la responsabilité de celui qui en fait l'usage. Mais son utilisation dans la relation didactique en fait un redoutable moyen de produire des effets « Topaze ». C'est pourtant une pratique naturelle ; si des élèves ont échoué dans leur apprentissage, il faut leur donner une nouvelle chance sur le même sujet. Ils le savent. Même si le professeur dissimule le fait que le nouveau problème ressemble à l'ancien, les élèves vont chercher – c'est légitime – la solution qu'on leur a déjà donnée. Cette réponse ne signifie pas qu'ils la trouvent idoine pour la question posée mais seulement qu'ils ont reconnu à des indices, peut-être tout à fait exogènes et non contrôlés, que le professeur voulait qu'ils la produisent. Ils obtiennent la solution par une lecture des indications didactiques et non par un investissement du problème. Et ils y ont intérêt car après plusieurs échecs sur des problèmes semblables mais non justifiés, non reconnus, le professeur s'appuiera sur ces analogies soudain renouvelées pour reprocher à l'élève sa résistance opiniâtre (cet effet est utilisé par R. Devos dans son sketch des deux bouts d'un bois) « Ça fait un bout de temps que je vous le dis ! »

   D'autres procédés, rhétoriques entre autres les métaphores et les métonymies, sont employés de la même façon. La contradiction vient de ce que la règle par laquelle on veut faire admettre une connaissance aux élèves est déniée dans la connaissance enseignée : « en mathématiques comparaison n'est pas raison ». Tous ces phénomènes associés peuvent expliquer l'écart observé entre le prévu et le réel pour l'évaluation.

   Vu le caractère multidimensionnel de l'évaluation : contrôle continu, examen local, examen régional, et qui garde la même structure au lycée (contrôle continu, examen régional, examen national), et vu les écarts observés entre le prévu et le réel pour l'évaluation, nous pouvons en déduire que l'absence d'une situation fondamentale, la présence du phénomène du glissement métacognitif dans la pratique enseignante et la pratique et les modes d'évaluation, ainsi que la présence du phénomène de l'usage abusif de l'analogie qui favorise l'enseignement selon le schéma d'algorithmes décontextualisés, nous proposons, pour réduire ces écarts et améliorer les scores des élèves dans les évaluations internationales, « TIMS en particulier » l'élaboration de grilles comme celle de R. Gras} [8] comme première étape, ainsi que l'instauration d'une banque de données des situations problèmes qui ont les caractéristiques d'une situation fondamentale décrite ci-dessus, cela pouvant permettre d'institutionnaliser une pratique évaluative selon des modèles explicites au niveau de leurs buts, et de leurs procédures de construction,

   Comme il faut repenser la gestion et l'organisation du temps évaluatif en harmonie avec le temps d'enseignement tout en respectant les normes de réussite à savoir l'atteinte de la moyenne 10/20.

Said Haouassia,
shaouassia@yahoo.fr
El Mostapha El Khouzai

Laboratoire de l'ingénierie didactique et dynamique des systèmes (LIDDS), établissement Faculté des Sciences et Techniques., Université Hassan 1er, Settat, Maroc.

Cet article est sous licence Creative Commons (selon la juridiction française = Paternité - Pas de Modification). http://creativecommons.org/licenses/by-nd/2.0/fr/

Bibliographie

A. Rapports d'enquêtes

Timss (2011) International Results in Mathematics, Ina V.S. Mullis, Michael O. Martin, Pierre Foy, and Alka Aroram, TIMSS&PIRLS International Study Center, Boston College.

Travaux de recherches

Guy Brousseau. Glossaire, site de Guy Brousseau, 16-02-2003.

Guy Brousseau. Théorisation des phénomènes d'enseignement, thèse d'état, 1986.

S. Haouassia. Rôle et utilisation de l'analogie – cas du secondaire, thèse de doctorat de 3 cycle, faculté des sciences de l'éducation, 1999 Rabat, Maroc.

S. Haouassia, réflexions sur les acquis cognitifs des étudiants du cycle supérieur – cas du Maroc, The journal of quality in education, avril 2016.

R.Gras, EVAPM 02/03/AB, p 1,16 septembre 2002.

B. Notes ministérielles

Arrêté ministériel Numéro 2383.06 (16/09/2006) relatif à l'organisation d'examen d'option du certificat des études primaires.

Note ministérielle N° 46-2006, Cadre de référence d'évaluation des matières d'examen normalisé pour l'obtention du certificat des études primaires.

Note ministérielle N°43 - 2006, organisation des études en enseignement secondaire.

Note ministérielle N° 28-2010, Cadre de référence d'évaluation des matières d'examen normalisé pour l'obtention du certificat des études secondaire collégiales.

Note ministérielle, note142-8, 2007 relative à l'évaluation en mathématiques du cycle secondaire qualifiant.

C. Documents pédagogiques officiels

Ministère de l'Éducation Nationale de l'Enseignement supérieur et de la recherche scientifique, Guide pédagogique de l'enseignement primaire, Maroc, 2009.

Le livre blanc volume 2, curricula des cycles primaires et collège, Maroc, 2002. Les programmes de mathématiques de l'enseignement primaire.

Les programmes de mathématiques de l'enseignement primaire, 2010.

Les programmes de mathématiques de l'enseignement secondaire collégial, 2009.

Les programmes de mathématiques de l'enseignement secondaire qualifiant, 2007.

NOTES

[1] Note ministérielle n° 28-2010, Cadre de référence d'évaluation des matières d'examen normalisé pour l'obtention du certificat des études secondaire collégiales.

[2] Ali Boulahcen, « Le processus d'orientation scolaire au Maroc », Revue internationale d'éducation de Sèvres, 38, 2005, 25-34.

[3] Circulaire ministériel n 142, contrôles continues, 2014.

[4] S.Haouassia, Essaie d'analyses didactique-statistique de la structure de l'évaluation – cas du lycée au Maroc, publication en cours, revue international d'éducation sèvres.

[5] Guy Brousseau, Théorisation des phénomènes d'enseignement, thèse d'état, 1986.

[6] S.Haouassia, Rôles et utilisations de l'analogie – cas du secondaire, thèse de doctorat de 3 cycle, faculté des sciences de l'éducation, 1999 Rabat, Maroc

[7] Guy Brousseau, Théorisation des phénomènes d'enseignement, thèse d'état, 1986.

[8] http://didaquest.org/w/index.php?title=Taxonomie_R._Gras

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