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Tout numérique, papier et
formation des enseignants
 

   À la rentrée 2014, le Conseil départemental de Seine-Saint-Denis a ouvert 12 collèges « tout numérique-zéro papier ». Cet effort d'équipement, de changement du contexte matériel, vise, sinon à transformer l'enseignement, tout du moins à le faire évoluer.

   Un premier rapport a été fait par Sylvain Genevois et Dany Hamon (EMA, Université Cergy Pontoise) [1]. On pourra se référer également à leur article dans le présent numéro d'EpiNet [2].

   L'appellation « tout numérique-zéro papier » est quelque peu exagérée. Elle vise à mettre l'accent sur le fait que ces collèges sont particulièrement bien équipés, qu'il est bienvenu de diminuer le papier, par exemple dans l'administration, et qu'il faut inciter à produire et échanger via l'ENT des ressources numériques plus facilement partageables. Numérique et papier, à chacun son domaine. Un partage des rôles se dessine. À chacun ses points forts : au livre papier les exposés de connaissances disciplinaires validées, l'écrit, la lecture (sur Internet on passe moins de temps à lire une page), la maniabilité, le temps de l'assimilation ; au numérique, l'accès facilité à une masse de documents grâce aux portails et aux moteurs de recherche, la simulation, les phénomènes dynamiques, les figures en géométrie... Dans son article « Au crayon ou au clavier » [3], qui a « une dimension expérimentale », Véronique Bonnet, professeur de philosophie en CPGE, nous dit par exemple que « penser, tout au long de l'année, dans le cadre de la préparation au concours, avec un crayon à la main est tout à fait autre chose que de construire à l'ordinateur. Penser en écrivant sur une feuille permet plus facilement de concevoir à quelques traits liés entre eux, in extenso, une problématique, une alternative directrice, un schéma maître ».

   Et puis il y a la question essentielle de la formation des enseignants. Toujours non résolue. Il faut former aux usages pédagogiques du numérique et donner à tous les enseignants une culture générale informatique.

   Les usages sont transversaux et spécifiques aux disciplines. La simulation est incontournable en sciences expérimentales. Les documents, les banques de données jouent un rôle particulier en histoire-géographie ou en sciences économiques et sociales, etc. Les apports de l'informatique, leur intégration dans une démarche pédagogique, cela s'apprend.

   Et il faut pouvoir s'appuyer, pour tous les enseignants, sur une solide culture générale informatique. Un parallèle, Simplon accueillera prochainement 24 élèves à Saint-Brieuc, pour une formation de six mois [4]. Selon la Maison de l'emploi du Trégor, Lannion propose 30 postes de développeur informatique par an. Les grosses sociétés de services informatiques recrutent mais elles ne sont pas les seules. « Toutes les entreprises n'ont pas besoin d'un ingénieur informatique », explique la présidente de la Maison de l'emploi. « Mais en revanche presque toutes recherchent des compétences en informatique, jusqu'à l'artisan et au commerçant, pour leur site web par exemple. »

   Autre parallèle avec les ingénieurs non-informaticiens. Concernant l'enseignement de l'informatique, il y a déjà quelques années, les choses ayant évolué positivement depuis 2009, le rapport « Stratégie nationale de recherche et d'innovation », SNRI [5], faisait le constat que d'une façon générale, « le système éducatif ne lui a pas donné une place suffisante en regard des enjeux futurs, industriels et d'innovation pour l'ensemble de l'économie nationale, et de participation à la vie sociale et politique de la part des citoyens. Absent aux niveaux primaire et secondaire, il est inexistant ou trop limité dans les classes préparatoires aux grandes écoles. La majorité des ingénieurs et chercheurs non informaticiens n'acquièrent pendant leur cursus qu'un bagage limité au regard de ce que l'on observe dans les autres disciplines. Pourtant, ils utiliseront ou pourront avoir à décider de l'utilisation d'outils informatiques sophistiqués. Il est à craindre qu'ils ne le feront pas avec un rendement optimal ou que, en position de responsabilité, ils sous-estimeront l'importance du secteur ».

   Des connaissances, des compétences, une culture informatiques sont incontournables de nos jours pour l'exercice de quasiment tous les métiers. Cela vaut bien évidemment pour le métier d'enseignant. Impératif donc de formation initiale et continue. Et les choses iront mieux, elles seront grandement facilitées lorsque les futurs enseignants arrivant dans les ESPE auront tous bénéficié au collège et au lycée d'un enseignement d'informatique...

   Formation encore, l'EPI est maintenant partenaire de l'Accord de consortium Class'Code qui a pour objet la mise en place de formations hybrides de formateurs (en ligne et en présentiel) à travers un maillage du territoire [6]. Pour l'EPI, cela signifie le partage de ressources libres d'usage, la participation à l'animation des actions de formation hybride et aux actions de validation de la conception de la formation et plus généralement au co-pilotage du projet, la fourniture de facilitateurs lors des temps de rencontre qui complètent la formation en ligne et l'aide à la diffusion de l'offre de Class'Code auprès des cibles à toucher. Il s'agit de contribuer à la formation et à la maîtrise de la pensée informatique de ceux qui doivent la transmettre et initier les jeunes générations. Conçu pour le périscolaire, Class'Code est de nature à intéresser les enseignants devant sensibiliser les élèves à l'informatique. Mais quid de la formation initiale et continue de tous les professeurs à l'initiative du MENSR ? Class'Code propose une formation de base permettant d'initier les enfants et les jeunes. Cette formation ne se confond pas avec celle nécessaire quand l'enseignant a devant lui un groupe composé des mêmes enfants et jeunes qui, une fois initiés, doivent aller plus loin pour acquérir la culture générale informatique de notre époque.

le 15 mars 2016

Jean-Pierre Archambault
Président de l'EPI

NOTES

[1] https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01273739/document

[2] Dispositif 12 collèges « tout numérique » de Seine-Saint-Denis : éléments de la genèse d'un projet innovant, Sylvain Genevois, Dany Hamon :
http://www.epi.asso.fr/revue/articles/a1603h.htm

[3] http://www.epi.asso.fr/revue/articles/a1601f.htm

[4] http://jactiv.ouest-france.fr/job-formation/se-former/ecole-code-informatique-va-ouvrir-saint-brieuc-59715

[5] Rapport du groupe « Numérique, calcul intensif et mathématiques » :
http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid28982/snri-les-rapports-des-groupes-de-travail.html
http://www.epi.asso.fr/revue/articles/a0909a.htm

[6] http://binaire.blog.lemonde.fr/2015/10/05/classcode-cest-parti/
http://classcode.fr/

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Mars 2016

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