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Trois outils pour enseigner le code informatique
à l'école

Sampiero Porri
 

   Une journée d'étude et de débat organisée par l'INRIA et CapDigital [1], des articles dans la presse nationale [2], des émissions de radio [3], des déclarations d'hommes politiques [4] et pour finir un sondage auprès des parents [5]... Tout cela en l'espace de quelques semaines : le débat est désormais lancé sur la pertinence de l'apprentissage du code informatique à l'école.

   Ne manquent plus maintenant que la réponse de l'institution et l'avis des principaux concernés – ou du moins de la majorité d'entre eux puisque des expériences isolées, même à l'école élémentaire, sont déjà en cours.

   Pour débattre de façon constructive, il faudra au préalable régler un certain nombre de problèmes : le bilan du Plan Informatique pour Tous qui – quand bien même daterait-il de trente ans – reste à faire de manière plus audible, l'arrivée d'un « nouvel » enseignement dans des programmes déjà lourdement chargés et la répartition des tâches, dans le cadre des nouveaux rythmes, entre le scolaire et le périscolaire... Ne devraient alors être prises en considération que la reconnaissance de l'intérêt de cet enseignement par les enseignants, la garantie qu'ils sont en droit d'attendre d'une cohérence et d'un suivi de cet enseignement de l'école au lycée et l'assurance qu'ils auront de recevoir une formation suffisante pour enseigner une matière qui plus qu'une autre exige une certaine appétence.

   Quelques faits sont cependant encourageants : le taux d'équipement informatique des enseignants (et des établissements), la maîtrise de base de l'ordinateur qu'ils ont acquise le plus souvent d'ailleurs en auto-formation et l'existence aujourd'hui de nombreux outils, gratuits pour la plupart et de très grande qualité.

   Ce sont trois de ces outils que j'utilise depuis plusieurs années avec des élèves de cycle 3 (du CE2 au CM2), que j'aimerais vous présenter brièvement.

LOGO

   Le langage de programmation LOGO était déjà présent dans la « valise pédagogique » qui accompagnait les nouveaux équipements au moment du lancement du Plan Informatique pour Tous. À ce titre, il pourrait faire figure d'ancêtre, apparaître comme un langage dépassé et subir les dommages collatéraux d'un bilan négatif du PIT...

   Il n'a pourtant rien perdu de ses qualités.

   Tout d'abord, on trouve de nombreuses implémentations de LOGO en français, en particulier l'excellent XLOGO [6]. On peut ainsi directement entrer dans la programmation sans passer par le détour de l'anglais.

   Ensuite, sa syntaxe est, comme pour tout langage informatique, rigoureuse mais limitée à un nombre réduit d'exigences : présentation des programmes avec les mots clés POUR et FIN ; espaces entre les instructions ; mise entre crochets des blocs d'instructions ; marquage des paramètres par « : » sont les principales. Les instructions sont ordonnées de gauche à droite, ce qui donne un aspect naturel aux « phrases » LOGO.

(À noter que LOGO dialogue avec l'utilisateur et affiche un message quand l'une de ces exigences n'est pas respectée ce qui permet de laisser très vite les élèves travailler en autonomie sur un projet.)

   Les commandes en français de LOGO, la construction de ses phrases font que le pseudo-code – la suite d'instructions nécessaires à l'exécution d'un programme, suite d'instructions en langage courant élaborée collectivement avec les élèves – est pratiquement déjà le programme LOGO lui-même.

   Enfin, il permet d'aborder les notions fondamentales en informatique : les boucles, les conditions, la récursivité, la réutilisation de programmes existants... et ce par une programmation textuelle – dite en ligne de commande – qui permet plus de contrôle à l'utilisateur que la programmation graphique par glisser-déposer d'icônes représentant les instructions.

   LOGO permet de diriger à l'écran une tortue qui va laisser la trace graphique de ses déplacements ce qui permet de lui faire dessiner des formes géométriques du simple carré aux plus complexes fractales mais on aurait tort de limiter LOGO à son côté graphiqueet à ses applications géométriques : il était à l'origine un dialecte du langage LISP, créé pour la manipulation des phrases et des mots, et on peut créer de petits programmes très simples sur le mode question-réponse comme « Compter avec Logo » [7].

   Je renvoie ici à l'article de Wikipédia sur le langage LOGO [8] et à un exemple de progression pédagogique pour le cycle 3 [9].

Game Maker

   Game Maker [10] est un logiciel de création de jeux vidéo en mode graphique. En cela, il ressemble à Scratch mais il a sur Scratch l'inconvénient de n'être disponible qu'en anglais... Sa version gratuite ne diffère de la version payante que, globalement, l'impossibilité de commercialiser les jeux créés – mais pas d'en faire des applications installables sur n'importe quel ordinateur.

La langue et la richesse, pour ne pas dire le foisonnement, de son interface en réservent l'utilisation aux élèves les plus âgés du cycle 3 et, disons-le, à des élèves capables d'utiliser un glossaire – même limité à l'indispensable, d'écouter et de mémoriser un certain nombre d'explications de départ... Mais ces élèves existent encore voire même se découvrent ces capacités quand on leur montre la qualité et la diversité des jeux qu'ils pourront produire : Casse-Briques, Pac-Man, jeux de plate-forme et de tir, etc.

Car Game Maker, et c'est son grand avantage sur Scratch, dispose d'une importante et très active communauté qui met à disposition des utilisateurs des tutoriels (dont de nombreux en français), des images, des sons, des scénarios, des exemples de jeux.

Il existe également deux livres (en anglais) très complets, tous deux avec un CD de ressources.

Le manuel pour commencer : The Game Maker's Apprentice de Jacob Habgood et Mark Overmars chez Apress. Puis The Game Maker's Companion de Jacob Habgood, Nana Nielsen et Martin Rijks toujours chez Apress – celui-ci beaucoup plus avancé.

Lego Mindstorms®.

   Je terminerai par le matériel avec lequel je travaille depuis maintenant trois ans avec des classes de CM1 et de CM2, matériel qu'il m'a été donné de découvrir grâce à M. Yann Régis-Gianas Maître de Conférence et Responsable du Département de Robotique à l'Université Paris VII à l'occasion d'une « Semaine de la Science ».

   Lego Mindstorms® est un kit de développement robotique composé principalement d'un ensemble d'une centaine de pièces en plastique fabriquées par la célèbre marque auxquelles s'ajoutent une « brique » contenant un microprocesseur programmable, 3 moteurs pilotés par cette brique et des capteurs (capteurs tactiles, photosensibles, à ultrasons) qui vont renseigner le microprocesseur sur l'environnement extérieur. Ce matériel a été mis au point par la société Lego® avec le concours du MIT.

   On construit donc un robot. Il existe pour cela sur Internet une multitude de guides de montage de robots basiques dont un en particulier, le « five minutes bot » [11], peut être construit en une séance d'une vingtaine de minutes par un groupe d'élèves. Un logiciel de programmation graphique installé sur un ordinateur permet de créer les programmes à partir d'icônes puis de les charger dans la brique par câble USB ou BlueTooth.

   Il existe trois niveaux de programmation : un niveau débutant avec un nombre limité d'icônes, un niveau avancé avec des icônes plus « spécialisées » et un mode expert, permettant de créer ses propres icônes...

   Le mode débutant est toutefois un mode complet avec toutes les icônes nécessaires pour faire des boucles, réagir à des conditions (définies par les informations des capteurs ou par le programme lui-même voire des conditions aléatoires), faire des choix, etc.

   Si l'on revient à notre « five minutes bot », on peut donc le programmer pour qu'il effectue un parcours ; puis en l'équipant d'un capteur tactile, le programmer pour qu'il effectue ce parcours en tenant compte d'obstacles placés sur son chemin ou en l'équipant d'un capteur à ultra-sons pour qu'il évite ces obstacles...

   De nombreux sites personnels [12], d'associations, d'enseignants fournissent tutoriels de programmation et de montage, le site officiel [13] à lui seul suffit pour nourrir et documenter n'importe quel projet par la richesse de sa communauté.

   Malheureusement, ce matériel qui en est maintenant à la version 3, est cher, très cher, et on ne peut envisager de travailler de façon profitable qu 'avec un nombre limité d'élèves par groupe – sans possibilité d'alterner les groupes quand les robots construits sont des créations du groupe. J'ai eu la chance de bénéficier d'une dotation de la Mairie du XIIIe arrondissement de Paris, dotation de 4 boîtes qui avec mes 2 boîtes personnelles, me permettent d'avoir des groupes de 5 élèves ce qui donne à tous l'occasion de participer à la construction et à la programmation de manière équitable.

   Il y a, pour reprendre une expression à la mode, forcément des arbitrages à faire : on peut par exemple s'interroger sur l'utilité respective de 4 ou 5 boîtes de Lego Mindstorms® et d'un tableau numérique interactif par exemple... Mais ce n'est qu'une opinion personnelle...

Sampiero Porri,
professeur des écoles

Cet article est sous licence Creative Commons (selon la juridiction française = Paternité - Pas de Modification). http://creativecommons.org/licenses/by-nd/2.0/fr/

NOTES

[1] http://www.capdigital.com/evenements/decodez-le-code/

[2] http://www.lemonde.fr/education/article/2014/05/23/faut-il-enseigner-le-code-informatique-a-l-ecole_4424397_1473685.html?xtmc=code_informatique&xtcr=7

[3] http://www.lemouv.fr/diffusion-le-code-un-jeu-d-enfant

[4] http://www.rslnmag.fr/post/2013/12/11/Barack-Obama-invite-les-jeunes-Americains-a-apprendre-a-coder.aspx

[5] http://www.usinenouvelle.com/article/87-des-francais-favorables-a-l-enseignement-du-code-a-l-ecole.N265332

[6] http://xlogo.tuxfamily.org/fr/index-fr.html

[7] http://www.programmer-a-l-ecole.fr/Compter%20avec%20Logo.pdf

[8] http://fr.wikipedia.org/wiki/Langage_Logo

[9] http://www.programmer-a-l-ecole.fr/Progression%20au%20cycle%203.pdf

[10] http://www.yoyogames.com/

[11] http://www.nxtprograms.com/five_minute_bot/index.html

[12] http://www.sitedunxt.fr/

[13] http://education.lego.com/mindstorms/?domainredir=www.legoeducation.com

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Juin 2014

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