bas de page
 

« Révolution numérique »
et enseignement de l'informatique
 

   Il est beaucoup question de « révolution numérique » dans la campagne présidentielle sans que le concept soit toujours (loin de là même) nécessairement explicité et qu'alors l'on ne sait pas précisément ce dont on parle. Cela rappelle quelque peu les propos de de Gaulle, dans les années soixante, se moquant de ceux qui « sautaient comme des cabris en répétant l'Europe, l'Europe... ».

   Les défis sont de la première importance, majeurs. Des emplois vont disparaître, d'autres vont apparaître (somme nulle, positive ou négative ?), quasiment tous les métiers existants vont être transformés par la numérisation de l'information. Une nouvelle société prend place, la société numérique, ainsi appelée en référence à sa production dominante, comme l'on a nommé aux siècles précédents la société industrielle et la société agraire. Et, bien entendu, la production de biens matériels ne disparaît pas !

   Le numérique, c'est la numérisation de l'information. C'est de cela dont il s'agit. Or, l'informatique est la science de la représentation et du traitement de l'information numérisée. Comment alors imaginer que l'on puisse assumer de telles transformations sans que l'ensemble de la population ait des connaissances solides, une culture générale en informatique de nature scientifique et technique ? Pour la vie de tous les jours, la vie professionnelle et l'exercice de la citoyenneté. Il faut un socle de culture commune sur lequel s'appuient les formations diversifiées des uns et des autres, tout le monde n'étant évidemment pas informaticien professionnel ni appelé à l'être.

   Cette culture commune permet de connaître ce sur quoi portent les débats sociétaux (c'est l'exercice de la citoyenneté qui est alors en jeu), ce dont sont faits les outils conceptuels que l'on utilise dans la vie de tous les jours et au travail. Cette culture commune, la culture générale de notre époque, s'acquiert à l'École. La culture générale est la fonction « existentielle » de l'enseignement scolaire. Comment le système éducatif donne-t-il cette culture générale ? Par des enseignements disciplinaires (français, histoire-géographie, mathématiques, philosophie, sciences physiques...) assurés dans le secondaire par des professeurs spécialisés, titulaires d'un Capes ou d'une agrégation.

   C'est pourquoi, pour donner cette culture générale informatique incontournable au XXIe siècle, il faut un enseignement d'une discipline informatique pour tous les élèves, avec des professeurs d'informatique titulaires d'un Capes ou d'une agrégation d'informatique. La SIF et l'EPI s'adressent en ce sens à tous les candidats à la présidentielle [1]. Les choses sont en cours. Nous ne manquerons pas de vous en tenir informés.

   Rappelons que cette formation à l'informatique est complémentaire de la formation à l'utilisation avertie du numérique qui peut (doit) très bien passer par les disciplines. Par exemple, la pratique de la simulation en sciences expérimentales (et sciences humaines) nécessite des connaissances informatiques mais aussi une posture critique vis-à-vis du modèle, un état d'esprit... Les deux démarches sont liées, elles sont complémentaires. Vouloir les séparer c'est faire de l'unijambiste.

   De par les actions menées, la situation a évolué ces dernières années. « L'option de spécialité "Informatique et sciences du numérique" (ISN) de Terminale S a été créée en 2012, l'enseignement de l'informatique pour tous les élèves de classes préparatoires aux grandes écoles scientifiques introduit en 2013 et l'enseignement d'exploration "Informatique et création numérique" mis en place en classe de Seconde en 2015. La rentrée 2016 a vu l'extension de l'option de spécialité ISN de Terminale S en 1re ES, L et S sous forme d'un enseignement facultatif « Informatique et création numérique ». De l'informatique figure dans les nouveaux programmes des cycles 2, 3 et 4, pour le cycle 4 dans les cours de mathématiques et de technologie. » [2].

   Mais le compte n'y est pas (encore). Pour former des millions et des millions d'élèves, leur donner la culture générale de leur époque, le service public d'éducation est irremplaçable. Se plaçant dans ce paradigme, des initiatives « de la base » se développent. Il en est ainsi, parmi beaucoup d'autres, de Class'Code [3]. Ce projet est « un programme de formation innovant, qui forme depuis la rentrée 2016 les professionnels de l'éducation et de l'informatique en vue d'initier les filles et les garçons de 8 à 14 ans à la pensée informatique ». Il est soutenu par des associations professionnelles de l'informatique et des réseaux d'éducation, réunis par la SIF. Il est porté par Inria, institut public de recherche en sciences du numérique.

   Ces initiatives voient le jour pour pallier en partie les insuffisances de l'institution éducative, en attendant que le service public d'Éducation nationale assume complètement ses responsabilités.

15 février 2017

Jean-Pierre Archambault
Président de l'EPI

NOTES

[1] https://www.epi.asso.fr/revue/editic/lettre_epi-sif_1701.htm

[2] 1980... 2016 : un long cheminement chaotique.
https://www.epi.asso.fr/revue/articles/a1612a.htm

[3] https://project.inria.fr/classcode/

haut de page
Association EPI
Février 2017

Accueil Articles