Apprentissage mobile ou M-Learning :
opportunités et défis
Mohamed Droui, Abdelkrim El Hajjami, Khalid Ahaji
Résumé
Au vu l'émergence rapide des technologies mobiles omniprésentes et la croissance des offres et besoins d'une « société en mouvement » en formation, des travaux de recherches se multiplient pour identifier des applications pédagogiques pertinentes et la capacité potentielle de ces outils à améliorer et à faciliter le processus enseignement-apprentissage (Derycke, 2006 ; Droui et al., 2009). L'essor récent de ces technologies fait songer à plusieurs applications pédagogiques. Le domaine correspondant a vite été nommé et le « M-Learning », ou apprentissage mobile. Dans cet article, nous mettons en évidence tout d'abord l'importance accordée au domaine de l'apprentissage mobile en soulignant l'émergence rapide des technologies mobiles et les modifications approfondies des offres et des besoins en formation et en éducation. Puis, nous identifions les apports et les potentiels des technologies mobiles pour l'apprentissage et l'enseignement. Ensuite, nous passons en revue sur les définitions du concept de l'apprentissage mobile et nous identifions ses caractéristiques, ainsi que les fondements théoriques pédagogiques. Enfin, nous exposons les défis à soulever pour construire et déployer les environnements de support d'apprentissage.
Mots-clés : Apprentissage mobile, M-learning, enseignement, technologie mobile.
Introduction
Au cours des dernières années, divers appareils numériques mobiles ont envahi la vie quotidienne, comme par exemple l'ordinateur portable mais surtout le téléphone cellulaire, le baladeur numérique, l'ordinateur de poche ou assistant numérique personnel (« Personal Digital Assistant » ou PDA), etc. Avec eux se développe l'apprentissage mobile ou « Mobile-Learning », dit encore « M-learning », considéré par certains comme la voie de l'avenir pour l'éducation des jeunes générations d'élèves et d'étudiants. L'apprentissage mobile est nettement reconnu comme la quatrième génération de l'environnement d'apprentissage électronique (Salmon, 2004), où « la valeur de déployer des technologies mobiles au service de l'apprentissage et de l'enseignement semble être à la fois évidente et inévitable. » (Wagner, 2005).
Pour quoi l'apprentissage mobile ?
Selon Wagner (2005), l'essor actuel de l'apprentissage mobile peut être identifié par l'abondance des technologies mobiles et les exigences des apprenants en termes d'expériences d'apprentissage plus innovantes à tout temps et n'importe où.
L'utilisation de dispositifs mobiles a « explosé » au cours des dix dernières années. Selon ITU (The International Telecommunication Union, 2012), le nombre des abonnés à la téléphonie mobile a passé de 2,9 billion en 2006 à 6,5 billions (94,2 % de la population mondiale) jusqu'à mi-juillet 2012. De même, International Data Corporation (IDC) a publié en juillet 2012 que le pourcentage des téléphones intelligents vendus a augmenté d'un taux de 61,7 % entre 2011 et 2012 contre un accroissement de 11,1 % pour les autres types de dispositifs mobiles et une diminution de 0,1 % des nombres d'ordinateurs de bureau vendus pendant la même période. Ces chiffres donnent une bonne indication de la pénétration de la technologie mobile et montrent qu'au cours des dernières années, il y a eu une augmentation rapide de l'utilisation de dispositifs mobiles, tels que les ordinateurs portables, les téléphones mobiles, les assistants numériques personnels (PDA), les lecteurs de médias, systèmes de positionnement global (GPS) et d'autres. Ces dispositifs sont convergés d'une manière incessante à des instruments capables d'offrir les fonctionnalités de ces technologies combinées sous la forme d'un téléphone intelligent (Smartphone) ou même comme des ordinateurs de poche. Aujourd'hui, il est rare de voir des téléphones portables ou les PDA [1] synchronisées avec l'ordinateur personnel qui n'ont pas de lecteurs de multimédias, ou même sans GPS. D'autres instruments, par exemple, desservis principalement comme des lecteurs multimédia portables [2], ont la capacité de se connecter au réseau via le WiFi ou même accéder au système de positionnement global. Et chaque jour davantage les ordinateurs de poche équipés d'un système d'exploitation qui imite l'ordinateur personnel avec le traitement de texte, le tableur, le lecteur de diaporamas, de multimédias (musique, programme de la radio, vidéoclip, films en DVD), capable d'exécuter des programmes, par exemple, java ou flash, qui peut également se connecter sans fil et d'exécuter une version du navigateur web et accédez à un positionneur global. Tout cela, bien sûr accompagné d'une infrastructure que, en ajoutant à l'ordinateur existant, assure les protocoles informatiques nécessaires de communication, de sécurité et d'autres. Il est donc logique que nous nous accordons une attention particulière à ces technologies afin d'en tirer parti pour des activités éducatives. D'une part, tout ce qui est dit et fait avec les ordinateurs personnels serait maintenant (où nous l'espérons, dans un avenir proche) réalisables avec des ordinateurs de poche ou des autres dispositifs mobiles (Tablettes, Smartphones...). Des questions d'adaptations se posent alors, tels que celles liées à, ou causés par, l'ergonomie du matériel. Cette adaptation implique la notion de limites, principalement en raison de l'état actuel du développement des technologies mobiles, mais nous devons anticiper que d'autres vont être inhérentes et donc insurmontables. Maintenant, les ordinateurs de poche fournissent un élément important, de plus que PC, l'omniprésence « hérité » du téléphone cellulaire : la possibilité de les utiliser tout le temps, partout, c'est-à-dire, quand et où l'utilisateur décide (bien sûr, toujours avec une couverture d'un réseau de télécommunication). De toute évidence, à cet élément converge la miniaturisation, se produisant en parallèle, des ordinateurs personnels (Nyìri, 2003). D'autres éléments peuvent provenir des efforts d'adaptation, mais son originalité et l'importance pédagogique sont incertaines. D'autre part, la socialisation de technologies mobiles pointe à son inclusion nécessaire et urgente dans les activités pédagogiques (Peters, 2005). Selon Vàzquez et al. (2009), à partir des années 60, 70, 80, les ordinateurs personnels avec des fonctionnalités multimédia et de la communication sont considérés comme étant des « nouvelles » technologies. Les efforts se poursuivent pour résoudre le premier « fossé » numérique qui sépare les individus et les nations, relativement à l'accès, alors que dans la réalité et on est passé d'un deuxième « fossé », lorsque l'accès existe, mais pas de compétence pour l'utiliser, à un troisième « fossé » qui se distingue aux personnes qui créent des applications utilisant les technologies d'une manière intelligente, qui sont déjà transparentes (comme le téléphone pour ceux qui ont grandi avec la téléphonie moderne partout). Par conséquent, l'existence de ce « fossé » des générations explique la surprise de l'enseignant dont les élèves ne lisent pas leurs e-mails tout en permanence les messages envoyés par SMS [3] et vidéos prises et produits par eux et même un peu d'animation également faites en flash. Dans certains projets, les enseignants habiles en TIC [4] pensent même que leurs élèves souffrent d'un analphabétisme numérique. Et en parlant de ces mêmes élèves, c'est qu'ils croient que les e-mails et de la technologie (même du PC) c'est quelque chose du passé : la leur est la technologie mobile. Et si nous ne nous essayons pas instamment de les intégrer correctement, elle l'emportera : exigeant l'ubiquité, exigeant des messages multimédia, exigeant une communication avec des textes et dans un langage développé par SMS.
Par ailleurs, la mobilité des personnes est devenue un enjeu central de l'organisation des sociétés modernes. Le rapport au temps et à l'espace s'est profondément modifié avec l'évolution des systèmes techniques de transport et de télécommunication, toujours plus performants et rapides. En éducation, les offres et les besoins en formation sont profondément changés. Il existe aujourd'hui des divers ressources qui peuvent fournir des informations et des connaissances, comme par exemple : les réseaux sociaux, les blogs, les wiki, les jeux, etc. Les technologies mobiles nous offrent l'accès à ces ressources à tout moment et peuvent donc motiver l'utilisateur pour apprendre de manière implicite et/ou explicite. Notons également le besoin d'un apprentissage plus autonome, informel et interactif ou l'utilisateur peut contrôler son processus d'apprentissage et être responsable de ses expériences. Dans une approche socioconstructiviste, l'apprenant est appelé à construire ses connaissances, de façon individuelle et collective ; d'où le besoin du développement des communautés d'enseignants et d'apprenants où l'élève peut être soutenu par des communautés et peut être à son tour enseignant pour les autres. Enfin, nous remarquons que les apprenants sont de plus en plus hétérogènes. Ils peuvent donc avoir différents besoins, préférences, loisirs et venir de différentes régions ayant différentes cultures, langues, comportements, etc. Il est alors nécessaire de personnaliser et d'adapter l'apprentissage.
De nombreux travaux de recherche ont tenté de démontrer l'utilité et la faisabilité des environnements d'apprentissage mobile dans des divers domaines. Mais surtout, ils répondent à des besoins particuliers tant du point de vue des apprenants que des points de vue des enseignants. Dans le paragraphe suivant nous brassons les travaux effectuées en apprentissage en mettant l'accent sur les potentiels des technologies mobiles en enseignement et en éducation.
Potentiels des technologies mobiles en enseignement et en apprentissage
Les dispositifs mobiles offrent des possibilités éducatives que nous ne se pouvons pas avoir couramment avec d'autres outils d'apprentissage. Ils permettent notamment à l'enseignant et aux étudiants d'accéder au contenu n' importe où et en tout temps, et de vivre de nouvelles situations d'apprentissage dans des différents lieux et non seulement à l'école. Ce point de vue est soutenu par les technologies sans fil et l'omniprésence des dispositifs mobiles.
Milrad (2004) identifient quelques caractéristiques des technologies mobiles qui peuvent être bénéfiques pour l'éducation :
Portabilité : nous pouvons porter les appareils mobiles à n'importe quel endroit. Les applications mobiles et sans fil permettent un apprentissage omniprésent. Les limites de l'apprentissage en classe peuvent être prolongées aux limites des réseaux sans fil.
Interactivité sociale : Comme les technologies mobiles et sans fil permettent la communication entre les pairs, les étudiants auront un moyen pour interagir directement, échanger des données et collaborer face-à-face.
Individualité : la technologie fournit un échafaudage qui peut être adapté au cheminement individuel de l'étudiant durant sa recherche.
Sensibilité du contexte : Les systèmes digitaux fournissent la capacité d'un enregistrement automatique et d'une utilisation globale.
Connectivité : elle peut relier les dispositifs portables aux appareils de saisies données, à d'autres dispositifs, et à un réseau commun qui crée un environnement réel de partage.
Fusion des mondes numériques et physiques : le monde numérique et le monde physique peuvent être combinés dans des systèmes mobiles. Par exemple, les sondes saisissent l'information réelle et la représentent dans un format qui est utilisable dans le monde numérique.
Attewell et Savill-Smith (2003) pensent que les ordinateurs portables augmentent la motivation des étudiants et améliorent leurs compétences d'organisation ; ils encouragent un sens de la responsabilité, aident à soutenir l'apprentissage collaboratif et indépendant et agissent comme outils de référence ; ils permettent également de suivre la trace du progrès des étudiants et fournir l'évaluation.
Un autre avantage est le fait que ces technologies sont principalement destinées à un usage individuel. Et, dans de nombreuses situations scolaires, l'accès à un ordinateur personnel ou même un PC est partagée (ce qui est une contradiction dans les termes de l'adjectif « personnel ») et, malgré les avantages éducatifs portant sur le travail en équipe, à moins que l'activité soit très bien conçue, les résultats sont souvent décevants (Myers, Stiel, et Gargiulo, 1998 ; Stewart, Bederson et Druin, 1999), même dans des environnements d'apprentissage collaboratif CSCL [5] (Kreijns, Kirschner et Jochems, 2002). En revanche, les ordinateurs de poche ont un impact positif sur l'apprentissage collaboratif en facilitant la circulation des informations individuelles entre les membres de la classe (Luchini et al., 2002 ; Koole, 2009).
Cet intérêt pour l'application des technologies mobiles dans l'éducation a amené à parler d'un « apprentissage mobile », ou M-Learning. Dans le paragraphe suivant, nous tentons de définir ce concept.
Définition de l'apprentissage mobile ou M-learning [6]
Bien que le concept de l'apprentissage mobile est très récent, est généralement considérée comme le domaine qui traite la relation entre l'enseignement et l'apprentissage dans la portée des technologies mobiles. Selon (Winters, 2006), ce domaine peut être défini selon quatre points de vue différents :
Comme un prolongement du e-Learning ou apprentissage en ligne – e-Learning (Brown, 2003) : Provenant de l'apprentissage à distance, l'apprentissage en ligne n'est pas seulement la combinaison des contenus et des services fournis par la voie électronique (Waller et Wilson, 2001), mais l'éloignement (géographique et/ou temporelle) entre l'enseignant et l'apprenant (Paulsen et al., 2002) reliés par un réseau informatique ; l'apprentissage mobile serait donc une intersection de e-Learning avec les technologies mobiles (Chabra et Figueiredo, 2001 ; Milrad, 2004 ; Quinn, 2000 ; Trifonova et Ronchetti, 2004).
Comme un apprentissage effectué en utilisant des dispositifs mobiles. Cette définition techno-centrique, qui est la plus dominante dans la littérature, est considérée exacte mais inutile, car il ne cherche qu'à placer l'apprentissage mobile quelque part sur le spectre de portabilité de l'e-learning (Traxler, 2005).
Comme un apprentissage axé sur la mobilité de l'étudiant moderne (O'Malley et al., 2003 ; Sharples, 2006). En ce sens, Göth et Schwabe (2008) ont adopté la définition suivante : « mobile learning is learning of mobile actors. In contrast to other mobile activities (e.g., for pleasure or work), mobile learning activities are embedded in a didactic framework ». De leur part, Ryu et Parson (2009) considèrent l'activité en mobilité en admettant qu'il est moins utile de se concentrer sur les facteurs techniques, mais qu'il est nécessaire de comprendre la façon dont les activités d'apprentissage sont intégrées à la technologie.
Comme un complément à l'éducation formelle. il n'est pas clair que ce point de vue soit totalement correct ; des formes d'éducation à distance existent depuis plus de cent ans et cette perspective mène aux questions concernant la place de l'apprentissage mobile par rapport aux autres formes de l'éducation traditionnelle (Winters, 2006).
Nous remarquons ainsi que la définition du M-Learning a évolué dans le temps partant de la technologie pour aller vers l'apprenant. Il peut être défini comme un apprentissage à travers un contexte qui est focalisé sur l'apprenant et qui peut utiliser une technologie fixe ou portable. Nous retenons des trois premières perspectives pour une définition de l'apprentissage mobile, mais en ajoutant un facteur qui semble Winters l'a oublié : la familiarité et la préférence pour ces technologies. Ainsi, M-Learning serait un type de e-learning, a distance ou en face, qui utilise les technologies mobiles, et conçus pour répondre de manière appropriée à la mobilité des étudiants et des préférences modernes (Vazquez et al., 2011).
Fondements théoriques de l'apprentissage mobile
Selon Naismith et al. (2005), les développements actuels et futurs dans le domaine de M-Learning peuvent concerner principalement les théories béhavioristes, constructivistes, l'apprentissage situé, l'apprentissage collaboratif et l'apprentissage tout au long de la vie.
Dans le premier cas, l'usage des technologies mobiles est caractérisé par la présentation d'un stimulus (problème) suivie de la réponse (solution) de l'étudiant. La rétroaction du système fournit alors le soutien. Citons deux exemples : le premier est celui BBC Bitesize (2003-2004) qui fournit du matériel de révision via les téléphones mobiles au moyen d'un jeu téléchargeable et des messages texte SMS et le second est le projet « Classtalk », Dufresne et al. (1996) ont examiné l'utilisation d'un système de réponse en classe 10 (Télévoteurs ou « Clickers » [7]) qui donne à tous les élèves l'occasion d'exprimer leurs points de vue d'une façon anonyme – par exemple en physique à l'Université du Massachusetts (Dufresne, Gerace, Leonard, Mestre et Wenk, 1996).
Dans certaines approches constructivistes, on cherche que l'étudiant construit ses connaissances à partir de celles qui possèdent déjà et de nouvelles situations, que ce soit avec un changement conceptuel par des ruptures – par exemple avec un conflit cognitif (Posner, Strike, Hewson et Gertzog, 1982) – ou continue – par exemple par « échafaudage » (Lajoie, 2005 ;Wood, Bruner et Ross, 1976). Prenons comme exemple le jeu de virus développé par Colella (2000). Ce dernier décrit une simulation participative sur des dispositifs mobiles qui permet aux élèves d'examiner la propagation d'un virus et remettre en question les résultats de leurs camarades de classe. Chaque élève est invité à simuler et observer la propagation d'un virus dans une population, en se déplaçant en classe et en rencontrant les autres étudiants en face-à-face. Les principaux résultats de cette étude sont : 1) les élèves ont participé volontiers à la simulation, et ont estimé qu'il s'agissait d'une expérience enrichissante collaboré avec succès à répondre aux questions et stimulante ; et 2) la technologie a facilité les interactions entre les élèves et a renforcé les canaux habituels de la communication.
L'apprentissage situé suppose avoir des meilleurs résultats si le processus se déroule dans un contexte authentique, comme dans le cas de l'utilisation d'interfaces de saisie de données dans un laboratoire ou sur le terrain (Cortez et al., 2004 ; Skalsky et Cake, 2004). Citons comme exemple le projet Ambient Wood (Rogers et al., 2004). Il s'agit de mettre l'accent sur l'intégration des interactions physiques et numériques permettant aussi la juxtaposition les actions des élèves avec leur effets, ce qui les encourage à réfléchir et à penser au-delà de leurs actions, à des hauts niveaux d'abstraction. L'expérience a été conçue pour des élèves de 10-12 ans. Une série d'activités ont été conçues autour du thème de l'habitat, en mettant l'accent sur les plantes et les animaux dans les différentes forêts et de la relation entre eux. L'expérience s'est déroulée en 3 étapes : 1) exploration et découverte ; 2) réflexion, consolidation et hypothèses ; et 3) Expérimentation et hypothèses. L'analyse des résultats a montré qu'il est facile pour les élèves de comprendre le lien entre les lectures numériques et l'activité proposée. L'usage du dispositif mobile (PDA) a permis aux enfants de consolider les connaissances de leur activité sur le bois.
L'apprentissage collaboratif compte sur une littérature abondante (Dillenbourg, Baker, Blaye et O'Malley, 1996), dont une partie est consacrée au cas où il y a de soutien informatique, ou CSCL, même dans des cas distribués géographiquement (par exemple), (Henri et Lundgren-Cayrol, 2001 ; Vázquez-Abad, Chouinard, Rahm, Vézina et Roy, 2006 ; Vázquez-Abad, Brousseau, Waldegg, Vézina, Martinez et Verjovski, 2004). En fait, la collaboration peut conduire à des formes d'interaction conduisant à la stimulation de différents mécanismes de l'apprentissage : conflit socio-cognitif, la répartition des tâches cognitives, co-construction des savoirs, la régulation mutuelle, l'intériorisation des activités normatives, une compréhension partagée (Dillenbourg, 1999). Bien que plus récents et moins abondants, les travaux en MCSCL montrent que l'utilisation des technologies mobiles évite les obstacles à l'interaction sociale (par exemple, en étant plus facile de se déplacer dans la classe, l'ordinateur dans la main, afin de discuter avec des collègues), contribuant ainsi à la construction sociale de la connaissance (Zurita et Nussbaum, 2004 ; Droui et al., 2012). Enfin, il ne faut pas négliger le fait que l'utilisation des technologies mobiles augmente la motivation des élèves et développent leurs compétences organisationnelles (Attewell et Savill-Smith, 2003).
Dans l'apprentissage tout au long de la vie, il s'agit des activités qui soutiennent l'apprentissage en dehors d'un environnement d'apprentissage formel. L'apprentissage peut avoir lieu en dehors de la salle de classe et, par défaut, dans la vie quotidienne. De ce fait, les technologies mobiles présentent une opportunité pour soutenir ce type d'apprentissage (Droui, 2012). Notons également que les dispositifs mobiles peuvent être employés par les professeurs pour apporter l'assistance immédiate, passer en revue les notes obtenues par les étudiants, accéder aux données centrales de l'école, et contrôler leurs programmes plus efficacement. Au niveau universitaire, les dispositifs mobiles peuvent fournir le matériel de cours aux étudiants, y compris les dates de remise des tâches ou des travaux et les informations sur des changements d'horaire et des locaux.
Défis de l'apprentissage mobile
Depuis lors, les principaux obstacles du développement d'applications pédagogiques viennent de la technologie elle-même : problèmes d'écrans tactiles avec une sensibilité et capacité de stockage réduites, modalités de saisie contraignantes (stylets, claviers trop petits), processeurs relativement lents, systèmes d'exploitation et des programmes partielles en « version light », en plus les protocoles informatiques de communication encore en phase de développement. Il semble que l'importance de surmonter ces obstacles a fait que des efforts avancent davantage vers le coté technologique plutôt que vers le coté pédagogique (McLean, 2003).
En effet, il est difficile d'identifier une problématique propre à l'apprentissage mobile en tant qu'un champ d'étude et de pratique pédagogique. Mais à mesure que les utilisations de M-Learning progressent, leur pratique et l'étude de différents aspects se développent. Ainsi, Sharples (2006) a identifié trois phases correspondantes, d'abord, l'utilisation de systèmes d'intervention en classe, les livres électroniques et les applications « classiques » de l'ordinateur en classe, et en second position, la prise en compte de la mobilité à travers des études sur le terrain et des visites au musée dans lesquelles les dispositifs mobiles sont utilisés pour collecter et organiser les données et pour aider l'élève « nomade » et, enfin, à un stade où l'apprentissage se fait dans un contexte, souvent en situation de collaboration méditée, la cognition distribuée et la communication avec asynchrone ou simultanément dans une communauté d'apprentissage.
Le premier défi qui, selon nous, se dégage clairement est que l'apprentissage mobile se définit non seulement à travers l'usage des dispositifs mobiles mais aussi à travers des contextes spécifiques d'apprentissage. Sharples, Taylor et Vavoula (2005) avancent que les théories existantes de l'apprentissage ne sont pas suffisantes pour prendre l'apprentissage mobile en considération, car elles tendent à supposer que l'apprentissage se fait soit en classe, soit à la maison ; de plus même les théories existantes qui considèrent l'apprentissage en dehors de la classe, ne considèrent pas la mobilité des étudiants. Trois facettes de l'apprentissage mobile sont particulièrement significatives ; d'abord, des étudiants sont en mouvement puisqu'ils se déplacent physiquement ; deuxièmement, une vaste quantité d'apprentissage a lieu en dehors des situations d'apprentissage formel et troisièmement, la mise en évidence de la nature omniprésente de l'apprentissage.
La question du conflit entre l'apprentissage informel personnel et l'enseignement traditionnel en classe mérite une attention particulière. En effet, nous faisons face à deux systèmes physiquement séparés : l'un est le système de l'éducation à l'école ; l'autre système est réglé par le réseautage social. Il y a donc un besoin crucial de mener davantage de recherches pour établir la relation entre ces deux formes d'apprentissage formel et informel (Bomsdorf, 2005 ; Heimlich, 2005).
La conception des activités qui utilisent les dispositifs mobiles pour soutenir des pratiques éducatives innovatrices, devient un défi critique. Le rapport entre les théories d'apprentissage, la conception pédagogique et l'utilisation des technologies éducatives joue un rôle important pour l'adoption des technologies mobiles dans les milieux éducatifs. Nous croyons ainsi qu'il est nécessaire d'adopter une perspective intégratrice à l'apprentissage enrichi par la technologie où la pédagogie et la théorie de l'apprentissage sont les forces d'une formation plutôt que les technologies mobiles.
Selon Josie Taylor (2006), l'évaluation a besoin de répondre aux défis de l'apprentissage mobile, et l'accent doit être mis sur l'analyse de l'activité (quelle qu'en soit la perspective théorique). Le fait que les apprenants soient de plus en plus indépendants signifie que les évaluateurs doivent faire preuve de plus d'adaptabilité et de réactivité. Cependant, il est également possible pour les évaluateurs eux-mêmes de tirer profit de la mobilité dans la collecte de données sur le terrain, ainsi que, si possible, grâce à l'instrumentation des dispositifs. En se sens, des questions se posent : comment peut-on introduire des manières de s'engager dans l'apprentissage avec de nouveaux artefacts ? Et comment peut-on évaluer l'efficacité technique ou pédagogique d'un dispositif mobile ?... Une autre question, qui nécessite plus de recherches, est celle de la mesure efficace de l'apprentissage dans les environnements mobiles et quelles sont les méthodes appropriées pour cette évaluation.
L'intégration des connaissances est vue comme un défi pour les environnements d'apprentissage orchestrés par les dispositifs mobiles pour les deux formes d'apprentissage formel et informel. Selon Ulrich (2006), trois types d'intégration sont distingués : d'abord l'intégration de médias, en termes de circulation de l'information et de conservation des résultats au travers différents médias utilisés dans l'apprentissage ; puis l'intégration des processus pour la facilitation et le soutien technique du processus d'apprentissage des apprenants impliqués dans des différents rôles ; et enfin l'intégration des connaissances, dans le sens d'une structuration plus large, une systématisation et une « défragmentation » de la connaissance.
Selon Sharples (2003), la tendance principale des curricula actuels est d'engager les étudiants dans une perspective où les problèmes de la science moderne sont considérés comme un communiqué au public. La science telle qu'on en parle dans les médias et la science vue sous l'angle des visites des musées présentent des exemples de communication scientifique vulgarisée. En ce sens, notons le besoin des travaux de recherche qui explorent les technologies mobiles utilisées comme moyen de communication scientifique.
Par ailleurs, la collaboration et la discussion peuvent soutenir les étudiants dans leur apprentissage. En effet, la plupart des éducateurs contemporains de la science soulignent l'efficacité de la collaboration de dialogue dans l'apprentissage. Les dispositifs mobiles offrent la possibilité d'un environnement mobile naturel de collaboration avec des interactions face-à-face. De plus, chaque étudiant, en ayant son propre dispositif, a le contrôle physique du matériel (à la différence des étudiants qui attendent leur tour sur un même PC) ; ce qui contribue à une synchronisation des tâches et fournit l'interactivité nécessaire aux apprentissages (Zurita et Nussbaum, 2004).
Conclusion
Dans cet article, nous avons défini l'apprentissage mobile comme un apprentissage à travers un contexte qui est centré sur l'apprenant et qui peut utiliser une technologie fixe ou mobile. Nous avons essayé de définir l'apprentissage mobile et d'identifier ses caractéristiques et de présenter les apports et les limites de l'utilisation des technologies mobiles pour l'enseignement et pour l'apprentissage. Winters met l'accent sur la mobilité du point de vue de l'apprenant pour définir l'apprentissage mobile, dans le sens où la mobilité se focalise sur les activités, les connaissances, etc. de l'apprenant. Ryu et Parson (2009) considèrent l'activité en mobilité en admettant qu'il est moins utile de se concentrer sur les facteurs techniques, mais qu'il est nécessaire de comprendre la façon dont les activités d'apprentissage sont intégrées à la technologie. Notons également des nombreux avantages de l'utilisation de ces dispositifs. Citons par exemple l'accès à l'information ou aux connaissances n'importe où et n'importe quand. La technologie peut ainsi fournir un moyen pour réaliser des activités d'apprentissage difficile avant et au travers des différentes caractéristiques suivantes :
- favoriser les technologies mobiles dans des contextes précis pour permettre de réaliser des activités d'apprentissage ;
- permettre la transition et le suivi des activités d'apprentissage d'un contexte à un autre dans un environnement mobile ;
- favoriser les interactions sociales et collaboration ;
- intégrer l'apprentissage formel et informel ;
- soutenir l'apprentissage mobile vu comme une partie d'un processus d'apprentissage complet de l'apprenant qui intègre les technologies déjà utilisées et/ou développées.
La mobilité et la portabilité nous offrent des nouvelles opportunités pour planifier des activités beaucoup plus efficaces ; en effet, elles permettent un apprentissage omniprésent, une interaction sociale en face-à-face. Les étudiants auront un moyen pour interagir directement, échanger des données et collaborer en face-à-face. En revanche, nous avons identifié quelques limites de l'usage de ces technologies comme par exemple, la taille de l'écran, la limite de la mémoire, la connexion et les coûts. Nous avons passé en revue les différentes théories pédagogiques qui sont utilisées comme des supports à des activités d'apprentissage avec des dispositifs mobiles. Les dispositifs mobiles ont le potentiel pour devenir des plates-formes d'accès à l'information. En conséquence, ces appareils mobiles offrent des possibilités pour renforcer les activités d'apprentissage en y embarquant des informations et des aides à la communication. Ils créent non seulement de nouvelles formes de connaissances et de nouveaux moyens d'accès, mais également de nouvelles formes d'art et de loisir (Traxler, 2007). Ainsi, Jones et al. (2006) ont également proposé six raisons pour l'utilisation des dispositifs mobiles pour un apprentissage mobile et informel : une motivation augmentée, un fort sentiment de contrôle et de propriété, une communication favorisée, un apprentissage plus naturel, multiplicité des ressources et des informations dans un contexte et enfin la portabilité.
Enfin, Nous avons ensuite identifié quelques défis, aux niveaux technologiques et pédagogiques. Plusieurs questions de recherche se posent maintenant pour définir des activités pédagogiques qui favorisent l'apprentissage en tenant compte des nouvelles possibilités offertes par les technologies mobiles. Notons par exemple, l'intégration des connaissances est vue comme un défi pour un environnement d'apprentissage orchestré par les dispositifs mobiles.
En tout état de phase correspondant à une application, il est clair que la conception et le design constituent l'objectif principal de tout programme de recherche, le développement et l'application de M-Learning. La conception d'activités (similaire au plan de leçon ou même le « protocole » d'un laboratoire), les plates-formes de médiation et les études ergonomiques sont des exemples de domaines où vous trouverez de nombreuses réponses qui permettent de progresser dans le champ. Nous estimons que l'utilisation des technologies mobiles pour l'apprentissage, en particulier des sciences, peut fournir des éléments importants dont l'impact devrait être étudiée :
Les possibilités de rétroaction, de révision et de réflexion.
Les occasions de construire des communautés d'apprentissage local et global.
Les possibilités d'accroître la communication sur la science.
Des opportunités pour permettre la collaboration dans des activités pratiques ou des travaux sur le terrain.
Mohamed Droui1, 2, 3, 4,
Abdelkrim El Hajjami1, 2,
Khalid Ahaji1, 2, 5
1. Laboratoire « Technologies de l'Information et de la Communication pour la Formation en Sciences », École Normale Supérieure-Fès, Maroc.
2. Laboratoire Interdisciplinaire de Recherches en Didactique des Sciences et Techniques (LIRDIST). Faculté des sciences Dhar El Mahraz- Fès, Maroc.
3. LaREF-EST, Université Mohammed Premier – Oujda, Maroc.
4. Université de Montréal / Canada et Mati-Montréal /Canada.
5. Centre d'orientation et de planification de l'éducation - Rabat, Maroc.
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NOTES
[1] L'acronyme PDA est utilisé pour désigner l'assistant numérique personnalisé ou l'ordinateur de poche (Pocket PC en anglais) puis ils possèdent les mêmes fonctionnalités (calendrier, liste de contacts, bloc-notes et système de reconnaissance d'écriture.
[2] Digital audio player (en anglais), MP3 player, iPod, etc.
[3] On désigne par SMS (short message service) un service proposé conjointement à la téléphonie mobile permettant de transmettre des messages écrits de petite taille.
[4] TIC signifie technologie de l'information et de la communication.
[5] CSCL est l'abréviation en anglais du Computer-supported collaborative Learning.
[6] Apprentissage mobile ou Apprentissage nomade en anglais Mobile learning ou M-Learning.
[7] Classroom Response Systems ou « clickers » (en anglais).
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Association EPI
Avril 2013
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