bas de page
 

Propositions de programme pour les sections littéraires

Jean-Louis Malandain †
 

En hommage à Jean-Louis Malandain, membre pendant de longues années du Bureau national de l'EPI, décédé en 2010, nous publions ces propositions de programme pour les sections littéraires de nature à enrichir les réflexions en cours. Le Bureau EPI (juin 2014).

 
Réflexion générale

   L'idée d'enseigner l'informatique à des littéraires ou à des artistes n'est ni une provocation ni un paradoxe. C'est une nécessité quand on sait l'importance que revêt cette discipline dans les processus de création et de diffusion des « productions » culturelles en général. On a parlé « d'industries de la langue » pour évoquer les domaines dont le développement a pris un essor comparable à celui de la robotique dans les usines, ainsi les bases de données lexicales, la traduction automatique, la reconnaissance et la synthèse de la parole, l'OCR... et tant d'autres outils traitant des pratiques langagières sous toutes leurs formes en oeuvre dans le vaste champ de la bureautique. Il faudrait ajouter la littérature, la musique et les beaux-arts où la contribution de l'informatique et des technologies afférentes n'est pas moindre.

   L'objectif d'un tel enseignement serait de donner la maîtrise de cet outil incontournable qu'est devenu l'ordinateur pour chaque créateur potentiel se reconnaissant plutôt dans les approches artistiques. Comprendre comment une machine et des processus logiques peuvent gérer des « objets » immatériels, identifier les situations dans lesquelles une activité langagière est assistée, voire carrément prise en charge par une technologie informatique ; décrire les fonctions d'aide apportées par l'informatique dans les handicaps langagiers aussi communément partagés que l'écriture sous la dictée ou la « sonorisation » des textes.

   Naguère, les enseignants ont dû affronter les effets de la calculette puis des calculatrices qui, par définition, savaient compter plus vite que les élèves et, parfois, mieux que les enseignants... mais avec des imperfections mal connues. Désormais les mêmes avancées – et les mêmes défauts – se répandent dans les domaines langagiers. C'est une raison de plus de connaître le fonctionnement des machines, ou du moins les principes et les principales fonctions car il n'est pas questions d'entrer dans toutes les « boîtes noires » !

Chronologie

   Quand ils arrivent en classe de seconde, les élèves sont déjà familiarisés avec les outils courants comme le traitement de texte et l'usage d'Internet mais ils peuvent n'avoir aucune idée précise des technologies et de la logique qui permettent ces réalisations : comment une information minimale comme la lettre A peut-elle être constituée, affichée à l'écran, mémorisée quand on éteint l'ordinateur puis restituée ? Pour des littéraires ou des artistes, avant même d'aborder l'éventuel contenu d'une variable, la réalité physique et la gestion du A comme symbole graphique et phonique – sans aucune autre signification que celle attribuée par le lecteur-auditeur – devrait faire l'objet d'une approche scientifico-narrative à la façon des « aventures d'Anselme Lanturlu » dans L'informagique de Jean-Pierre Petit (Belin, 1980). Ce sera sans doute la première grande fracture entre mathématique et linguistique. Dans un cas, la machine connaît et gère le contenu d'une variable ; elle peut faire des calculs (a + b = c). Dans l'autre cas, la machine peut gérer la présentation des lettres ou des mots (la police, la taille...) mais ignore totalement la signification véhiculée par l'assemblage des signes graphiques. C'est l'observateur humain qui donne du sens à ce que la machine lui présente. Ainsi, par rapport à la valeur universelle des nombres ou des axiomes, les mots ont des significations relatives selon les langues.

   Sur cette base, cependant, et avec un ordinateur aveugle au sens, on parvient à réaliser des prodiges comme la recherche documentaire où la machine donne parfois l'impression de « comprendre » un texte... si quelqu'un a judicieusement sélectionné les mots révélateurs du contenu recherché. On parviendra ainsi à familiariser les élèves avec un outil reconnu pour ses capacités « scientifiques » devenu très rapidement l'auxiliaire indispensable dans le champ de la production culturelle.

   Autre aspect important qui distingue et réunit à la fois la science et l'art : le découpage du continu en unités discrètes grâce à un apprentissage culturel (repérage des mots d'un discours « humain » là où la machine ne peut qu'enregistrer et produire un sonogramme) et l'interprétation de données même dégradées ou volontairement réduites (en particulier photo et vidéo) : ce sont là deux phénomènes spécifiques largement utilisés en informatique avec lesquels l'élève doit se familiariser.

   Des exemples d'application seront présentés en littérature, en musique et en arts graphiques (à développer et à illustrer par des collègues spécialistes de ces domaines). Après cette phase de découverte, on guidera les élèves vers la reconnaissance et la maîtrise des outils matériels et conceptuels, en particulier la programmation.

Projet de programme, quelques pistes [mai 2008]

   Au cours de leur scolarité, les élèves « littéraires » ou « artistes » devraient être en mesure de comprendre et de concevoir des programmes liés aux opérations linguistiques courantes, tout ce qu'on appelle les « industries de la langue » et les arts en général : connaissance du fonctionnement, de l'organisation et de la sauvegarde.

  • claviers
  • affichage, tailles, polices
  • formats Ascii, Ansi, Unicode...
  • traitement de texte et PAO
  • correcteur orthographique
  • contrôle syntaxique
  • synonymes, antonymes
  • lexicographie
     
  • OCR, reconnaissance de l'imprimé et de l'écriture manuscrite
  • les composantes du son dans le langage : intensité, timbre... formants
  • les « unités discrètes » dans les sciences molles (linguistique etc.)
  • de la phonétique à la phonologie
  • synthèse de la parole
  • reconnaissance vocale
  • le son musical
     
  • traduction automatique ou aide à la traduction
     
  • sous-titrage, temporisation, synchronisation
     
  • programmation de la manipulation des chaînes de caractères dans différents langages (lisp, logo → basic)
  • génération de textes cohérents ou aléatoires
  • jeux de langage (de l'Oulipo à l'Alamo)
  • littérature et informatique
  • fabrication des slogans publicitaires
  • ergonomie et pratiques langagières
  • propriété intellectuelle
     
  • théorie de l'information
  • transmission et compression des données
     
  • analyse de l'image
  • phénomènes de perception, illusions
     
  • recherche des occurrences
  • opérateurs booléens
  • techniques documentaires, classification, catalogage
  • gestion des listes, critère de mise en ordre
  • indexation des textes
  • abstracts, résumés automatiques

Mai 2008

Jean-Louis Malandain
Bureau national de l'EPI

Cet article est sous licence Creative Commons (selon la juridiction française = Paternité - Pas de Modification). http://creativecommons.org/licenses/by-nd/2.0/fr/

haut de page
Association EPI
Juin 2014

Accueil Rapports et Documents Informatique et TIC Articles