Informatique : formation, emploi... et choix
 

   Un regard du côté de la formation et de l'emploi. À Maubeuge, la première année de DUT Informatique en apprentissage est menacée [1]. Le DUT Informatique, via la filière apprentissage du pôle universitaire de Maubeuge, va peut-être disparaître. Mais l'apprentissage, très sollicité, restera toutefois possible en 2^e année. La faute en est due pour une part à la difficulté rencontrée par les élèves à trouver des contrats en alternance, des entreprises d'accueil. Les entreprises sont « réticentes à prendre des jeunes en alternance car, jusqu'à présent, peu de cours d'informatique sont dispensés au lycée, même si récemment la spécialité Informatique et Sciences du Numérique (ISN) a été créée en bac S ». On fera remarquer que l'apprentissage est fait... pour apprendre. Cela étant, la raison avancée est de nature à faire réfléchir.

   Dans le même temps, une nouvelle école du numérique est créée dans l'Orne, la troisième formation numérique lancée dans ce département en seulement quelques mois [2]. Mais le numérique en France ne représente que 5,5 % du PIB généré par les entreprises, là où il représente 10 % au Royaume Uni, notamment parce que les entreprises ne trouvent pas de personnel formé : là où en France on forme 3 développeurs pour 1 000 habitants... la Suède en forme : 8 !...

   Ces deux regards renvoient à l'enseignement scolaire général et ses trois missions : former l'homme, le travailleur et le citoyen. Bien que différant des enseignements techniques et professionnels, l'enseignement général n'en constitue pas moins une propédeutique aux formations professionnalisantes ultérieures, donnant aux élèves les fondamentaux de culture générale sur lesquels elles s'appuieront. Il en va ainsi depuis que l'École est l'École. L'enseignement scolaire doit donc intégrer les évolutions de la production, des métiers et des qualifications nouvelles.

   Il faut former les élèves et pour cela il faut des professeurs formés. Nous ne redirons jamais assez que l'informatique doit être enseignée par des professeurs d'informatique comme le français l'est par des professeurs de français. Il faut donc créer sans attendre un Capes et une agrégation d'informatique, voire aussi des concours de recrutements bivalents informatique-autre discipline. Or, l'on s'entend parfois dire « certes... mais la situation... ».

   Ainsi les difficultés de l'IUT de Maubeuge mentionnées ci-avant tiennent-elles aussi au fait que la faculté vit dans une période de restrictions budgétaires et de pénurie de postes d'enseignants-chercheurs liées au gel des postes de l'Université de Valenciennes et du Hainaut-Cambrésis (UVHC). Il n'y a pas assez de titulaires pour tous les cursus et donc des « choix » sont faits.

   Or l'éducation est un précieux investissement pour l'avenir du pays, le plus précieux avec la santé. Donner à l'informatique la place qui doit être la sienne au 21^e siècle, c'est aussi lutter contre la préoccupante crise des vocations scientifiques dont on ne saurait se satisfaire (alimentée entre autres par le différentiel entre les rémunérations des métiers de la finance et du commerce et celles des autres professions qui fait que, par exemple, des mathématiciens se détournent des métiers d'ingénieurs et d'enseignement). Il faut également lutter contre la crise des vocations enseignantes, dont une des raisons réside dans le fait que les enseignants français sont en queue de liste en Europe pour les salaires. Il faut donc faire des choix, d'autres choix.

   Formation et emploi encore, lors d'une conférence de presse, François Hollande a annoncé la création d'« une grande école du numérique » [3]. En fait, il s'agira, sous la forme juridique d'une fondation, d'une entité de coordination et de labellisation d'autres structures locales qui, elles, seront chargées de dispenser les formations labellisées. L'objectif est de déployer des formations numériques, en priorité dans les quartiers en difficulté, et à terme sur l'ensemble du territoire. Ces formations seront accélérées, pour durer entre 3 et 24 mois, sans aucun pré-requis académique nécessaire. Si les contours ne sont pas encore parfaitement définis, une bonne partie concernera les développeurs de sites. Mais d'autres viseront à former des « community managers » ou des « webdesigners » par exemple, avec la perspective de 10 000 diplômés par an.

   Le Premier Ministre Manuel Valls a confié au Recteur Monteil une mission afin de « contribuer à la définition d'une nouvelle politique numérique pour l'Éducation nationale ». Culture générale de tous, besoins du pays, choix à opérer, formation des enseignants : l'enseignement de l'informatique est de plain-pied dans des problématiques sociétales actuelles.

   Enfin, selon un sondage publié par le Parisien, le 26 février dernier, une large majorité de Français souhaitent que l'informatique devienne une matière à part entière [4]. En effet, 58 % se prononcent pour la création d'une matière spécifique et la formation des professeurs au même titre que le français, les mathématiques ou l'histoire. 40 % seulement optent pour la dispersion des enseignements en les confiant aux professeurs de matières existantes. Le choix est clair. C'est le bon choix.

15 mars 2015

Jean-Pierre Archambault
Président de l'EPI

NOTES

[1] Maubeuge: la première année de DUT Informatique en apprentissage menacée ?
http://www.lavoixdunord.fr/region/maubeuge-la-premiere-annee-de-dut-informatiqueen-ia23b44386n2662990

[2] Une nouvelle école du numérique dans l'Orne.
http://www.tendanceouest.com/actualite-94273-une-nouvelle-ecole-du-numerique-dans-orne.html

[3] La « grande école du numérique » de Hollande prévue pour septembre.
http://rue89.nouvelobs.com/2015/03/05/grande-ecole-numerique-hollande-prevue-septembre-258055

[4]  Vivement des cours de numérique à l'École.
http://www.leparisien.fr/espace-premium/actu/vivement-des-cours-de-numerique-a-l-ecole-26-02-2015-4558587.php
L'oeil du sondeur.
http://www.idboox.com/infos-ebooks/etude-le-numerique-a-lecole-une-priorite-pour-les-francais/